Page précédente Table des matières Page suivante


1. INTRODUCTION ET GÉNÉRALITÉS


Les Hébrides et la côte occidentale de l'Écosse sont peuplées en grande partie par les descendants des populations gauloises et celtes d'il y a 2000 ans qui furent repoussées sur les franges occidentales de l'Europe par l'Empire romain. Elles s'installèrent finalement le long de la côte atlantique, en Bretagne, en Cornouailles, au Pays de Galles, en Irlande et en Écosse où elles ont, à des degrés divers préservé leur langue jusqu'à ce jour.

La région côtière de l'Écosse gaélophone s'étend de Mull of Kintyre au sud, jusqu'à Cape Wrath au nord et comprend la plupart des îles appelées Hébrides intérieures et extérieures. A l'ouest de ce littoral et de ses îles, les vastes zones maritimes VIa et VIb selon le code qui leur a été attribué par le CIEM, s'étendent dans l'océan Atlantique. Les zones maritimes englobent les rochers et les îles isolées et maintenant inhabitées de Rockall, St. Kilda et Flannan. On estime à plus de 1 million de tonnes les captures annuelles de poisson effectuées au total par les hommes et par les animaux.

Celtes ou gaéliques formaient avant tout une population d'agriculteurs qui vivait initialement de la chasse et de la cueillette, de l'élevage du bétail et par la suite également de la culture de céréales comme l'avoine, l'orge et le seigle. Il y a quelques siècles encore le poisson et la pêche présentaient pour eux une importance et un intérêt mineurs. Leur sécurité alimentaire repose principalement sur la culture de terres exposées au voisinage de la mer, ainsi qu'au climat froid et humide et sur l'élaboration d'un mode de vie aux besoins duquel ils pouvaient subvenir grâce aux apports d'une terre pourvoyeuse de nourriture, de viande, de combustible (tourbe) et de matériaux de construction pour leurs maisons de pierre au toit herbu et à charpente rudimentaire.[4]

Au XIXe siècle, les gens furent chassés des terres et se réinstallèrent le long de la côte sur de petites bandes de terrain inadaptées à l'agriculture ou à l'élevage. Les expulsions, désignées actuellement par l'expression «the Clearances» (en quelque sorte «le Grand Nettoyage»), ont été effectuées au nom du progrès économique pour permettre aux propriétaires de tirer des profits plus importants de leurs domaines. La mer devint alors la réserve nourricière de la population et sa principale source de revenus au cours des 200 années suivantes.[5]

Contingentées par l'absence de capitaux, leurs méthodes de pêche étaient souvent tributaires des caractéristiques culturelles et religieuses de leur mode de vie. Pour les gens de l'extérieur, cette situation incombait avant tout à une absence d'esprit d'entreprise et au faible développement des flottilles de pêche locales. Toutefois, cette situation garantissait un impact léger sur l'environnement marin et aurait assuré la durabilité des pêches à long terme. Les eaux côtières formaient un ensemble composite de lochs, de bras de mer, d'estuaires et de détroits ou «Minches») qui regorgeaient de harengs, de maquereaux, de saumons, de morue, d'aiglefins, de merlus, de crevettes, de crabes et de homards.

La flottille de pêche s'est développée sur le modèle écossais des embarcations familiales relativement petites, exploitées suivant un système équitable de répartition, comportant pour les capitaines et les hommes de pont une répartition égale du montant alloué à l'équipage, soit 50 pour cent du produit des ventes des captures déduction faite des dépenses d'exploitation. Les dispositions en vigueur assuraient dans chaque communauté une distribution des avantages financiers tirés de la pêche.

Les ressources halieutiques ont été exposées à une pression grandissante de la part des flottilles venues de l'extérieur, tout au long du XXe siècle. En 1980, les ressources des eaux côtières étaient limitées aux crustacés et aux coquillages. Simultanément, un nouveau système de gestion introduit pour réduire l'effort de pêche excessif, a été appliqué ensuite aux petites flottilles de pêche locales avec une rigueur identique et des répercussions sociales, sans doute involontaires mais préjudiciables.[6]

Suite à l'introduction de licences et de contingents dans le cadre de la Politique commune de la pêche de l'Union européenne vers la fin des années 1970 et au début des années 1980, les documents correspondants ont commencé à prendre une certaine valeur et devinrent des produits négociables, avec l'approbation tacite du gouvernement et de la Communauté Européenne. Au milieu des années 1990, le commerce ainsi apparu avait concrètement pour effet de faire disparaître l'accès aux pêches à partir des ports et des communautés de pêche à petite échelle, et de le concentrer entre les mains de riches sociétés industrielles. Le coût des licences et des contingents est actuellement nettement supérieur à celui d'un bateau de pêche et de tout son matériel. Les pêcheurs et les communautés de pêche des Hébrides et de la côte occidentale perdent progressivement leur modeste part de la ressource halieutique locale, en conséquence directe de l'échange de leurs droits.

Cette étude de cas s'efforce de décrire les tentatives de la population celte gaélophone et des autres habitants de la côte occidentale pour préserver leurs disponibilités alimentaires de poisson et protéger les moyens d'existence et le tissu économique des communautés côtières face au processus d'épuisement des ressources et aux répercussions préjudiciables des mesures de gestion. Les attitudes culturelles et les méthodes de récolte du poisson que certains tenants du monétarisme sont susceptibles de juger périmées et inefficaces, recèlent peut-être la clé de l'avenir des pêches et de l'économie de la région.


[4] John Macleod, Highlanders, a history of the Gaels, Hodder & Stoughton, 1996.
[5] John Prebble, The Highland Clearances, Penguin, 1969
[6] James Miller, Saving the Fish, dans Salt in the Blood, Scotland’s Fishing Communities Past and Present, Canongate Books, 1999.

Page précédente Début de page Page suivante