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Contribution des peupliers et des saules à la valorisation durable des forêts et au développement rural

J. Ball, J. Carle et A. Del Lungo

Jim Ball et Alberto Del Lungo sont consultants à la FAO, Rome.
Jim Carle est forestier principal (plantations et protection) à la Division des ressources forestières, Département des forêts de la FAO, Rome.

Situation et tendances de la culture, la gestion et l’utilisation des peupliers et des saules, sur la base des rapports soumis par des pays membres de la Commission internationale du peuplier.

Salicacées (Populus alba et Salix babylonica) établies pour protéger un poste gouvernemental éloigné, situé à environ 3 000 m d’altitude dans les Andes argentines; ce sont les seules essences capables de survivre à une telle altitude, et la protection contre le vent qu’elles offrent rend vivable la communauté
J. CARLE

Selon les estimations, 70 pays cultivent des peupliers et des saules, mélangés à d’autres essences forestières naturelles dans des plantations forestières ou comme arbres individuels parsemés dans le paysage (y compris dans les systèmes agroforestiers). Les rapports nationaux présentés à la Commission internationale du peuplier (CIP) en 2004 ont montré que, au plan mondial, leur superficie dépasse 80 millions d’hectares. Selon les rapports, la Fédération de Russie, le Canada et les Etats-Unis ont la superficie la plus étendue de peupliers et de saules présents naturellement, alors que la Chine, l’Inde et le Pakistan possèdent les plantations les plus vastes.

Originaires des zones tempérées et subtropicales, les arbres et arbustes de salicacées – qui comprennent les peupliers (Populus spp.) et les saules (Salix spp.) – sont des essences à croissance rapide, faciles à propager par multiplication végétative. Nombre de ces espèces sont adaptées à une gamme étendue de conditions climatiques et pédologiques, allant de la chaleur des déserts de Chine au froid et aux vents des Andes sud-américaines. Elles sont faciles à cultiver et forment une importante composante des systèmes d’exploitation forestiers et agricoles, souvent pratiqués par les petits agriculteurs. Elles fournissent de nombreux produits ligneux (y compris le bois rond industriel et les poteaux, la pâte et le papier, les panneaux reconstitués, le contre-plaqué, les placages, les sciages, les caisses d’emballage, les palettes et les meubles) et des produits non ligneux (fourrage, combustibles), ainsi que des services (abri, ombre et protection des sols, des eaux, des cultures agricoles, du bétail et des habitations). Les peupliers et les saules jouent un rôle important dans la phytoremédiation (en absorbant les métaux lourds pour purifier les sols pollués) de sites dégradés, la remise en état des écosystèmes fragiles (y compris la lutte contre la désertification) et la restauration des paysages forestiers. Ils sont souvent intégrés à l’agriculture, l’horticulture, la viticulture et l’apiculture. En raison de leur croissance rapide, ils jouent un rôle efficace dans le piégeage du carbone. Ils assurent des emplois, promeuvent les exportations et contribuent au développement économique et social et aux moyens d’existence durables dans les zones rurales.

Le présent article décrit la situation et identifie les tendances de la culture, la gestion et l’utilisation des peupliers et des saules dans les zones tempérées et boréales du monde, et résume certains faits les concernant. Il se fonde sur des rapports de pays soumis en 2004 par 21 pays membres de la CIP (voir encadré) – Allemagne, Argentine, Belgique, Bulgarie, Canada, Chili, Chine, Croatie, Egypte, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Inde, Italie, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Royaume-Uni, Serbie-et-Monténégro, Suède et Turquie – et par la Fédération de Russie, qui n’est pas membre de la CIP. Toutes les statistiques citées dans l’article (y compris celles qui sont contenues dans les tableaux et figures) sont tirées de ces rapports de situation nationaux. Les peupliers et/ou les saules croissent aussi dans près de 50 autres pays, mais ils ne sont pas présents en quantité notable. La seule exception est l’Ukraine, où leur étendue, apparemment très vaste, n’a pas été officiellement enregistrée.


