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Cadre institutionnel

Ces dernières années, le secteur forestier a subi une transformation radicale, due principalement à une restructuration et à une rationalisation, à des changements au niveau de la propriété et à une meilleure reconnaissance des multiples bienfaits apportés par les forêts. L’une des tendances les plus importantes est la gestion accrue des forêts par des groupes d’individus ou des particuliers. Aux 22 pour cent de forêts de la planète qui appartiennent désormais à des particuliers, il faut ajouter les 11 pour cent environ de forêts en propriété collective, et cette proportion devrait atteindre 40 pour cent d’ici à 2050. Conformément à cette orientation, les partenariats entre les gouvernements, les organisations et les institutions se multiplient, notamment à l’échelon local. Il est toutefois possible que le soutien fourni aux groupes communautaires afin qu’ils renforcent leurs capacités humaines, physiques et financières, et puissent ainsi tirer pleinement parti des possibilités existantes et nouvelles, ne suive pas cette tendance.

Les questions institutionnelles ont un caractère multidimensionnel et peuvent être complexes, tout comme les solutions qu’elles appellent. Le présent chapitre illustre les récentes tendances et les questions clés dans les domaines de l’enseignement forestier, de la décentralisation des administrations forestières publiques, des arrangements aux fins du partage des avantages, de la prévention de l’abattage illégal et des liens intersectoriels. Il s’agit là de quelques exemples des nombreux éléments essentiels pour la mise en œuvre effective d’une gestion forestière durable.

ENSEIGNEMENT FORESTIER: FAIRE FACE AUX NOUVELLES EXIGENCES

L’enseignement relatif aux forêts et aux arbres est fondamental pour assurer une gestion durable et la réalisation des objectifs de développement durable nationaux.

Des changements radicaux dans les politiques forestières, dans le rôle des forestiers, et donc dans les approches mêmes de l’enseignement forestier, s’imposent au vu des tendances actuelles, à savoir l’augmentation de la demande de biens et de services forestiers; la reconnaissance croissante des contributions que les arbres hors forêts apportent dans les zones rurales et urbaines; la participation active de multiples parties prenantes à la foresterie; la priorité désormais donnée à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté; et la nécessité de respecter des engagements ayant force de loi.

Cependant, dans l’ensemble, l’enseignement dispensé n’est pas en mesure de répondre aux besoins actuels. Il est nécessaire, à tous les niveaux, de mettre à jour les programmes d’études pour y intégrer des sujets tels que le rôle des arbres hors forêts, la gestion coopérative, les questions de parité, l’accès et le partage des bénéfices, l’impact potentiel des programmes de certification sur les pratiques forestières, et l’apprentissage participatif. Par ailleurs, si l’enseignement doit répondre aux aspirations et aux enjeux sociaux, les forestiers doivent avoir la possibilité d’étendre leurs connaissances dans d’autres domaines que celui de la foresterie, par exemple dans les communications, les techniques administratives et les sciences de la gestion. Il est également important que des efforts soient déployés pour permettre aux institutions d’évaluer et de contrôler leur capacité de faire écho à une demande en évolution.

Une réunion d’experts propose des solutions pour renforcer les capacités institutionnelles

Une réunion d’experts sur l’enseignement forestier, organisée par la FAO à Rabat (Maroc) en 2001, a étudié des solutions pour répondre à ces besoins (FAO, 2001a). Les participants ont souligné la nécessité de renforcer et de mettre à jour la capacité des institutions à tous les niveaux de l’enseignement et des programmes forestiers, notamment dans les pays en développement. Ils ont également noté que le soutien des donateurs à l’enseignement s’affaiblissait, en raison d’une part de la diminution du recrutement par des services publics et les organisations non gouvernementales (ONG), et d’autre part parce qu’un nombre de plus en plus important de forestiers non traditionnels gèrent des terres dont le système mixte d’utilisation prévoit des forêts.

