Page précédente Table des matières Page suivante


Priorités stratégiques de l’Asie de l’Est et du Pacifique


La Chine ainsi que d’autres pays de la région ont connu, au cours des dernières décennies, une croissance économique et une réduction de la pauvreté remarquables. Néanmoins, la faiblesse des indicateurs socioéconomiques de nombreux pays de la région continue de refléter: i) la difficulté d’intensifier et de diversifier la production des exploitations agricoles; ii) le manque d’emploi hors exploitation et la faiblesse des revenus de nombreux ménages agricoles; iii) le manque d’accès aux ressources financières; et iv) la petite taille des exploitations. Cette situation est la résultante d’un certain nombre de facteurs: i) la surpopulation; ii) la fragmentation des terres; iii) l’absence de système de propriété foncière sûr; iv) la détérioration des ressources naturelles; v) le manque d’informations et de connaissance; vi) le manque de crédit et l’offre inadéquate d’intrants de production; et vii) les mauvaises perspectives pour la commercialisation (éloignement des marchés, mauvais état des infrastructures, faible demande des marchés locaux). Une réduction importante de la pauvreté pourrait être obtenue par la mise en place de facteurs catalytiques des activités des communautés rurales, poussant les ménages à investir leur travail, leur capital et leurs ressources physiques dans le développement rural.

Tableau 6.4 Potentiel et importance relative des stratégies des ménages pour la réduction de la pauvreté de l’Asie de l’Est et du Pacifique




Stratégies de réduction de la pauvreté

Système d'exploitation agricole

Potentiel de croissance agricole

Potentiel de réduction de la pauvreté

Intensifi-
cation

Diversifi-
cation

Accroissement de la taille de l'exploitation

Accroissement du revenu hors exploitation

Sortie de l'agriculture

Riz de basse terre

Moyen

Moyen

1,5

3,5

1

3

1

Arboriculture mixte

Elevé

Elevé

2

3

1

3

1

Racines et tubercules

Moyen

Moyen

3

2

1

2

2

Intensif mixte des terres de moyenne altitude

Moyen

Moyen

1

3

0,5

3,5

2

Extensif mixte des hautes terres

Faible

Moyen

0

2

0

3

5

Tempéré mixte

Faible

Faible

1

3

0,5

3,5

2

Pastoral

Moyen

Elevé

0

1

1

3

5

Dispersé (forestier)

Faible

Faible

0

1

0

3

6

Dispersé (aride)

Faible

Moyen

0

1

0

3

6

Pêche côtière artisanale

Moyen

Faible

1

2

0

5

2

Urbain

Faible

Moyen

1

2

2

5

0

Moyenne pour la région



1,1

3,0

0,7

3,3

1,9

Source:Avis d’experts.

Note: Le score total pour chaque système d’exploitation agricole égale 10. Les évaluations ne prennent en compte que les agriculteurs pauvres. La moyenne régionale pondérée par les populations agricoles des systèmes est calculée à partir des données du tableau 6.1.

L’avis de divers experts a permis de préparer le tableau 6.4 qui montre l’importance relative de chacune des cinq stratégies des ménages pour réduire la pauvreté à l’intérieur des différents systèmes d’exploitation agricole de Asie de l’Est et du Pacifique au cours des prochaines décennies. A sa lecture, on se rend compte que l’importance des différentes voies varie considérablement d’un système à l’autre. En règle générale, la réduction de la pauvreté des systèmes à faible potentiel viendra plutôt de la migration vers les villes et vers les autres zones, alors que pour les systèmes dont le potentiel est plus élevé, elle devrait plutôt provenir de la diversification des productions et de l’accroissement de la productivité. L’augmentation des revenus hors exploitation est une stratégie importante de la réduction de la pauvreté dans tous les systèmes.

Les larges possibilités d’accès au revenu hors exploitation font que cette stratégie est la meilleure pour réduire la pauvreté de l’ensemble de la région. Quelque 40 pour cent de réduction de la pauvreté pourrait venir de cette stratégie. La diversification des activités agricoles de l’exploitation est la deuxième stratégie par ordre d’importance; elle représente avec le revenu hors exploitation probablement 70 pour cent du potentiel de développement régional.

Des priorités stratégiques spécifiques visent à créer un environnement favorable à une forte croissance agricole et à une réduction ultérieure de la pauvreté dans la région.

