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DEUXIÈME PARTIE - Conditions relatives aux
concessions et contrats forestiers sur domaine public

3 Cadre de politique forestière pour la conception et la
gestion des contrats

Thèmes traités dans le présent chapitre:

• Le présent chapitre et les deux suivants (Chapitres 4 et 5) examinent le cadre de politique forestier, juridique et institutionnel qu’un pays doit mettre en place pour concevoir et appliquer de façon efficace des contrats forestiers.

• Ce chapitre examine l’élaboration d’un cadre de politique forestière, consistant en des objectifs stratégiques, des principes, des objectifs et des programmes d’action.

• Les liens intersectoriels et les effets potentiels d’un certain nombre d’autres secteurs sur la foresterie sont examinés. D’autres secteurs affectant la foresterie comprennent: la conservation et l’environnement, l’agriculture, les politiques monétaire, fiscale, commerciale macroéconomiques, l’énergie, le tourisme et l’accroissement démographique.

• Le processus pour l’élaboration d’une politique forestière est décrit. Il comporte une série d’étapes pour l’élaboration de nouvelles politiques forestières, ou la révision des politiques existantes. Une méthode claire d’élaboration des politiques peut améliorer la transparence, la participation populaire, la prise de décision et l’efficacité économique.

3.1 Introduction

Les Chapitres 1 et 2 ont constitué une introduction à l'étude et une vue d'ensemble des accords contractuels en tant qu'instruments importants de politique forestière. Le présent chapitre ainsi que les deux suivants (Chapitres 4 et 5), examinent les conditions qu'un pays devrait créer pour concevoir et appliquer des contrats qui garantissent la réalisation des objectifs sociaux et économiques, assurent la durabilité des ressources, et lui permettent de superviser et de gérer efficacement les contrats forestiers. On examinera les conditions pour la conception et la gestion efficace des contrats forestiers sous trois aspects: le cadre de politique forestière (dans ce chapitre), le cadre juridique (Chapitre 4) et le cadre institutionnel (Chapitre 5).

3.2 Cadre de politique forestière: objectifs nationaux, principes de gestion des ressources, priorités pour l’action

Un cadre de politique rationnel comporte des objectifs bien définis qui guideront l'aménagement forestier dans l'avenir. Il devrait répondre à l'intérêt général et aux demandes du public. Cela garantira que les contrats et le processus de sous-traitance englobent le système des valeurs du pays en ce qui concerne l'utilisation des terres forestières publiques. Un cadre de politique rationnel devrait exister par écrit et indiquer explicitement ses objectifs et comment les avantages doivent être répartis (de manière égalitaire) entre les acteurs et le public. Une politique clairement énoncée devrait être conforme aux contrats écrits en ce que ces derniers constituent une base d'accord entre les acteurs et des archives claires pour les références futures. Un cadre de politique rationnel établit également les droits et responsabilités des acteurs et de bons mécanismes pour résoudre les conflits. Il instaure la confiance et un sens de sécurité chez les investisseurs, d'autres acteurs économiques, les clients gouvernementaux et autres, et les communautés locales. Enfin, un cadre de politique rationnel est synonyme de loyauté et de stabilité des conditions requises pour les activités des entreprises à moyen et à long terme.

3.2.1 Objectifs forestiers nationaux

Cet élément du cadre de politique forestière établit les grands objectifs nationaux que le gouvernement est convenu de poursuivre dans l'intérêt général et pour assurer la durabilité des ressources forestières. Les objectifs nationaux doivent être définis en fonction des demandes et des besoins des citoyens et de l'inquiétude sous-jacente pour la durabilité de l'environnement (Ontario Forest Policy Panel, 1993). Les gouvernements devraient mener des consultations approfondies avec le public et les utilisateurs des forêts pour définir clairement les buts de la société en matière de foresterie. Cela permettrait de réaliser les principes de bonne gestion assurant la protection de l'intérêt public, la transparence et l'équité.

Les objectifs nationaux devraient au moins englober les trois idées suivantes qui sont déterminantes pour l'aménagement durable des forêts. Premièrement, répondre aux besoins matériels et sociaux actuels et futurs de la société. Deuxièmement, être liés aux objectifs stratégiques du pays pour le développement. Et troisièmement, assurer la bonne santé à long terme des écosystèmes forestiers du pays.