Sur la base de leurs débats, les experts ont identifié un certain nombre de stratégies possibles:

Faire face à l’évolution de la façon dont les forêts et la foresterie sont perçues constitue également l’un des principaux enjeux de l’enseignement forestier dans les pays développés. Cela a été confirmé en 2001 à Vancouver (Canada), lors de la réunion des chefs de file en matière d’enseignement universitaire forestier, organisée par la faculté des sciences forestières de l’Université de la Colombie britannique et par la FAO (Université de la Colombie britannique et FAO, 2002). Parmi les points soulevés, l’accent a été mis sur la diminution du nombre des étudiants en sciences forestières et l’affaiblissement du soutien à l’enseignement forestier dans les pays développés. L’une des explications fournies a été l’absence de perspectives d’emploi compétitives.

Des consortiums pourraient combler d’importantes lacunes dans les programmes d’études

De nombreuses universités, affectées par des difficultés financières, par une pénurie de personnel doté des qualifications requises, ou par des inscriptions potentiellement limitées, se trouvent dans l’incapacité de mettre en place des programmes forestiers spécialisés. Aujourd’hui, par exemple, on étudie peu la façon dont les décisions stratégiques internationales concernant les forêts influent sur les mesures prises au niveau national et local. Pour combler ces lacunes et favoriser la collaboration avec les institutions internationales de recherche, les organisations intergouvernementales et autres, des groupements d’universités s’efforcent de constituer des consortiums pour offrir des programmes spécifiques qui permettent la création de capacités intellectuelles et professionnelles pour une gestion judicieuse des forêts. L’objectif est de faire en sorte que des cours, des ateliers, des séminaires et des conférences puissent être dispensés d’une manière économique, dans le monde entier, par diverses institutions. Par exemple, l’Université de la Colombie britannique (Canada) est le chef de file d’une initiative visant à établir un consortium pour un enseignement forestier international (Université de la Colombie britannique et FAO, 2002).

Une éducation à tous les niveaux
concernant les forêts et les arbres est
indispensable pour atteindre les
objectifs nationaux d’aménagement
et de développement durables

FAO/18405/P. CENINI

DÉCENTRALISATION DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE DES FORÊTS

Les gouvernements et les organisations internationales favorisent de plus en plus la décentralisation du pouvoir et des ressources vers les administrations locales pour promouvoir le développement. Bien que la décentralisation soit indépendante du niveau de développement, elle constitue en général un enjeu plus important dans les pays en développement. D’après une étude réalisée par la Banque mondiale en 1999, plus de 80 pour cent des pays en développement et des pays en transition tentaient quelque forme de décentralisation (Manor, 1999). Cette tendance est moins marquée dans le secteur forestier, mais elle devrait s’accentuer considérablement dans un proche avenir.

Seule la gouvernance locale peut permettre de lutter contre la pauvreté tout en favorisant une meilleure gestion de l’environnement et des ressources forestières, car les autorités qui vivent au contact des nombreuses populations tributaires des forêts sont ainsi bien placées pour pouvoir répondre aux besoins locaux. Des initiatives couronnées de succès ont permis de renforcer la participation, d’augmenter la part régionale des revenus tirés des forêts, d’améliorer la fourniture de services et d’accroître la durabilité des forêts (Hitchcock, 2001). La décentralisation peut néanmoins présenter aussi des inconvénients (voir encadré ci-dessous).

La décentralisation comporte des risques et pose des problèmes nouveaux

Le manque de responsabilisation et les capacités institutionnelles insuffisantes des administrations locales pourraient en affaiblir l’autorité.

  • Le besoin impérieux de ressources financières risque d’entraîner une augmentation du taux de déboisement.

  • Les coûts externes (lorsque les activités d’un secteur ont des retombées négatives à l’extérieur de celui-ci) pourraient revenir à une région ou à un groupe de communautés donnés, plutôt qu’à l’ensemble de la société.

  • Les nouvelles lois pourraient entrer en conflit avec les règles coutumières et les modèles locaux de gestion des ressources.

  • La prise de décisions pourrait ne pas être véritablement transférée au niveau local.

  • Les intérêts de certains groupes pourraient ne pas être suffisamment pris en compte.

Pour tirer profit des aspects positifs, les organisations internationales aident les pays à améliorer leurs politiques de décentralisation et la mise en œuvre de cette dernière, ainsi que les conditions de réussite. Il s’agit notamment d’analyser les processus de responsabilisation, d’explorer la façon dont les programmes forestiers nationaux pourront assurer une décentralisation plus efficace et équitable, et de mettre au point des méthodologies permettant d’évaluer quelles sont les capacités institutionnelles nécessaires dans le secteur forestier pour la mise en pratique de ce concept.

