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Contexte régional


CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉGION

La région de l’Europe de l’Est et de l’Asie Centrale comprend 28 pays ayant des niveaux de développement économique très différents[91]. Le développement économique de ces pays, dont 10 à 55 pour cent de la population dépend de l’agriculture, est considéré comme intermédiaire. En 1998, la contribution moyenne du secteur agricole au PIB en terme de valeur ajoutée était de 12 pour cent. En fait, ce chiffre varie de 4 à 54 pour cent selon les pays. La moyenne de la contribution de l’agriculture aux exportations était alors de 11 pour cent[92]. Le nombre des pauvres a considérablement augmenté au cours les dix dernières années. En 1997, cinq pour cent de la population totale vivaient avec moins de 1 dollar EU par jour, et un quart avec moins de 2 dollars EU par jour[93].

La plupart des pays de la région ont mis en place des réformes économiques majeures dans un passé récent. Cependant, en raison de différences historiques et d’une plus ou moins grande proximité avec l’Union européenne (UE), il existe aujourd’hui deux sous-régions présentant des différences importantes dans les progrès réalisés et les résultats des réformes: i) l’Europe centrale et du Sud; et ii) la Communauté des Etats indépendants.

Europe centrale et du Sud (ECS)

Cette sous-région comprend les Etats baltes, la Pologne, les pays d’Europe centrale et du Sud et la Turquie. Elle couvre une superficie totale d’environ 210 millions d’hectares et sa population rurale est de 67 millions de personnes dont 38 millions sont économiquement actifs dans l’agriculture. La densité moyenne est de 90 habitants/km2; toutefois, des variations importantes existent, dues en particulier à la latitude. La zone agroécologique humide subhumide est la plus productive. Il existe dans la région de nombreuses montagnes et collines dont les pentes sont supérieures à 30 pour cent.

La contribution moyenne de l’agriculture au PIB en terme de valeur ajoutée a été en 1998 de 17 pour cent. Ce chiffre recouvre toutefois des variations importantes, de 5 pour cent pour la République tchèque et la Pologne à 54 pour cent pour l’Albanie. La République tchèque et l’Albanie représentent les extrêmes en terme d’importance du travail agricole: en 1990 le travail agricole représentait respectivement 11 et 55 pour cent de la force de travail de ces deux pays. La contribution moyenne de l’agriculture aux exportations était de 11 pour cent. Ces grandes tendances ont influencé les systèmes agricoles pendant la dernière décennie. Ces pays ont connu une série de transformations complexes de leurs systèmes politiques et économiques.

Tous doivent faire face à des défis semblables et ont, au départ, adopté les mêmes grands objectifs. Cependant, les procédures de réforme sont très différentes d’un pays à l’autre en raison du niveau de développement des marchés et de la volonté politique de transformation. Aussi, le rythme de la mise en œuvre des réformes et son contenu varient-ils d’un pays à l’autre. Les progrès du secteur agricole vers une économie de marché diffèrent grandement d’un pays à l’autre. Les changements des systèmes politiques et économiques de la dernière décennie ont entraîné une chute vertigineuse de la production et une forte remontée des inégalités sociales, accompagnées d’un accroissement très important de la pauvreté.

Communauté des Etats indépendants (CEI)

Cette sous-région inclut les pays de l’ex-Union soviétique, excepté les Etats baltes. Elle couvre une superficie totale d’environ 2 180 millions d’hectares. Sa population est de 284 millions de personnes, dont 33 pour cent de ruraux. La densité moyenne de la population est de 13 habitants/km2, mais il existe des variations importantes selon la zone agroécologique et la latitude. Le gel permanent du sol et le manque d’humidité empêchent toute production végétale sur d’immenses zones arides ou subhumides au nord du 78e degré de latitude, couvrant plus de la moitié de la sousrégion.

La densité de population y est inférieure à trois habitants/km2. La quasitotalité de la couverture forestière régionale se trouve sur le territoire de la Fédération de Russie; la plus grande part de celle-ci se situe dans la zone de taïga.

Les systèmes agricoles les plus productifs de la sous-région se trouvent, à l’ouest, dans la zone agroécologique humide subhumide. La plus grande partie de la sousrégion se situe dans les zones aride et semi-aride où le potentiel de production est, en l’absence d’irrigation, très faible. La CEI a connu, pour les mêmes raisons que l’ECS, une forte chute de sa production, et une hausse des inégalités sociales et du nombre de personnes pauvres. En 1998, l’agriculture contribuait en moyenne à 10 pour cent du PIB en termes de valeur ajoutée (de 7 pour cent pour la Fédération de Russie à 46 pour cent pour le Kirghizistan[94]).

Principaux systèmes de production - EUROPE DE L’EST ET ASIE CENTRALE

Déni de responsabilité de la FAO

Les dénominations utilisées et les informations figurant sur les cartes n'impliquent de la part de la FAO aucun jugement concernant le statut légal ou constitutionnel d'un pays, territoire ou étendue maritime ni aucune approbation ou acceptation de ses frontières

Notes:
Projection = Géographique (Lat/Long)

Principaux systèmes de production - EUROPE DE L’EST ET ASIE CENTRALE

Déni de responsabilité de la FAO

Les dénominations utilisées et les informations figurant sur les cartes n'impliquent de la part de la FAO aucun jugement concernant le statut légal ou constitutionnel d'un pays, territoire ou étendue maritime ni aucune approbation ou acceptation de ses frontières

Notes:
Projection = Géographique (Lat/Long)

Les pays de la CEI se sont tous lancés dans un processus complexe de transformation de leurs systèmes politiques et économiques. Ils ont démarré à différents niveaux de développement, ont utilisé des stratégies diverses, aussi les résultats sont-ils contrastés. Les résultats des réformes n’ont généralement pas répondu aux attentes. Dans de nombreux pays, la principale difficulté a consisté à mettre en place les conditions primordiales pour une agriculture fructueuse - l’exploitation privée. Les raisons le plus souvent avancées concernent le refus d’abandonner l’environnement protégé des anciennes exploitations collectives d’état ou des coopératives pour affronter un monde non protégé, sans organisation de la production, des marchés et des services ruraux. Les grandes exploitations collectives ont majoritairement survécu à la transition, elles ont été rebaptisées coopératives de production ou sociétés corporatives. La famille agricole, unité de production, n’est apparue que dans les pays où la terre a été redistribuée. Toutefois la taille des exploitations est encore considérée par beaucoup comme trop petite pour être rentable. Seules de rares unités familiales orientées vers la production commerciale ont été capables de s’établir.

Le processus de transformation des structures économiques, particulièrement celles liées au secteur agricole, s’est révélé, pour les deux sous-régions, être bien plus complexe que prévu. De plus, les défis et perspectives de chaque système d’exploitation agricole sont différents. Ils varient en fonction des ressources naturelles du système, de son histoire, de son organisation et de l’état d’avancement de sa transformation.

