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PESTE BOVINE


Situation actuelle de la peste bovine au Soudan

Tout porte désormais à croire que la peste bovine a été éradiquée du Soudan au cours de la dernière année. En effet, cette conviction prend pied à mesure qu'on ne relève aucun signalement de peste bovine, et ceci, grâce à un programme continu de surveillance active sans précédent en Afrique de l'Est. La peste bovine a été confirmée pour la dernière fois en 1998 au sud de l'East Equatoria. L'infection semblait venir du nord-est. Les données recueillies par la suite en 2001, à l'aide de techniques épidémiologiques participatives, ont suggéré vivement que le virus avait été présent depuis 1998 chez les animaux des tribus Murle et Jie (dans l'East Equatoria et le Jonglei). Un foyer de grave stomato-entérite aux alentours de Pibor fin 2000/début 2001 a été identifié par les éleveurs comme la peste bovine. Les opinions des vétérinaires étaient mitigées et les enquêtes ont attribué la maladie à la schistosomiase. Néanmoins, le Programme Bovins de l'Opération Survie Soudan (OLS) de la FAO, avec le concours du Gouvernement du Soudan, a saisi cette opportunité pour lancer une campagne de vaccination intensive visant à immunostériliser les troupeaux Murle et Jie (près d'un million de têtes de bétail). La stratégie a été convenue avec IBAR-PACE et ratifiée par toutes les parties prenantes lors d'une réunion de coordination Nord-Sud de l'OLS tenue à Khartoum en mai 2001. En dépit des difficultés à obtenir un soutien financier et la franche opposition de certains milieux, le programme de vaccination a été mené à bien dans ces populations qui n'avaient jamais été efficacement vaccinées auparavant. Toutes les vaccinations contre la peste bovine ont cessé fin juin 2002 (dans l'ensemble du Soudan). Cet arrêt des vaccinations laissera la place aux analyses sérologiques qui devront confirmer l'absence de la peste bovine en temps utile. De même, s'il demeurait un virus passé inaperçu, il devrait être identifié beaucoup plus facilement dans la population sensible ainsi créée. Les vaccins contre la peste bovine seront réservés à la lutte contre d'éventuels foyers.


Camp de bovins dans le Nil supérieur occidental du Soudan
CRÉDIT PHOTO: MARC BLEICH

Grâce à la surveillance en East Equatoria et Jonglei, on a acquis la certitude que le virus a été incapable de se maintenir dans ces populations durant 2002. Des phénomènes pouvant évoquer la peste bovine (à savoir, des foyers de stomato-entérite ou toute apparition de mortalité) font l'objet d'enquêtes de routine par le secteur sud d'OLS, en partenariat avec le projet PACE du sud du Soudan financé par l'Union européenne et dûment intitulé «lutte contre le virus de la peste bovine appartenant à la lignée 1». Exécuté par OAU-IBAR par le biais de Vétérinaires sans frontières (Belgique), ce projet joue désormais un rôle dynamique dans le sud du Soudan. Un système de paiement pour la surveillance clinique active de la stomato-entérite par les assistants de santé animale et les éleveurs a été mis au point et lancé en mai-juin. Chaque superviseur est chargé d'effectuer deux tournées de villages ou de camps de bovins par mois afin de déceler des signes cliniques de la maladie et s'entretenir avec un éleveur de la situation des animaux. Une enquête, encore en cours dans le secteur sud fin juin 2002, a été source d'inquiétude. En effet, elle a eu lieu à l'ouest du Nil, qui était censé avoir été libéré de la peste bovine il y a quelques années, dans une zone de grande insécurité, non loin de là où elle avait été confirmée en 1998. Le 12 juin 2002, un rapport suggérait la présence de peste bovine à Lainya dans le comté de Juba. Une équipe composée de représentants de Vetwork Soudan Trust (une ONG soudanaise) et OLS-Sud s'est rendue sur place le 18 juin. Le 24 juin, on a été informé qu'aucune trace de peste bovine n'avait été décelée mais que les soupçons portaient sur la fièvre de la côte orientale- un diagnostic tout à fait crédible dans cette zone. Des échantillons ont été recueillis pour confirmation. Bien que dans le secteur nord, les témoignages d'investigation active soient plus rares (une activité qui demande à être renforcée), on enquête sur les foyers principaux. Par exemple, on a soupçonné la présence de peste bovine à l'ouest des Monts Nuba dans le courant de l'année mais, après enquête,l'histopathologie de l'Institut vétérinaire d'Onderstepoort en Afrique du Sud a confirmé qu'il s'agissait de fièvre catarrhale maligne.