La décentralisation est un processus de longue haleine; dans bien des cas, les résultats obtenus à ce jour ne permettent pas encore de tirer des conclusions. Toutefois, pour une mise en œuvre efficace, un renforcement notable des capacités locales d’organisation, de négociation, de gestion et de comptabilité sera probablement nécessaire. Il faut également établir des cadres réglementaires clairs, définir les responsabilités et les compétences, transférer les pouvoirs décisionnels et garantir l’accès aux ressources. La capacité d’assurer un système central efficace de suivi et de responsabilisation est également essentielle pour vérifier que les administrations décentralisées dispensent réellement les services attendus.

Malgré les progrès réalisés, le manque d’informations ne permet pas une évaluation précise et complète des changements en cours. Des travaux sont donc entrepris par la FAO et d’autres entités, pour recueillir des informations concernant le nombre de pays qui procèdent à la décentralisation de leur secteur forestier, l’ampleur des ressources transférées et leur type, la nature des responsabilités en jeu, le stade de mise en œuvre et la relation avec les modèles de décentralisation adoptés dans d’autres secteurs. La disponibilité d’un tableau plus complet de la situation permettra de faire la lumière sur les conditions qui favorisent ou entravent la décentralisation.

PARTAGE DES AVANTAGES LIÉS AUX FORÊTS

Outre le bois, les produits non ligneux et les services qu’elles fournissent aux individus, les forêts procurent des bénéfices communs à l’ensemble ou à une partie de la société. Au fil des années, les arrangements institutionnels et réglementaires ont élevé le degré d’utilisation partagée, favorisant généralement une répartition plus vaste et plus équitable des bénéfices. Dans les pays en développement, là où les terres forestières appartiennent encore le plus souvent à l’Etat, de tels arrangements sont moins fréquents.

Alors que les communautés locales tirent souvent leurs moyens d’existence et leurs revenus des biens et des services de la forêt, les modalités pour le partage des bénéfices communs ne sont pas aussi bien définies. Ainsi, la récolte et la vente de produits forestiers non transformés peuvent produire moins de bénéfices pour les populations locales que pour les autres parties. Pour améliorer de telles situations, des arrangements monétaires ou non monétaires, à court, moyen ou long termes, cherchent à équilibrer les intérêts de ceux qui sont concernés et à promouvoir un partage juste et équitable.

Le partage des bénéfices tirés de la vente de produits ligneux peut être en partie réglé par des stratégies de gestion forestière basées sur la collaboration et prévoyant le transfert des responsabilités aux communautés locales, par exemple au titre de la foresterie communautaire, de la foresterie sociale ou de la gestion conjointe des forêts. Toutefois, ces transferts ne déterminent pas automatiquement une augmentation des bénéfices pour les populations locales. Dans le passé, de nombreuses initiatives de partage des profits ont été lancées dans des forêts dont la production de bois était limitée, de sorte que les bénéfices partagés provenaient essentiellement de produits non ligneux. Cependant, de récents exemples, comme le cas de Chattisgarh, en Inde (Sharma, 2002), montrent que les profits tirés des forêts sont partagés de manière fructueuse, donnant lieu à une meilleure gestion des ressources. De nouveaux mécanismes basés sur l’application de règlements et la décentralisation des systèmes fiscaux sont également prometteurs, car les populations locales obtiennent une part plus importante des recettes, par exemple de la vente du bois de feu.

Les arrangements concernant le partage des bénéfices s’étendent également à une vaste gamme de produits forestiers non ligneux utilisés par l’industrie dans divers secteurs, comme l’herboristerie, l’hygiène personnelle, les cosmétiques et l’alimentation. Certaines initiatives commerciales renforcent les communautés locales en mettant au premier plan un rendement équitable, des bénéfices adéquats, les droits fonciers et coutumiers, et la salubrité du milieu de travail.