PRINCIPAUX SYSTÈMES D’EXPLOITATION AGRICOLES DE L’EUROPE DE L’EST ET DE L’ASIE CENTRALE

Les différences agroécologiques entre les systèmes sont importantes. Elles varient d’une des régions les plus fertiles du monde en Europe du Sud-Est à des régions pauvres où l’eau est rare en Asie centrale. Cette diversité agroécologique associée à l’hétérogénéité des conditions politiques, économiques et sociales de la région, ont conduit au développement d’une grande variété de systèmes d’exploitation agricole.

L’adoption des critères définis au chapitre 1 a permis d’identifier onze systèmes d’exploitation agricole principaux (voir le tableau 4.1 et la carte). Le système urbain est dispersé à travers toute la région et n’est donc pas cartographié. Les différents systèmes sont brièvement décrits dans les paragraphes suivants.

Tableau 4.1 Principaux systèmes d’exploitation agricole de l’Europe de l’Est et de l’Asie Centrale

Systèmes d'exploitation agricole

Superficie (% de la region)

Pop. agricole (% de la region)

Principales activités

Fréquence de la pauvreté

Irrigué

1

4

Coton, riz, autres céréales, tabac, fruits, légumes, activités hors exploitation

Moyenne - importante

Mixte

4

18

Blé, maïs, oléagineux, orge, élevage

Faible - Importante

Elevage basé sur la forêt

3

5

Fourrage, foin, céréales, cultures industrielles, pommes de terre

Moyenne

Mixte horticole

3

11

Blé, maïs, oléagineux fruits, légumes en intensif, élevage, revenus hors exploitation

Moyenne - importante

Céréales-maraîchage à grande échelle

4

16

Blé, orge, maïs, tournesol, betterave à sucre, légumes

Moyenne - importante

Céréales-élevage à petite échelle

1

4

Blé, orge, ovins et caprins

Modérée

Céréales-élevage extensif

18

15

Blé, foin, fourrage, bovins, ovins

Moyenne - importante

Pastoral

3

10

Ovins, bovins, céréales cultures fourragère, pommes de terre

Moyenne - importante

Dispersé (froid)

52

2

Seigle, avoine, rennes, pommes de terre, porcins, forêt

Importante

Dispersé (aride)

6

8

Orge, ovins

Importante

Urbain

<1

7

Légumes, volaille, porcins

Moyenne

Source: Données FAO et jugement d’expert.

Note: La fréquence de la pauvreté est une évaluation relative à la région. Les lacs et les mers intérieures représentent 5 pour cent de la superficie totale de la région.

Système d’exploitation agricole irrigué[95]

Ce système se rencontre dans des zones dispersées des parties centre-sud et est de la région et couvre environ 28 millions d’hectares, dont 10 millions d’hectares cultivés et 8,6 millions d’hectares irrigués. Sa population agricole est d’environ 4 millions d’habitants. On trouve de grandes exploitations irriguées (jusqu’à 500 ha) dans les pays de la CEI et dans quelques zones de Roumanie. Toutes ont été sévèrement affectées par l’augmentation des prix de l’énergie autrefois subventionnée, et par la perte des marchés traditionnels pour les cultures de valeur comme les fruits et légumes.

Dans les parties les plus chaudes de l’Ouzbékistan, de Turkménistan et du Kazakhstan du Sud, l’irrigation est surtout utilisée pour la culture du coton et, dans une moindre mesure, pour celle du riz. L’existence de marchés permet le maintien de la production irriguée du coton, son exportation fournit des devises aux économies dépendant essentiellement de l'agriculture. Cependant, l’utilisation exagérée de l’eau durant l’époque soviétique a entraîné une dégradation très importante de l’environnement (assèchement de la mer d’Aral, désertification des zones avoisinantes) et la généralisation de la salinisation.

Les systèmes irrigués de plus petite taille sont typiques des Balkans, du Caucase et de la Turquie, mais on les trouve aussi dans d’autres pays. La moyenne de la taille des exploitations en propriété et gérées par une seule famille se consacrant à la production de cultures telles que le blé, l’orge, le coton, le tabac, les fruits et le maraîchage, varie entre 2 et 10 ha. Suivant la taille de la famille et la surface irriguée, ces exploitations peuvent procurer un emploi à temps partiel ou à plein temps. Les surplus commercialisables représentent la principale source de revenu monétaire.

La perte des anciens marchés de fruits et de légumes a entraîné un développement important de la pauvreté, en particulier dans le Caucase. Cependant, certaines exploitations arrivent, en dépit de leur très petite taille, à se recapitaliser progressivement.

Système d’exploitation agricole mixte

Ce système est répandu dans les pays d’Europe centrale cherchant leur adhésion à l’UE. Il couvre une superficie estimée à 85 millions d’hectares, principalement dans la zone agroécologique humide subhumide. La population rurale, en baisse, est aujourd’hui estimée entre 25 et 35 pour cent de la population totale. La population agricole s’élève à 16 millions de personnes; les conditions de production agricole varient considérablement. La plus grande partie des 35 millions d’hectares cultivés se situe dans les plaines entre les montagnes; elle est principalement consacrée à la production de blé, de maïs, d’oléagineux et d’orge, en combinaison avec de petites surfaces de fruits et de cultures maraîchères. L’élevage est surtout tourné vers la production de bovins (lait et viande) et de porcs. Les collines et les montagnes voisines sont consacrées aux pâturages et à la forêt.

Cette région a vu l’apparition de nombreuses nouvelles exploitations familiales, à l’exception de la Pologne et des pays de l’ex-Yougoslavie où les petites exploitations familiales dominaient déjà avant la période de transition. La majorité de ces nouvelles exploitations, dont les types de propriété et d’organisation sont très variables, est issue de la privatisation et de la décollectivisation des grandes unités agricoles d’état et collective. Dans certains pays, l’état possède encore une part importante des terres ou continue à posséder une partie du capital des nouvelles exploitations. Il existe aujourd’hui deux principaux types d’exploitations, selon le type de propriété et de gestion: les petites et moyennes exploitations familiales privées et les moyennes et grandes sociétés ou fermes coopératives.

La fréquence de la pauvreté est faible à moyenne. Elle se rencontre surtout parmi les groupes les plus vulnérables, tels que les minorités ethniques, les travailleurs sans emploi ou sans qualification, et les exploitations dans les zones marginales.

Système d’exploitation agricole d’élevage basé sur la forêt

Ce système est situé au nord-ouest de la région dans une zone agroécologique humide subhumide et s’étend sur une superficie estimée à 72 millions d’hectares, dont 25 millions d’hectares sont cultivés; sa population agricole est d’environ 5 millions de personnes.