La Commission internationale du peuplier

La Commission internationale du peuplier (CIP), l’un des organes statutaires techniques de la FAO s’intéressant aux forêts, promeut la culture, la conservation et l’utilisation d’espèces de la famille des salicacées. Elle soutient l’étude des aspects scientifiques, techniques, sociaux et économiques de la culture du peuplier et du saule, et encourage la recherche et l’échange d’idées, afin de traduire les politiques et la science en programmes de mise au point et de réalisation.

Etablie en 1947 par neuf pays, la CIP comprend maintenant 37 pays membres, y compris des pays en développement, des pays développés et des pays en phase de transition économique. La CIP est la seule instance qui réunit des gestionnaires, utilisateurs et chercheurs en matière de peupliers et de saules, en vue d’examiner des questions présentant un intérêt commun d’une manière interdisciplinaire.

Six groupes de travail étudient la génétique, la conservation et l’amélioration; les maladies; les insectes et d’autres ravageurs animaux; les systèmes de production; l’exploitation et l’utilisation du bois; et les applications environnementales. Un sous-comité de la nomenclature et de l’enregistrement fait également partie de la Commission.

La Commission se réunit tous les quatre ans. La vingt-deuxième session s’est tenue à Santiago (Chili) du 28 novembre au 2 décembre 2004; elle a été accueillie conjointement par la FAO et les commissions nationales du peuplier du Chili et de l’Argentine. Elle a mis l’accent sur la contribution des peupliers et des saules à la valorisation durable des forêts et au développement rural. Des tournées d’étude connexes au Chili et en Argentine ont démontré la diversité des applications sociales, environnementales et économiques des peupliers et des saules pour la valorisation durable des forêts et le développement rural.


Les peupliers présents naturellement (comme Populus euphratica en Chine) sont gérés surtout à des fins environnementales, y compris la conservation in situ
P. SIGAUD

LA SUPERFICIE DES PEUPLIERS ET DES SAULES

La grande majorité des peupliers et des saules pousse dans les forêts naturelles et les terres boisées. Au plan mondial, 91 pour cent des peupliers se situent dans les forêts naturelles, 6 pour cent dans les plantations et 3 pour cent dans les systèmes agroforestiers et les arbres hors forêt. En ce qui concerne les saules, les chiffres respectifs sont 94 pour cent, 5 pour cent et 1 pour cent.


Forêts naturelles et terres boisées

La superficie totale des peupliers naturels communiquée par les pays membres de la CIP dépasse 70 millions d’hectares, dont 97 pour cent se trouvent au Canada, dans la Fédération de Russie et aux Etats-Unis, où ils sont exploités essentiellement pour la production de bois. Dans les autres principaux pays ayant des peupliers naturels (tableau 1), ils remplissent principalement des fonctions environnementales, y compris la conservation in situ, la protection des sols et des eaux et la restauration des paysages.

La plus grande superficie de forêts naturelles de saules communiquée se situe dans la Fédération de Russie, suivie de la France, de la Chine, de l’Italie et de la Croatie (tableau 2). Les saules, présents généralement en peuplements mixtes, se rencontrent aussi dans d’autres pays (Canada et Chili, par exemple) qui ne les incluent pas dans les inventaires nationaux, si bien que leur superficie est inconnue.

La plupart des ressources en peupliers et saules appartiennent au domaine public (figure 1).

TABLEAU 1. Principaux pays ayant soumis un rapport sur leurs peuplements naturels de peupliers

Pays

Superficie
(milliers d’ha)

Canada

28 300

Fédération de Russie

21 900

Etats-Unis

17 700

Chine

2 100

Allemagne

100

Finlande

67

France

40

Inde

10

Italie

7


1
Régime de propriété des forêts naturelles de peupliers et saules

TABLEAU 2. Principaux pays ayant soumis un rapport sur leurs peuplements naturels de saules

Pays

Superficie
(milliers d’ha)

Fédération de Russie

2 850

France

67

Chine

60

Italie

35

Croatie

7


En Nouvelle-Zélande, les peupliers sont émondés, et les jeunes branches et le feuillage servent à affourager les moutons
D. CHARLTON

Les placages font partie des nombreux produits pour lesquels le bois de peuplier est souvent utilisé (Inde)
INDIAN COUNCIL OF FORESTRY RESEARCH AND EDUCATION