Divers accords pour le partage des bénéfices ont aussi été passés entre des sociétés pharmaceutiques et certains gouvernements, avec pour objet la recherche de débouchés commerciaux pour les ressources biochimiques et génétiques naturelles ayant une valeur commerciale (bioprospection). Les arrangements en matière de bioprospection visent à assurer le respect des droits de propriété des fournisseurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles, et la répartition équitable des bénéfices entre les membres du partenariat, notamment les communautés locales, les gouvernements et les sociétés privées. D’autres arrangements s’appliquent au commerce en pleine expansion des services environnementaux, par exemple des crédits de carbone, et aux produits fauniques, comme les safaris-photos et la chasse au gibier trophée.

Ces approches sont potentiellement efficaces pour renforcer les communautés locales et favoriser une utilisation des produits et des services de la forêt qui soit socialement équitable, respectueuse de l’environnement et économiquement viable. Toutefois, leur mise en œuvre constitue encore un enjeu, et des efforts additionnels sont nécessaires pour renforcer la stabilité politique et mettre en place des cadres juridiques et institutionnels appropriés. Il faut avant tout des informations supplémentaires concernant la façon dont les bénéfices sont partagés, sur la base desquelles une volonté politique pourra être bâtie – condition préalable pour la mise en application du concept. Le partage des bénéfices doit également être lié à un processus décisionnel démocratique au niveau national, régional et local.

Certains arrangements pour le
partage des avantages permettent aux
communautés locales de tirer
équitablement parti de
l’accroissement du commerce des
services environnementaux et des
produits de la faune, comme c’est le
cas pour les safaris-photos
(République-Unie de Tanzanie)

FAO/17368/K.DUNN

L’aide à la foresterie privée et communautaire en Europe centrale et orientale

Depuis 1990, avec le démarrage de la privatisation en Europe centrale et orientale, les nouveaux modèles de propriété forestière ont contraint:

  • un grand nombre de propriétaires privés à s’organiser;

  • les services forestiers publics à se plier à de nouvelles exigences;

  • le cadre institutionnel à s’adapter à la situation nouvelle.

La FAO et l’Union mondiale pour la nature (UICN) sont intervenues, avec la mise au point, en consultation avec des partenaires dans les pays, de deux projets partageant une vision commune de la foresterie durable dans la région. L’initiative de la FAO est axée sur le renforcement de la foresterie privée et communautaire, tandis que celle de l’UICN porte sur la diversité biologique dans le même contexte. Poursuivant leur stratégie de collaboration, la FAO et l’UICN élaborent aujourd’hui un programme conjoint visant à renforcer les services forestiers de l’Etat, à venir en aide aux associations de propriétaires forestiers, à contribuer à l’amélioration du cadre stratégique, législatif et institutionnel, et à renforcer le rôle de la société civile dans la formulation des politiques et dans le débat politique sur la gestion durable des forêts. Ce projet bénéficiera également du soutien technique de la Confédération européenne des propriétaires forestiers, dont le réseau est en voie d’expansion en Europe centrale et orientale.

LA LUTTE CONTRE L’ABATTAGE ILLICITE ET LE COMMERCE ILLÉGAL

Les activités illicites dans le secteur forestier ont été inscrites parmi les questions clés et mises en lumière à ce titre dans Situation des forêts du monde 2001 (FAO, 2001b). L’attention accordée aux délits forestiers s’est accrue dans les deux dernières années, et le débat sur ce thème est aujourd’hui plus ouvert que jamais. Les données concernant les activités forestières illégales sont encore insuffisantes, mais la Banque mondiale estime que l’abattage illicite cause chaque année des pertes en ressources forestières provenant du domaine public, évaluées entre 10 et 15 milliards de dollars EU. Le commerce international de bois récolté illégalement constitue lui aussi un grave problème.

Les gouvernements et les ONG poursuivent leurs efforts pour mettre un frein aux délits forestiers, tandis que les organisations internationales et les instituts de recherche stratégique multiplient leurs analyses de l’ampleur et de l’impact de cette délinquance. Plusieurs réunions se sont tenues récemment dans le monde entier, et les débats suscitent un regain d’intérêt et de nouvelles pressions afin que des mesures soient prises.

Les principaux événements survenus au cours des deux dernières années sont énumérés ci-après.