Il convient de souligner que le coup de grâce n'a été asséné à la peste bovine qu'en consolidant les acquis de la décennie précédente grâce au Programme Bovins de l'OLS sous la conduite du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), avec l'appui technique de Tufts University (Etats-Unis).Une mesure importante a été l'élimination de la peste bovine du sud de l'East Equatoria par une campagne intensive de vaccination entre 1994 et 1996. La FAO a assumé la responsabilité du Programme Bovins de l'OLS fin 2000.

Deux zones sont particulièrement problématiques du fait de leur inacessibilité. La première-les Monts Nuba- a fait l'objet, dans le courant de l'année, d'un accord de cessez-le-feu qui a permis d'enquêter sur la peste bovine. Il n'y a pas de trace de la maladie dans cette zone depuis de nombreuses années. La deuxième zone,qui continue à être un sujet d'inquiétude, est le Bassin de Sobat, qui abrite les Jikany et certains groupes des populations Nuer et Fellata. Les preuves des zones voisines tendent à suggérer queles troupeaux du Bassin de Sobat n'abritent pas la peste bovine. OLS a demandé une période de tranquillité pour mener une enquête active qui devrait confirmer l'absence de peste bovine dans cette population. Ces périodes de calme, où les deux parties du conflit acceptent de cesser les combats pendant un laps de temps, sont négociées de temps à autre pour permettre de vacciner les habitants dans le cadre du Programme élargi sur l'immunisation de l'Organisation mondiale de la santé.

Il faudra un certain temps avant de pouvoir affirmer avec certitude que la peste bovine a été véritablement éradiquée du réservoir du sud du Soudan. Toutefois, tout porte à croire qu'après de nombreuses années d'efforts, le virus de lignée 1 de la peste bovine pourrait désormais avoir disparu.

PESTE BOVINE ATTÉNUÉE EN SOMALIE

Nouvel élan à l'éradication de la peste bovine atténuée de l'écosystème somalien


Parcs nationaux au Kenya où la peste bovine a été détectée en 1994, 1995 et 1996

En 1994-95, la peste bovine a été détectée et diagnostiquée dans le Parc national de Tsavo East, puis, en 1996, dans le Parc national de Nairobi. Le bétail de ces zones au nord-est du Parc national de Tsavo aurait pénétré dans le parc vers la fin de 1993 et transmis l'infection aux buffles sauvages. Ceci a donné lieu à une forte mortalité parmi les buffles, les élans, les kudus et quelques autres espèces de Tsavo de début 1994 jusqu'à mai 1995. La biologie moléculaire a montré que le virus de Tsavo et les isolats du Parc de national de Nairobi présentaient des similitudes génétiques, étant tous deux de lignée 2 (africaine). Les isolats de cette lignée n'avaient pas été observés en Afrique de l'Est depuis 1962,et pour la dernière fois en Afrique de l'Ouest en 1983. Ce foyer de peste bovine dans la faune sauvage a révélé qu'il pourrait exister une zone endémique en Afrique de l'Est passée inaperçue pendant 30 ans, y compris durant toute la durée du Projet conjoint 15 (JP15) et les huit années du projet de la Campagne panafricaine contre la peste bovine (PARC). La zone endémique correspond en gros au nord-est du Kenya et au sud de la Somalie.

En rassemblanttoutes les informations disponibles, on peut reconstituer un schéma des phénomènes connexes. Dans l'écosystème pastoral du nord-est du Kenya-sud de la Somalie, la peste bovine est réapparue périodiquement, suivant un cycle d'environ cinq ans:

1980-83

Une épidémie de peste bovine modérément grave s'est déclenchée dans le District de Mandera et s'est propagée vers de vastes zones du sud de la Somalie.

1985-88

Une deuxième vague de peste bovine a frappé les régions du Middle Juba et du Lower Juba en Somalie.

1991-93

Coïncidant avec l'arrivée de la sécheresse en 1991, deux foyers de peste bovine se sont propagés du District de Wajir au Kenya. Le premier, en avril , a traversé Simper Fatima au centre du District de Mandera pour causer une mortalité modérée dans l'est du District. La deuxième vague est passée à Liboi (Kenya), avant de pénétrer dans le Lower Juba, causant une mortalité modérée ou grave (30 à 70 pour cent) à Tabta, Bilis Qooqaani, Afmadow et Badhade en Somalie.