Services environnementaux: saules (Salix matsudana) établis en Nouvelle-Zélande pour lutter contre l’érosion et nourrir le bétail
I. MCIVOR

Plantations forestières et arbres hors forêt, y compris l’agroforesterie

D’après les rapports, la superficie mondiale de peuplements de peupliers plantés (établis en plantations en carrés pour la production de bois et les services environnementaux, ou dans les systèmes agroforestiers) s’élevait à 6,7 millions d’hectares, dont 3,8 millions d’hectares (56 pour cent) servaient principalement à des fins de production de bois et 2,9 millions d’hectares remplissaient des fonctions environnementales. Trente pour cent de la superficie totale plantée indiquée se situaient dans des systèmes agroforestiers, qui absorbaient 40 pour cent de la production mondiale de bois de peuplier.

A la Chine sont imputables 73 pour cent de la superficie mondiale totale plantée en peupliers (tableau 3), y compris 53 pour cent des plantations mondiales destinées à la production de bois, la quasi-totalité des plantations établies à des fins environnementales et 49 pour cent des plantations mises en place dans les systèmes agroforestiers. A l’Inde vont 49 pour cent des plantations agroforestières.

La superficie mondiale de saules plantés (tableau 4) était de 176 000 ha, dont 90 000 ha servaient à la production de bois (51 pour cent) et le reste à des fins environnementales. Rares sont les pays qui ont établi des saules dans leurs systèmes agroforestiers, à l’exception de la Nouvelle-Zélande, où les saules servaient à stabiliser les berges. En Argentine et en Suède, la totalité de la superficie des plantations de saules visait la production (en Suède, l’énergie renouvelable). La Chine possède la deuxième principale superficie de saules destinés à la production (21 000 ha) et la plus grande superficie de saules établis pour la protection de l’environnement (59 000 ha, plantés pour combattre la désertification).

Plus de la moitié des peupliers et des saules présents dans les plantations et les systèmes agroforestiers ou plantés comme arbres hors forêt appartiennent au domaine public (figure 2). Cependant, de petits propriétaires privés en possèdent un pourcentage considérable (25 pour cent du total).

2
Régime foncier des peupliers et saules établis dans des plantations, en agroforesterie et comme arbres hors forêt

TABLEAU 3. Principaux pays ayant soumis un rapport sur la superficie de leurs plantations de peupliers

País

Superficie
(milliers d’ha)

Chine

4 900

Inde

1 000

France

236

Turquie

130

Italie

119

Argentine

64


TABLEAU 4. Principaux pays ayant soumis un rapport sur la superficie de leurs plantations de saules

Pays

Superficie
(milliers d’ha)

Argentine

46

Roumanie

24

Nouvelle-Zélande

20

Suède

15


En Nouvelle-Zélande, les peupliers sont émondés, et les jeunes branches et le feuillage servent à affourager les moutons
INDIAN COUNCIL OF FORESTRY RESEARCH AND EDUCATION

Les placages font partie des nombreux produits pour lesquels le bois de peuplier est souvent utilisé (Inde)
D. CHARLTON

Services environnementaux: saules (Salix matsudana) établis en Nouvelle-Zélande pour lutter contre l’érosion et nourrir le bétail
I. MCIVOR

TENDANCES DE LA PRODUCTION

D’après les rapports, les extractions annuelles de peupliers à partir des peuplements naturels n’ont été importantes que dans la Fédération de Russie (100 millions de mètres cubes) et au Canada (16 millions de mètres cubes), alors que seule la Fédération de Russie a fait état d’une intense exploitation annuelle des saules présents dans des peuplements naturels (15 millions de mètres cubes).

Cinq pays (Turquie, Chine, France, Italie et Inde) ont communiqué des enlèvements annuels de plus de 1 million de mètres cubes de bois de peuplier à partir des plantations forestières. Tous les enlèvements en Inde provenaient de systèmes agroforestiers. La production agroforestière était également importante en Italie (0,5 million de mètres cubes) et en Chine (0,2 million de mètres cubes).

L’Argentine a indiqué des extractions de saules plantés de 340 000 m3 par an, et la Bulgarie de 311 000 m3 par an.