Un forum pour un dialogue à l’échelle de la planète: l’International Council of Forest and Paper Associations

L’International Council of Forest and Paper Associations est né en avril 2002 pour promouvoir la gestion durable des forêts et la production durable des biens forestiers. Ses membres sont des organisations nationales qui préconisent des pratiques forestières répondant à des objectifs environnementaux, sociaux et économiques judicieux. En tant que forum pour un dialogue, une coordination et une coopération, à l’échelon mondial, entre les associations de la forêt et du papier, l’International Council facilite les débats sur les problèmes communs, élabore des positions sur des questions d’intérêt mutuel et contribue à l’échange de statistiques. Des groupes de travail sont constitués selon les besoins pour examiner des questions spécifiques et fournir des avis aux membres.

De nombreux pays en développement s’efforcent de renforcer l’application de la législation concernant les forêts. Par ailleurs, les pays consommateurs et les pays producteurs/exportateurs lancent des initiatives conjointes de lutte contre le commerce illégal des produits forestiers, qui devraient servir de base pour des arrangements internationaux de plus grande envergure. De son côté, l’industrie privée s’inquiète du fait que les produits forestiers de provenance illégale placent ceux qui sont produits dans le respect de la loi dans une position de désavantage concurrentiel. Pour cette raison et d’autres encore, l’International Council of Forest and Paper Associations, récemment constitué, a émis une déclaration officielle qui engage ses membres à œuvrer avec tous les groupes intéressés pour trouver des solutions à ce problème grandissant.

La lutte contre la délinquance forestière, qui était auparavant du domaine exclusif des gouvernements, intéresse désormais les entreprises, les organisations internationales et les principales ONG. Les ONG internationales sont en effet en première position dans la campagne mondiale contre l’abattage illicite et le commerce illégal, et leurs efforts connaissent un succès croissant. Des progrès sont également enregistrés sur d’autres fronts, avec notamment l’établissement d’accords régionaux et bilatéraux dans diverses régions du monde. La mesure dans laquelle la situation s’améliorera dans les prochaines années donnera une indication de l’engagement des gouvernements et de leurs partenaires à promouvoir une évolution positive dans ce domaine.

Les tendances actuelles devraient se poursuivre, tandis que les pays, les institutions et les organisations renforcent leurs efforts de collaboration pour réduire les activités illégales. Selon toute probabilité, les compagnies privées adopteront des politiques plus rigoureuses pour distinguer les opérateurs honnêtes des malhonnêtes, traduisant cela en des avantages commerciaux. Ces efforts, auxquels s’ajoute la pression exercée par les consommateurs avertis, rendront de plus en plus difficile l’écoulement sur le marché de produits forestiers de provenance illégale.

RENFORCEMENT DES LIENS INTERSECTORIELS EN MATIÈRE DE FORÊTS

Les politiques et les objectifs de développement des gouvernements peuvent avoir de profondes répercussions sur la gestion des forêts, souvent par des voies inattendues. Alors que les politiques forestières produisent des résultats sur le terrain, l’impact des politiques qui ne concernent pas le secteur forestier peut être encore plus marqué. Du fait de la mondialisation, ces effets ne sont plus limités à l’action nationale. Les décideurs ont montré un intérêt grandissant pour l’évaluation des effets de facteurs extérieurs sur le secteur forestier, et vice versa, partant du principe qu’une meilleure compréhension de l’impact des changements intersectoriels peut contribuer à atténuer l’incertitude, à maximiser les synergies et à réduire au minimum les effets indésirables.

Actuellement, le débat sur les liens intersectoriels en foresterie tend à se concentrer sur ceux qui influent sur le déboisement dans les tropiques. Toutefois, bien d’autres liens importants affectent diverses fonctions de la forêt. De la même manière, les effets positifs des politiques forestières dans d’autres secteurs sont souvent considérés comme des bénéfices externes, plutôt que comme un élément d’un dialogue intersectoriel. Les multiples fonctions des forêts et les effets positifs des biens et des services qu’elles produisent, autres que les produits de base, doivent donc être étudiés avec attention au niveau national et international.

La nouvelle politique et stratégie de la Banque mondiale pour le secteur forestier

En octobre 2002, le Comité des directeurs exécutifs de la Banque mondiale a approuvé une nouvelle stratégie forestière et sa politique opérationnelle pour ce secteur, qui reconnaissent le caractère fondamental de la forêt pour la réduction de la pauvreté et la mise en place d’environnements et d’économies durables. Elles reposent donc sur les trois éléments interdépendants ci-après.