Les grandes exploitations, coopératives ou entreprises dont la taille varie de 500 à 2 000 ha, sont typiques de la Biélorussie et du nord-ouest de la Russie. Leurs productions sont orientées vers le fourrage, le foin, les céréales, les cultures industrielles et les pommes de terre. Dans l’état actuelle des choses, ces exploitations génèrent peu ou pas de revenus monétaires. Le troc est le principal mode de survie des membres des coopératives ou des travailleurs agricoles. Il est probable qu’avec les réformes économiques et politiques qui continuent à être mise en place, un grand nombre de ces grandes exploitations sera progressivement remplacé par des exploitations privées[96].

Système d’exploitation agricole mixte basé sur l’horticulture

Ce système couvre 79 millions d’hectares dont 24 millions d’hectares cultivés. Il se rencontre surtout dans le sud des Balkans, le nord de la Turquie et le Caucase. Sa population agricole est de près de 10 millions de personnes dispersées principalement sur les pentes de la zone agroécologique sèche subhumide, caractérisée par un climat méditerranéen. Tandis que les populations rurales des Balkans diminuaient fortement au cours de la dernière décennie, elles augmentaient dans les pays du Caucase. La taille moyenne des exploitations est réduite et la production diversifiée - blé, maïs, oléagineux, fruits et maraîchage, associés aux bovins, moutons et chèvres. Bien que l’horticulture (fruits secs et maraîchage) n’occupe que 15 pour cent des terres cultivées (irriguées en plein champ ou sous serre, ou autres systèmes de protection), elle contribue de façon importante à la valeur de la production végétale et au revenu des ménages. Il est courant, dans le sud de Balkans et dans le Caucase, que les familles propriétaires des exploitations et des parcelles individuelles issues de la privatisation travaillent à mi-temps hors exploitation. La production de céréales et d’oléagineux est très souvent consommée à la ferme; les surplus commercialisables de fruits, maraîchage et produits animaux représentant la principale source de revenu monétaire. La pauvreté, due en partie aux conflits armés, est importante; elle touche principalement les minorités, les personnes sans emploi et sans terre des zones rurales et urbaines, les groupes marginaux (par exemple les femmes et les vieillards) et les populations des zones marginales.

Système d’exploitation agricole céréales-maraîchage à grande échelle

Ce système est typique de l’Ukraine, de la partie sud de la Fédération de Russie et de la République de Moldavie. Il couvre quelque 100 millions d’hectares, principalement dans la zone agroécologique humide subhumide. Sa population agricole est d’environ 15 millions de personnes. Quelque 38 millions d’hectares sont cultivés. Le processus de privatisation a commencé, toutefois, des exploitations sont encore de grande taille (500 à 4000 ha). Bien que la propriété privée gagne du terrain, la coopérative et le groupe par action restent les principaux types de propriété. Les populations rurales représentent une proportion relativement importante de la population totale de ce système - probablement environ un tiers - et ne diminuent que lentement. Comme dans le nord-ouest de la Russie et en Biélorussie, ces exploitations génèrent peu de revenus monétaires et les membres des coopératives ou les travailleurs agricoles dépendent beaucoup de la production de leur lopin de terre familial et du troc pour subvenir aux besoins de leurs familles.

Système d’exploitation agricole céréales-élevage à petite échelle

Ce système se rencontre dans les zones semi-arides et sèche subhumide et dans les zones montagneuses de Turquie. Il est caractérisé par une période végétative de moins de 180 jours. Sa population agricole est estimée à 4 millions de personnes; il couvre une superficie de 35 millions d’hectares, dont quelque 8 millions d’hectares cultivés par des agriculteurs propriétaires ou locataires. La privatisation a entraîné une amélioration de la gestion agricole, une meilleure utilisation de la force de travail et une diversification de la production. Cependant, de nombreuses exploitations issues de la redistribution des terres sont de très petites tailles, certaines d’entre elles sont à peine viables. Les arrangements concernant la propriété n’encouragent ni la productivité à court terme ni la gestion des ressources naturelles à long terme. Les principales céréales sont le blé et l’orge. Les rendements des cultures pluviales varient énormément d’une année à l’autre, en fonction de la pluviométrie. Néanmoins, les petits agriculteurs de ce système produisent la plus grande partie des céréales de la Turquie. Les ménages agricoles consomment à peu près la moitié du blé produit, l’autre moitié est commercialisée. L’orge est presque entièrement utilisée pour l’alimentation animale ou exportée. L’élevage des moutons et des chèvres joue un rôle important dans le système; les bovins sont peu nombreux. Il existe une certaine intégration agriculture élevage issue des pratiques traditionnelles. L’alimentation des animaux est constituée de la paille des cultures, des mauvaises herbes, de l’herbe des terres en jachère et des pâturages des zones non cultivables. Le surpâturage des prairies, des terres marginales, des forêts et des herbages de montagne est courant; il est responsable de dégâts importants sur l’environnement et de la faible productivité de l’élevage.

Bien que la pauvreté augmente, la diminution du taux de croissance de la population a réduit la pression sur les terres redistribuées et l’industrialisation offre des possibilités de travail à mi-temps ou à plein-temps à de nombreux agriculteurs.

Système d’exploitation agricole extensif céréales-élevage

Ce système se rencontre dans la zone agroécologique semi-aride de la Fédération de Russie et dans le nord du Kazakhstan, il couvre aussi des surfaces importantes dans le sud du Kazakhstan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan. C’est le domaine de la steppe, traditionnellement utilisée par les troupeaux de nomades jusqu’à sa mise en culture au cours des dernières décennies. Les principales productions sont le blé, le foin et autres productions fourragères associés aux bovins et moutons. Dans les parties plus sèches (pluviométrie annuelle de 200 à 300 mm) les terres sont mises en jachère tous les deux ans. Ce système couvre une superficie totale de 425 millions d’hectares, dont environ 107 millions d’hectares sont cultivés. Sa population est estimée à 14 millions de personnes. Le régime de la propriété est en cours de mutation: on y rencontre des exploitations collectives et d’état, des coopératives ou groupes par actions et un nombre croissant de petites exploitations familiales. La pauvreté augmente chez les personnes âgées, les jeunes familles et les anciens membres des coopératives ainsi que dans les zones urbaines.

Système d’exploitation pastoral

C’est le système typique de la plupart des étendues du sud de l’Asie centrale. Il couvre environ 82 millions d’hectares et sa population agricole dispersée est estimée à 9 millions de personnes. Les populations rurales constituent une part importante de la population totale, elles atteignent 60 pour cent au Kirghizstan. L’essentiel des pâturages se situe en haute montagne ou dans des zones sèches adjacentes. L’élevage est essentiellement constitué d’ovins et de quelques bovins. A côté de l’élevage, activité dominante, quelque 14 millions d’hectares situés dans les vallées, où les conditions sont un peu plus favorables, sont consacrés à la culture des céréales, des fourrages et des pommes de terre destinés à l’autoconsommation. Le modèle de conduite des troupeaux est le suivant: pâturage sur les parcours communaux du village pendant le printemps et l’automne; pâturage en montagne en été, où les parcours sont souvent surpâturés; alimentation à l’étable pendant l’hiver. La détérioration de la végétation naturelle et l’érosion des sols, causées par une population animale excessive, une mauvaise gestion des parcours et le surpâturage, constituent un des principaux problèmes de ce système. La production de laine, qui fut très importante à l’époque soviétique, a considérablement diminué depuis le début des années 90; dans le même temps, la production de viande a augmenté par le remplacement des races traditionnelles par des races à viande. La pauvreté est très fréquente dans ce système.