En Chine, on s’attend à une extension importante des plantations de peupliers dans le cadre du plan national visant à accroître considérablement la production de pâte de bois. En outre, six projets de plantation d’arbres pour la production de bois et l’abri, qui ont démarré en 2002, comprennent des peupliers et des saules. Ces plantations accéléreront le passage de l’approvisionnement en bois tiré des forêts naturelles à celui reposant sur les plantations.

Bien que les petits propriétaires fonciers possèdent une plus vaste superficie de ressources plantées que les sociétés privées, la production de bois de ces dernières est supérieure en raison d’une gestion plus intensive de leurs plantations.


LES PRINCIPAUX PRODUITS ET SERVICES


Produits forestiers

En Europe, la pâte, le papier et le carton sont les utilisations préférées pour le peuplier. D’autres usages importants en Europe comprennent le matériel d’emballage (palettes, boîtes et caisses) et les panneaux de bois reconstitués; ces derniers sont également très répandus en Argentine et en Amérique du Nord. De nombreux pays produisent du contre-plaqué tiré d’essences de salicacées. Au Chili, dans la Fédération de Russie, en Inde, en République de Corée et en Suède, ces essences servent à produire des allumettes. Le bois d’œuvre et le matériel de construction représentent des utilisations finales importantes en Turquie, Finlande et Argentine. Aux Etats-Unis, la flambée des constructions de logements, entraînée par la baisse des taux d’intérêt, a déterminé une hausse de la demande de panneaux composites à base de peuplier. Les objets d’artisanat et le clayonnage sont d’importantes utilisations au Chili et dans la Fédération de Russie. En Belgique et au Chili, les espèces des deux genres servent aussi à la fabrication de meubles.

L’utilisation du bois de peuplier comme combustible ou pour la production de bioénergie fait l’objet d’une certaine attention, notamment dans les pays européens, bien qu’à l’heure actuelle cette utilisation n’ait une importance économique qu’en Suède, au Royaume-Uni et en Turquie. En Egypte, Populus euphratica, qui croît de façon naturelle dans les terres salines récemment valorisées, est utilisée localement comme bois de feu.

En Nouvelle-Zélande, on tend à encourager l’émondage des peupliers et des saules pour utiliser les jeunes branches et le feuillage à des fins fourragères, en particulier pendant les périodes de sécheresse.


Usages environnementaux

Dans plusieurs pays, les ressources en peupliers et saules servent principalement à protéger l’environnement, y compris les sols et les eaux, fournissant des services précieux plutôt que des produits forestiers.

Grâce à la prise de conscience accrue du public en ce qui concerne les questions environnementales, comme la pollution atmosphérique et aquatique, les changements climatiques mondiaux et l’érosion du sol, plusieurs pays ont mis au point de nouvelles connaissances, des technologies et des techniques pour la culture des peupliers et des saules, destinées à la protection de l’environnement. Aux Etats-Unis, par exemple, des centaines de petites plantations de peupliers sont établies comme tampons pour la protection des berges et pour le traitement et la réutilisation des eaux usées et la phytoremédiation; certaines servent à piéger le carbone. En Chine, les peupliers jouent un rôle important dans l’établissement de rideaux-abris et la fixation des dunes. Au Royaume-Uni, ils fournissent un abri et un couvert végétal pour les poules en liberté, dont le produit est vendu comme «œufs de la forêt». En Bulgarie et au Chili, les saules sont plantés le long des berges pour les stabiliser et réduire l’envasement.

Au Canada, le programme Forest 2020 établit des plantations à croissance rapide, où le peuplier est le principal élément, sur des terres non boisées auparavant (terres agricoles principalement), pour le stockage du carbone. Grâce à un aménagement en taillis à courte révolution, Salix viminalis a permis la production de biomasse ligneuse la plus élevée jamais enregistrée au Canada.