POLITIQUES, INSTITUTIONS ET BIENS PUBLICS

Les économies de nombreux pays de la région (Chine, Vietnam, Laos, Cambodge et Myanmar) sont encore largement sous le contrôle de l’état. De nombreuses politiques, réglementations et pratiques de ces pays sont des freins au développement de certains produits, à l’investissement pour l’amélioration des ressources en sol et en eau ou à l’utilisation accrue des intrants agricoles. A l’avenir, l’assistance devra mettre l’accent sur l’ajustement de politiques qui causent encore de graves distorsions d’ordre macroéconomique en général et dans le secteur agricole, dissuadant souvent les agriculteurs d’investir dans le développement agricole. Le développement des infrastructures, spécialement de celles liées à la gestion des ressources en eau et en sol, au transport et aux marchés, est un stimulant important pour le développement des systèmes d’exploitation agricole. Il est aussi nécessaire de créer un environnement favorable au développement de services décentralisés forts et de services d’assistance aux industries efficaces (telles qu’à celle des semences, de la mécanisation et de l’agro-transformation).

Les institutions de donateurs ne se sont généralement pas intéressées à l’accès au crédit des agriculteurs. Il est aujourd’hui nécessaire de restructurer et de financer les services bancaires ruraux et les institutions de crédit. L’assistance des donateurs est essentielle pour améliorer l’accès des agriculteurs aux services financiers formels, le fonctionnement des marchés financiers ruraux, pour stimuler l’épargne rurale et les fonds gérés par les communautés, et pour préparer les agriculteurs à l’utilisation des mécanismes financiers commerciaux.

LIBÉRALISATION DU COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS

Dans une économie de plus en plus mondialisée, le développement agricole doit s’appuyer sur les avantages comparatifs au niveau local et international. La région a déjà un rôle prépondérant dans l’exportation de l’huile de palme, du caoutchouc, du riz, et de certains produits industriels. Avec l’amélioration des infrastructures, de nombreux producteurs sont de plus en plus exposés aux cours mondiaux pour une plus large gamme de produits; ils pourraient être confrontés à une baisse du prix de certaines céréales telles que le blé ou le maïs alors que les importations deviennent plus accessibles. Il est de la responsabilité des gouvernements d’identifier et de promouvoir des systèmes de production qui puissent permettre aux agriculteurs locaux de tirer profit des avantages de leurs localisations et de leurs ressources agroécologiques. D’autre part, l’amélioration des revenus devrait accélérer les changements de régime alimentaire et accroître la demande pour des produits de plus grande valeur (lait, viande, fruits, maraîchage, etc.). La diversification vers des produits de plus grande valeur et de meilleure valeur ajoutée au niveau de l’exploitation devrait augmenter le niveau général et la stabilité du revenu des ménages. La formation et la démonstration de nouvelles technologies sont nécessaires pour améliorer la production, le contrôle après récolte, l’emballage et la commercialisation de ces produits.

Il est admis que l’agro-industrie des zones rurales est en Asie un facteur important de croissance et de réduction de la pauvreté. La majorité des productions des petits agriculteurs est vendue sur les marchés nationaux, aux consommateurs des zones rurales ou urbaines. La transformation locale des productions devrait être encouragée pour permettre d’ajouter de la valeur aux produits agricoles et de créer des emplois hors exploitation. Ainsi, presque partout, les politiques qui favorisent le développement d’entreprises locales de transformation et de commercialisation contribuent à l’amélioration des revenus des agriculteurs. Cette association sera particulièrement importante pour les systèmes d’exploitation agricole mixtes extensifs des hautes terres et intensifs des terres de moyenne altitude. Dans ces systèmes où l’infrastructure des transports n’est généralement pas bonne, il sera évidemment plus intéressant de se tourner vers des produits de valeur élevée sous un faible volume.

INFORMATION ET CAPITAL HUMAIN

Le développement des qualifications, des connaissances et de l’éducation des agriculteurs est prioritaire pour le développement agricole. Le niveau d’éducation des agriculteurs est généralement faible et l’analphabétisme est important dans certains pays. La plupart des gouvernements n’ont pas de grands programmes d’éducation pour les agriculteurs, l’accès à l’information leur est difficile et limité. Aussi la promotion de l’éducation, de la formation et de la diffusion de l’information doit-elle être une composante prioritaire de toute future assistance. Le développement des technologies modernes d’information (réseaux informatiques, accès local à l’information à partir de l’ordinateur, etc.) sera une composante essentielle du futur développement agricole.

