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4 Cadre juridique pour la conception et la gestion des contrats

Thèmes traités dans le présent chapitre:

• Le chapitre fait la synthèse des systèmes juridiques et des composantes qui influent sur la foresterie ainsi que sur la conception et la gestion des contrats forestiers.

• Six composantes du système juridique sont étudiées: les organes législatifs, l’exécutif (président ou premier ministre et cabinet des ministres), les ministères ou départements, les organes d’exécution, le système judiciaire et les instruments juridiques (statuts, décrets, règlements, etc.).

• La hiérarchie des instruments juridiques par rapport à l’administration des forêts et à la conception des contrats forestiers est examinée. Ces instruments juridiques comprennent: le droit et les accords internationaux (traités, conventions, accordsinternationaux et régionaux); la constitution nationale, le droit législatif, le droit criminel, le droit en matière de contrats, le droit en matière d’investissements, les lois sur les forêts, le droit de l’environnement, les décrets présidentiels et ministériels, les règlements sur les forêts, les politiques et procédures, les contrats et les accords relatifs à l’aménagement ainsi que les politiques et procédures d’exécution.

• L’importance du suivi et de l’exécution, y compris le suivi et l’inspection «sur le terrain» pour garantir le respect des contrats est soulignée.

4.1 Introduction

Le succès de la conception et de l'emploi des contrats d'utilisation des ressources et des contrats d'acquisition de biens et services dépend de l'existence d'une politique forestière cohérente et d'un système juridique efficace, y compris des lois et règlements qui définissent clairement les responsabilités et le pouvoir des organismes gouvernementaux. On examine dans le présent chapitre le rôle de ces instruments juridiques dans l'aménagement et l'administration des terres forestières publiques, notamment la conception et l'utilisation à la fois des contrats d'utilisation des ressources et des contrats d'acquisition de biens et services. Le chapitre commence par un examen des systèmes juridiques. Vient ensuite une analyse des diverses composantes du système juridique et du rôle des gouvernements dans la promulgation, l'application, l'exécution et la révision des statuts, lois, règlements et autres instruments juridiques.

4.2 Systèmes juridiques

Dans la majorité des pays, les systèmes juridiques comportent six composantes qui doivent fonctionner ensemble pour la mise en œuvre réussie de la politique publique. Ces six composantes sont les suivantes:

• Organes législatifs, comités et sous-comités législatifs.

• L’exécutif: le président ou le premier ministre, le cabinet et les ministres.

• Les ministères, départements et autres organ juridiques, les règlements et les procédures administratives.

• Les organes d’exécution.

• Le système judiciaire et les tribunaux.

• Les instruments juridiques eux-mêmes; les lois, les règlements administratifs locaux, les décrets présidentiels et ministériels, lesrèglements et les procédures administratives pour leur application.

Les organes législatifs sont composés de représentants élus ou nommés aux niveaux fédéral, des Etats, ou provincial et local. Ces organes législatifs proposent, examinent et élaborent des lois liées à un large éventail de questions de politique publique comprenant des lois qui définissent les responsabilités et le pouvoir des organismes gouvernementaux concernant la rédaction, la négociation, la signature, la supervision et l'exécution des contrats. Ces lois peuvent résulter d'un processus formel d'élaboration de politique, tel que celui décrit dans le chapitre précédent, ou peuvent provenir directement du programme politique du cabinet, des ministres, des ministères, d'un législateur, ou de groupes d'intérêts particuliers.

L'exécutif comprenant le président, ou le premier ministre, le cabinet, et les ministres des ministères ou départements, commence souvent à formuler des lois qui seront débattues, votées et promulguées par le législatif. L'exécutif peut aussi légiférer directement par décrets présidentiels ou ministériels.

Les ministères, départements et autres organismes gouvernementaux peuvent commencer à élaborer des lois en suivant le processus décrit au chapitre précédent. Parfois, ils doivent omettre ce processus parce qu'il est urgent d'agir.

Ce sont normalement les ministères, les départements ou les organismes gouvernementaux qui sont chargés de rédiger des règlements pour les lois adoptées par les organes législatifs, ainsi que les décrets présidentiels et ministériels. Ces règlements ont habituellement force d'exécution.