Système d’exploitation agricole dispersé (froid)

Ce système se rencontre en Russie, au nord du système extensif céréale-élevage. Il couvre 1 260 millions d’hectares dont seulement 23 millions d’hectares ont été mis en culture dans la Toundra et les forêts de la Taïga, principalement dans la partie européenne. Sa population est estimée à 2 millions de personnes. La taïga reste la plus grande réserve de bois du monde. Les conditions naturelles difficiles ne permettent que des cultures limitées de seigle, d’avoine, de pommes de terre et d’un peu de maraîchage, complémentées par l’élevage de porcs. Les principales contraintes sont: la brièveté de la période végétative, les températures très basses et la pauvreté des sols. Le type de sol dominant est le podzol, caractérisé par un lessivage intense des éléments nutritifs et une acidité importante. Divers groupes de populations indigènes, dont les Yakuts et les Evenks, pratiquent le pastoralisme du renne. Le potentiel de développement agricole de ce système est très limité.

Système d’exploitation agricole dispersé (aride)

Ce système couvre 143 millions d’hectares, sa population agricole est d’environ 7 millions d’habitants. On le rencontre dans sud de la steppe eurasienne, dans la partie sud de l’Asie centrale englobant la majeur partie des territoires du Turkménistan et de l’Ouzbékistan ainsi qu’une partie importante du Kazakhstan. Les zones les plus sèches sont uniquement utilisées par les nomades. La culture extensive des céréales associée à l’élevage des moutons est pratiquée dans les zones les plus favorables, soit sur environ 8 millions d’hectares; la culture des céréales alterne généralement avec une jachère cultivée pour y maintenir l’humidité du sol. La majorité des exploitations est de grande taille. Ces exploitations très endettées, sans irrigation, ne sont plus viables maintenant que les subventions ont été retirées. Lorsque la faillite est autorisée, comme c’est le cas au Kazakhstan, les exploitations mises en liquidation sont le plus souvent achetées pour leur équipement (tracteurs et machines), ne laissant d’autre choix aux ouvriers que de migrer vers les villes. A moins que l’irrigation ne soit possible, mais les ressources en eau sont déjà surexploitées, les possibilités de développement agricole sont très réduites. Dans les parties les plus arides la reconversion vers une certaine forme de pastoralisme est inévitable.

Système d’exploitation agricole urbain

Ce système se trouve à l’intérieur et autour des villes de la région[97]. Bien qu’il n’existe pas de statistiques sur l’agriculture urbaine, il est clair que son importance s’est accrue au cours des dernières années en raison de l’augmentation du chômage et de la pauvreté. Ce type de production se fait essentiellement sur des terres privées résidentielles, on peut aussi le rencontrer sur des terres du domaine public allouées à certaines catégories de bénéficiaires. L’agriculture urbaine produit surtout du maraîchage, en particulier des légumes à feuilles, toutefois, le petit élevage représente aussi un élément important de ce système. Comme dans le cas des agriculteurs cultivant de petites parcelles familiales en zones rurales, la majorité des agriculteurs cultivant ces parcelles urbaines utilisent leurs productions pour leur propre consommation, occasionnellement les surplus sont vendus sur les marchés locaux. Cependant, certains de ces agriculteurs urbains commercialisent l’ensemble de leurs productions.

GRANDES TENDANCES EN EUROPE DE L’EST ET EN ASIE CENTRALE

Cette section décrit les principales tendances au niveau de l’ensemble de la région en termes de population, de faim et de pauvreté; de ressources naturelles et de climat; de science et de technologie; de libéralisation du commerce et de développement des marchés; d’institutions politiques et de biens publics; et d’information et de capital humain. Trois des systèmes d’exploitation agricole régionaux décrits dans les sections précédentes ont été choisis pour être décrits et analysés plus complètement à la fin de cette section.

Population, faim et pauvreté

A la différence d’autres régions du monde à revenus bas ou moyens, la population de cette région n’augmente plus de nos jours. Elle s’élève pour l’ensemble de la région à 478 millions d’habitants. Son taux d’accroissement devrait être très faible d’ici 2015 et même négatif de 2015 à 2030.

Cette faible croissance de la population est probablement due à la baisse du niveau de vie qu’a connu la région depuis la chute du système économique planifié centralisé à la fin des années 80. La consommation de calories par tête, qui était supérieure à celles des pays industrialisés au milieu des années 80, a chuté de près de 15 pour cent au cours de la décennie suivante. Elle est encore nettement supérieure à la moyenne mondiale des pays en développement, mais inférieure à celle des pays industrialisés et des pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Une lente récupération de la consommation est prévue au cours des 30 prochaines années, elle devrait toutefois rester, en moyenne, légèrement inférieure à celle des années 80.

Les niveaux de pauvreté ont augmenté plus rapidement que ceux de la faim. Une étude sur l’impact de la transition, faite à partir d’enquêtes de consommation des ménages, estime que le nombre total des pauvres est passé de 14 millions en 1987-1988 à 147 millions en 1993-1995[98]. Les niveaux de pauvreté n’ont guère augmenté dans les pays baltes et en Europe centrale, ils sont importants en Pologne et dans les Balkans et très importants dans le reste de la région. La fréquence de la pauvreté de la seule Fédération de Russie est passée de 2 à 50 pour cent pendant cette période, ce qui signifie un accroissement du nombre des pauvres de 2 millions à plus de 74 millions de personnes pendant cette décennie. La situation est semblable en Ukraine, en Moldavie et en Biélorussie; les états d’Asie centrale, dont les niveaux de pauvreté étaient plus élevés au départ, ont, quant à eux, atteint des niveaux allant jusqu’à 88 pour cent de la population (cas de la République du Kirghizstan).

Ressources naturelles et climat

Le rapport entre le potentiel en ressources de bases disponibles et le taux de croissance attendu de la population de cette région est plus favorable au développement que celui de beaucoup d’autres régions en développement. Sa superficie des terres est d’environ 2,3 milliards d’hectares[99], soit 17 pour cent des terres émergées du globe, alors que sa population ne représente que 8 pour cent de la population mondiale. Cependant, le potentiel d’expansion des terres agricoles est très limité; toutefois, nous verrons ci-dessous qu’il est possible d’augmenter considérablement l’intensité de la production. Certaines terres, particulièrement dans le système extensif céréale-élevage[100], ne sont plus cultivées; la plupart d’entre elles ne conviennent pas aux cultures et devraient être converties en pâturages.

