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Session 1: Impact de l'empoissonnement et de l'introduction de nouvelles espèces sur l'environnement


Approche

3. Le repeuplement et l'introduction d'espèces non indigènes sont des techniques de gestion largement répandues. Ces interventions visent souvent à améliorer la qualité et la diversité des espèces faisant l'objet de la pêche à la ligne. Au Royaume-Uni, où l'on assiste à une augmentation de la demande de poissons non autochtones de grande taille, tandis que l'empoissonnement a été intensifié en Espagne pour renforcer la population de truites de mer (Salmo trutta) face à l'intensification de la pêche à la ligne. A Terre-Neuve et au Labrador, on attend du repeuplement et des introductions qu'ils élargissent les possibilités de pêche à la ligne grâce à une plus grande variété, à de nouveaux défis et à des trophées de pêches de plus grande taille.

4. Ces interventions peuvent également avoir comme objectif d'influer sur les chaînes alimentaires, de manière à restaurer la qualité de l'eau et la salubrité de l'écosystème.

5. Certaines introductions sont opérées dans des conditions illégales; en effet, elles ne sont pas autorisées en raison des contraintes découlant des politiques. Cependant, étant donné que la demande de pêche à la ligne est élevée, les avantages commerciaux de ces introductions compensent largement les faibles pénalités infligées. Il est également probable que certaines populations non indigènes aujourd'hui établies proviennent d'appâts vivants rejetés par les pêcheurs à la ligne ou qui se sont échappés.

Evaluation

6. Les communautés de poissons composées d'un faible nombre d'espèces, comme celles des poissons d'eau douce d'Europe, favorisent l'établissement de populations non autochtones et sont vulnérables aux invasions. Le potentiel d'accueil des espèces non autochtones dans les eaux européennes est confirmé par l'importance de ces espèces dans les communautés piscicoles des lacs français. Il est rarement possible d'effectuer une appréciation directe de leur impact; toutefois, l'élargissement de l'éventail des espèces au niveau local est de nature à intensifier le recouvrement des niches, avec comme conséquence des relations interspécifiques interactives. Les interactions pourraient découler d'une concurrence avec les poissons autochtones pour la nourriture, les abris et les frayères, ou de la prédation directe sur les populations autochtones.

7. Une étude de l'incidence concurrentielle du gardon (Rutilus rutilus) sur le corégone blanc (Coregonus albula) et de la perche européenne (Perca fluviatilis) sur l'omble chevalier (Salvelinus alpinus) a été conduite dans le Lake District en Angleterre, sur la base de la distribution spatiale et de l'analyse du régime alimentaire. L'étude a conclu que le gardon ne constituait pas une menace concurrentielle pour les espèces autochtones; toutefois, cette conclusion devra peut-être être révisée par suite de l'augmentation récente de l'abondance de cette espèce. Dans la même région, on s'attache à analyser la prédation de la grémille (Gymnocephalus cernuus) et de la vandoise (Leuciscus leuciscus) sur les œufs et les larves de vendace. Dans certaines situations, la colonisation des eaux britanniques par la sandre (Stizostedion lucioperca) peut virtuellement annihiler les composantes juvéniles de la population soumise à prédation. Dans les eaux de Terre-Neuve, la prédation opérée par la truite de rivière et la truite arc-en-ciel a affecté les populations de poissons fourrage ainsi que la diversité des espaces et les communautés d'invertébrés. De plus, il semble que ces salmonidés exotiques l'emportent sur les truites de ruisseaux autochtones dans certains systèmes perturbés.

8. Par ailleurs, les conséquences génétiques des introductions et du repeuplement sont également importantes. Ainsi, le cyprin doré (Carassius auratus) introduit dans les rivières et dans les lacs du sud de l'Angleterre se croise, tout en lui faisant une concurrence directe, avec le carassin (Carassius carassius), espèce autochtone. En Espagne, où les rivières ont été repeuplées avec des truites (Salmo trutta) non indigènes, l'introgression de gènes étrangers a été mesurée. L'introgression et la réduction du nombre ou de l'éventail des populations indigènes ont également été mesurées pour les populations naturelles de salmonidés de Terre-Neuve.

9. L'introduction concomitante de parasites représente un autre risque associé au repeuplement ou à l'introduction de poissons. Ce phénomène s'est avéré particulièrement aigu dans le cas d'Anguillicola crassus, parasite de l'anguille (Anguilla anguilla) aujourd'hui très répandu en Europe.

10. En dépit de ces aspects négatifs, on a réussi à introduire le corégone (Coregonus lavaretus) et l'omble chevalier (Salvelinus alpinus) dans de grands lacs alpins. Aucun effet contraire n'a été enregistré, et les espèces introduites contribuent désormais à la durabilité des pêches.

11. Bien qu'il ne faille pas considérer que les introductions de poissons produisent des effets systématiquement négatifs, les risques sont plus élevés lorsqu'on introduit des espèces exotiques que lorsqu'on pratique une transplantation.

12. On observe souvent une pénurie d'informations sur l'impact des introductions et des programmes de repeuplement, notamment en raison de l'absence d'un réseau permettant d'assurer le suivi. C'est pourquoi il est difficile de distinguer les relations de cause à effet des corrélations indirectes avec les paramètres environnementaux. Du fait que les gestionnaires ont un double rôle, à savoir maintenir, améliorer et développer des pêches, tout en assurant la protection de l'environnement, cette dualité risque d'être source de conflits.

13. Quoi qu'il en soit, la menace posée par l'introduction de poissons est particulièrement insidieuse, car il n'existe pas d'instruments de gestion de la remise en état. C'est pourquoi il convient d'appliquer l'approche de précaution à l'introduction des espèces, notamment dans le cas des poissons non autochtones.

14. Dans le Lake District, la gestion préventive des communautés est basée sur une nouvelle législation, qui interdit d'utiliser comme appât des poissons d'eau douce vivants ou morts, des salmonidés et des anguilles. A l'échelle nationale, les solutions proposées par l'Environment Agency peuvent être résumée en cinq points: sensibilisation par des articles publiés dans la presse spécialisée, sur les sites Web, etc., mesures législatives, adoption de politiques, application des règles et vérification de manière à contrôler le succès ou l'échec des opérations de gestion.

15. Il conviendra également d'édicter des politiques et des lignes directrices rigoureuses afin de protéger la pêche d'espèces sauvages en Espagne, ainsi qu'à Terre-Neuve et au Labrador (Canada).

16. Il faudra en outre améliorer l'analyse scientifique des poissons et de leur habitat afin d'appuyer le processus législatif. Un complément de recherche est nécessaire concernant le comportement ainsi que le mécanisme de propagation des espèces non autochtones. Par ailleurs un complément d'informations s'impose concernant l'incidence écologique et dynamique du repeuplement, l'évaluation économique des pêches continentales et l'incidence des parasites introduits sur les stocks de poissons.


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