Les procédures d'exécution et les organes qui en sont chargés varient largement d'un pays à l'autre et peuvent englober une vaste gamme d'organisations et de personnel selon le type de loi et des peines pour non-respect. L'exécution peut être menée par le personnel des organismes administratifs environnementaux (par exemple, le service forestier, le département ou la direction des forêts), les inspecteurs des forêts, les fonctionnaires chargés des ressources, les fonctionnaires chargés de la protection de l'environnement, la police, l'armée ou des sociétés privées sous contrat avec le gouvernement. Ils peuvent entreprendre diverses activités et/ou encourager le respect des contrats, appréhender ou sanctionner les contrevenants, collaborer avec les tribunaux dans les poursuites. Les procédures d'exécution sont examinées en détail au Chapitre 10, y compris les problèmes de respect des contrats et la sous-traitance des services d'exécution.

Le système judiciaire comprend des fonctionnaires des tribunaux désignés tels que juges, avocats du gouvernement, clercs, huissiers, jurés et personnel associé participant à la poursuite d'accusés et à l'émission de sentences pour les coupables au pénal ou au règlement des dommages au civil.

Les tribunaux jouent deux rôles importants. Premièrement, ils décident de la constitutionnalité des nouvelles lois, faisant fonction de contrôleur des organes législatifs. Ce rôle constitutionnel influence indirectement la conception et l'application des contrats en défi- nissant les responsabilités des gouvernements et leur pouvoir d'octroyer des contrats. Deuxièmement, les tribunaux interprètent les lois et règlements par l'audition de causes spéci- fiques et, par leurs décisions, ils établissent des précédents qui définissent les limites d'applicabilité des lois et règlements. Ils définissent également le niveau de dissuasion et les sanctions au moyen d'amendes, de peines de prison et d'autres condamnations. Le second rôle a un effet plus direct sur la conception et l'utilisation des contrats en établissant l'efficacité des dispositions concernant les peines comme moyen de dissuader de porter atteinte aux contrats.

L'efficacité du système juridique sera fonction de chacune de ces composantes qui doivent fonctionner efficacement et de manière coordonnée. En rédigeant des lois, règlements, contrats et autres instruments juridiques, les organes législatifs et les organismes gouvernementaux doivent être conscients des procédures de suivi et d'exécution requises, des conditions pour poursuivre de manière satisfaisante les contrevenants et des peines nécessaires pour favoriser le respect des contrats. Les organes d'exécution doivent comprendre l'intention des lois, règlements et autres instruments et le comportement qu'ils doivent susciter. Ils devront également avoir les compétences et connaissances requises pour l'exécution et, si nécessaire, pour faire aboutir la poursuite (voir Chapitre 10). De même, les tribunaux doivent comprendre que les lois visent à obtenir des jugements satisfaisants, à établir des amendes et autres peines, et à faire en sorte que les poursuites judiciaires aient un effet dissuasif. Enfin, les lois et règlements eux-mêmes doivent être sans équivoque, complets et clairs s'ils veulent encourager l'exécution et le respect des contrats.

4.3 Cadre juridique

Les divers instruments juridiques qui s'appliquent à la foresterie et à la conservation sont classés en six niveaux et examinés tour à tour, illustrés par des exemples. On étudie les conséquences de chacun pour la conception des accords contractuels, les contrats d'utilisation des ressources et les contrats d'acquisition.

4.3.1 Lois, traités, conventions et autres accords internationaux

Les activités des pays sont jusqu'à un certain point limitées par le droit international, par des organismes internationaux tels que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et par des accords internationaux et régionaux conclus entre pays et qui fonctionnent comme des lois. L'OMC, qui a succédé à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), est le fondement juridique et institutionnel du système commercial multilatéral entre pays. Elle réglemente les relations commerciales internationales entre pays, et influence et limite les politiques nationales en matière d'investissement et les politiques commerciales intérieures.