Le défi du futur pour les agences gouvernementales est de développer, en collaboration avec le secteur privé et les communautés bénéficiaires, des systèmes informatiques pour le transfert de l’information. Ce développement implique nécessairement de mettre l’accent sur trois aspects majeurs: i) la production d’informations; ii) les systèmes de transfert de l’information; et iii) les systèmes locaux d’accès à l’information. Des initiatives intéressantes ont déjà été prises dans la région pour développer le transfert d’information à des communautés éloignées qui ne bénéficient pas d’infrastructures de base, telles que l’électricité et les télécommunications. Le manque d’éducation et l’analphabétisme des habitants des villages les plus éloignés constituent aussi un frein à l’échange d’information, il n’est pas insurmontable.

En raison de l’importance des revenus hors exploitation en tant que stratégie de réduction de la pauvreté et moteur de la croissance économique rurale, il est essentiel que l’éducation des jeunes porte sur l’acquisition de qualifications professionnelles utiles pour l’agro-industrie, l’industrie légère et les services tel le tourisme.

SCIENCE ET TECHNOLOGIE

La diversification vers des produits de plus grande valeur et la valeur ajoutée par leur transformation augmentent l’ensemble des revenus des ménages et améliorent leur stabilité. La formation et les démonstrations de nouvelles technologies sont nécessaires pour améliorer la production, le contrôle après récolte, l’emballage et la commercialisation de ces produits. Il serait souhaitable d’encourager le développement local de l’agro-industrie afin d’augmenter la valeur ajoutée des produits.

A l’avenir, la recherche pourrait s’appuyer sur un partenariat public-privé. On attend du secteur privé qu’il prenne une part de plus en plus active dans la fourniture de biens et de services aux agriculteurs, et des gouvernements qu’ils continuent à fournir une aide et des services essentiels aux petits agriculteurs pauvres. Les priorités stratégiques du futur devraient aider les gouvernements à renforcer leurs capacités à identifier, avec la participation des agriculteurs, les problèmes, les contraintes et les opportunités du développement agricole. A partir de cette connaissance, les gouvernements pourraient alors fournir un cadre harmonieux pour le développement de services de recherche et de vulgarisation efficaces, en partenariat avec le secteur privé.

La recherche gouvernementale doit se tenir au courant des développements de la recherche privée en termes de qualité et d’intérêt. Les applications de la biotechnologie au sens large, et du génie génétique en particulier doivent être évaluées et utilisées lorsqu’elles sont appropriées. Plusieurs pays asiatiques, particulièrement la Chine, ont déjà des programmes de recherches et des résultats intéressants dans ce domaine; ces programmes devraient continuer à se renforcer tout en tenant compte des risques qu’ils pourraient engendrer (voir l’étude de cas sur la biotechnologie). La future recherche doit aussi être plus étroitement associée à la vulgarisation, mieux utiliser les synergies, considérer la situation des exploitations et les technologies intégrés dans leur ensemble, et mettre l’accent sur l’utilisation efficace et durable des ressources naturelles. Il est nécessaire de mieux exploiter le potentiel des agriculteurs pour l’expérimentation, l’adaptation des technologies et leur transfert entre eux. Les grandes priorités stratégiques de la recherche agricole dans la région sont: l’amélioration de l’utilisation de l’eau, de la gestion de la structure et de la fertilité des sols, et la restauration de la croissance de la productivité des céréales.

RESSOURCES NATURELLES ET CLIMAT

La principale cause du bas revenus des ménages ruraux dans la région tient au trop grand nombre de personnes qui ont un accès limité aux ressources nécessaires à la production agricole. Les progrès techniques, qui apportent une efficacité accrue, peuvent rarement compenser l’appauvrissement en ressources lié à l’accroissement des populations qui entraîne la fragmentation continuelle des terres. Dans ce scénario, bien que la production agricole augmente dans son ensemble, la situation socioéconomique des ménages ruraux stagne. La majorité des agriculteurs sont des producteurs assurant tout juste leur subsistance sur des exploitations économiquement non viables en raison des faibles volumes produits et de la faible valeur des productions.

De plus, dans les pays où la gestion est sous le contrôle de l’état, l’absence de sécurité foncière constitue un obstacle supplémentaire à la croissance agricole. Lorsque la terre appartient à l’état, ou qu’elle est allouée sous quelque forme que ce soit, pour une courte période, les agriculteurs sont réticents à investir dans son développement. De plus, sans titre de propriété, ils sont incapables d’utiliser la terre comme garantie pour l’obtention de prêts. Il est, dans ces conditions, impossible de développer un marché efficace des biens fonciers, élément indispensable au regroupement des terres. Il faudra, dans l’avenir, aider les gouvernements à mettre en place des programmes: i) d’attribution de titres de propriété des terres rurales aux personnes physiques; ii) de création de marchés de la terre; iii) de suppression des obstacles au regroupement des très petites parcelles de terres des propriétés morcelées; et iv) de création d’emplois locaux à mi-temps et à plein temps hors exploitation pour les agriculteurs des exploitations marginales et pour ceux qui se trouvent déplacés de leur terre.

