Previous Page Table of Contents Next Page

Analyse-diagnostic des systèmes agraires passés et actuels d'un village de la région de Kita au Mali

Valentine Ferault
Institut national agronomique, Paris-Guignon (INA P-G)

La région de Kita se situe dans l'ancien bassin arachidier du Mali. L'effondrement des cours mondiaux de l'arachide au début des années 80 a fait de cette production une culture de rente mal payée. Depuis 1995, la CMDT (Compagnie malienne de développement des textiles) a intégré dans sa zone d'action la région de Kita, en y développant une autre culture de rente, celle du coton.

L'objectif de cet article est de restituer l'analyse-diagnostic des systèmes agraires passés et actuels d'un village de cette région. Pour cela, plusieurs types d'enquêtes ont été menés entre les mois de mars et juillet 1998. Elles ont d'abord permis de saisir la dynamique historique des systèmes agraires qui se sont succédé dans la zone, puis de caractériser la structure, le fonctionnement du système agraire actuel.

Divers systèmes de production peuvent être distingués, la différenciation entre systèmes étant déterminée d'une part par les moyens de production dont disposent les exploitations et, d'autre part, par les combinaisons productives. Ces deux facteurs de différenciation permettent de mettre en place une typologie d'exploitations. Quatre systèmes de production ont ainsi été identifiés. La typologie des exploitations et les calculs économiques ont permis d'appréhender le système agraire dans son ensemble et d'en saisir la dynamique actuelle, celle d'un développement de plus en plus différencié des exploitations.

INTRODUCTION

Afin de mener l'analyse-diagnostic des systèmes agraires passés et actuels d'un village de la région de Kita au Mali, plusieurs types d'enquêtes ont été menés dans le cadre d'un travail de terrain de cinq mois en 1998; enquêtes semi-directives auprès d'agriculteurs concernant les exploitations dans leur globalité – ces enquêtes technico-économiques ont porté sur les 68 exploitations que compte le village; enquêtes portant sur des parcelles particulières; et interviews de personnes choisies pour leurs compétences, non agricultrices.

Le village de Kouléko se situe dans l'ancien bassin arachidier du Mali, à 140 km au nord-ouest de Bamako. L'effondrement des cours mondiaux de l'arachide, au début des années 80, a fait de cette production une culture de rente mal payée. Depuis 1995, la CMDT (Compagnie malienne de développement des textiles) a intégré dans sa zone d'action la région de Kita, en y développant une autre culture de rente, celle du coton (introduite dans la zone d'étude par l'ONG SOS KBK), la CMDT encadrant production et commercialisation.

Les enquêtes ont d'abord permis de saisir la dynamique historique des systèmes agraires qui se sont succédé dans la zone, puis de caractériser la structure, le fonctionnement du système agraire actuel du double point de vue agroécologique et agroéconomique (typologie des exploitations et analyse économique de ces dernières).

ÉLÉMENTS D'HISTOIRE AGRAIRE

Le milieu

La zone appartient au bassin du Sénégal. Le village est localisé dans une vaste plaine alluviale de 323 m d'altitude, s'inclinant en pente très légère vers le sud. Les sols de la plaine sont légers, sableux en surface et argileux en profondeur. Au sud du village, les sols sont limono-sableux tandis qu'ils sont plus argileux au nord.

Une ceinture discontinue de collines, dernières hauteurs du plateau Mandingue, entoure le territoire villageois à l'est (472 m), à l'ouest (541 m) et au sud (575 m). Les collines sont formées d'épaisses couches de grès dur (Atlas du Mali).

Le réseau hydrographique est constitué par de grandes voies d'eau (Baoulé et Bakoyé), affluents du Sénégal, qui coulent à une cinquantaine de kilomètres au nord et au sud du village. Le Kobako, rivière temporaire, traverse Kouléko du sud au nord. Deux marigots existent en hivernage, mais un seul (au nord-est) est permanent.