Les pays signataires de la Convention sur la diversité biologique établie en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio, se sont engagés à protéger la diversité biologique dans leur zone de compétence. En vertu de cet accord, de nombreux pays élaborent des stratégies, plans et programmes nationaux pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique. D'autres exemples d'accords internationaux comprennent l'Accord international sur les bois tropicaux et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). En vertu de la CITES, par exemple, des pays ont dû élaborer des politiques pour contrôler et gérer l'exploitation des acajous. Des exemples d'accords régionaux entre pays comprennent le traité en vue de la coopération amazonienne, l'accord de l'ANASE sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, et la convention sur la conservation de la nature dans le Pacifique Sud.

4.3.2 La constitution nationale

La constitution est le niveau le plus élevé et le plus officiel du système juridique d'un pays. Elle définit le rôle des différents échelons du gouvernement et leurs pouvoirs; gouvernements central, régional et local, les rapports entre eux et attribue des responsabilités à chaque échelon. En outre, elle établit et énumère les pouvoirs spécifiques du législatif, de l'exécutif, du cabinet et du judiciaire.

La constitution fixe les bases des politiques qui influent directement ou indirectement sur l'aménagement et l'utilisation des forêts sur domaine public. En Indonésie, Pancasila, les cinq principes philosophiques de la Constitution de 1945, oriente la politique gouvernementale et constitue le fondement de chaque plan quinquennal de développement national. Dans de nombreux pays, la constitution définit la propriété et le pouvoir législatif sur les ressources naturelles et influe donc directement sur la conception et l'application des contrats d'utilisation des ressources. Par exemple, la Constitution mexicaine stipule que, indépendamment du régime foncier auquel elles sont soumises, toutes les forêts appartiennent à la nation (Castilleja, 1993). D'autres pays ont une législation semblable. Il est donc important que la constitution nationale établisse un environnement favorable à l'utilisation et à l'aménagement durables des terres forestières publiques (Schmithüsen, 1995).

4.3.3 Droit législatif

Les textes législatifs comprennent des lois adoptées par des organes législatifs nationaux et dans les pays à régime fédéral, par des organes législatifs d'Etat ou provinciaux et des règlements administratifs ou des ordonnances adoptés par les gouvernements locaux (cités, villes, municipalités, etc.). Dans de nombreux pays, des gouvernements locaux sont créés par les gouvernements régionaux ou provinciaux nationaux. Ces ordonnances ou arrêtés doivent donc être conformes à la législation des gouvernements à l'échelon le plus élevé. Les textes législatifs peuvent porter sur toute la gamme des questions liées aux terres forestières publiques, y compris comment les accords contractuels gouvernementaux peuvent transférer des droits sur les ressources à des particuliers. Ces textes définissent également les responsabilités des ministères, des départements et des fonctionnaires du gouvernement dans le domaine de l'aménagement des forêts publiques. Ils définissent également les accords fiscaux et administratifs fondamentaux pour l'aménagement et l'administration des forêts, les actes délictueux sur les terres publiques, la taxation et les programmes d'incitation. La législation forestière devrait définir clairement les arrangements en matière d'aménagement et d'administration des forêts dans le développement rural intégré, la gestion des forêts polyvalentes, la foresterie communautaire et villageoise, etc. (Schmithüsen, 1986).

4.3.3.1 Droit criminel

Les lois pénales traitent des actes criminels contre l'Etat et contre les individus. Elles sont souvent promulguées par le parlement ou le corps législatif fédéral/national et rassemblées dans un code criminel. Ces lois visent à dénoncer et à punir les comportements frauduleux et à dissuader les individus de commettre des crimes ou d'adopter un comportement qui risque sérieusement de porter un grave préjudice aux individus, au public, à la propriété ou aux institutions publiques. Citons à titre d'exemples, la coupe illégale de bois, le non-paiement de droits ou redevances, le marquage illégal du bois (considéré comme un vol) et les incendies criminels. Les punitions prévues pour ces infractions pénales sont le plus souvent des peines d'emprisonnement, des amendes ou les deux.

