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2. LA RÉGION DES HÉBRIDES ET DES WEST HIGHLANDS


2.1 Topographie et climat de la zone étudiée

La présente étude s'intéresse aux communautés de pêche côtière des Hébrides et de la côte occidentale de l'Écosse, jusqu'à Mull of Kintyre y compris la côte orientale jusqu'à l'entrée du Loch Fyne. Cette région regroupe plus de 90 pour cent des gaélophones d'Écosse, en dépit des brassages considérables de population. Les îles comprennent les Hébrides intérieures et extérieures, les îles Skye, Lewis, Harris, Uist, Benbecula et Barra, ainsi que des îles plus petites. Les îles méridionales sont également prises en compte parmi lesquelles les plus importantes sont celles de Mull, Jura et Islay. La côte occidentale terrestre commence normalement au cap Wrath, mais la zone considérée dans la présente étude commence à partir de Strathy Point à l'est du Cap Wrath, ce qui ajoute quelques petits villages de pêcheurs d'origine celte. Il s'agit par ailleurs du point oriental du district de pêche de Kinlochbervie considéré à des fins statistiques.[7]

La zone étudiée occupe une superficie inférieure (moins de la moitié) à celle de la région administrative des Highlands et des îles. Cette superficie atteint au total 1,6 million d'hectares soit 16 000 km2, ou un peu plus du cinquième de la superficie terrestre de l'Écosse, ce qui correspond à la région couverte par l'enquête de Fraser Darling consacrée à la Haute Écosse occidentale, et réalisée en 1955.[8]

La zone maritime exploitée par les flottilles de pêche locales comprend deux parties occupant chacune environ 6 000 milles carrés ou 15 500 km2. La partie intérieure se compose des détroits nord et sud, ainsi que des estuaires, des lochs et des bras de mer jusqu'à Mull of Kintyre. La partie extérieure correspond à la bande de 25 milles longeant la ligne reliant les promontoires de Butt of Lewis, Cape Wrath, West Lewis, West Uist, Mingulay, South West Islay et Mull of Kintyre. Globalement, les zones maritimes intérieures et extérieures s'étendent sur quelque 12 000 milles carrés, soit 31 000 km2, qui représente moins de 4,0 pour cent du domaine atlantique commun de l'Union européenne et seulement 19 pour cent de la zone VIa du CIEM, la zone statistique voisine en ce qui concerne les contingents de pêche et les captures totales admissibles.

Le climat de la région étudiée est humide et venteux, semblable à celui de l'ouest de l'Irlande d'où partit la tribu celte originale des Scots pour s'établir initialement en Écosse. L'océan Atlantique et le Gulf Stream protègent la région des froids intenses l'hiver et peuvent apporter un temps doux l'été, ponctué d'épisodes imprévisibles de pluie et de vent.

La région présente un paysage désolé décrit par le naturaliste Fraser Darling[9]. La terre est pauvre et exige l'utilisation d'engrais. Le départ forcé de la population de l'intérieur des terres a mis un terme à des siècles de cultures salutaires et contribué à la désertification actuelle. Le couvert forestier, jadis largement étendu à l'époque de la forêt de Caledon, est maintenant négligeable suite au pillage de cette ressource dont l'homme s'est rendu responsable au fil des siècles. Les dommages infligés aux sols par l'élimination de la forêt ont été considérablement aggravés par l'introduction de quantités énormes de moutons vers la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Il a fallu réduire considérablement l'effectif des troupeaux au bout des 50 premières années, mais l'introduction de chevreuils vers la fin du XIXe siècle a eu pour effet d'aggraver les problèmes écologiques.

2.2 Population et évolution démographique:

La région des Highlands et des Iles avait une population estimée à 337 000 personnes en 1750 et 472 000 en 1841[10]; au début du siècle elle est tombée à moins de 400 000 et en 1997 elle se réduisait à 364 000 personnes ou plus selon les limites administratives considérées. L'Écosse proprement dite a connu un solde migratoire déficitaire au cours du XXe siècle, mais la perte de population a été proportionnellement plus importante dans les Highlands et les Iles. La zone étudiée reste la plus vulnérable du pays en ce qui concerne la perte de population. Ainsi, la population des Iles occidentales a diminué de 40 pour cent au cours du siècle, passant de 46 172 à 28 880. Les projections établies prévoient la poursuite de cette tendance.[11]

Au XIXe, l'émigration a été due aux conséquences de l'épisode des Clearances et plus directement à la famine, en particulier à celle qui sévit au milieu des années 1840. Par la suite, l'émigration a été le résultat de l'absence de possibilités économiques au pays; les plus jeunes et les plus ambitieux sont partis, tandis que ceux qui restaient étaient plus âgés, moins productifs et moins entreprenants. Les taux de natalité ont également diminué.

La zone étudiée est pratiquement la même que dans l'enquête consacrée aux West Highlands; d'après Fraser Darling sa population était de 200 955 en 1831 et de 127 081 en 1931[12]; en 1951, elle était tombée à 119 071. A l'heure actuelle, on estime que la région abrite seulement 76 000 personnes, effectif en recul de 36 pour cent par rapport à 1951. L'effectif estimé de 76 000 personnes se compose approximativement de 28 500 personnes dans les Iles occidentales, de 23 500 sur la côte occidentale des Highlands et de Skye et de 24 000 sur la côte occidentale d'Argyll et dans les îles correspondantes.[13] La population est répartie de façon à peu près identique en citadins (petites villes), en résidents de communautés agricoles et en habitants de villages et d'exploitations rurales. A l'intérieur de la zone étudiée, les principales agglomérations sont Stornoway, Mallaig, Fort William, Oban et Campbeltown. Outre ces petites villes on compte environ quelque 80 villages et quelques centaines de hameaux de clachans ou groupes de maisons. Les fermes tendent à être plus dispersées au voisinage du littoral.