La zone d'étude appartient au domaine climatique sud-soudanien, caractérisé par une saison chaude et sèche d'octobre à mai, et une saison chaude et humide de juin à septembre (Sivakumar, Konaté et Virmani, 1997). Le total pluviométrique annuel est légèrement supérieur à 1 000 mm, mais la répartition en est très inégale (Annuaire climatologique du Mali).

L'écosystème originel, les premiers hommes et l'apparition de l'agriculture

Bien qu'il n'existe pas d'études préalables concernant les systèmes agraires dans la zone, et ne disposant que d'informations agroécologiques fragmentaires, un schéma évolutif de l'histoire agraire de la zone peut être proposé.

En ce qui concerne l'écosystème originel, deux ensembles peuvent être distingués: dans les vallées, une forêt-galerie tropicale, sans doute à feuilles décidues en saison sèche, et, sur les collines, une steppe arbustive, discontinue (UNESCO, 1987).

Les pasteurs sahariens arrivent dans la zone d'étude voilà 5 000 ans. Leur glissement vers le Sud est causé par la dernière phase aride qui provoque la désertification du Sahara. Ils amènent avec eux des espèces animales domestiquées dans le foyer proche oriental (chèvres: 9 500 B.P., moutons: 9 500 B.P. et bovins: 8 400 B.P.) (Giri, 1994). Ils transhument d'abord en saison sèche dans la zone afin de faire pâturer aux animaux les formations végétales ouvertes et de leur faire boire l'eau des mares de saison sèche se trouvant au pied des collines.

Difficile à dater, l'arrivée des agriculteurs dans la zone serait liée à la maîtrise du travail du fer (4000-3000 B.P. [Before Present]). L'outillage manuel, fabriqué par les castes de forgerons (Mazoyer et Roudart, 1997) est composé de haches et de houes à semer. La zone appartient à une aire secondaire de domestication qui s'étend du Sénégal jusqu'en Ethiopie. Le sorgho, les mils, le fonio et le riz africain y ont été domestiqués.

Les systèmes d'abattis-brûlis (3000 B.P.-XVIIIe siècle)

Le seul système agraire possible dans un écosystème de forêt avec un outillage manuel est le système d'abattis-brûlis: un système de cultures temporaires de un à trois ans (mil, sorgho, fonio) installées sur des parcelles essartées mais non dessouchées, alternant avec une friche boisée de longue durée (figure 1). Des jardins-vergers attenants aux habitations fournissent les légumes (gombo, concombre et melon).

Figure 1
Les systèmes d'abattis-brûlis (3000 BP – XVIIIe siècle)

La majeure partie de la production est sans doute autoconsommée, mais les réseaux d'échanges s'étendent et s'intensifient en particulier à partir du Xe siècle, sous l'influence du commerce arabe (Mazoyer et Roudart, 1997).

Le système d'abattis-brûlis perdure tant que l'écosystème boisé demeure. Quels sont les facteurs qui ont retardé le déboisement de la zone? De vastes réserves forestières peuvent avoir existé puisque l'écosystème originel est constitué – dans les vallées – par une forêt-galerie tropicale. L'accroissement démographique – limité par les traites transsahariennes et transatlantiques – a, de plus, pu être insuffisant pour provoquer l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des défrichements conduisant au déboisement.

Le système agraire postforestier (XIXe siècle)

La France colonise le Mali dans le dernier quart du XIXe siècle et l'intègre au Haut-Sénégal-Niger. L'essor démographique de la fi n du XIXe siècle (fi n des traites, fi n des guerres de colonisation) conduit à l'accroissement des besoins alimentaires et, par là même, à l'augmentation des surfaces défrichées et à la diminution du temps de friche boisée. Il semble qu'en quelques dizaines d'années, la forêt tropicale se dégrade et donne naissance à l'écosystème actuel, une formation végétale à dominante herbeuse coexistant avec des reliques de milieu boisé (Tellier, 1970).

Le système agraire postforestier comporte des champs dits «de brousse». Il s'agit de parcelles en cultures temporaires de mil, de sorgho et de fonio, ainsi que d'arachide ou de maïs (plantes américaines introduites sur la côte occidentale par les Portugais), alternant avec une friche d'herbes et d'arbustes d'une dizaine d'années (figure 2). La reproduction de la fertilité est assurée par la litière du recrû de savane et par les résidus de récolte.