Les codes criminels énumèrent de nombreux crimes, mais ils ne constituent qu'une petite partie de toutes les infractions contre les forêts. Il s'agit en général d'infractions réglementaires selon la législation promulguée par le parlement national (fédéral), les gouvernements régionaux, provinciaux ou locaux. En foresterie, ces infractions comprennent la non-conformité avec les plans d'aménagement, la construction de routes ou des opérations forestières portant atteinte à l'environnement, la coupe de bois hors des limites autorisées, le transport de bois sans permis et la non-conformité avec des règlements sanitaires et de sécurité. Pour ces infractions, on inflige en général une amende mais dans certains cas, des peines de prison peuvent être prononcées. L'accusé est souvent une société à qui l'on peut faire payer une amende mais à qui l'on ne peut infliger une peine de prison. Pour les infractions pénales, les dirigeants peuvent être tenus pour responsables et sont passibles de peines d'emprisonnement.

4.3.3.2 Droit en matière de contrats

Un contrat est un accord entre deux entités juridiques ou plus (individus, sociétés en nom collectif, associations ou organisations) conclu en vue d'entreprendre ou de s'engager dans une activité licite. Habituellement, mais pas nécessairement, l'accord comprend une transaction financière ou un paiement à titre onéreux ou pour une valeur économique. Comme il a été mentionné au Chapitre 2, les gouvernements utilisent deux grands types de contrat pour l'aménagement et l'administration des terres forestières publiques: les contrats d'utilisation des ressources, c'est-à-dire les contrats portant sur les produits des forêts publiques (bois d'œuvre et produits forestiers non ligneux et divers services); et les contrats d'acquisition, c'est-à-dire les contrats pour la fourniture de biens et services pour l'aménagement et l'administration des forêts publiques. Les contrats d'utilisation des ressources s'inscrivent dans le cadre général du système juridique national et sont donc soumis à d'autres lois et règlements (Schmithüsen, 1977). Il en est de même pour l'octroi de contrats d'acquisition de biens et services. En général, les lois sur les contrats s'appliquent à "toute vente ou tout achat de biens", c'est-à-dire les ventes ou achats tels que la vente de droits sur le bois d'œuvre, les grumes, les droits sur les produits forestiers non ligneux, les droits d'utilisation de l'écotourisme dans les forêts publiques et les droits sur la séquestration du carbone, l'achat de services de contrôle et de supervision, la sous-traitance pour les inventaires forestiers, l'achat de services de protection contre les incendies et l'exportation et l'importation de produits forestiers.

4.3.3.3 Droit en matière d’investissements

Ces lois régissent les investissements extérieurs et intérieurs. Elles offrent des avantages et des incitations à l'investissement ou imposent des restrictions et des conditions aux investissements. Les incitations à l'investissement peuvent comprendre des exonérations fiscales temporaires, des réductions de l'impôt sur le revenu ou des taxes de douane, l'importation en franchise de matériels et fournitures, l'exportation en franchise de produits, la renonciation aux restrictions sur le contrôle des changes, la possibilité de rapatrier capitaux et profits, et des garanties contre l'expropriation ou la nationalisation. Les restrictions et conditions imposées sur les investissements peuvent comprendre des dispositions relatives à la création d'emplois pour la population locale, des programmes de formation, ou des infrastructures locales telles que routes, hôpitaux ou cliniques.

La mise en œuvre des programmes d'investissement dans différents secteurs dont le forestier, exige que le gouvernement soit capable d'évaluer l'investissement en ce qui concerne son effet sur ce secteur et sur l'économie nationale et d'évaluer la réponse potentielle des entreprises.

4.3.3.4 Lois sur les forêts

Les lois sur les forêts régissent l'aménagement et l'utilisation des terres forestières et des forêts. Elles stipulent des méthodes pour l'octroi de droits sur les ressources forestières sur le domaine public, des dispositions générales concernant la tenure forestière et les accords contractuels pour l'attribution de droits sur les forêts. Ces lois régissent des taxes forestières et des redevances pour le bois d'œuvre et d'autres produits et services forestiers publics, les modes de paiement, etc. Elles comprennent les dispositions sylvicoles pour la récolte et le reboisement, les dispositions en faveur de la protection des forêts, les infractions, les peines et les procédures d'appel. A l'instar des autres législations, la législation forestière doit être énoncée en termes clairs afin qu'elle soit comprise et facile à observer. Les règlements forestiers énoncent dans le détail les dispositions juridiques, administratives, techniques et financières pour les divers types de contrats forestiers.