La pression des populations sur les ressources naturelles continuera à être la plus forte dans les Balkans, en Asie centrale, en Turquie et dans le Caucase. Elle menacera les efforts de conservation, à moins que de nouvelles pratiques ne soient adoptées, comme par exemple la gestion améliorée des bassins versants qui a été introduite sur le plateau d’Anatolie en Turquie. Les résultats des réformes en cours dans les zones où les grandes exploitations dominent auront une influence sur l’utilisation des ressources naturelles et sur les risques de dégradation de l’environnement. Les changements de climat exerceront une pression supplémentaire; certaines études prévoient un déclin de la pluviométrie et des rendements des cultures en Asie centrale[101] au cours du XXe siècle.

Les cultures annuelles et pérennes couvrent environ 292 millions d’hectares, parfois sur les sols les plus fertiles du monde - les tchernoziom. On a assisté au cours des années 90 à une diminution des surfaces cultivées; dans des zones telles que celles des systèmes d’exploitation agricole extensif céréale-élevage on ne cultive aujourd’hui que 60 à 70 pour cent des ressources potentielles de terre. Les raisons de cette situation sont les suivantes: i) difficultés d’accès à la mécanisation et aux intrants; ii) problèmes de commercialisation; et iii) perte de capacité d’irrigation due au manque d’entretien. Cependant, cette diminution vient après des décennies d’expansion à grande échelle des surfaces labourées au détriment des marais, des forêts, des steppes, souvent dans des zones ne convenant pas à une agriculture durable. On devrait assister à un abandon des cultures dans les terres les plus marginales, mêmes dans des terres irriguées lorsque cette technique n’est pas viable. En fait, presque partout, la terre en soit n’est pas un facteur limitant, les vrais problèmes sont l’accès à la terre, les services d’appui et la capacité de gestion des exploitations. Toutefois, la terre est un facteur limitant dans certaines zones spécifiques, comme par exemple dans le Caucase et dans les vallées étroites des montagnes d’Asie centrale.

L’irrigation couvre presque 29 millions d’hectares dans la région: près de 20 millions sont situés dans les pays de la CEI (Kazakhstan, République kirghize, Tadjikistan et Ouzbékistan), 5 millions d’hectares en Europe de l’Est, surtout en Roumanie (2,8 millions d’hectares) et le reste en Turquie (4,2 millions d’hectares) où des études ont montré qu’il serait possible d’irriguer jusqu’à 8,7 millions d’hectares. Dans le but de faire face à la stagnation de la production agricole, la politique a été d’accroître les surfaces irriguées dans la région, elles ont augmenté à un taux annuel moyen de 2,8 pour cent de 1961 à 1990. Une grande partie de cette superficie se trouve dans les pays de l’Asie centrale[102] où 20 à 30 pour cent des terres cultivées sont irrigués. Le coton a toujours été irrigué dans cette sous-région, mais au cours des dernières années l’irrigation a été très utilisée pour la production des céréales. Le développement de très grands systèmes d’irrigation, combiné à un accroissement rapide des populations de la sous-région, a conduit à des retraits d’eau très importants qui ont eu de très importantes répercussions négatives sur l’environnement (voir encadré 4.1).

Les forêts couvrent environ 4 pour cent de l’Asie centrale et, en moyenne, plus de 20 pour cent d’autres sous-régions. Les Etats baltes et la Fédération de Russie ont les plus grandes proportions de forêt sur leurs sols, respectivement 37 et 45 pour cent. La plupart des zones forestières appartiennent encore à l’état, mais une partie des ressources forestières a été privatisée dans certains pays de l’ECS. Dans la plupart des pays, les multiples bénéfices que l’on peut tirer des forêts ne sont pas reconnus, aussi les investissements destinés à leur protection et à leur gestion durable sont-ils insuffisants.

Encadré 4.1 Développement non durable de l’irrigation

Le bassin de la mer d’Aral est le cas le plus impressionnant du désastre causé à l’environnement par une irrigation non durable. Plus de 8 millions d’hectares furent irrigués à partir des eaux des fleuves de la région de Tien Shan Range qui se déversent normalement dans la mer d’Aral. Cette pratique entraîna une réduction de moitié de la superficie de la mer intérieure. Les sols furent contaminés par le sel, de plus, un mauvais drainage des zones irriguées combiné à un entretien défectueux des systèmes d’irrigation entraîna le détrempage des sols et des problèmes de salinité, qui entraînèrent des chutes de rendements des cultures. Les superficies irriguées ont considérablement diminué au cours des 10 dernières années en raison de l’absence de maintenance des systèmes d’irrigation et de l’utilisation de l’eau durant l’hiver pour produire de l’énergie; il est peu probable qu’elles puissent revenir à leur niveau d’origine.

Dans d’autres sous-régions, particulièrement dans le Caucase, l’irrigation est réalisée à partir de pompages profonds qui ne sont plus rentables aujourd’hui. Partout, la maintenance de l’infrastructure de l’irrigation et du drainage est souvent négligée, aussi l’agriculture irriguée devient-elle moins fiable et voit-elle ses surfaces diminuer. Cette tendance devrait se poursuivre pendant un certain nombre d’années. Rétablir les systèmes et remettre sur pieds les institutions chargées de la gestion de l’irrigation est un long processus, et demande des ressources importantes ainsi qu’une réelle volonté politique. De nombreux systèmes ont besoin d’être redessinés et réduits en taille; quelques-uns devront même être abandonnés, parce que trop coûteux à faire fonctionner.

Science et technologie

Les changements technologiques ont été à l’origine de l’accroissement de la productivité agricole et de la promotion du développement agricole de tous les pays de la région. Dans le passé, les technologies furent sélectionnées et adoptées principalement pour accroître la production et la productivité, et la recherche agricole fut orientée vers la résolution des problèmes des grandes exploitations agricoles. Aussi la région manque-elle cruellement de technologies adaptées à la petite agriculture familiale.

Le tableau 4.2 ci-dessous présente les tendances de l’évolution des superficies cultivées, des rendements et de la production.

A l’exception de certaines zones où elle a pu augmenter, la production végétale a été stable dans la région depuis 1995. On a assisté à une augmentation des surfaces réservées aux productions vivrières (blé, pommes de terre et un peu de maraîchage) dans les assolements au détriment des fourrages et des cultures industrielles. Les rendements ont chuté, principalement en raison de la baisse de la consommation d’engrais. Cependant, les labours tardifs, le manque d’irrigation, la mauvaise qualité des semences et le manque d’expérience des agriculteurs à qui les terres ont été redistribuées sont autant de facteurs importants qui ont aussi contribué à la baisse de la productivité. La dose actuelle d’engrais n’est que d’environ 25 kg/ha de terre cultivée, c’est-à-dire moins du quart du niveau antérieur à la réforme.