La première différence avec le système d'abattis-brûlis est le raccourcissement du temps de friche sur les «champs de brousse». La seconde concerne l'évolution de l'outillage manuel qui s'enrichit de la houe à défricher la savane (UNESCO, 1987).

Figure 2
Le système agraire postforestier (XIXe siècle)

La première étape de l'intégration Agriculture- Elevage (fi n XIXe siècle-1960)

La politique agricole de la métropole consiste à développer les exportations d'arachides (et ce, en raison de l'augmentation de la demande européenne en produits oléagineux du fait du développement des industries de la bougie et du savon). Obligation est faite aux paysans maliens d'inclure de plus en plus d'arachide dans l'assolement. Une partie des récoltes est livrée aux magasins de l'Administration coloniale et l'instauration de l'impôt per capita (impliquant la nécessaire monétarisation d'une autre fraction des récoltes) conduit à la vente forcée d'une partie de la production (Comité scientifique pour la rédaction d'une histoire générale de l'Afrique, 1987).

Les superficies consacrées à l'arachide sont donc de plus en plus vastes, ce qui, dans la mesure où les capacités de production n'augmentent pas, provoque une diminution des surfaces vouées aux cultures alimentaires. Or, parallèlement, l'essor démographique se poursuit et les besoins alimentaires croissent. Une intensification des cultures alimentaires est donc rendue nécessaire.

Elle se concrétise par l'apparition – au sein de l'écosystème cultivé – des champs dits «de case». Il s'agit de parcelles cultivées en rotation annuelle avec friche herbeuse de saison sèche et culture saisonnière alimentaire (mil-sorgho) de saison humide. Mais la question de la reproduction de la fertilité sur ces champs se pose; en effet, la rotation culturale est annuelle et la friche n'est qu'une friche de saison sèche. Comment les champs de case ont-ils pu donc être cultivés? Grâce à l'utilisation des déjections animales pour le fumage de ces terres. Ainsi, l'écosystème cultivé se transforme avec l'apparition des champs de case, et le mode de reproduction de la fertilité évolue avec une première étape d'intégration agriculture-élevage. Le bétail pâture de jour le saltus périphérique, et il est stationné la nuit à proximité des cases, les déjections étant séchées et transportées avant la mise en culture sur les champs de case (figure 3).

Figure 3
Première étape de l'intégration agriculture-élevage (XIXe siècle – 1960)

Si, dans un premier temps, le bétail possédé appartient aux pasteurs, les agriculteurs en font ensuite l'acquisition.

La seconde étape de l'intégration Agriculture- Elevage (de l'Indépendance à 1995)

Les politiques menées successivement sous Modibo Keita (1960-1968) et Moussa Traoré (1968-1991) ont eu pour objectif d'accroître les exportations de l'arachide. Afin d'y parvenir, de nombreuses opérations de développement dans la zone se sont succédé (Cisse, 1970).

Figure 4
Seconde étape de l'intégration agriculture-él-evage (1960-1995)

L'augmentation des superficies cultivées en arachide provoque sur les champs de brousse une diminution du temps de friche qui passe de 10 à 5 ans, cela conduisant à une baisse des rendements (Cisse et Dembelé, 1981). L'accroissement des besoins alimentaires débouche sur une augmentation des surfaces des champs de case. Le cheptel croît afin de fumer des parcelles toujours plus étendues. Mais sans matériel de transport, ce système ne peut être poussé bien loin. Le problème du renouvellement de la fertilité se pose donc avec une acuité nouvelle.

C'est la contention des animaux, rendue possible grâce à l'utilisation de palissades de bambou (plante asiatique introduite par les opérations de développement agissant dans la zone), qui va résoudre le problème du fumage des terres. En effet, le bétail pâture désormais de jour le saltus périphérique et est parqué la nuit, en saison sèche, sur les champs de case en friche et sur les parcelles à défricher des champs de brousse pendant la saison des pluies précédant celle de leur mise en culture (figure 4). Le mode de renouvellement de la fertilité se transforme donc avec l'apparition du parcage de nuit. Il s'agit de la seconde étape de l'intégration Agriculture-Elevage. De plus, dans les années 70, du matériel de culture attelée a été introduit par le projet «Opération Arachide et Cultures Vivrières» (1973-1980).