1994-96

La peste bovine dans le District de Mandera a persisté sous une forme atténuée. De là, la maladie s'est propagée vers le 'no man's land' situé entre El Wak (Kenya), et El Wak (Somalie), où elle a été décelée par du personnel vétérinaire somalien à la mi-1994. Par la suite, des foyers peu ou moyennement graves se sont déclenchés dans les régions frontalières jusqu'à l'arrivée des pluies début 1996. Des anticorps de la peste bovine ont été détectés dans le Parc national de Meru.

octobre 1996

Un foyer de peste bovine a frappé les élanset les buffles dans le Parc national de Nairobi. Les bovins locaux présentaient peu de signes.

fin 1995-96

Suspicions de foyer de peste bovine chez les buffles dans le Parc national d'Amboseli au Kenya (non confirmé).

décembre 1996

Après avoir été observée sous des formes cliniques atténuées dans le bétail des Maasai à Kajiado, la peste bovine a été confirmée par le test d'immunodiffusion en gélose dans le bétail du Sud Kajiado (Kenya).

jan.-mai1997

Un foyer de peste bovine chez le bétail des zones septentrionales de la République Unie de Tanzanie a été confirmé par le test «penside» à Ngorongoro (mars 1997) puis à Loliondo (avril 1997).

1998-99

Des cas cliniquement atténués de peste bovine ont été détectés en plusieurs sites du District d'Afmadow. Aucun n'a été cliniquement confirmé.

oct.-nov. 2001

La peste bovine de lignée 2 a été détectée et confirmée chez les buffles du Parc national de Meru.

En Somalie, la zone endémique du virus de peste bovine de lignée 2 (africaine) serait limitée à la zone située au sud du Fleuve Juba. Les analyses sérologiques menées au cours des dernières années révèlent la présence d'anticorps dans le bétail non vacciné jusqu'à la Somalie centrale.


Classification du couvert végétal dans la Corne de l'Afrique (Maryland -résolution 1km)

Afin d'envisager les modalités d'éradication de la peste bovine atténuée d'Afrique de l'Est, un atelier sur la peste bovine atténuée a été organisé par OUA-IBAR sous les auspices de PACE à Nairobi, du 17 au 19 juin 2002. Cette réunion, à laquelle a participé la FAO, a rassemblé toutes les parties concernées.

Tout porte désormais à croire que l'écosystème pastoral somalien abrite le dernier réservoir d'activité virale de peste bovine

S'il reste beaucoup à faire pour prouver que d'autres zones sont indemnes, tout porte à croire que l'écosystème pastoral somalien abrite le dernier réservoir d'activité virale de peste bovine en Afrique. Bien que la volonté politique existe et que les outils techniques existants soient suffisants, au départ, des doutes ont été soulevés quant à l'intérêt de son éradication. Néanmoins, les pays où persiste l'endémie ont réaffirmé leur engagement envers l'éradication du virus, estimantque la peste bovine atténuéepourrait assumer une forme plus virulente. Il a été convenu que la stratégie de base est celle qui consiste à "chercher, contenir, éliminer et vérifier" -autrement dit, la surveillance devrait identifier les zones endémiques et, au sein de ces zones, les sièges de la transmission active de la maladie. Les outils de surveillance comprennent l'épidémiologie participative et la surveillance de la faune sauvage.Des campagnes de vaccination ciblées serviraient à immunostériliser ces foyers, le cas échéant. Si d'autres outils présentant des avantages sur les méthodes existantes étaient disponibles, ils seraient utilisés.

RECOMMENDATIONS DE L'ATELIER
SUR LA PESTE BOVINE ATTÉNUÉE
(JUIN 2002)

Stratégie globale
Reconnaissant,

  1. que la persistance de peste bovine dans l'écosystème somalien menace l'engagement de PACE envers l'éradication de la peste bovine et la date limitée fixée par le Programme mondial d'éradication de la peste bovine (PMEB) à 2010 pour les zones déclarées indemnes de la peste bovine;
  2. qu'il y a de plus en plus lieu de croire que l'écosystème somalien représente le dernier réservoir de peste bovine en Afrique et un des deux derniers au monde, et que la volonté politique et les outils techniques existants sont suffisants pour la maîtriser;
  3. que l'éradication de la peste bovine atténuée de l'écosystème somalien (et la protection des zones à risques, comme par ex. le Maasailand) requiert un système de surveillance régional efficace, complet et harmonisé fondé sur une série complémentaire d'outils épidémiologiques participatifs, analytiques et fondés sur les examens de laboratoire, avec des campagnes de vaccination (immunostérilisation) des populations bovines exposées.

