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2.6 Compétence géographique

ANALYSE COMPARATIVE

2.6.1 Compétence géographique relative à la délimitation des frontières ou à des problèmes de zones non délimitées

Ces accords qui établissent une ou plusieurs limites maritimes (voir Section 2.5 ci-dessus) définissent en premier la position de la limite. L’emplacement de toute zone spéciale est établi en relation avec les limites de la juridiction de pêche qui est aussi définie. Par exemple, le Traité de River Plate définit sa zone de pêche commune sous forme d’un arc de circonférence à rayon donné avec des positions centrales à des points spécifiques, pendant que l’Accord Féroé/UK définit les limites de sa «Région Spéciale» en utilisant de simples coordonnées.

Quand la zone est superposée sur une frontière établie et que la frontière avait une position reconnue à l’origine (par exemple la zone de la pêche commune du Traité de la Plaque de la Rivière), l’accord peut continuer en faisant référence aux eaux de chaque partie dans la zone. Cependant, quand la zone a été définie en dépit d’incertitudes sur la position de la frontière et qu’une telle frontière n’était pas en place à l’origine (par exemple, l’Accord sur la «Région Spéciale» Féroé/UK), l’accord fera référence à la zone par son nom mais évitera des références aux eaux des parties dans la zone.

Ces accords qui ne délimitent aucune frontière maritime mais en fait identifient des zones spéciales, comme toujours, non délimitées entre les parties (voir plus haut Section 2.5), prennent diverses approches pour identifier la zone. L’Accord Japon/Chine et l’Accord Trinité-et-Tobago/Venezuela identifient tous les deux la zone concernée avec une liste de coordonnées. En revanche, la Convention du flétan fait référence aux «régions frontalières» mais ne fait aucune tentative pour définir celles-ci à l’avance. Dans tous les cas, parce qu’il n’y a aucune frontière en place à l’origine, chaque accord fait référence à la zone par son nom mais évite des références aux eaux des parties dans la zone.

2.6.2 Compétence géographique dans d’autres domaines

Plusieurs accords utilisent une clause pour définir leur compétence en terme de caractéristiques géographiques, ou coordonnées, ou lignes de latitude/longitude, ou une combinaison de ceux-ci [Convention CPANE; Convention de la mer Baltique; Accord méditerranéen; Accord du Golfe]. Une formule consacrée est alors utilisée pour faire référence à cette zone. Les Conventions CPANE et de la mer Baltique se reportent à «la Convention de la région», la Convention Méditerranéenne et la Convention africaine de l’Atlantique à «la Région» et l’Accord du Golfe à «la Zone». L’Accord de 1975 Norvège/Russie se réfère à «la région couverte par la [Convention CPANE].»

Plusieurs accords utilisent une clause pour définir leur compétence comme étant les eaux des parties [Accord Japon/Chine; Accord Japon/Corée; Convention du flétan; Accord Micronésie]. L’Accord Micronésie utilise la formule consacrée de «Accord Zone» pour faire référence à ces eaux. Dans les autres accords, il est évident que l’accord est restreint à l’étendue des eaux des parties, et pourtant cela n’est pas affirmé dans aucune clause [Traité du saumon du Pacifique; Convention FFA; Accord Nauru; Accord Nioué; Convention sur les Droits d’Accès de la CSRP; Convention sur le Droit de Poursuite de la CSRP; Convention Mauritanie/Sénégal]. Un accord [Convention africaine de l’Atlantique] prend une approche hybride entre faire référence aux traits géographiques et juridictionnels, en faisant allusion à la zone comprenant les États spécifiés.

Dans quelques cas, une majorité des dispositions s’appliquent aux eaux des parties mais il y a aussi des dispositions applicables plus loin [Système de gestion du hareng; Le Système de gestion du maquereau; Accord de 1976 Norvège/Russie; Accord Loophole]. La Convention de la mer Noire aspire à une application couvrant l’ensemble de la mer Noire. Cependant, quand il s’agit de parties concernant seulement trois États, la compétence géographique va concerner les eaux des parties et toutes les eaux au-delà, en évitant de causer préjudice aux droits légitimes des parties non contractantes de l’accord.

L’Accord Australie/Indonésie ne fait aucune formulation exacte au sujet de son étendue géographique. Cependant: a) son préambule rappelle plusieurs instruments bilatéraux concernant les limites maritimes entre les deux parties; b) il fait référence à «stocks partagés, stocks chevauchants et espèces hautement migratrices» et aux parties qui coopèrent «directement ou à travers des organisations internationales pour assurer la conservation et l’aménagement des ressources marines vivantes de la haute mer»; il fait référence aux eaux des deux parties; et il affirme que les parties ont à «interpréter et mettre en œuvre cet Accord conformément aux accords existants sur la délimitation des frontières maritimes entre les parties et le ME de 1981 Australie/Indonésie».[37]

L’Accord d’application Canada/Etats-Unis ne fait aucune déclaration concernant sa compétence géographique; il est supposé que l’accord s’applique à toute pêche illégale des bateaux d’une partie dans les eaux de l’autre partie.