LE SYSTÈME AGRAIRE ACTUEL, STRUCTURE ET FONCTIONNEMENT

Depuis 1995, la CMDT a développé la culture du coton dans la région de Kita. Elle en encadre la production (fourniture de semences, d'engrais et de pesticides, prêts à l'équipement et conseils techniques), la collecte, la transformation et la commercialisation. Afin d'expliciter le système agraire actuel, on en étudiera les caractéristiques de structure (écosystème cultivé et outillage) et le fonctionnement (modes de renouvellement de la fertilité, modes de conduite des élevages, modes de conduite des cultures). Les informations relatives à l'analyse-diagnostic du système agraire actuel proviennent des différentes enquêtes menées.

L'écosystème cultivé

Il est aménagé en auréoles. Le village et les jardins occupent une position centrale. Des légumes (gombo, piment, oignon, melon) sont cultivés dans les jardins dont la fertilité est renouvelée par les déchets domestiques, les déjections et les cendres du foyer.

Une première auréole (soforo) est constituée par les champs de case cultivés en rotation annuelle: la culture de maïs en saison des pluies y alterne avec une petite jachère de saison sèche. Les parcelles sont quadrangulaires, jointives et permanentes. Le rayon de cette auréole est de 100 à 150 m.

Une seconde auréole (kongo foro) est formée par les champs de brousse. On y pratique une succession culturale de deux à trois ans avec des cultures temporaires de mil, sorgho, arachide, coton en saison humide avec jachère de saison sèche, alternant avec une friche de moyenne durée de deux à six ans. Les rotations sont: coton/mil-sorgho/arachide, coton/mil-sorgho/coton, ou arachide/mil-sorgho/arachide. Les champs sont également quadrangulaires, et 50 à 75 pour cent d'entre eux sont en friche herbeuse pour une durée de deux à six ans. Le rayon de cette auréole atteint 6 km. Enfin, la brousse (kongo) constitue le saltus pâturé et fournit les produits de la chasse, de la cueillette, le bois d'œuvre et de feu.

L'outillage

L'outillage utilisé est avant tout manuel (hache, coupe-coupe, daba à défricher, daba à semer, daba à sarcler) et est parfois complété d'un matériel de culture attelée (charrue, semoir, multiculteur) tracté par deux paires de bœufs (n'dama) (tableau 1)

TABLEAU 1
Outillage manuel et de culture attelée: matériel, prix et durée de vie

Matériel

Prix (FCFA)

Durée moyenne d'utilisation

Hache

1 500

3 ans

Coupe-coupe

500

1 an

Daba à semer

1 000

1 an

Daba à sarcler

500

1 an

Charrue

23 100

7 ans

Semoir

56 345

7 ans

Multiculteur

35 640

7 ans

Pulvérisateur

25 390

4 ans

Bœufs (paire)

130 000

8 ans

Sources: Résultats d'enquêtes.

Les modes de renouvellement de la fertilité

Le renouvellement de la fertilité est assuré par les déjections animales et les friches de moyenne durée sur les terres de brousse. Le transfert de biomasse résulte d'une conduite appropriée des troupeaux d'herbivores (bovins et ovins).

Le bétail pâture le saltus périphérique de jour librement pendant la saison sèche et sous la conduite d'un Peul durant la saison des pluies. Il est parqué de nuit sur les jachères de saison sèche des champs de case et sur les parcelles à défricher des champs de brousse pendant la saison des pluies précédant celle de leur mise en culture.

TABLEAU 2
Fertilisation minérale

Culture

Engrais

Dose

Coton

NPKSB: 14.22.12.7.1

150 kg/ha

Urée

50 kg/ha

Arachide

NPKSB: 14.22.12.7.1

50 kg/ha

Maïs

NPK: 15.15.15

100 kg/ha

Urée

150 kg/ha

Sources: Résultats d'enquêtes.