Plusieurs pays ont étudié les applications potentielles de la plantation de peupliers et de saules pour la phytoremédiation. En Nouvelle-Zélande, par exemple, les clones de peuplier qui absorbent de hautes concentrations de bore, un contaminant propre aux chantiers de transformation du bois, sont utilisés commercialement pour l’assainissement d’une décharge de déchets ligneux de 5 ha. En Serbie-et-Monténégro, des études de terrain ont été réalisées sur l’utilisation du peuplier pour l’extraction du cadmium par les plantes. La Suède cherche à utiliser les saules pour la phytoremédiation.

Les peupliers et les saules sont à même d’absorber l’azote provenant de l’élevage intensif du bétail. D’après les recherches menées en Suède, 1 ha de plantation de saules peut absorber de 150 à 200 kg d’azote par an. En République de Corée, les activités de recherche se concentrent sur la plantation de peupliers et de saules dans les décharges et sur leur irrigation à l’aide d’eaux usées provenant du bétail. Un projet en Nouvelle-Zélande a approfondi le bien-fondé d’utiliser des peupliers et des saules dans un système de taillis visant à réduire le lessivage dans le sol des nitrates présents dans les effluents des laiteries normalement appliqués aux pâturages.


Quelque 30 pour cent des peupliers sont plantés dans les systèmes agroforestiers; ici, des curcumas, manguiers et litchis établis sous des peupliers en Inde, pays qui aurait près de la moitié des systèmes agroforestiers mondiaux comprenant des peupliers
INDIAN COUNCIL OF FORESTRY RESEARCH AND EDUCATION

L’AGROFORESTERIE

Plusieurs pays ont communiqué des expériences positives concernant l’utilisation des peupliers et des saules en agroforesterie, comme arbres hors forêt et dans les rideaux-abris destinés à la protection contre le vent. En Egypte, certains propriétaires fonciers ont commencé à planter des peupliers sur leurs exploitations. En Inde, un programme agroforestier intéressant plus de 30 000 ha a permis la production de bois de peuplier pour la fabrication d’allumettes et de contre-plaqué. Toutefois, une baisse des prix a déterminé la réduction du nombre de peupliers plantés en 2003.

Aux Etats-Unis, une attention croissante est accordée aux systèmes agroforestiers comprenant des peupliers et des saules, et un surcroît de financement est octroyé à la plantation d’arbres le long des berges des cours d’eau pour combattre l’érosion du sol et le lessivage des produits agricoles chimiques, améliorer les habitats de la faune sauvage et fournir de la bioénergie et des produits ligneux en faveur de l’économie rurale. Au moins six grands centres agroforestiers nationaux plantent des peupliers et des saules.


LE CADRE ADMINISTRATIF ET JURIDIQUE

Les restrictions environnementales en vigueur dans certains pays influencent la culture des peupliers. En Belgique, par exemple, 43 pour cent des plantations de peupliers flamandes sont compris dans le Réseau écologique flamand, où la conservation de la nature est une priorité absolue. Il n’est pas certain que, à longue échéance, les plantations de peupliers doivent être transformées en forêts composées d’espèces indigènes, voire en terrains non boisés comme les herbages riches en fleurs. En France, les normes nationales concernant la gestion durable et le caractère multifonctionnel des forêts pourraient exercer un impact important sur la superficie des plantations de peupliers, notamment en cas de conflits relatifs à l’utilisation des terres entre les producteurs de maïs et de peupliers et les associations promouvant la protection de l’environnement.

Au Canada, certaines provinces ont émis des règlements qui restreignent directement ou indirectement la populiculture. En Colombie britannique, par exemple, les peupliers cultivés intensément dans des plantations sont considérés comme une production agricole primaire, jouissant d’un traitement fiscal de faveur, mais seulement jusqu’à l’âge de 12 ans – c’est-à-dire avant le plafonnement de l’accroissement annuel moyen, en particulier si les arbres sont cultivés pour les sciages ou les grumes de déroulage. D’autres provinces, comme l’Ontario, offrent des avantages pour les forêts gérées, et cette pratique n’est pas toujours favorable aux populiculteurs. La province du Québec limite la plantation de cultures arboricoles sur les terres agricoles à fort rendement.

Dans l’Union européenne, une norme sur la commercialisation du matériel génétique forestier, mise en vigueur en 1999, frappe les peupliers et leurs hybrides mais pas les saules.