•L’exploitation du potentiel de la forêt pour réduire la pauvreté. Les études conduites, l’expérience acquise sur le terrain et les consultations confirment toutes que les forêts sont essentielles pour lutter contre la pauvreté dans bien des pays clients de la Banque mondiale – qu’il s’agisse de pays riches en forêts ou de pays aux ressources forestières limitées. La participation future de la Banque mondiale dans ce domaine et son engagement économique plus général sont illustrés dans la stratégie.

•L’intégration des forêts dans le développement économique durable. Dans les pays clients, les forêts sont mal gérées et se ressentent d’une mauvaise gouvernance et des activités illégales, qui en réduisent la valeur et la contribution potentielle au développement économique durable. La stratégie propose plusieurs approches pour s’attaquer à ces problèmes.

•La protection des valeurs et des services locaux et mondiaux essentiels de la forêt. La nouvelle stratégie est étroitement liée aux nouvelles stratégies de la Banque mondiale pour l’environnement et pour le développement rural. Elle reconnaît l’importance des effets intersectoriels, la nécessité d’intégrer les questions relatives à la protection de l’écosystème dans des programmes nationaux plus vastes et celle d’œuvrer de manière plus efficace avec les partenaires pour le développement.

Liens intersectoriels

Une récente évaluation par la Banque mondiale (2000) de son portefeuille de projets forestiers a révélé que les interventions effectuées par la Banque dans d’autres secteurs ont affecté les forêts et les arbres dans une plus large mesure que celles qui visaient directement le secteur forestier. Cette évaluation et d’autres études indiquent par exemple les faits suivants:

En revanche, les politiques forestières ont un impact direct sur d’autres secteurs, notamment celui de l’agriculture (en termes de conservation des sols et des eaux).

Les divers secteurs sont également liés par des enjeux communs, notamment la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l’équité sociale, la liberté de choix et l’accès aux ressources. Dans ces domaines, les problèmes ne peuvent pas être résolus de manière unilatérale, mais la foresterie peut offrir un point d’entrée, comme l’a conclu un récent séminaire sur la foresterie et la réduction de la pauvreté (voir encadré p. 69). La collaboration pour affronter les problèmes communs et tirer parti des avantages comparatifs de chaque secteur exige un effort de coordination. Parmi les récentes tentatives faites à cet égard au niveau international, il y a la décision des principaux donateurs de contribuer à la lutte contre la pauvreté par des interventions sectorielles et des ajustements structurels, et le renforcement des liens par le biais de mesures réglementaires et législatives, comme le montre le fait que les conventions et les traités mondiaux s’efforcent de traiter conjointement des enjeux connexes. Cette orientation est tout à fait en harmonie avec la tendance à la mondialisation.

Le lien entre la foresterie et la réduction de la pauvreté

L’interface entre l’agriculture, les forêts, l’eau et la sécurité alimentaire est essentielle aux fins d’un développement durable, et il convient de prendre en compte les différents aspects, tant positifs que négatifs, de ces corrélations. Dans le processus visant à rapprocher les politiques agricoles et forestières grâce à des débats constructifs, deux points clés doivent être considérés.

D’une part, l’expansion de l’agriculture et de l’élevage pour nourrir des populations de plus en plus nombreuses est la principale cause du déboisement. Or, elle est souvent le fruit de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté. Ce problème généralisé justifie la mise en place de politiques intégrées plus énergiques, qui permettront:

  • d’assurer un meilleur contrôle des ressources, d’améliorer les possibilités de revenu et de renforcer la sécurité alimentaire;

  • de mettre fin aux subventions perverses qui favorisent l’expansion à grande échelle de l’agriculture et des élevages commerciaux;

  • de mettre au point de nouvelles technologies et de nouveaux mécanismes institutionnels pour accroître la productivité dans le cadre d’une agriculture et d’une agroforesterie durables et alléger ainsi la pression exercée sur les forêts.