Le renouvellement de la fertilité des champs de case et de brousse est partiellement assuré par fertilisation minérale (tableau 2). Cette utilisation reste marginale sur le maïs et l'arachide (l'engrais composé coton ne correspondant d'ailleurs pas aux caractéristiques agronomiques de cette dernière). En revanche, le recours à la fertilisation minérale est systématique sur le coton.

Les modes de conduite des cultures

Le défrichement des champs de brousse s'effectue avec hache et coupe-coupe aux mois d'avril et de mai. Le dessouchage n'est pour ainsi dire pas pratiqué. Le défrichement concerne les parcelles de champs de brousse qui vont porter les cultures de coton et d'arachide (puisque seules ces deux cultures viennent en tête de rotation) (tableau 3).

Le nettoyage des parcelles cultivées l'année précédente permet d'éliminer la végétation spontanée et les résidus de récolte. Il s'effectue à la daba à sarcler et par brûlis contrôlé.

La préparation finale du sol avant semis peut être réalisée soit avec la daba à sarcler, soit avec le multiculteur équipé de pics fouilleurs (avant les pluies) ou de dents sarcleuses (après les premières pluies), soit encore avec la charrue (après les premières pluies).

Des cultivars locaux sont utilisés pour les cultures de maïs (Zanguérini: 90 jours; Tiémantié: 120 jours); de mil (Kendé rouge ou blanc: 90 jours; Soni Coura: 90 jours; Birabala Huili: 120 jours); et de sorgho (Sanyo: 90 jours; Barouba: 120 jours). Les variétés d'arachide sont la 47-20 (90 jours) et la 28-206 (120 jours) et la variété de coton est la NTA 88-6 (130 à 145 jours). Les semences sont autofournies, hormis pour le coton, puisqu'elles proviennent gratuitement de la CMDT. Seules les semences d'arachide et de coton sont traitées (à l'aide du fongicide coton).

En ce qui concerne l'entretien des cultures, les sarclages sont réalisés à la daba à sarcler ou au multiculteur équipé de dents sarcleuses à raison d'un sarclage sur mil et sorgho, de deux sarclages sur maïs et arachide et de trois sarclages sur coton. Le buttage est éventuellement effectué sur maïs, mil, sorgho et coton à l'aide du multiculteur équipé d'un corps butteur. Le désherbage chimique est parfois réalisé sur le maïs et les traitements phytosanitaires sont systématiques sur coton. Les récoltes, faites à la main, sont effectuées en groupe pour le mil, le sorgho, l'arachide et le coton.

TABLEAU 3
Les grandes étapes des itinéraires techniques

Février,

Réparation des poulaillers et des greniers

mars, avril

Révision du matériel chez le forgeron

Mai

Préparation des parcelles mises en culture: défrichage, nettoyage, grattage

Juin

Préparation des parcelles mises en culture: houage, labour


Semis: sorgho et mil, coton, maïs

Juillet

Semis: coton, arachide


Entretien des cultures:


1er sarclage mil et sorgho


1er sarclage coton et maïs


1re pulvérisation coton

Août

Entretien des cultures:


1er sarclage arachide


2e pulvérisation coton


éventuellement, 2e sarclage et buttage mil et sorgho


2e sarclage maïs


éventuellement, buttage maïs


3e pulvérisation coton

Septembre

Entretien des cultures:


2e sarclage coton


éventuellement, buttage coton


2e sarclage arachide


4e pulvérisation coton


Récolte:


arachide précoce

Octobre

Récolte: maïs, coton, mil et sorgho

Novembre

Récolte: coton et arachide tardive

Décembre

Récolte: coton


Battage et vannage: mil et sorgho


Mise en sac


Stockage

Janvier

Battage et vannage: mil et sorgho


Mise en sac


Stockage

Sources: Résultats d'enquêtes.