En Suède, toutes les plantations de saules sont subventionnées par le gouvernement, mais en raison de changements fréquents dans les normes, il est difficile pour les agriculteurs de planifier à long terme, ce qui crée un obstacle au développement futur de la sylviculture énergétique fondée sur les saules. Au Royaume-Uni, les politiques visant à encourager l’utilisation de l’énergie renouvelable par l’industrie de production et distribution d’électricité ont stimulé le marché des copeaux de bois provenant de taillis à courte révolution, dominé actuellement par le saule.

Les Etats-Unis étaient le seul pays à soumettre un rapport indiquant que la plupart des sociétés pratiquant la populiculture en plantations en carrés pour la production de bois et de fibres participaient au programme de certification du Forest Stewardship Council, afin d’assurer un accès au marché et un meilleur respect de l’environnement et des questions sociales.


LA PROTECTION DES FORÊTS

Maladies. Les attaques de rouille du peuplier, Melampsora larici-populina, ont déterminé la réduction, voire l’arrêt, de l’utilisation de cultivars de peupliers sensibles en France, alors qu’en Croatie on n’a pas estimé qu’elles représentaient un danger grave. La présence de Marssonina brunnea, une autre maladie foliaire du peuplier, a été enregistrée en Espagne, aux Etats-Unis, en Italie et en Serbie-et-Monténégro. Le chancre bactérien, Xanthomonas populi, a causé des dommages considérables aux peupliers en Croatie et en Serbie-et-Monténégro. Septoria musiva, le chancre de la tige, provoque des ravages en Argentine et s’est propagé au Canada. La résistance du peuplier deltoïde indigène (Populus deltoides) à Septoria spp. aux Etats-Unis pourrait favoriser la culture d’hybrides résistants.

Les maladies des saules comprennent la coloration bactérienne observée dans les zones agricoles de Belgique.

Insectes. En Argentine, Platypus sulcatus cause des dommages considérables aux peupliers, et la recherche de méthodes de lutte se poursuit. En Italie centrale, 30 pour cent du coût national total de la protection phytosanitaire du peuplier ont été imputés à la lutte contre la foreuse Cryptorhynchus lapathi; l’introduction récente de Platypus mutatus représente également une menace potentielle pour la populiculture. Au Chili, le principal dommage aux peupliers est causé par Tremex fuscicornis, qui atteint les arbres physiologiquement affaiblis. Des infestations continues et de grande envergure de Phloeomyzus passerinii ont été enregistrées en France, bien que les différents cultivars témoignent d’une sensibilité variable à l’attaque. On estime que le défoliateur du peuplier, Clostera cupreata, cause le plus de ravages au peuplier en Inde; il a provoqué une défoliation intense en particulier du peuplier deltoïde. Des infestations à grande échelle de la spongieuse Porthetria dispar ont lieu en Serbie-et-Monténégro depuis 2000. Paranthrene tabaniformis continue à causer des dommages en Espagne et en Italie, mais les infestations sont contrôlées.

En Nouvelle-Zélande, le némate du saule (Nematus oligospilus), qui subsiste exclusivement sur les saules, s’est propagé dans tout le pays depuis son arrivée en 1997, causant la forte défoliation des saules de la côte orientale de l’île du Nord, et déclenchant, de ce fait, le démarrage d’un programme intégré de recherche et de gestion. Le Chili a fait état de graves dommages causés aux saules par Nematus desantisi, qui peut provoquer la mort des arbres.

Facteurs abiotiques. Les facteurs abiotiques qui affectent les peupliers comprennent les longues sécheresses, comme celles qui ont sévi en Bulgarie. Des niveaux croissants de CO2 atmosphérique et d’ozone, conjugués à des conditions météorologiques plus variables et extrêmes prédites pour les décennies à venir, pourraient accroître les dommages infligés par les insectes et les champignons pathogènes aux arbres forestiers, y compris les peupliers et les saules. L’orignal constitue une menace pour les plantations de saules en Suède.


LA RECHERCHE

Populus est le genre le plus utilisé dans la recherche sur la génétique des arbres. L’International Populus Genome Consortium a terminé le séquençage du génome de Populus trichocarpa et a pratiquement achevé celui du tremble, Populus tremuloides.

