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Système d’exploitation agricole irrigué


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Dans le cadre de cette analyse, le système d’exploitation agricole irrigué inclut les grands périmètres équipés couvrant presque 2 millions d’ha de superficie qui font vivre près de 7 millions de personnes (voir encadré 2.8).

Encadré 2.8 Données de base: système d’exploitation agricole irrigué

Population totale (m)

14

Population agricole (m)

7

Superficie totale (m ha)

35

Zone agroécologique

variée


3

Superficie irriguée (m ha)

2

Population animale (m)

3

Ces grands périmètres comprennent les périmètres gérés d’une manière centrale et mécanisés tels que le périmètre de Gezira, les plus grands périmètres gérés par des agriculteurs qui pratiquent les cultures de décrue en bordure des fleuves, et ceux qui utilisent des puits comme les fadamas de l’Afrique de l’Ouest. Les oasis sahéliennes qui couvrent des superficies limitées sont étudiées dans le système de production aride. De la même façon, les petits périmètres irrigués et la conservation de l’eau sont étudiés dans d’autres systèmes d’exploitation agricole. On prévoit qu’au cours des 30 prochaines années la production des terres irriguées de la région augmentera substantiellement, principalement en raison de l’augmentation des rendements sur les terres irriguées existantes.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME IRRIGUÉ

La construction et l’entretien des périmètres irrigués du secteur public de l’Afrique subsaharienne se sont montrés particulièrement onéreux et leurs performances très décevantes. Les augmentations de production ont été plus faibles que prévues et les systèmes se sont avérés souvent non durables en raison des prix très bas des produits et des coûts élevés d’opération et de maintenance. Les périmètres de Gezira au Soudan (voir encadré 2.9), de l’Office du Niger au Mali, de la Vallée Awash en Ethiopie et de Jahaly/Pacharr en Gambie sont des exemples de ces échecs.

D’autre part, la libéralisation de l’économie a conduit les gouvernements à tenter de restructurer des périmètres parastataux sur une base commerciale ou de donner leur gestion aux agriculteurs en s’efforçant de réduire les coûts d’opération et de maintenance. Cette stratégie n’a réussi que dans le cas de l’Office du Niger.

Dans le périmètre Jahaly/Pacharr, les agriculteurs se sont montrés incapables de prendre en charge sa gestion. Les autres options sont le découpage en petits périmètres plus faciles à gérer ou la cession à une société privée.

Les petits périmètres irrigués gérés par les agriculteurs (PPIGA) ont eu plus de succès (voir encadré 2.10). Toutefois, bien que la région ait le plus faible pourcentage de superficie cultivée avec irrigation du monde en développement, la construction de nouveaux périmètres irrigués est souvent plus coûteuse qu’ailleurs et ainsi difficile à justifier. De nouveaux périmètres irrigués ne pourraient être rentables que si les agriculteurs pouvaient produire et commercialiser des cultures de grande valeur comme le maraîchage, ce qui n’est possible qu’à proximité des marchés. Aussi, durant les dernières décennies la plupart des efforts ont porté sur la réhabilitation des périmètres existants. Au cours des dernières années on a porté plus d’attention sur la durabilité des opérations grâce à l’organisation des agriculteurs en groupes d’irrigants capables d’assurer la maintenance et les opérations. Cependant, la réhabilitation des périmètres existants dépasse souvent les possibilités financières des agriculteurs. Même si ceux-ci sont capables d’assurer les coûts récurrents des opérations, la réhabilitation dépend encore beaucoup du financement de donateurs.

Encadré 2.9 Les défis du périmètre de Gezira au Soudan

Le périmètre combiné Gezira/Managil, situé entre le Nil bleu et le Nil blanc, est un des plus grands complexes irrigués du monde sous gestion centrale (environ 900 000 ha et environ 100 000 agriculteurs locataires). Les trois principales cultures étaient traditionnellement le sorgho, le coton et l’arachide. La culture était entièrement organisée par l’autorité centrale et la principale responsabilité des agriculteurs était de maintenir les diguettes, d’assurer et de contrôler la distribution de l’eau et de s’occuper complètement de la production de l’arachide. L’introduction de la récolte mécanisée du coton ayant été un échec, on décida de confier aux agriculteurs la responsabilité d’organiser la récolte à la main à l’aide de main d’œuvre salariée. La production a de plus en plus souffert du manque d’eau dû à l’absence de maintenance, de l’application inadéquate et tardive des intrants, de la baisse d’efficacité des services de mécanisation, du manque d’information et de conseils techniques aux agriculteurs, de ressources financières insuffisantes et des bas prix au niveau de l’exploitation.

En 1992, la gestion du périmètre fut profondément affectée par la libéralisation économique, par le retrait du secteur public du financement direct de l’agriculture, par l’élimination des subventions pour les intrants et par le transfert des services d’appui au secteur privé. Les prix des intrants ont fortement augmenté, spécialement ceux des produits phytosanitaires importés, sans qu’il y ait eu une augmentation correspondante des prix des produits. De plus, le périmètre était supposé être financièrement indépendant et commercialement rentable. Ces changements de politique ont échoué parce que les agriculteurs y étaient mal préparés; les corporations se sont avérées incapables de fonctionner comme des entreprises indépendantes, et les périmètres en très mauvais état nécessitaient une réhabilitation sérieuse des ouvrages d’irrigation. Aussi a-t-on assisté à une diminution des superficies cultivées et du niveau général des opérations et à l’abandon des plus petits périmètres. D’importants déficits se sont creusés et la détérioration des opérations s’est accélérée. Le manque d’eau et de ressources financières a entraîné la baisse des productions et de l’efficacité du périmètre et des agriculteurs. Les bonnes pratiques culturales ont été abandonnées et l’eau gaspillée. Afin de restaurer la production, le gouvernement a entrepris en 1999 un programme de réhabilitation qui mettait en jeu des mécanismes pour impliquer les agriculteurs dans la gestion de la terre et des eaux.