Le battage sur aire aménagée et le vannage sont manuels (utilisation de la perche et du van) et réalisés en commun en ce qui concerne le mil et le sorgho. Céréales et arachides sont stockées dans les greniers en banco de chaque concession (famille) et le coton dans le silo du village. La CMDT assure le transport du coton jusqu'aux usines (figure 5).

La transformation des céréales et de l'arachide est manuelle (pilon-mortier); le surplus non autoconsommé est vendu sur les marchés environnants.

Figure 5
Circuits de destimation des productions

Sources: Résultats d'enquêtes.

Le système social productif

Organisation sociale et structures familiales. L'unité de production agricole compte en moyenne 18 personnes dont moins du tiers d'actifs agricoles principaux (individus âgés de 15 à 50 ans).

La hiérarchisation sociale est très marquée au sein de la famille (lu), ce qui a de fortes incidences sur l'organisation du travail. Le chef de famille (fa) décide des cultures effectuées par les hommes de la famille. Ces cultures sont systématiquement consacrées aux céréales car il doit en assurer la fourniture à la famille. Le chef de famille décide également de l'emploi des récoltes et gère les greniers. Les membres masculins sont tenus de participer au travail agricole sur les cultures communes (foroba) de 8 à 14 heures. Ils peuvent aussi cultiver des parcelles individuelles, le revenu étant alors à usage personnel; aussi se consacrent-ils aux cultures de rente que sont le coton et, dans une moindre mesure, l'arachide, afin d'obtenir un revenu monétaire, et ce, à raison de trois heures par jour. Les femmes, elles, cultivent des parcelles individuelles d'arachide et entretiennent les jardins (nako) fournissant les légumes: elles ont en effet la charge des condiments servant à préparer la sauce dans laquelle on trempe les céréales préparées en bouillie, en gâteau ou en couscous. La cuisine familiale commune est faite tour à tour par chacune des femmes du chef de famille.

L'unité familiale est donc une unité de production et d'autoconsommation comportant des sous-unités de production individuelle de culture de rente.

La question foncière. Le droit foncier coutumier évolue depuis une centaine d'années. Le chef de terre accorde des droits d'usages sur les nouveaux champs dits de case, proches du village, et sur les parcelles à défricher des champs de brousse. Le chef de famille a, quant à lui, un droit distributif au sein de la famille.

La propriété privée de la terre n'existe pas; néanmoins, on assiste de fait à un certain mouvement d'appropriation. En effet, le droit d'usage est devenu quasiment inaliénable sur les champs de brousse et il est très stabilisé sur les champs de case.

Le rapport ville-campagne. Des migrations saisonnières, principalement de jeunes hommes, vers les villes de Bamako et de Kita ont lieu à la saison sèche. Il s'agit d'une part d'aller quérir un revenu monétaire d'appoint et, d'autre part, de diminuer le nombre de bouches à nourrir sur le stock de céréales de l'unité de production familiale. La majorité des emplois occupés en ville sont des emplois de manœuvre, le salaire mensuel oscillant entre 22 500 et 30 000 FCFA. Les revenus de l'exode sont répartis de la façon suivante: une moitié est conservée par le travailleur, tandis que l'autre moitié est reversée à la famille.

L'accès au crédit et à l'épargne. Depuis 1997, la CVECA (Caisse villageoise d'épargne et de crédit autogérée) permet de sécuriser l'épargne des villageois et de la faire fructifier afin d'accorder des crédits aux particuliers. Ces crédits, de faible montant, sont contractés afin d'acquérir des biens de consommation (radio, vélo) et de payer la main-d'œuvre occasionnelle.

La CMDT intervient également comme organisme de crédit par le biais de prêts pour l'achat des intrants (prêts à court terme remboursables au moment de la vente du coton), et pour l'achat de matériel agricole (prêts à moyen terme pour l'achat d'équipement avec un taux d'intérêt de 6,82 pour cent par an). Plus de 90 pour cent du matériel agricole possédé est issu de la CMDT.