Tableau 4.2 Tendances de l’évolution des superficies récoltées, des rendements et des productions de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale 1970-2000

Culture

Superficie2000 (m ha)

Rendement 2000 (tonne/ha)

Produits 2000 (m tonnes)

Variation annuelle moyenne 1970-2000 (%)

Superficie

Rendement

Production

Blé

58

1,9

111

-1,2

0,9

-0,4

Orge

24

1,7

40

-0,4

0,0

-0,3

Maïs

10

2,8

27

-0,5

0,1

-0,5

Autres grains

19

1,6

31

-1,8

0,8

-0,9

Racines et tubercules

8

12,1

101

-1,2

-0,3

-1,5

Légumineuses

4

1,2

5

-2,5

0,3

-2,2

Oléagineux

18

0,4

7

0,8

0,3

1,0

Maraîchage

5

15,8

71

-0,3

1,2

1,5

Fruits

6

5,2

30

-0,1

0,0

0,1

Source: FAOSTAT.

Note: La couverture géographique est comparable pour 1970 et 2000. Cependant, des changements dans les procédures statistiques de collecte peuvent entraîner des distorsions importantes (par exemple, exclusion des activités privées avant 1990).

Les changements dans les rendements et les assolements eurent d’abord lieu dans les exploitations privées, démontrant ainsi leurs facultés d’adaptation aux nouvelles conditions de marché. Les grandes exploitations ont eu tendance, même après leur réorganisation, à conserver leurs assolements traditionnels et leurs styles de gestion, aussi leurs rendements sont restés inférieurs à ceux des agriculteurs privés. Les rendements, stimulés par la recapitalisation des exploitations, par la disponibilité en technologies améliorées, et par une expérience croissante dans la gestion des cultures avec de faibles niveaux d’intrants extérieurs, devraient augmenter très lentement dans l’avenir. On s’attend à des changements dans les assolements en réponse aux besoins du marchés: diminution des cultures vivrières et augmentation des cultures de plus grandes valeurs. Lorsque les conditions sont difficiles, comme dans la steppe de Sibérie, l’augmentation des rendements est elle-même difficile, leur stabilisation et la réduction des coûts de production représentent alors les principales améliorations auxquelles on peut s’attendre dans le futur.

La consommation d’engrais a baissé au cours de la dernière décennie, en moyenne de 15,8 pour cent par an dans les pays de la CEI et de 6,2 pour cent par an en Europe centrale. Ces baisses sont principalement dues à l’arrêt des subventions sur les énergies qui a entraîné une augmentation du prix des engrais, un manque de capitaux propres et l’absence d’institution de crédit. Les faibles doses d’application d’engrais ont entraîné des baisses de rendement, surtout chez les cultures les plus sensibles aux déficiences en d’éléments nutritifs, telle que les pommes de terre et les betteraves à sucre. Les rendements se sont plus ou moins stabilisés à un niveau bas dans les pays de la CEI, tandis qu’ils remontent en Europe centrale.

Les tendances de l’évolution des populations animales et de leur production sont présentées au tableau 4.3 ci-dessous.

Les populations animales de la région sont les suivantes: bovins, 88 millions; moutons et chèvres, 117 millions; porcins, 78 millions; et volailles, 1 100 millions. Le nombre d’animaux et la production animale ont tous deux diminué durant les dix dernières années. On prévoit une lente récupération et la croissance du nombre d’animaux d’ici 2030. L’augmentation attendue de la production en viande devrait donc surtout provenir de l’accroissement de productivité par animal.

Tous les systèmes d’exploitation agricole ont connu, apparemment pour des raisons diverses, une chute des populations animales. Dans les zones les plus froides par exemple, l’élevage du bétail dépend essentiellement des céréales importées, il n’est aujourd’hui plus rentable. Dans le Caucase et, encore plus, dans le sud de l’Asie centrale où il existe de grandes étendues de parcours convenant bien à la production animale à faible coût, les petits agriculteurs furent au départ incapables de conserver tous les animaux libérés par la liquidation des sovkhozes et des kolkhozes. Ils souhaiteraient aujourd’hui reconstituer les troupeaux. Néanmoins, même avec la réintroduction des cultures fourragères dans la rotation, le manque de parcours près des villages pourrait limiter l’expansion de l’élevage dans ces zones. Globalement, bien que l’on puisse augmenter la productivité de l’élevage par une amélioration de la santé animale et une meilleure gestion de son alimentation, il n’est pas certain qu’il soit possible de revenir aux anciennes charges d’animaux par unité de surface. On assistera probablement à une plus grande spécialisation de la production.

Tableau 4.3 Tendances de l’évolution des populations animales et de leur production en Europe de l’Est et Asie centrale, 1970-2000

Espèces

Millions de têtes 2000

Variation annuelle moyenne 1970-2000 (%)

Bovins

88

-1,5

Petits ruminants

117

-2,3

Porcins

78

-0,6

Volaille

1111

0,5

Produit

Production 2000 (millions de tonnes)

Variation annuelle moyenne (%)

Total viande

18

-0,2

Total lait

103

-0,5

Total laine

0,2

-3,1

Total oeufs

5

1,1

Source: FAOSTAT.
Note: voir note du tableau 4.2

Libéralisation du commerce et développement des marchés

De nombreux pays ont perdu leurs marchés traditionnels en raison de la rupture des liens économiques entre les pays de l’ancien bloc soviétique et des conflits armés existant dans certaines zones. La libéralisation du commerce a entraîné une augmentation rapide des importations qui a gravement concurrencé les producteurs locaux et a perturbé les marchés intérieurs. Les pays traditionnellement exportateurs de produits horticoles ont été les plus touchés par ce phénomène (Bulgarie, Géorgie, Moldavie, Arménie et Macédoine). La lenteur des progrès des réformes économiques et les difficultés à répondre aux critères de qualité exigés ont rendu la réorientation vers les marchés régionaux et mondiaux difficile.

Le démantèlement des énormes complexes agroalimentaires a entraîné la cassure des réseaux traditionnels de commercialisation. En l’absence de cadres institutionnel et économique efficaces pour l’agriculture et l’agro-industrie et de services d’appui à la commercialisation, les agriculteurs sont incapables de vendre leurs produits sur les marchés locaux et régionaux. La présence de monopoles locaux qui représentent souvent la seule possibilité pour l’achat des intrants et la vente des produits constitue parfois une réelle contrainte pour la commercialisation des produits agricoles.