L’expérience menée avec des systèmes construits traditionnellement avec les agriculteurs et gérés par eux a été tout à fait positive. Par exemple, l’expérience récente du Mali montre que lorsqu’un environnement favorable est mis en place, le développement des petits agriculteurs se fera spontanément grâce au réinvestissement de leur épargne. Ainsi, plus de 10 000 ha irrigués financés, en grande partie, par l’épargne des travailleurs migrants ont été créés spontanément en dehors de l’Office du Niger, grâce à l’initiative des agriculteurs. De la même façon, les agriculteurs ont créé des petits périmètres irrigués en Guinée Bissau (dans le système balanta pour le riz aquatique de la plaine côtière) et en Tanzanie centrale (Dodoma). Au cours des prochaines décennies, la plupart des nouveaux périmètres devraient être des PPIGA dus à des initiatives individuelles. Leur expansion dépendra de la diversification des systèmes d’exploitation agricole des petits agriculteurs, en réponse à la demande du marché.

Encadré 2.10 Importance de la formation dans les périmètres gérés par les agriculteurs.

L’évaluation thématique du Programme spécial du FIDA pour l’Afrique a conclu que le problème principal de l’irrigation gérée par les agriculteurs ne se situe pas au niveau des technologies employées mais au niveau du manque d’organisation et de cohésion sociales. La faiblesse du financement des unités responsables de la participation des agriculteurs et des associations d’utilisateurs de l’eau (AUE) a retardé le rythme de développement des périmètres. Les ressources financières prévues au moment de la formulation du projet sont souvent insuffisantes pour permettre l’appui à la formation des AUE, la mobilisation pour la participation des communautés et la formation des agriculteurs à la réhabilitation et à la gestion des périmètres. L’approche consistant à répondre à une demande venant des agriculteurs permet une bien meilleure participation de ceux-ci que celle qui consiste à essayer de stimuler leur participation à des initiatives décidées sans eux. De plus, elle nécessite beaucoup moins d’efforts.

PRIORITÉS DU SYSTÈME IRRIGUÉ

Le système d’exploitation agricole irrigué présente un potentiel de développement important dans la région. Les grands périmètres irrigués contribuent principalement à la sécurité alimentaire au niveau nationale et à la croissance agricole; les petits périmètres, quant à eux, contribuent en plus à la sécurité des ménages et à la réduction de la pauvreté. Les principales stratégies pour échapper à la pauvreté dans ce système de production sont l’intensification des assolements actuels, la diversification vers des productions de plus grande valeur et l’augmentation de la taille des exploitations. Il est important de réduire les risques de pertes de récoltes des cultures sensibles à la sécheresse en favorisant, là où l’environnement le permet, l’extension de la rétention de l’eau par des techniques peu coûteuses, telles que les cultures de décrue basées sur des techniques indigènes.

En présence de marché, la réduction des risques favorise souvent l’utilisation des intrants et l’intensification. La diversification vers des cultures de plus grande valeur et l’organisation de l’achat d’intrants et de la commercialisation des produits permettent d’augmenter la rentabilité des périmètres existants. L’amélioration de la qualité des produits et de leur emballage est indispensable pour assurer le développement des petites industries de transformation des produits périssables.

L’identification de productions spéciales (par exemple les produits biologiques) peut aussi aider au développement des périmètres irrigués.

Les politiques donnant la priorité aux périmètres construits et gérés par les agriculteurs - surtout pour les cultures horticoles de grande valeur - devraient être encouragées. L’aide à la petite irrigation sous l’autorité des fonds pour le développement dirigé par les communautés (DDC) sera aussi importante[68]. Dans le cadre des efforts d’intensification et de diversification, la promotion de la multiplication des semences par les agriculteurs devrait être prioritaire. Les autres priorités sont: (i) la promotion des systèmes de microfinancement autosuffisants pour répondre aux besoins de crédit à court terme pour les intrants saisonniers, le travail salarié, la petite transformation et la commercialisation; (ii) l’amélioration de l’utilisation de l’eau et de la productivité sur les périmètres existants en améliorant la capacité des groupes d’utilisateurs d’eau pour une plus grande participation aux opérations des périmètres, à la maintenance et à la réhabilitation; (iii) le renforcement de la capacité des associations d’agriculteurs à payer les conseils agricoles et l’information sur les marchés; et (iv) le support à la formation sur le terrain des agriculteurs en gestion intégrée des ravageurs des cultures maraîchères.

Dans le cas des grands périmètres centralisés et planifiés, les politiques gouvernementales devraient aider à promouvoir une production agricole durable sans intervenir sur le choix des productions. Les mesures d’amélioration devraient porter sur: une politique de transparence des prix; une définition claire des obligations des gestionnaires et des bénéficiaires; la modernisation et la décentralisation des services d’appui à l’agriculture; la délégation des responsabilités aux association d’utilisateurs de l’eau; et la restructuration des corporations parastatales afin de les rendre compétitives. A court terme, la priorité est à la réhabilitation, au rééquipement et à la modernisation des systèmes d’irrigation et de drainage. A long terme, lorsque cela est possible, la priorité devrait être donnée au morcellement des grands périmètres en petites unités, afin de faciliter la gestion des petits agriculteurs qui en ont la charge.


[68] Cette priorité stratégique s’applique aussi aux systèmes d’exploitation agricole à prédominance pluviale dans lesquels la petite irrigation peut être développée.

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