Organisation de la main-d'œuvre, gestion du travail. Les périodes de pointe de travail sont les sarclages (juillet à septembre), les récoltes (septembre à décembre) et les semis (juin-juillet). La courte durée de la saison des pluies ne permet pas aux agriculteurs d'étaler leur travail dans le temps. Aussi, la main-d'œuvre familiale ne peut (dans 27 pour cent des unités de production) faire face seule aux pointes de travail. La main-d'œuvre extrafamiliale est mobilisée selon deux modalités: les groupes d'entraide et les navétants.

L'entraide est un échange de travail simple et égal, qui a lieu au sein de regroupements de lignées apparentées (il en existe trois au village) et qui concerne les activités de récolte et de battage. Ce système permet de mobiliser 100 pour cent de la force de travail pendant les périodes de pointe de travail, mais il ne gomme pas ces pointes à l'échelle du village.

Le navétant est un travailleur occasionnel, nourri, logé par la famille, qui travaille en partie pour l'exploitation, et en partie pour lui-même; il cultive en effet une parcelle, que lui cède son logeur, systématiquement en coton, afin d'obtenir un revenu monétaire. Une fois la commercialisation effectuée, le navétant regagne sa région d'origine (le plus souvent la zone frontière entre le Mali et la Guinée) ou recherche un emploi de manœuvre en ville.

ANALYSE DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE SYSTÈMES DE PRODUCTION

Caractéristiques communes aux exploitation

Les exploitations de Kouléko présentent certaines caractéristiques qui leur sont communes:

TABLEAU 4
Types de systèmes de production

Caractéristiques

Types d'exploitation

A

B

C

D

Niveau d'équipement

culture manuelle

culture manuelle

culture attelée incomplète

culture attelée

Combinaison productive

céréales arachide

coton céréales arachide

coton céréales arachide

coton céréales arachide

Niveau d'utilisation des engrais et pesticides

aucune utilisation

utilisation sur coton

utilisation sur coton

utilisation sur maïs, arachide et coton

Nombre moyen d'actifs par exploitation

7

7

7,57

8,14

Superficies cultivées

moins 15 ha

moins de 5 ha

de 5 de 5 ha

plus de à 15 ha

SAU (surface agricole utile) moyenne en ha

3

4

8

17

SAU par actif en ha

0,43

0,57

1,06

2,09

Autosuffisance céréalière

non

non

oui

oui

Nature des productions commercialisées

néant

coton

coton

coton céréales

Sources: Résultats d'enquêtes.

Facteurs de différenciation et typologie d'exploitations

Divers systèmes de production peuvent pourtant être distingués, la différenciation entre systèmes étant déterminée par les moyens de production (niveau d'équipement) dont disposent les exploitations d'une part, et par les combinaisons productives qu'elles pratiquent, d'autre part. Quatre grands systèmes de production ont ainsi été identifiés: le système céréalier sans coton en culture manuelle; le système céréalier avec coton en culture manuelle; le système céréalier avec coton en culture attelée incomplète; et le système céréalier avec coton en culture attelée complète (tableau 4).

L'analyse des variations techniques et économiques entre ces différents types montre que de nombreux autres facteurs et résultats interviennent dans ces différenciations, tels que le niveau d'utilisation des engrais et des pesticides, le nombre d'actifs par exploitation, l'étendue des superficies cultivées et la surface agricole utile par actif, ou encore la capacité de parvenir à l'autosuffisance céréalière et de commercialiser une partie de la production de l'exploitation.

TABLEAU 5
Résultats économiques moyens par type d'exploitation

En FCFA

Type A

Type B

Type C

Type D

Rapport D/A

VAN1 (valeur ajoutée nette)

242 535

255 822

782 012

2 612 118

10,77

VAN par actif

34 648

36 546

103 304

320 899

9,26

RA (revenu agricole)

235 536

247 073

800 607

2 638 051

11,20

RA2 par actif

33 648

35 296

105 760

324 085

9,63

RD3 (revenu disponible)