Un peu plus de la moitié des 76 000 habitants sont considérés comme économiquement actifs et environ un tiers (26 000) occupent des emplois.[14] Le secteur des pêches et ses activités annexes et de service comptent parmi les principaux employeurs de la région. Si l'on inclut la pisciculture, la transformation du poisson, et les industries de service, près de 5000 personnes en sont directement ou indirectement tributaires pour leur travail et leur revenu, soit environ 20 pour cent de la population active. Du fait que la région est d'ores et déjà particulièrement vulnérable à l'émigration et confrontée à différentes difficultés économiques, elle ne peut se permettre de perdre son industrie de la pêche.

D'autre part et comme l'étude le fait apparaître, moyennant une gestion participative appropriée et une répartition équitable de la ressource halieutique côtière, le nombre d'emplois offerts par le secteur des pêches dans la région pourrait être doublé. Une telle évolution aurait un réel impact sur l'économie locale et inciterait sans doute effectivement les gens à ne pas quitter la région. Pour reprendre les termes d'un rapport récent: «il faut considérer les avantages offerts par l'industrie de la pêche dans le contexte de la situation économique et sociale de la région qui figure parmi les zones rurales périphériques les plus isolées de la communauté européenne. (Ces différents facteurs)... joints à la pauvreté des sols et à la rigueur du relief et du climat constituent des handicaps pour un vaste éventail d'activités économiques».[15]

2.3 Infrastructure, communications et économie

La région est bien desservie par des routes revêtues de catégories A et B (à deux voies dans les deux sens), bien que les routes d'accès à Mallaig et à certains petits villages de pêche ne soient qu'à une voie. Il existe des voies ferrées vers Mallaig par Fort William et Oban et Kyle of Lochalsh à partir d'Inverness. Les traversiers maritimes circulent sur les voies de navigation vers les îles, reliant Tarbet, Oban, Tobermory, Mallaig, Uig et Ullapool. Il existe de petits aéroports à Stornoway, Benbecula et Campbeltown sur Mull of Kintyre. A Barra, une ligne aérienne régulière utilise la plage comme piste d'atterrissage. Or, les avions utilisés sont progressivement déclassés en raison de leur ancienneté et la compagnie aérienne affirme qu'il n'est plus possible de se procurer des avions permettant d'atterrir sur une plage. Par conséquent, Barra risque de perdre bientôt sa liaison aérienne. (Note: Au Canada, des dessertes aériennes régulières atterrissent sur la plage et sur l'eau; tel est également le cas en Afrique et dans le Pacifique sur des terres désertiques, des plages ou des pistes de sable défrichées dans la brousse).

Un pont reliant l'île de Skye à partir de Kyle sur la terre ferme a remplacé le traversier. Or, à la surprise des insulaires le péage du pont a été aligné sur le tarif de l'ancien traversier. Une série de protestations et d'actes de désobéissance civile ont suivi l'application de ces tarifs de péage élevés et la question est toujours en litige. Aucun autre pont à péage en Angleterre ne fait l'objet d'un tarif aussi élevé.

Hormis les pêches et la pisciculture, les autres activités d'importance sont le tourisme, l'agriculture à petite échelle, l'élevage du mouton et du chevreuil, la distillation du whisky, la production et le tissage du tweed et les industries de service. Or, la production de tweed Harris connaît un déclin; cette industrie qui employait 1 300 personnes il y a trente ans, en emploie à présent moins de 350.

La région souffre des coûts élevés auxquels on peut s'attendre compte tenu de son isolement. Le coût des fruits et des légumes est en effet 30 pour cent plus élevé par comparaison à la côte est. Le carburant est de 10 à 24 pour cent plus cher selon l'endroit. Par ailleurs, les revenus moyens sont inférieurs à ceux de la côte est et de la région centrale dans une proportion de 10 à 20 pour cent. Les communautés insulaires sont durement touchées par les coûts de transport. Le coût du transport aérien est en effet deux fois et demi plus élevé, puisqu'un billet Stronoway-Glasgow coûte 1,48 £ (2,4 dollars EU) par mile contre 0,56 £ (0,90 dollars EU) par mile, sur le trajet Glasgow-Londres; le coût du transport maritime rend l'orge et la betterave (aliments pour bovin) deux fois plus chers que sur la terre ferme et par ailleurs, le coût du foin est multiplié par trois.[16]


[7] Département de l’Agriculture et des pêches d’Écosse. Fishery Districts dans Sea Fisheries Statistical Tables, 1980-1997.
[8] F. Fraser Darling, West Highland Survey, An Essay in Human Ecology, Oxford University Press, 1955
[9] F. Fraser Darling, J. Morton Boyd, Natural History in the Highland History and Culture, Collins, 1965, (publié également sous le titre) The Highlands and Islands, Fontana, 1969
[10] Caroline Bingham, Beyond the Highland Line, Highland history and Culture, Constable, Londres, 1991.
[11] Western Isles Enterprise, Statistics for Conference: Economy in Crisis, Avril 1998.
[12] F. Fraser Darling, West Highland Survey, An Essay in Human Ecology, Oxford University Press, 1955.
[13] Données du Conseil des îles occidentales des Highlands et de W. Argyll & Is.
[14] Ibidem
[15] Integrated Management Ltd., The future Management of the Fish Stocks in the seas Surrounding the Highlands and Islands, Social and economic Background, rapport HIE, 1991
[16] Données du Western Isles and Islands Council

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