3.2.2 Principes de gestion des ressources forestières

Les principes de gestion des ressources forestières sont la pierre angulaire du cadre de politique qui soutient et facilite la fixation des objectifs. Les principes généraux examinés ici comprennent ceux visant à assurer la bonne santé à long terme des écosystèmes forestiers, à promouvoir l'efficacité économique et à encourager la prise de décision éclairée; voir figure 3.2.

Figure 3.1: Principaux éléments d’un cadre de politique forestière(d’après Ellefson, 1992)

3.2.2.1 Le principe de durabilité des écosystèmes

Le développement durable repose sur l'entretien des écosystèmes forestiers en tant que forêts et sur leur maintien en bon état. Les responsables de la planification forestière et les gestionnaires des forêts, en consultation avec les utilisateurs des forêts et le public, devront préciser ce qu'ils entendent par "bon état". Ils devront pour cela définir et appliquer des mesures pour maintenir ou réaliser la foresterie durable. Lorsque les écosystèmes sont particulièrement fragiles, il peut être nécessaire de limiter ou d'interdire certaines activités humaines afin de respecter les capacités physiques et biologiques des écosystèmes (Kaufmann et al., 1994). Des mesures spéciales pourraient aussi être requises pour remettre en état les terres forestières dégradées.

3.2.2.2 Les principes d’efficacité économique et de durabilité des communautés

En administrant le secteur forestier, les gouvernements feront toujours tout leur possible pour que les biens et les services de tous types soient produits à un coût minimal, que les ressources soient utilisées pour la production de biens socialement utiles, pour que ceux qui subissent les effets négatifs de la mise en œuvre des politiques soient indemnisés et que les besoins des groupes défavorisés soient pris en compte. Le concept d'efficacité économique est examiné plus en détail au Chapitre 9. Il arrive fréquemment que les politiques forestières entravent l'utilisation efficace de la forêt à cause de règlements complexes ou contradictoires, ou de la non-application d'autres règlements.

La bonne gestion du secteur forestier comporte une autre grave responsabilité, celle d'assurer la durabilité des avantages fournis aux communautés ou régions forestières. Sans la communauté, la durabilité des ressources, des profits et des avantages sera compromise. Un élément essentiel de la durabilité des resources comme des communautés, est l’emploi qui est inclus dans la pleine signification du développement durable.

Figure 3.2: Principes de politique forestière: éléments clés de la politiqueForestière

3.2.2.3 Le principe de la prise de decision pondérée

Le principe de la prise de décision pondérée pose trois défis aux décideurs. Premièrement, préciser comment satisfaire aux demandes concurrentielles sur la forêt, tout en maintenant la durabilité des écosystèmes. Deuxièmement, comparer les demandes et les utilisations concurrentielles des forêts, c'est-à-dire déterminer comment une utilisation en affecte une autre. Troisièmement, comment arriver à des compromis entre des demandes concurrentielles sur les forêts lorsque celles-ci ne peuvent faire face à toutes les demandes pesant sur elles.

Le cadre servant à la prise de décision doit établir comment les décideurs en matière de forêts, et ceux qui les conseillent, peuvent travailler ensemble pour parvenir à prendre des décisions pondérées. Les gestionnaires des forêts doivent informer le public des liens existants entre les écosystèmes forestiers, les objectifs de politique forestière et les outils d'aménagement des forêts. Les critères ci-après déterminent certaines des conditions préalables à une meilleure prise de décisions concernant les forêts publiques:

• principes scientifiques objectifs, participation du public et des communautés locales, connaissances locales et inventaire minutieux se conjugueront pour aboutir à des décisions efficaces;

• recours à des méthodes de concertation pour la prise de décisions concernant les forêts;

• responsabilité des décideurs concernant leurs actions et décisions;

• décisions prises en tenant compte le plus possible de la situation, des besoins et des souhaits des populations locales et concordant avec les orientations nationales.

3.2.3 Objectifs stratégiques et priorités pour l’action

Pour établir des objectifs stratégiques, il est indispensable de connaître et de comprendre les questions importantes et les demandes essentielles concernant les forêts publiques. Les objectifs stratégiques aident les gouvernements à faire la différence entre "bien faire les choses" et "bien faire les choses justes". Ils les aident également à allouer des ressources rares pour satisfaire aux demandes de la société qui sont vraiment importantes pour le bien-être des populations et le développement durable. L'élaboration de politiques forestières devrait prévoir un moyen objectif d'identifier les besoins de la société, de choisir impartialement parmi les demandes qui doivent être satisfaites à l'aide des ressources gouvernementales et des prévisions concernant la situation du pays. Sans une planification stratégique, de nombreux pays finissent par mettre en œuvre des programmes sans rapport avec les demandes et les valeurs de la société.