La législation forestière devrait comprendre les éléments suivants:

• des dispositions qui définissent clairement les catégories et la nature de la propriété forestière, les droits et les obligations des utilisateurs des forêts;

• des définitions claires des responsabilités et du pouvoir des organismes gouvernementauxparticipant à l’aménagement et à l’administrationdes terres forestières publiques;

• des exigences d’aménagement forestier durable pour les produits des forêts, y compris les produits ligneux et non ligneux, l’entretien du couvert forestier, des dispositions pour la protection des forêts et de l’environnement sur les terres forestières, la protection de la diversité biologique, et des dispositions concernant les loisirs et d’autres services forestiers (de Montalembert et Schmithüsen, 1993);

• des arrangements visant à encourager l’aménagement durable des terres forestières publiques, les procédures pour l’aménagement forestier et les traitements sylvicoles;

• le processus de participation populaire aux décisions touchant à l’aménagement et à l’utilisation des terres forestières publiques;

• la mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation des effets de l’aménagement forestier et de mécanismes de retroaction afin d’encourager l’aménagement durable par le biais de nouvelles informations.

4.3.3.5 Droit de l’environnement

Les lois sur l'environnement visent à encourager la responsabilité et la durabilité écologiques dans l'emploi et l'aménagement du milieu naturel. La législation sur l'environnement fondée sur la réglementation directe des activités du secteur privé et la responsabilité pour les atteintes à l'environnement ne suffit plus. Les lois, règlements et procédures opérationnelles concernant l'environnement doivent aussi inclure des mesures d'encouragement, des instruments économiques, des prix et des taxes.

4.3.3.6 Autres lois

La liste ci-dessus des types de législation n'est pas exhaustive. En effet, la foresterie obéit à d'autres lois que de Montalembert et Schmithüsen (1993) appellent les "lois forestières fonctionnelles". Il s'agit d'un large éventail de lois et règlements qui ont un impact direct sur la conservation et la mise en valeur des forêts et sur la conception et l'application des contrats forestiers. Ces lois peuvent porter sur la taxation, l'agriculture, la conservation et la gestion des eaux, les parcs et les aires protégées, le développement rural, la planification de l'utilisation des terres, les pêches, l'aménagement des parcours et l'élevage, ainsi que la législation du travail.

4.3.4 Décrets présidentiels et décrets ministériels

Les décrets présidentiels ou royaux, ainsi que les décrets ministériels, sont des directives émises par le chef du gouvernement ou les ministres du cabinet concernant la manière dont les forêts doivent être aménagées et utilisées. Ces décrets ont force de loi et sont, dans de nombreux pays, les instruments juridiques clés de la politique forestière. Par exemple, en Indonésie, de nombreux éléments clés de la politique et de la législation forestières, concernant tant l'aménagement forestier que les concessions forestières, sont contenus dans des décrets présidentiels et du Ministère des forêts.

En Thaïlande, un décret royal émis en 1992, suspendait toutes les concessions forestières (Chaiyapechara, 1993, FAO 1993). On entendait ainsi protéger la forêt thaïlandaise contre le déboisement, mais ce faisant, on a encouragé la coupe illégale dans le pays et on a conduit au déboisement dans les pays voisins (Laos, Cambodge et Myanmar) et à la contrebande des grumes.

4.3.5 Règlements forestiers

Les règlements forestiers fournissent les moyens administratifs de mettre en œuvre la Loi sur les forêts. Il s'agit de règles, procédures et dispositions administratives légiférées concernant l'administration et l'aménagement des forêts. Les règlements ont force de loi. Ils prescrivent comment les ministères des forêts doivent gérer et aménager les forêts et ont un impact important sur la politique forestière. Tout comme les lois, les règlements définissent des mesures encourageant à observer ce qui a été imposé et les peines encourues en cas de non-observation, afin de décourager les actions illicites.