La mauvaise qualité des produits, la faible productivité et l’absence de concurrence, ont constitué des traits communs aux systèmes agricoles de la région, et ont limité leur compétitivité sur les marchés mondiaux d’exportation. On s’attend à une dégradation des conditions de commercialisation des produits de base au cours des 30 prochaines années; il sera dans ces conditions difficile d’améliorer la compétitivité des produits agricoles à l’exportation, spécialement pour ceux des zones irriguées. Cependant, si des progrès importants sont réalisés dans la réorganisation et la gestion des exploitations, les céréales produites dans la région en général et dans le système d’exploitation agricole céréale-maraîchage à grande échelle en particulier, pourraient devenir compétitives au niveau international. Des changements de politiques agricoles de la Fédération de Russie, de l’Ukraine et de la Moldavie pourraient transformer le marché mondial des céréales en rendant ces pays compétitifs face aux productions subventionnées de l’UE.

Politiques, institutions et biens publics

Tous les pays de la région ont du s’adapter pour satisfaire aux exigences de l’économie de marché. Cette adaptation a nécessité des changements importants de leurs institutions. Les pays de l’Europe centrale ont réalisé des progrès importants (réformes institutionnelles et politiques) dans la perspective de rejoindre l’UE.

Bien que des progrès importants aient été réalisés dans la plupart des pays, principalement dans les domaines macroéconomique et de politique commerciale, des efforts restent à faire pour l’ajustement des structures foncières, des marchés et des politiques agricoles. Durant les premières années de transition, l’appui à l’agriculture diminua beaucoup, les instruments de politique changèrent, le rôle de la planification centrale diminua et les barrières commerciales furent réduites. Cependant, dans les pays d’Europe centrale, l’assistance à l’agriculture s’accrut progressivement à partir du milieu des années 90. Dans d’autres pays de la région, les réformes commencèrent plus tard; elles sont encore en cours pour la privatisation des terres et l’établissement des droits de propriété, la restructuration des entreprises agricoles, et la déréglementation des marchés. De nouveaux instruments politiques ont été introduits, toutefois, le cadre politique et les arrangements institutionnels doivent encore s’adapter aux nouveaux concepts de l’économie de marché.

Les grandes exploitations collectives et d’état ont dominé l’agriculture de cette région durant la seconde moitié du siècle passé, à l’exception de la Pologne et des pays de l’ex-Yougoslavie où les petites exploitations familiales ont toujours subsisté. Ces grandes unités, qui couvraient des milliers ou même des dizaines de milliers d’hectares et employaient des centaines ou des milliers de travailleurs, étaient responsables de la production vivrière, de la commercialisation des produits, de la fourniture de services économiques et sociaux et, dans une certaine mesure, de l’organisation de la vie familiale des travailleurs. La transition à partir du communisme a dépendu bien souvent de la volonté politique de démantèlement de ces unités[103]. Il existe, d’un pays à l’autre, de grandes variations dans la mise en œuvre des réformes foncières, et dans le rythme et les procédures de restructurations. Le trait commun à tous ces pays est la complexité imprévue de ce processus de transformation, liée à l’extrême difficulté de réinventer des systèmes d’exploitation agricole fondés sur la propriété et la gestion individuelle.

A côté d’une certaine résistance des défenseurs du système précédant, la résistance au changement est, pour de nombreux ménages ruraux, liée à la crainte de quitter un environnement protégé dans lequel ils avaient leurs habitudes pour un monde plein de risques et d’incertitudes qui n’a pas encore de services et d’institutions capables de les assister. Aussi, même si la terre est officiellement privatisée, les nouveaux systèmes d’exploitation agricole sont, dans de nombreux pays, loin d’être mis en place. La restructuration des exploitations est à peine commencée dans la plus grande partie de la Russie et de l’Ukraine; dans la plupart des autres pays on assiste à la coexistence d’un grand nombre de formes de propriétés: i) les sociétés par actions; ii) les sociétés à responsabilité limitée; iii) les coopératives (souvent impliquées dans la production des produits de base); iv) les associations d’agriculteurs; v) les exploitations paysannes (nouvellement formées de petits groupes de ménages individuels); vi) les exploitations familiales; et viii) les parcelles individuelles. Dans certains pays, l’état reste encore propriétaire d’une part importante des terres ou détient une part du capital des exploitations démantelées.

La propriété foncière demeure encore un problème majeur et, dans la plupart des pays, l’attribution des titres de propriétés traîne et les droits de propriété sont peu clairs. Aussi, beaucoup d’agriculteurs ne peuvent-ils pas utiliser leur terre comme garantie auprès des banques. Dans d’autres cas, les titres de propriété ont été distribués mais pas les parcelles de terre. Ceux que l’on appelle les «propriétaires absents», qui incluent ceux qui refusent de quitter la collectivité et une forte proportion des retraités qui ont reçu des parts de terre mais qui ne souhaitent pas les exploiter, sont assez nombreux. Dans de nombreux cas, les contraintes légales (restrictions sur les transferts de propriété, interférence du gouvernement dans l’évaluation de la terre et la détermination de son prix) ou les problèmes de titres de propriété empêchent les marchés fonciers de fonctionner. On est souvent en présence d’arrangements informels peu transparents de location, qui ne favorisent pas la gestion à long terme des ressources en terre ni les investissements pour son amélioration.

Encadré 4.2 Fragmentation et consolidation des propriétés foncières dans le système d’exploitation agricole mixte de Bulgarie[104]

La structure de la propriété foncière changea radicalement en Bulgarie lors du démarrage de la restitution et de la distribution des propriétés; différents types d’exploitation agricole firent alors leur apparition. Le secteur privé, avec ses quelque 1,75 millions de petits propriétaires terriens, devint dominant. Cependant, 95 pour cent de ces agriculteurs cultivent une superficie égale ou inférieure à deux hectares. La très forte fragmentation des terres est considérée comme un obstacle au développement d’un secteur agricole sain. Les réformes foncières et structurelles entraînèrent l’apparition de trois principaux groupes de structures opérationnelles en agriculture: les exploitations privées individuelles, les coopératives et les exploitations d’état.Toutes souffrent de la parcellisation des terres.

Dans l’environnement économique et institutionnel existant, l’approche la plus courante pour augmenter la taille des exploitations est la consolidation informelle à court terme. Dans la région de Dobjudja, le regroupement des terres se réalise souvent à partir d’accords mutuels et informels entre agriculteurs à l’intérieur d’un territoire d’une même communauté. Les pratiques les plus courantes sont: la location de terre appartenant au fonds des terres d’état pour une période de 10 ans; l’achat de terre agricole à partir du fonds d’obligations compensatoires; l’échange de parcelles privées dispersées avec des terres d’état consolidées par le fonds; l’échange de parcelles entre producteurs et entre propriétaires; et l’achat et la vente de terres agricoles.

L’une des conséquences du processus de distribution des terres est la fragmentation de celles-ci (voir encadré 4.2). Les bénéficiaires ont reçu leurs terres sous forme de nombreuses parcelles de qualités diverses sur lesquelles peuvent être présentes des productions pérennes variées. Ceci a pour conséquence d’entraîner des difficultés de mécanisation des travaux sur les petites parcelles et un accroissement des coûts de transport sur des parcelles dispersées. Le regroupement des terres devrait, dans l’avenir, se faire de deux façons: i) les producteurs échangeront leur terre d’une façon formelle ou informelle; et ii) les plus actifs concentreront de grandes superficies de terre par location ou achat. Ces phénomènes devraient être encouragés par des campagnes d’information concernant le cadre légal approprié pour ces échanges; la consolidation des terres ne devrait, en aucune façon, être forcée.