Il est indispensable de définir les priorités pour l'action. Elles marquent la différence entre les déclarations rhétoriques et la réalisation des choses. Elles portent sur les actions pratiques requises pour organiser, financer et mettre en œuvre les politiques.

3.3 Coordination et compatibilité des politiques forestières avec d’autres politiques gouvernementales

Nous avons examiné jusqu'ici les politiques forestières indépendamment des autres politiques gouvernementales. Or, les politiques mises en œuvre dans d'autres secteurs de l'économie peuvent avoir de fortes répercussions sur le secteur forestier et fausser les politiques forestières (de Montalembert, 1995). Nombreux sont les pays où les politiques menées dans d'autres secteurs ont porté à une destruction plus grave des forêts que des politiques forestières mal orientées et mal appliquées. Citons notamment les programmes de colonisation rurale et de défrichement en faveur des cultures de rente telles que hévéas, palmiers à huile, thé ou cacao, ou de l'élevage bovin en liberté (Repetto et Gillis, 1988) et les politiques énergétiques qui ignorent les zones rurales et augmentent la dépendance vis-à-vis du bois de feu. Citons encore, à titre d'exemple, les politiques en matière de régime foncier et d'implantations de communautés rurales, qui attribuent des droits de propriété sur des terres forestières à condition que ces terres soient défrichées et "mises en valeur" ou "améliorées ". Enfin, certaines politiques économiques peuvent sembler sans effet important sur la foresterie, alors qu'elles peuvent être à l'origine de la déforestation. C'est le cas notamment des prêts agricoles bonifiés, des programmes de construction de routes pour ouvrir des zones à la colonisation, des stratégies de développement qui freinent la demande de main-d'œuvre non qualifiée, et des politiques agricoles qui favorisent les grands exploitants agricoles aux dépens des petits cultivateurs (Repetto et Gillis, 1988; Brown et Pearce, 1994).

Les sections suivantes examinent plusieurs politiques autres que celles relatives à la foresterie qui ont des répercussions sur la foresterie et les politiques forestières.

3.3.1 Les politiques de conservation et la foresterie

Une lacune commune au niveau des politiques est le manque de coordination entre les programmes de conservation et les programmes forestiers et les politiques forestières (Schmithüsen, 1995). Il existe des liens importants entre politiques forestières et politiques de conservation. Ceux-ci sont illustrés à la figure 3.3.

La planification de l'utilisation des terres est un processus important pour la coordination des politiques et programmes forestiers, les politiques et programmes de conservation et d'autres politiques et programmes en agriculture, exploitation minière, transports, etc. Pour résoudre les conflits, on dispose dans ce domaine d'outils importants, en particulier, le zonage. Celui-ci permet de bien séparer les différentes utilisations des terres, compatibles et incompatibles, tout en maintenant des liens fonctionnels entre elles. Le tableau 3.1 énumère brièvement les instruments de politique à la disposition des gouvernements qui souhaitent assurer des liens entre les politiques de conservation et celles de mise en valeur des forêts. Il donne aussi des exemples de liens intersectoriels découlant de ces instruments.

3.3.2 Les politiques agricoles et la foresterie

C'est probablement l'agriculture qui a eu les effets les plus dévastateurs sur la foresterie. Dans de nombreux pays, la déforestation est en grande partie imputable aux politiques agricoles, mais aussi à la privation de terres et à l'agriculture itinérante. On estime qu'en Afrique subsaharienne, l'empiètement de l'agriculture extensive sur les zones forestières est d'environ 0,6 million d'hectares par an (Sharma et al., 1994).

Figure 3.3: Liens fonctionnels entre les programmes de conservationintersectoriels et les programmes forestiers

Il incombe aux gouvernements d'assurer l'harmonie entre les politiques agricoles et la politique forestière. Ceux-ci devraient créer un environnement propice à l'agriculture durable, en améliorant la production sur les terres agricoles disponibles, en modernisant les services techniques, en développant l'infrastructure rurale, en mettant au point des techniques appropriées, en éliminant les facteurs de distorsion politique tels que les faibles prix à la production administrés pour les cultures, et en cherchant à résoudre les problèmes de régime foncier. L'agroforesterie, qui consiste à intercaler des arbres dans les rangées de cultures, par exemple, peut à la fois faire baisser la demande de nouvelles terres agricoles et augmenter l'offre de bois, en particulier de bois de feu, ainsi que produire du fourrage et enrichir le sol. Le tableau 3.2 présente les instruments de politique dont les gouvernements disposent pour coordonner politiques agricoles et politiques de mise en valeur des forêts, et donne des exemples des liens ainsi établis.