Le corps législatif peut approuver la série initiale de règlements et les révisions importantes. Les changements ou les amendements sont en général approuvés par le cabinet ou par le ministre des forêts. Ce sont d'ordinaire des bureaucrates qui procèdent à la rédaction ou à l'amendement des règlements, avec l'aide des services juridiques. Une bonne législation forestière exige que l'on fasse une distinction bien nette entre lois et règlements, mais cela pose de nombreuses difficultés aux rédacteurs (Cirelli, 1993). Généralement, la loi devrait défi- nir les conditions de base pour mettre en œuvre la politique établie. Il y a de grandes chances pour que les règles administratives pour la mise en œuvre des politiques et les pratiques de gestion forestière soient fréquemment révisées, de sorte qu'il faut inclure des procédures de révision dans les règlements ou les décrets ministériels.

4.3.6 Politiques et procédures en vigueur

Sans être des documents juridiques officiels, les manuels des politiques et procédures en vigueur définissent des procédures opérationnelles pour l'administration et l'aménagement au jour le jour des forêts publiques et des contrats publics. Les procédures et prescriptions concernant l'aménagement forestier et les opérations sylvicoles sont traitées dans les manuels de politiques et procédures en vigueur en matière d'aménagement forestier. Ceux-ci expliquent les règlements forestiers, mais doivent s'y conformer.

4.3.7 Contrats forestiers et accords relatifs à l’aménagement

Les contrats d'utilisation des ressources et les contrats d'acquisition sont des instruments juridiques importants qui représentent le moyen d'attribuer obligations et responsabilités au gouvernement en tant que propriétaire et au secteur privé. Ils peuvent être utilisés pour déléguer une grande partie de la mise en valeur et de l'aménagement des terres forestières publiques à des concessionnaires privés et peuvent influer sensiblement sur la manière dont les forêts sont aménagées. Les contrats d'utilisation des ressources et les contrats d'acquisition sont examinés en détail dans la troisième partie, et en particulier aux Chapitres 6, 7 et 9.

En élaborant des contrats d'utilisation des ressources et des contrats d'acquisition, il est important que le contrat et les dispositions spécifiques soient conformes avec les lois et règlements adaptés. Les ministères et autres organismes gouvernementaux doivent mettre au point des contrats types et des accords pour l'utilisation des ressources. Il sera bon de confier cette tâche à une équipe comprenant des juristes et des agents administratifs et techniques.

4.3.8 L’exécution des contrats et l’appareil judiciaire

Les procédures d'exécution des contrats comportent des instruments juridiques exercés par le ministère des forêts et l'appareil judiciaire. Selon la gravité de l'infraction, le personnel des ministères ou des départements peut imposer des peines sous la forme d'amendes pour des infractions mineures. S'il s'agit d'infractions graves, les contrevenants sont jugés devant les tribunaux. Les questions liées à l'exécution des contrats sont examinées en détail au Chapitre 10, y compris les facteurs se rapportant à la conception et à la gestion des contrats forestiers.

4.4 Rapports entre politique forestière et instruments juridiques

Une politique forestière clairement énoncée est une condition préalable à l'élaboration et à la promulgation d'instruments juridiques cohérents, qu'il s'agisse de textes législatifs, de règlements, de décrets présidentiels ou ministériels, de contrats d'utilisation des ressources ou d'acquisition, ou d'autres instruments juridiques. La mise en œuvre d'une politique forestière nouvelle ou révisée nécessitera sans aucun doute la rédaction ou la révision d'un ou de plusieurs lois, règlements ou autres instruments juridiques.

L'examen ou l'ample révision de la législation et des instruments juridiques peuvent être effectués par une équipe spéciale nommée dans ce but précis, composée de juristes spécialisés dans différents domaines (international, constitutionnel, contractuel, droit commercial, des ressources naturelles ou de l'environnement), politologues et hauts fonctionnaires du ministère des forêts et, le cas échéant, des ministères compétents. Pour un examen ou une révision moins importants et plus réguliers des instruments juridiques, on peut faire appel à une équipe d'experts en affaires juridiques, politiques et administratives au sein du ministère des forêts.

4.5 Résumé du chapitre

• Les instruments juridiques tels que les lois et les règlements forestiers sont des instruments de politique importants dans l’administration des forêts publiques et les accords contractuels pour leur emploi et leur gestion.