La distribution des actifs - comprenant le matériel agricole, les bâtiments, les magasins, les véhicules et même les équipements de transformation - représente un autre problème associé à la restructuration des terres. En théorie, les agriculteurs avaient droit à une certaine part de ces actifs. En pratique, ils ont été largement lésés de ce droit pour les raisons suivantes: i) pillage des équipements; ii) difficulté de distribuer des gros équipements ou des bâtiments à des individus; iii) manque d’information concernant les droits des agriculteurs; et v) actifs obsolètes.

Finalement, la plupart des grandes exploitations de la région ont des dettes gigantesques. L’accumulation de ces dettes fut, en partie, le résultat d’une politique d’annulation des dettes par un jeu d’écriture, qui devint la règle et qui n’incita pas les agriculteurs à contrôler leurs dettes. A leur tour, ces dettes importantes, qui entraînèrent des faillites[105], devinrent un sérieux obstacle à la restructuration des entreprises agricoles collectives de la région. L’endettement a aussi empêché l’adoption de meilleures technologies.

Information et capital humain

Bien que des initiatives aient été prises pour que les services d’appui soient plus à l’écoute des demandes des agriculteurs en matière de connaissances agricoles, les problèmes liés à la transformation des systèmes de transmission des connaissances agricoles et à leur recentrage sur les besoins du marché agricole sont encore très courants[106]. Des coupures sévères dans les budgets ont affaibli les systèmes de recherche existants et surdimensionnés. L’avenir dépendra largement des réformes institutionnelles et de la mise en place d’un consensus entre les intéressés sur les principes qui doivent présider à l’établissement d’une recherche agricole et des systèmes de vulgarisation pour répondre à la demande au meilleur coût.

Avec la fin de la planification centralisée, il devint rapidement évident que les agriculteurs avaient besoin d’un accès à l’information sur les technologies, sur la gestion agricole, sur la planification des activités commerciales, sur les marchés et, plus particulièrement, sur les prix. De nombreux pays ont, le plus souvent avec l’aide d’une assistance technique et financière venant de donateurs extérieurs, établi des systèmes d’information sur les marchés (SIM). Plusieurs de ces systèmes d’information se rendent compte qu’ils non pas les ressources suffisantes pour continuer à fournir un service complet une fois les fonds des donateurs épuisés. Il serait souhaitable que divers canaux privés d’information et de conseils se développent mais, en l’absence d’un support du secteur public à la vulgarisation, ces services bénéficieront surtout aux agriculteurs les plus riches et laisseront la majorité d’entre eux sans information et sans conseil.

Bien que les systèmes de diffusion des connaissances agricoles se soient détériorés, un potentiel humain important subsiste, particulièrement dans le domaine technique; ce potentiel devrait être utilisé pour développer et disséminer les technologies économiquement rentables, efficaces et durables pour l’environnement. Les réformes ultérieures et les changements dans les systèmes de recherche et de vulgarisation, associant les secteurs privé et public, pourront aider au transfert des options technologiques. Ces réformes, associées à une participation accrue des agriculteurs en ce qui concerne l’adaptation participative des nouvelles technologies et les pratiques de gestion, pourraient diminuer les coûts d’accès aux technologies.

Le rapide développement urbain des dernières décennies, combiné à la fin des restrictions de déplacement et de changement de résidence a entraîné une migration systématique des jeunes ayant fait des études, des zones rurales vers les villes et un vieillissement des populations rurales. Du fait des difficultés économiques de la période de transition associées aux restructuration des fermes d’état et des fermes collectives, à la mise à pied du personnel en surnombre et à l’absence d’emploi dans les zones rurales, les migrations et le vieillissement des populations rurales continuent et même s’accélèrent.

Les anciennes politiques économiques et sociales ont contribué au suremploi dans les fermes d’état et dans les fermes collectives, entraînant une faible productivité du travail. Avec la disparition des activités non agricoles, les parcelles familiales ont pris une plus grande importance pour les ouvriers agricoles. En raison de la détérioration continue de la situation économique, l’agriculture continuera à être la seule possibilité de maintien d’un mode de vie décent pour la plupart des anciens ouvriers agricoles, et elle devra aussi absorber la force de travail d’autres secteurs.

Sélection des systèmes d’exploitation agricole pour analyse

Trois des 11 systèmes d’exploitation agricole identifiés ont été sélectionnés pour faire l’objet d’une analyse plus complète pour leur potentiel à réduire la pauvreté et à augmenter la production agricole, et pour leur importance démographique et économique. Ces systèmes sont:


[91] Voir l’annexe 3 pour la liste des pays de la région qui inclut la Turquie dans cette étude.
[92] Banque mondiale, 2000f.
[93] Banque mondiale, 2000f.
[94] Banque mondiale, 2000f.
[95] Les systèmes d’exploitation agricole irrigués se réfèrent à des régions disposant de systèmes d’irrigation importants et incluent les zones voisines pluviales. Ils excluent les petits périmètres irrigués associés principalement aux systèmes agricoles pluviaux, qui sont discutés avec ces systèmes pluviaux. Les concentrations les plus importantes d’irrigation à l’intérieur des zones pluviales sont indiquées par des hachures sur la carte.
[96] Comme il est expliqué par ailleurs, l’application des réformes ne va pas sans une certaine réticence de la part des responsables officiels.
[97] Il existe certaines similitudes avec le système traditionnel dacha.
[98] Milanovich (1988) utilise des seuils de pauvreté définis au niveau national, plus élevés que le standard international de 1$ EU par jour.
[99] Cette superficie ne tient pas compte des 100 millions d’hectares de lacs et mers intérieures de la région.
[100] Au Kazakhstan, la superficie des terres cultivées a baissé de 34,9 millions d’hectares en 1991 à 21,8 millions d’hectares en 1997; on estime que 30 pour cent de la terre cultivée en céréales a été convertie en pâturages.
[101] Fischer et al., 2001.
[102] Kazakhstan, Kirghizstan,Tadjikistan,Turkménistan et Ouzbékistan.
[103] Cette politique rencontre de la résistance dans un certain nombre de pays (Russie, Ukraine, etc.).
[104] Kopeva 2001.
[105] Le problème des dettes accumulées est aussi un des facteurs qui a favorisé le non paiement des taxes. Les autorités locales prirent parfois comme excuse les cas de sociétés incapables de payer leurs taxes pour résister aux initiatives de restructuration.
[106] Voir Rolls (2001) pour une revue complète des services de conseils en Europe de l’Est.

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