Tableau 3.1: Effets possibles des politiques de conservation sur la mise en valeur des forêts

3.3.3 Les politiques macroéconomiques et la foresterie

Les politiques en matière de commerce, fiscalité, taux de change, privatisation, dépenses publiques et fixation de prix, dans divers secteurs, peuvent toutes fausser les politiques forestières si elles ne sont pas bien planifiées et coordonnées. Une étude du secteur forestier conduite par la Banque mondiale (Banque mondiale, 1993) a révélé que des politiques macroéconomiques inefficaces ont entraîné des taux de croissance économique négatifs. Ce déclin économique, en réduisant les perspectives d'emplois non agricoles pour les habitants des zones rurales, a poussé à pratiquer une agriculture de subsistance et contribué à la perte de forêts naturelles. En Thaïlande, l'interdiction d'abattre les arbres et la suspension de toutes les concessions forestières en 1989 ont provoqué une grave pénurie de bois pour les industries de transformation. Ceci a conduit à l'abattage illégal en Thaïlande et à la déforestation dans les pays voisins, Laos, Cambodge et Myanmar.

Les ministères des finances et de la planification et les ministères chargés des politiques macroéconomiques et de leur coordination peuvent assurer la cohérence et la complémentarité de ces politiques et de leurs effets sur la foresterie. Il existe plusieurs instruments de politique que les gouvernements peuvent utiliser pour assurer des liens intersectoriels entre les politiques macroéconomiques et la foresterie. Le tableau 3.3 indique les instruments de politique et décrit leurs effets sur la durabilité de la foresterie.

3.3.4 Population et foresterie

L'accroissement de la population entraîne une augmentation de la demande de terres agricoles et d'autres formes de subsistance. Des mesures s'imposent afin de réduire la pression des populations contribuant à la pauvreté et à la dégradation de l'environnement dans de nombreux pays tropicaux. Le tableau 3.4 résume les instruments de politique que les gouvernements peuvent utiliser pour favoriser l'établissement de liens intersectoriels entre les politiques démographiques et les politiques relatives à la mise en valeur des forêts.

3.3.5 Energie et foresterie

La plus grande partie de l'énergie utilisée dans la majorité des pays tropicaux provient des forêts ou de la biomasse ligneuse produite sur l'exploitation. La coupe du bois de feu est la deuxième cause importante de déforestation dans de nombreux pays. Le tableau 3.5 récapitule les instruments de politique que les gouvernements peuvent utiliser pour établir des liens entre les politiques énergétiques et les politiques pour la mise en valeur des forêts, et donne des exemples des liens qui pourraient en découler.

3.3.6 Tourisme et foresterie

De nombreuses activités touristiques reposent sur les forêts, en particulier l'écotourisme, l'observation de la faune, le camping et les randonnées pédestres. Il s'ensuit que sans une planification intersectorielle, des conflits peuvent naître. Le tourisme peut influer sur la foresterie de manière inhabituelle. Les 220 000 touristes par exemple, qui se sont rendus au Népal en 1986 ont contribué à augmenter la consommation de bois de feu, aggravé la pénurie de bois de feu et contribué à la dégradation des forêts (FAO, 1993). Le tableau 3.6 fait l'inventaire des instruments de politique dont les gouvernements disposent pour gérer les liens entre le tourisme et les politiques de mise en valeur des forêts, et donne des exemples découlant de ces liens.

Outre les politiques examinées ici, d'autres politiques et institutions ont un impact sur la politique forestière. Il s'agit notamment du système juridique (Chapitre 4), du cadre institutionnel (Chapitre 5) et de la structure des droits de propriété et la tenure (Chapitre 6). La section suivante porte sur le processus et les étapes à suivre pour formuler de nouvelles politiques ou réviser celles déjà établies.