• Les six grandes composantes du système juridique dans la majorité des pays sont: 1) les organes législatifs, 2) l’exécutif (président ou premier ministre et cabinet), 3) les ministères, départements et autres organismes gouvernementaux, 4) les organs d’exécution, 5) le système judiciaire, et 6) les instruments juridiques eux-mêmes (lois, règlements, etc.).

• Le cadre juridique consiste en une hiérarchie de lois et accords internationaux (traités, conventions, accords internationaux et régionaux), la constitution nationale, le droit législatif, le droit criminel, le droit en matière de contrats, le droit en matière d’investissements, les lois sur les forêts, le droit de l’environnement, les décrets présidentiels et ministériels, les règlements, politiques et procédures forestiers, les contrats et les accords d’aménagement ainsi que les procédures d’exécution.

• Le droit international et divers accords internationaux et régionaux influent sur la politique forestière intérieure dans des domaines tels que le commerce, la conservation et la diversité biologique. Exemples, l’OMC, l’ITTA et la CITES.

• La constitution d’un pays fournit le cadre juridique pour la grande partie des autres législations.

• Les textes législatifs comprennent des statuts adoptés par les gouvernements fédéraux, régionaux et locaux. Les lois sur les forêts primaires telles que la Loi sur les forêts et la législation concernant le régime foncier s’inscrivent dans cette catégorie.

• Le droit criminel peut s’appliquer à des infractions forestières plus graves comme l’exploitation forestière, le non-paiement des droits et redevances forestiers, et des activités considérées comme un vol.

• Les lois sur les contrats s’appliquent aux accords entre deux ou plusieurs parties (par exemple, les individus, sociétés ou organisations). Elles s’appliquent également aux contrats d’exploitation forestière et aux contrats d’acquisition de biens et services.

• Les lois sur les investissements, qui régissent les investissements extérieurs et intérieurs, peuvent avoir une influence importante sur les investissements dans le secteur forestier.

• Les lois sur les forêts sont des textes qui régissent l’utilisation des terres forestières, l’aménagement et l’utilisation des forêts, la sylviculture, les droits et redevances forestiers.

• Les lois sur l’environnement, qui visent à protéger celui-ci et à encourager des pratiques forestières écologiquement rationnelles, peuvent avoir une influenceimportante sur les activités forestières.

• Les décrets présidentiels et ministériels sont d’importants instruments juridiques pour l’administration et l’aménagement des forêts dans un certain nombre de pays.

• Les règlements forestiers sont le moyen administratif de faire appliquer les lois. • Les contrats d’exploitation forestière, les accords d’aménagement forestier et les contrats d’acquisition attribuent des obligations et des responsabilités au gouvernementen tant que propriétaire et au secteur privé, et influent sur l’aménagement forestier. Les accords relatifs à l’aménagement des forêts délèguent la mise en valeur et l’aménagement des terres forestières publiques à des concessionnaires privés.

• Le suivi et l’exécution assurent la conformité et sont liés à la réglementation. Le suivi et l’inspection sur le terrain sont importants pour assurer la conformité.

4.6 Références bibliographiques

Castilleja, G. 1993. Evolution des tendances de la politique forestière en Amérique latine: Chili, Nicaragua et Mexique. Unasylva, 175(44): 29-35.

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Cirelli, M.T. 1993. Révision de la legislation forestière: rôle et incidence de l’assistance internationale. Unasylva, 175(44):10-15.

de Montalembert, M. R. et Schmithüsen, F. 1993. Aspects politiques et juridiques de l’aménagement durable des forêts. Unasylva,175(44): 3-9.

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Schmithüsen, F. 1977. Contrats d’exploitation forestière sur domaine public. 2e éd., Etude FAO: Forêts 1, Division des ressources forestières, Rome, 207 p.

Schmithüsen, F. 1986. La législation forestière dans quelques pays africains. Etude FAO: Forêts 65, Rome.

Schmithüsen, F. 1995. Evolution of conservation policies and their Impact on forest policy development: The example of Switzerland. Commonwealth forestry review, 74(1): 1-14.

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