D’autre part, les forêts peuvent contribuer à réduire l’insécurité alimentaire, à atténuer la pauvreté, à renforcer la durabilité de la production agricole et à améliorer le milieu dans lequel vivent la plupart des populations rurales appauvries. Il est prouvé que les populations rurales sont tout à fait conscientes de la possibilité d’intégrer les arbres et les forêts dans leurs moyens d’existence et leurs systèmes de culture, ce qui justifie des politiques plus vigoureuses, qui permettront:

  • de renforcer le soutien à l’agroforesterie, en mettant l’accent sur la recherche et le développement de technologies susceptibles de favoriser la production de revenus et d’assurer des approvisionnements durables en nourriture, fibres, fourrage et combustibles dont les populations rurales locales et celles des villes qui peuvent les acheter ont besoin;

  • de renforcer la participation locale à la prise de décisions et au partage des bénéfices tirés de la conservation des forêts, notamment des avantages dérivant des bassins versants boisés, où l’intervention des populations locales est souvent une garantie de succès;

  • de renforcer la capacité des agriculteurs pauvres à se procurer les crédits dont ils ont besoin, à accéder aux marchés, à faire usage des technologies les plus appropriées (y compris des techniques après récolte) et à participer aux services de formation et de vulgarisation pour la diffusion de technologies qui restent souvent enfermées dans les tiroirs des chercheurs;

  • de renforcer les mécanismes institutionnels, commerciaux et financiers qui accroissent les possibilités d’emploi hors exploitation, par exemple auprès d’entreprises fondées sur l’exploitation de la forêt ou des arbres.

Les processus décisionnels pour l’allocation
des ressources

La plupart des pays s’appuient en tout ou en partie sur les forces du marché pour l’allocation des ressources et le rattachement des activités économiques entre les secteurs par le biais de prix reflétant l’offre et la demande, surtout si le marché est ouvert et compétitif. Le marché est en effet bien placé pour la réglementation des produits qui ont une valeur marchande. D’un autre côté, les services sociaux et environnementaux publics liés à des activités comme le piégeage du carbone, la conservation de la diversité biologique, la lutte contre l’érosion et la protection des bassins versants ne font généralement pas l’objet d’échanges commerciaux. Les nombreuses études qui ont évalué ces services pourraient servir de base pour leur commercialisation, mais jusqu’à présent il n’en a pas été fait un grand usage. Même si une valeur est donnée aux services publics, ni le grand public, ni les gouvernements n’ont manifesté l’intention de payer ou de couvrir le coût intégral des services environnementaux, comme ils le font pour d’autres services tels que ceux de la santé et de la protection sociale. Il existe toutefois quelques exemples en Europe de services publics fournis aux marchés locaux, par exemple aux municipalités, à des prix que les bénéficiaires sont disposés à payer.

Les services publics fournis par les forêts sont également maintenus par le biais de règlements ou de mesures d’incitation, comme les lois relatives à l’usage des forêts riveraines pour garantir une source stable d’eau propre. La propriété et la gestion publiques des forêts, notamment dans les pays tropicaux, constituent une autre façon d’offrir des services au public. Cela permet au gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre l’érosion ou pour protéger les bassins versants et de payer pour certaines activités telles que la plantation d’arbres comme brise-vent ou le long des cours d’eau, et l’entretien des forêts fournissant des services publics. Parmi les efforts déployés pour la fourniture de services environnementaux à l’échelle de la planète, on peut indiquer par exemple la mise en application au niveau national des conventions sur la diversité biologique et sur les changements climatiques.

Lorsque les interventions de l’Etat sont utilisées pour fournir des services publics dans un secteur donné, elles peuvent avoir des effets indésirables dans d’autres secteurs, si leur impact n’a pas été dûment pris en compte. Dans le passé, pour éviter de telles situations, la consultation et la coordination étaient confiées à des comités intersectoriels ou à des organismes sectoriels spécifiques. Toutefois, une nouvelle tendance veut que les parties intéressées interagissent avant la prise des décisions. Cela tient notamment à l’intérêt grandissant porté par la société aux questions concernant l’environnement et l’équité, et aux possibilités croissantes offertes par les nouvelles technologies de l’information.

Mettre en commun l’information
et les connaissances pour favoriser les liens

Outre les obstacles institutionnels bien enracinés, bon nombre des problèmes associés aux liens intersectoriels dérivent d’une communication insuffisante et d’un manque de transparence. Les gouvernements et les organisations doivent veiller à ce que les informations et les connaissances soient neutres, objectives et diffusées en temps utile. Les propositions et les plans d’action doivent être accessibles avant la prise des décisions, afin que les représentants de tous les secteurs puissent contribuer efficacement au dialogue et aux interventions nécessaires.