3.4 Processus pour la mise en place d’une politique forestière

Il est nécessaire de définir clairement le processus à suivre pour une prise de décision rationnelle et une bonne mise en œuvre de la politique. Cela servira également à orienter la formulation de nouvelles politiques forestières ou la révision de celles existant déjà. Cela améliorera la transparence et l'efficacité de l'élaboration de politiques gouvernementales et facilitera la participation populaire au processus.

Il existe de nombreux modèles de mise en place des politiques publiques. Le modèle est souvent décrit comme un modèle de solution des problèmes. Plusieurs textes décrivent les méthodes de résolution des problèmes qui conviennent à la définition de politiques (par exemple, Koberg et Bagnall, 1983; Hanks et al., 1977).

Le modèle et la marche à suivre sont décrits dans ce chapitre en six étapes: 1. Identification et définition des problèmes; 2. Programme pour l'analyse des politiques; 3. Formulation des politiques; 4. Adoption des politiques; 5. Mise en œuvre des politiques; et 6. Evaluation des politiques.

3.4.1 Identification et définition des problèmes

La première étape consiste à identifier les problèmes. Quels sont ceux qui appellent l'attention de la politique publique? Quels groupes d'individus souhaitent des changements dans la politique actuelle (statu quo) et pourquoi? Parmi ceux qui pourraient prendre part à l'identification et à la définition des problèmes, figurent les responsables des grandes orientations dans les ministères ou les bureaux de planification, les politiciens, les bureaucrates et professionnels du gouvernement, les organisations non gouvernementales, les entreprises publiques, les entreprises forestières, les communautés forestières, les populations autochtones, les médias et les établissements universitaires.

S'agissant des changements dans les politiques existantes, l'identification des problèmes commence par un examen de l'expérience et des problèmes posés par la politique actuelle; ce qui a bien fonctionné, ce qui n'a pas répondu aux objectifs, ce qu'on a appris grâce à la mise en œuvre de la politique déjà en place.

3.4.2 Elaboration d’un programme pour l’analyse des politiques

Les problèmes identifiés durant la première étape du processus ne méritent pas tous d'être approfondis. Beaucoup ont une importance mineure ou ne reflètent que des intérêts restreints par rapport à l'intérêt général. On a reconnu qu'il fallait aborder le problème durant la deuxième étape. En élaborant un programme de politique forestière, le gouvernement jouera le rôle principal et des ressources seront allouées pour traiter des problèmes et élaborer un programme d'analyse de politique. A ce stade, il est important d'examiner les politiques connexes et de déterminer la nature de leurs rapports, soit avec la nouvelle politique soit avec l'ancienne. Cela garantira la complémentarité et la compatibilité des liens intersectoriels et évitera des distorsions politiques. Pour les accords contractuels sur les forêts, il faudra impérativement garantir qu'un contrat ne compromet pas la réalisation d'autres objectifs stratégiques.

3.4.3 Formulation des politiques

Une fois le programme élaboré, on commence à formuler la politique. A ce stade, il est possible de définir plusieurs lignes d'action. Celles qui seront techniquement réalisables peuvent être importantes, mais beaucoup peuvent être rejetées comme non conformes aux principes identifiés en début de chapitre. Il est alors important d'inclure toutes les solutions possibles, mais réalisables, en tenant compte des principes de durabilité écologique, d'efficacité économique et de pérennité de la communauté, et de prise de décision pondérée.

3.4.4 Adoption des politiques

La gamme des approches techniquement réalisables est réduite à une série plus limitée de solutions économiquement et administrativement réalisables. Le choix final est influencé par le souci d'éviter les risques politiques, environnementaux et économiques, de réduire au minimum les dépenses administratives et d'améliorer les procédures administratives. L'adoption d'une politique suppose que le gouvernement entende suivre la nouvelle ligne d'action. Elle suppose également que les fonds, l'organisation et le personnel doivent être disponibles pour mettre en œuvre la nouvelle politique ou la politique révisée.

3.4.5 Mise en œuvre des politiques

Il reste à faire un choix parmi les différentes façons de mettre en œuvre la décision prise. Il y a d'autres instruments de politique parmi lesquels faire un choix, et différentes façons d'organiser les activités de mise en œuvre. Par exemple, ces activités peuvent être entreprises directement par le gouvernement ou sous-traitées à des particuliers. Elles peuvent être mises en œuvre dans le cadre des réglementations forestières, en tenant compte des exigences au niveau du rendement ou au moyen d'incitations à l'efficacité. Les mesures pour mettre en œuvre des accords contractuels par le biais de réglementations, d'exigences ou d'incitations en matière de rendement, occuperont une grande partie des débats dans les chapitres suivants.