2.6.3 Exclusions

Finalement, quelques accords dans les deux catégories précitées excluent expressément l’application à certaines eaux bien identifiées. La Convention de la mer Baltique et l’Accord du Golfe excluent l’application aux eaux intérieures des parties. Quelques accords, particulièrement ceux concernant les droits d’accès, expressément ou indirectement excluent l’application dans les zones des 12 milles nautiques des parties [Accord Japon/Chine; Accord Japon/Corée; Accord de 1976 Norvège/Russie; Accord de Loophole; Accord Nauru; Accord Micronésie]. Le Traité de River Plate adopte la même approche en relation avec la zone de pêche commune.

L’Accord Micronésie exclut «les eaux fermées pour la pêche en accord avec le Programme 2 de l’Annexe V». L’Accord Japon/Chine exclut deux zones spécifiques délimitées respectivement par les lignes de latitude et longitude; Hee Kwon suggère que l’une de ces exclusions est due à la présence d’îles politiquement sensibles. La Convention CPANE prévoit un système à deux niveaux, par lequel a) l’ensemble de la convention s’applique à la région définie dans la clause (comprenant les eaux des États côtiers et la haute mer) et puis b) les eaux des États côtiers sont sujettes à exclusion spécifique dans plusieurs cas. L’Accord méditerranéen exige des États, quand l’accord est accepté, à «affirmer explicitement les territoires concernés».[38]

COMMENTAIRES

Pour les accords portant sur l’accès des navires étrangers aux eaux des parties respectives, une limitation de compétence concernant ces eaux est réellement légitime. Dans les accords analysés ci-dessus, les États ont eu tendance à ne concéder des droits d’accès aux autres États qu’au-delà de leurs mers territoriales; cependant, si cette limitation est appropriée dans un cas particulier, en général, elle dépend des circonstances des États intéressés.

Pour les accords concernant la coopération en matière de conservation et d’aménagement des stocks, les impératifs légaux peuvent en partie dicter l’étendue géographique de l’accord. Si une espèce grande migratrice ou un stock chevauchant est impliqué, les devoirs de coopération s’appliquent conformément aux Articles 64 ou 63(2) du Droit de la Mer. Aussi, les devoirs de coopération en matière d’accord sur les stocks de poissons (stocks chevauchants et stocks grands migrateurs) seront aussi gardés à l’esprit. De tels devoirs de coopération pourraient permettre d’élargir la compétence géographique de l’accord à la haute mer. Dans ce sens, le Système de gestion du hareng et le Système de gestion du maquereau ont élargi indirectement leur compétence à la haute mer, en établissant des liens formels avec la Convention CPANE.

S’il n’y a pas de stocks chevauchants ou de stocks ou espèces grands migrateurs qui sont impliqués, les États côtiers peuvent légitimement confiner leur accord à la coopération sur la conservation et l’aménagement de leurs propres eaux. En cas d’accord, les États peuvent décider d’exclure certaines zones (par exemple eaux intérieures ou eaux territoriales). Dans ce cas, il y a une flexibilité dans le choix des possibilités. Par exemple, les eaux intérieures pourraient être incluses pour la forme par exemple pour déterminer le TAC, mais en réalité certaines catégories de bateaux seront exclues dans la zone.

Dans les exemples analysés dans ce rapport, la compétence géographique d’un accord a été définie soit directement en référence aux caractéristiques géographiques, ou coordonnées, ou lignes de latitude/longitude, ou indirectement par référence à des zones juridictionnelles. Les références aux caractéristiques géographiques, coordonnées ou lignes, ont été utilisées par les accords concernant des mers spécifiques (c.-à-d. Baltique, Méditerranée et Golfe) ou par la Convention CPANE qui couvre la haute mer et ainsi a besoin de tels points de référence. Là où il n’existe aucune mer spécifique ou zones de la haute mer impliquée, la définition de la compétence en référence aux zones juridictionnelles pourrait être plus appropriée. L’approche adoptée par la Convention africaine de l’Atlantique qui fait référence à la zone comprenant des États spécifiés peut créer une certaine confusion du fait de l’absence d’indications sur la partie des eaux des États incluse. En général, l’adoption tout au début dans l’accord d’une clause sur la compétence claire et spécifique est préférable.

Lorsque les parties contractantes font un accord créant une zone spéciale en rapportant à une limite maritime contentieuse, la tendance générale est de définir l’emplacement de cette zone. L’alternative est de faire référence simplement à la zone en utilisant le libellé «les eaux frontalières»; toutefois, cette formule peut apporter plus tard des problèmes d’interprétation. Normalement un nom est donné à la zone spéciale pour faciliter la référence, et dans ce contexte, éviter le besoin de se référer aux eaux respectives des parties.


[37] Article 11.
[38] Article XV.

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