Une meilleure gestion des sols, une meilleure utilisation des rares ressources en eau et une gestion durable des forêts, permettraient de récupérer une partie des ressources agricoles de base très dégradées de la région. Parallèlement à l’amélioration de la gestion des ressources, il est nécessaire d’intensifier d’une manière durable la production agricole existante afin de maintenir et même d’accroître les revenus des ménages face à la détérioration des conditions de commercialisation des céréales.

CONCLUSIONS

La région de l’Asie de l’Est et du Pacifique est la plus peuplée des six régions en voie de développement. En dépit d’une forte croissance économique accompagnée d’une réduction constante de la pauvreté dans certains pays, une grande pauvreté et une malnutrition importante subsistent. L’analyse ci-dessus a montré que le développement rural de la région devrait se concentrer sur les déterminants fondamentaux de la performance économique, particulièrement ceux de la croissance économique rurale au niveau de l’exploitation et hors exploitation. De nombreuses politiques mettent l’accent sur les problèmes sociaux; la résolution de ces problèmes en zone rurale dépend surtout de la croissance agricole. Une forte croissance économique agricole et hors exploitation, ainsi que l’amélioration de la sécurité alimentaire des ménages, dépend d’un ensemble de facteurs favorables capable de créer des systèmes d’exploitation agricole commerciaux dans lesquels des surplus agricoles sont produits pour la vente.

Il est nécessaire d’offrir aux membres les plus pauvres des communautés rurales des possibilités d’accroître la productivité du travail agricole et d’utiliser les surplus de main-d’œuvre dans le secteur hors exploitation. La croissance agricole, si elle est équitable, créera des opportunités bénéfiques pour tous - y compris celles de permettre aux ménages ruraux désavantagés d’accéder à des revenus hors exploitation en tant que fournisseurs de biens et de services ou dans la transformation des matières premières. A l’intérieur de ce cadre général, il sera nécessaire d’entreprendre des actions spécifiques à l’égard des familles pauvres, désavantagées et sans sécurité alimentaire.

L’analyse ci-dessus ne permet pas de prescrire des actions spécifiques au niveau national. Toutefois, le défi global de réduction de la faim et de la pauvreté dans la région requiert quatre initiatives stratégiques interdépendantes:

Accroissement de la compétitivité des petites exploitations. L’accroissement de la compétitivité des petits agriculteurs pauvres passe par une diversification réussie dans de nouvelles activités agricoles de plus grande valeur. Les composantes de cet accroissement de la productivité sont: l’amélioration de la commercialisation et de la transformation; le renforcement des normes pour les produits; un meilleur accès au financement; et des technologies intégrées pour permettre des accroissements durables de productivité aussi bien pour des productions à forte valeur ajoutée que pour les cultures de base traditionnelles (spécialement le riz, le blé et les produits arboricoles).

Amélioration de l’accès aux ressources. La consolidation des terres permettra aux petits exploitants d’avoir des champs plus grands qui conviennent mieux à l’utilisation de techniques améliorées et à la mécanisation capables de permettre la diversification et l’intensification. Les composantes de cette consolidation des terres sont: l’amélioration des politiques foncières, l’octroi de titres de propriété, les arrangements pour les locations de terre et le crédit rural.

Mise en place d’un environnement favorisant l’emploi hors exploitation. Les emplois hors exploitation représentent le meilleur moyen d’échapper à la pauvreté rurale dans la région. Les composantes favorisant l’emploi hors exploitation en zone rurale sont: la promulgation de politiques appropriées mettant plus particulièrement l’accent sur les communautés; la transformation et le tourisme; et l’amélioration de l’infrastructure de nombreux systèmes.

Renforcement des ressources humaines. Pour poursuivre les progrès réalisés au cours des dernières décennies, il est vital que les membres des ménages agricoles des petites exploitations améliorent leurs connaissances de base et leurs capacités à répondre aux nouvelles exigences des conditions agricoles et aux possibilités d’emploi et de revenu hors exploitation. Les composantes permettant le renforcement des ressources humaines sont: l’aide à la création d’entreprise et la formation des plus jeunes aux qualifications professionnelles requises.


Page précédente Début de page Page suivante