Les organismes administratifs sont les acteurs les plus importants pour la mise en œuvre des nouvelles politiques ou des politiques révisées, mais le corps législatif ou les tribunaux peuvent aussi y participer. Le corps législatif peut limiter l'arbitrage administratif par la législation ou en finançant de manière sélective différents articles du budget des organismes. Encore que les tribunaux ne promulguent pas de lois, il leur est souvent demandé d'interpréter des lois, des règlements ou des procédures administratives.

3.4.6 Evaluation des politiques

Le cadre stratégique définit une politique depuis le moment où le problème se pose jusqu'au stade de l'évaluation. Ajouter l'évaluation au processus, suppose une rétroaction et fait de la formulation ou de la révision de la politique un processus interactif. L'évaluation de la politique facilite l'adaptation ou la modi- fication des politiques forestières pour prendre en compte l'évolution des situations, ou de nouvelles réalités venant à se créer. Par exemple, les contrats d'exploitation forestière conçus il y a une ou deux décennies, peuvent avoir besoin d'être modifiés ou révisés en raison de l'évolution de la situation de la forêt, de la situation économique ou des changements dans les préférences de la société, dans l'utilisation ou dans la conservation de la forêt. Un processus formel d'évaluation devra être mis en place. Un examen critique devra réévaluer les objectifs et les moyens et, si nécessaire, modifier les orientations. En révisant la politique existante, il est important d'identifier les conflits entre la politique déjà en place ou les changements proposés, et les politiques connexes, et de résoudre ces conflits.

 Les gouvernements reçoivent sans cesse les résultats d'évaluations informelles et des critiques de leurs politiques, de la part de groupes de pression, d'organisations non gouvernementales, de commissions d'enquête, de débat politique et d'autres sources. Une rétroaction informelle ou une évaluation formelle de la poli- tique peuvent produire des changements mineurs ou majeurs dans la politique, la législation, les règlements ou les procédures administratives.

Dans la réalité, la formulation d'une politique est souvent un processus moins méthodique que la séquence présentée ici, où interviennent souvent, pêle-mêle, protagonistes et groupes d'intérêt, manœuvres bureaucratiques, groupes de pression et influences politiques. Des initiatives sont fréquemment prises pour répondre à des crises, avec des politiques élaborées à la hâte pour répondre à l'urgence d'un moment particulier, et qui ne tiennent guère compte des conflits avec les politiques en vigueur.

3.5 Résumé du chapitre

• Les principaux éléments d’un cadre de politique forestière sont: objectifs nationaux, principes de gestion des ressources, objectifs stratégiques et priorités pour l’action.

• Les objectifs forestiers nationaux devraient coïncider avec les objectifs de politique générale du pays et assurer la durabilité de l’environnement. Ils devraient également refléter trois grandes caractéristiques de la gestion durable des forêts du pays, c’est-àdire: assurer la santé à long terme des écosystèmes forestiers, profiter aux environnements locaux, régionaux, nationaux et mondiaux, et répondre aux besoins matériels et sociaux des générations actuelles et futures.

• Les principes de politique forestière, à savoir la durabilité des écosystèmes, l’efficacité économique dans l’utilisation de la forêt, la pérennité des communautés, et la prise de décision pondérée sont des éléments clés du cadre de politique forestière dans la gestion des terres forestières publiques.

• Les objectifs stratégiques et les priorités pour l’action définissent les plans pour la mise en œuvre de la politique forestière.

• La politique menée dans d’autres secteurs de l’économie peut influer sur la politique forestière et entraîner une destruction importante de la forêt. Ainsi, la politique forestière doit tenir compte des liens intersectoriels et des effets potentiels sur la foresterie.

• Le processus d’élaboration d’une politique forestière décrit les étapes importantes et leur succession. Les étapes vont de l’identification du problème à l’évaluation politique, en passant par l’examen de politiques connexes, l’établissement d’un programme d’action, la formulation de la politique, l’adoption, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique. L’élaboration d’une politique a souvent lieu en cas de crise; elle a donc une cible très précise et ignore les effets sur d’autres politiques. Le processus et les différentes étapes aident à structurer l’élaboration de la politique.

3.6 Références bibliographiques

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