292 204

325 505

840 747

2 694 687

9,22

RD par actif

41 743

46 501

111 063

331 043

7,93

Sources: Résultats d'enquêtes.
1 VAN = VAB - (amortissements + entretien); avec VAB = produit brut - consommations intermédiaires
2 RA = VAN - (salaires + impôts +intérêts)
3 RD = RA + (amortissements + revenus extérieurs)

Synthèse économique

Les comptes de production ont été établis pour chacune des exploitations du village selon la méthodologie suivante. Pour chaque culture a été calculé le produit brut (rendement/ha x prix/kg) duquel les consommations intermédiaires (semences + engrais + pesticides) ont été retranchées. La valeur ajoutée brute globale ainsi obtenue a été défalquée des amortissements et entretien du matériel afin de parvenir à la valeur ajoutée globale nette. Lui ont été soustraits les salaires éventuellement versés, les impôts et les intérêts des emprunts, permettant ainsi d'aboutir au revenu agricole. Ce dernier, enrichi des amortissements et revenus extérieurs, a donné le revenu disponible par exploitation.

Au sein de chaque type d'exploitation, les valeurs moyennes figurant au tableau 5 ont été retenues.

La dynamique actuelle

L'étude de la dynamique actuelle des systèmes de production semble indiquer que l'on s'achemine vers un développement différencié des exploitations (figure 6).

Figure 6
Dynamique actuelle des systèmes de production

Sources: Résultats d'enquêtes.

En effet, certaines exploitations accroissent leur capital fixe immobilisé et ont recours à la fertilisation minérale et aux traitements phytosanitaires. Elles parviennent ainsi à atteindre l'autosuffisance céréalière et à commercialiser une partie de plus en plus importante de leur production et, par là même, à nettement améliorer leur revenu disponible.

D'autres exploitations en revanche, encore largement tournées vers une logique d'autosubsistance mais ne parvenant pas à l'autosuffisance, risquent d'être de plus en plus marginalisées. Le processus d'élimination, dont elles seront peut-être victimes à terme, pourrait conduire les actifs ainsi libérés au salariat urbain non qualifié à temps complet ou partiel, ou encore à une double activité, sur le modèle des navétants actuels.

CONCLUSION

L'histoire agraire de la zone d'étude a été rythmée par une succession d'étapes:

Les enquêtes systématiques technico-économiques (portant sur les 68 exploitations que compte le village) ont permis d'appréhender le système agraire dans son ensemble: ses caractéristiques de structure (écosystème cultivé, outillage) et son fonctionnement (mode de renouvellement de la fertilité, modes de conduite des élevages et des cultures). La typologie des exploitations et les calculs économiques ont permis de saisir la dynamique actuelle du système, celle d'un développement de plus en plus différencié des exploitations.

BIBLIOGRAPHIE

Atlas du Mali. Jeune Afrique, 1980. Paris. 97 p.

Cissé, D. 1970. Structures des Malinkés de Kita. 1970. Ed. Populaires, Collection Hier. Bamako. 351 p.

Cissé, M. et Dembelé, K. 1981. Mali: le paysan et l'Etat. L'Harmattan, Bibliothèque du développement, Paris. 197 p.

Comité scientifique pour la rédaction d'une histoire générale de l'Afrique (UNESCO). 1987 Présence africaine/EDICEF/UNESCO. Histoire générale de l'Afrique. Volumes I à VIII. Paris.

Direction nationale de la météorologie. 1997. Annuaire climatologique du Mali. Bamako. 353 p.

Direction nationale des statistiques. 1997. Analyse des données de l'enquête agricole de conjoncture. Bamako. 268 p.

Giri. J. 1994. Histoire économique du Sahel. Karthala, Paris. 259 p.

Mazoyer, M et Roudart, L. 1997. Histoire des agricultures du monde du néolithique à la crise contemporaine. Le Seuil, Paris. 533 p.

Sivakumar, H., Konaté, M. et Virmani, SM. 1997. Agroclimatologie de l'Afrique de l'Ouest: le Mali. Direction nationale de la météorologie. Bamako. 243 p.

Tellier, G. Autour de Kita. 1898. Ed. H. Ch. Lavauzelle. Paris. 213 p.

Previous Page Top of Page Next Page