Il est recommandé que:

  • la surveillance devrait porter sur l'identification des zones où l'infection active est présente essentiellement par une recherche de la maladie, appuyée par la sérosurveillance;
  • une fois que la maladie est confirmée ou, lorsqu'il existe un fort indice de suspicion, une vaccination rapide et intensive et ciblée de la population bovine concernée devrait être entreprise en vue de l'immunostérilisation;
  • toutes les institutions devraient être encouragées à contribuer, dans leur domaine de compétence, en particulierpour ce qui est de la recherche participative de la maladie, la surveillance de la faune sauvage et la modélisation de la transmission de la maladie afin d'améliorer la capacité de prédiction des départements vétérinaires et améliorer les chances de détecter et d'éliminer les foyers du virus;
  • Les Services communs de PACE s'emploient à former des professionnels vétérinaires et du personnel auxiliaire aux aspects pratiques de l'épidémiologie participative en Ethiopie, au Kenya et en Somalie, suivis d'une application coordonnée avec de fréquents ateliers de suivi et des réunions de coordination dans les sites frontaliers clés;
  • La FAO renforce sa collaboration avec IBAR pour concentrer des ressources additionnelles sur la mise en oeuvre pratique du calendrier d'éradication.

Faune sauvage et peste bovine
Reconnaissant,

  1. que la recherche et la sérosurveillance de la maladie de la peste bovine dans les populations de faune sauvage a fourni la plupart des données sur l'épidémiologie du virus appartenant à la lignée 2 dans l'écosystème somalien;
  2. le rôle de la faune sauvage en tant que vecteur de la maladie et l'importance de l'interface bétail/faune sauvage

Il est recommandé de:

  • Entreprendre un suivi régulier et fréquent des populations de faune sauvage dans l'écosystème somalien et les zones limitrophes à la recherche d'infections de peste bovine, en particulier dans les zones proches de l'interface entre faune sauvage et bétail.
  • Fournir un soutien accru au laboratoire régional de référence pour une étude plus approfondie de la biologie du virus de la peste bovine de lignée 2.
  • Améliorer la capacité dans la région d'affronter les problèmes de maladies de la faune sauvage grâce à la formation et à la mise en place de personnel qualifié dans les domaines concernés, c'est-à-dire la santé animale et la faune sauvage.

Diagnostic de laboratoire, épidémiologie moléculaire et tests sérologiques

Etant donné la difficulté apparente d'obtenir un diagnostic de confirmation de la peste bovine atténuée chez le bétail et la nécessité d'un diagnostic précoce sur le terrain (ainsi que d'une certification pour l'absence d'infection de peste bovine), l'exercice de sérosurveillance en cours dans le cadre du PACE est vital pour l'éradication finale de la peste bovine.

Il est recommandé:

  • De rédiger un manuel de prélèvements, procédures et tests recommandés de peste bovine, y compris l'infection par souches atténuées, et de le diffuser à toutes les autorités compétentes d'ici octobre 2002.
  • De doter les laboratoires nationaux et régionaux participant au PACE des ressources essentielles pour l'examen immédiat des échantillons, conformément à la stratégie des analyses sérologiques prévoyant des tests sensibles, spécifiques et validés pour toutes les lignées de la peste bovine et de la peste des petits ruminants.
  • De mener une recherche continue pour mettre au point des tests sérologiques capables de faire la distinction entre les animaux vaccinés et les animaux infectés, ainsi que des tests sérologiques pour la détection rapide des virus et l'identification des lignées.

Les vaccins et leur rôle dans l'éradication de la peste bovine

Reconnaissant la nécessité d'éliminer les derniers foyers d'infection dans l'écosystème somalien grâce à la vaccination,
Il est recommandé:

  • De garantir la disponibilité, dans les plus brefs délais, de vaccins autorisés permettant de distinguer les animaux vaccinés de ceux infectés par voie naturelle. De ce fait, les données sur la disponibilité, la sécurité, l'efficacité et le coût des vaccins recombinants et autres vaccins de nouvelle génération devraient être disponibles pour aider les Etats membres du PACE à prendre des décisions en connaissance de cause.



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