Pour ceux qui ont les moyens d’y accéder et de l’utiliser, la technologie moderne peut être un outil puissant pour la mise en commun des informations et des connaissances. Cependant, comme elle est de plus en plus sophistiquée, il existe un risque réel que les décideurs disposent d’un excès d’informations. Il faut donc une méthode qui permette de trier les données en fonction de leur pertinence, de leur précision et de leur actualité. Des réseaux ou des communautés, formels et informels, de spécialistes et d’experts peuvent alors être utiles.

Malgré leur utilité, les nouvelles technologies ne sont pas toujours à la portée d’une grande partie de la société civile, notamment des communautés rurales dans les pays en développement. Des formes traditionnelles de communication doivent donc compléter le flux numérique d’informations. Une autre considération importante est la nécessité d’adapter l’information à l’auditoire et aux secteurs spécifiques visés. Par exemple, les services sociaux et environnementaux fournis par les forêts ne recevront pas des ministres des finances ou des institutions financières toute l’attention qu’ils méritent s’ils ne sont pas exprimés en termes monétaires.

La contribution la plus importante que la communauté forestière peut apporter pour pallier cette absence de communication est peut-être de fournir de l’information concernant l’importance et les avantages des forêts pour les autres secteurs et pour l’ensemble de la société, afin que les décideurs et le grand public puissent bien comprendre la nécessité de soutenir la gestion durable des forêts. La quantification des bénéfices facilitera la réalisation d’un accord pour le partage des coûts. D’autre part, le renforcement des capacités, des institutions efficaces et un dialogue transparent sur les mesures à prendre pourraient contribuer à améliorer la disponibilité et l’utilisation des informations et des connaissances. Tels sont les principaux objectifs du Mécanisme pour les programmes forestiers nationaux (voir p.55).

La voie à suivre

La communauté forestière peut offrir des moyens plus traditionnels pour traiter les questions intersectorielles, en informant les autres secteurs de la nécessité de prendre des mesures de précaution et de redressement lorsque leurs interventions risquent d’avoir des effets indésirables sur les forêts et les arbres. Le renforcement des capacités est nécessaire, afin que les institutions forestières puissent fournir aux décideurs des preuves de ces effets potentiels. Non seulement il est essentiel que les professionnels de la foresterie soient suffisamment préparés, mais il faut aussi que l’ensemble de la société civile ait la possibilité d’agir, afin que le public puisse intervenir efficacement face aux effets intersectoriels, en particulier ceux que les forces du marché à elles seules ne sont pas en mesure de régir.

Plusieurs initiatives ont été lancées ces derniers temps dans le but de promouvoir une prise de conscience de l’importance d’identifier et de traiter de façon exhaustive les questions intersectorielles, et de la nécessité de renforcer les connaissances et les capacités dans ce domaine. L’expérience acquise à ce jour confirme la nécessité d’un partage transparent et rapide des informations, ainsi que d’une collaboration étroite entre les secteurs. Les différents secteurs doivent:

RÉFÉRENCES

Banque mondiale. 2000. Un équilibre délicat – La stratégie forestière de la Banque mondiale, par U. Lele, N. Kumar, S.A. Husain, A. Zazueta & L. Kelly. Washington (également disponible sur www.worldbank.org/oed).

FAO. 2001a. Rapport de la réunion d’experts sur l’enseignement forestier. Rabat, Maroc, 17-19 octobre 2001. Rome.

FAO. 2001b. Situation des forêts du monde 2001. Rome.

Hitchcock, R.K. 2001. Decentralization, development, and natural resource management in the northwestern Kalahari Desert, Botswana. Washington, Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID).

Manor, J. 1999. The political economy of democratic decentralization. Washington, Banque mondiale.

Sharma, R.C. 2002. Changes in concepts and approaches to forest management in India. Communication faite à l’occasion d’un séminaire, Chattisgarh, Inde, 28 mai.

Université de la Colombie britannique & FAO. 2002. Meeting of International University Forest Education Leaders. Vancouver, Colombie britanique, Canada, 4 décembre 2001. Vancouver, Colombie britannique, Canada, Université de la Colombie britannique, Faculté des sciences forestières. (sous presse)

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