La Chine a utilisé presque exclusivement des peupliers dans ses recherches en matière de génie génétique visant à conférer une meilleure résistance aux attaques d’insectes et de maladies, tandis que les scientifiques canadiens étudient la fonction des gènes qui contrôlent la santé et la formation de bois chez des espèces de Populus (et Picea).

En France, le programme POPYOMICS se propose d’améliorer Populus deltoides, non seulement pour augmenter sa résistance à Melampsora larici-populina, mais aussi pour une meilleure gestion de la diversité génétique. En outre, on mène des recherches approfondies en matière de biotechnologies relatives au métabolisme de la lignine, des études sur la formation du bois, comme l’identification des gènes qui interviennent dans la formation du bois de tension, etc.

Le Royaume-Uni vient de démarrer un important projet de cinq ans qui vise à améliorer la gestion en taillis à courte révolution du peuplier et du saule, moyennant la sélection et la génomique (c’est-à-dire la caractérisation moléculaire et le clonage de génomes entiers).

Des efforts continus accomplis pour conserver ex situ Populus nigra ont été communiqués par plusieurs pays – Belgique, Croatie, France et Serbie-et-Monténégro –, alors que la France et la Serbie-et-Monténégro ont fait état de travaux de conservation in situ. Des collections récentes de semences et de matériel génétique ont été réalisées en Croatie. La Turquie a annoncé la découverte de populations naturelles de P. nigra en Anatolie.

L’Italie a communiqué le résultat de recherches axées sur les aspects environnementaux de la production de biomasse dans un système agroforestier comprenant des peupliers. Des essais ont été menés pour déterminer la réaction de peupliers multiclonaux plantés aux changements dans les concentrations d’anhydride carbonique atmosphérique et pour évaluer les possibilités de piéger le carbone par le biais des plantations de peupliers.


FAITS ET TENDANCES

D’après les rapports de pays membres de la CIP, la superficie des plantations de peupliers et, dans une moindre mesure, de saules s’accroît au plan mondial. Au niveau régional, elle diminue ou demeure stationnaire en Europe, augmente ou reste stable en Asie, s’accroît en Amérique du Nord et croît ou demeure stationnaire en Amérique du Sud (tableau 5). A l’échelle mondiale, la culture et l’utilisation du saule paraissent se développer.

La culture des peupliers et des saules n’est plus considérée seulement comme une utilisation forestière des terres. Les espèces de ces genres servent de façon croissante à restaurer les paysages, à remettre en état les terres dégradées et à combattre la désertification, notamment au Proche-Orient, en Asie occidentale et centrale et en Afrique du Nord. Elles sont cultivées de plus en plus souvent comme élément du paysage rural, et intégrées à l’agriculture (y compris l’élevage et la production de cultures de rente), à l’horticulture et à la viticulture, contribuant ainsi aux moyens d’existence durables et au développement rural intégré. La plantation de peupliers et de saules dans les bois des petits propriétaires et dans les systèmes agroforestiers favorise de plus en plus l’utilisation des terres en Asie (notamment en Chine et en Inde) et en Amérique du Sud.

L’utilisation des peupliers et des saules tend à se diversifier, embrassant un large éventail de produits tirés du bois massif et reconstitué et des fibres. Le rôle des peupliers et des saules dans le piégeage du carbone et l’énergie renouvelable suscite l’intérêt d’un grand nombre de pays. La phytoremédiation à partir de peupliers et de saules passe du stade de la mise au point à celle de la réalisation dans plusieurs pays, notamment en Europe et en Amérique du Nord. L’emploi des peupliers pour l’absorption de polluants à base de nitrates provenant de l’agriculture et d’autres affectations des terres fait aussi l’objet d’une certaine attention.

La valeur des peuplements naturels diversifiés de peupliers et de saules aux fins de l’amélioration des arbres est désormais reconnue. Les programmes de conservation des peuplements naturels de peupliers sont nombreux en Europe, mais dans certains pays ils se heurtent à des difficultés. Nombre de pays, tant en développement que développés, mettent en œuvre des programmes énergiques de modification génétique du peuplier, et son génome a été cartographié. Des progrès considérables ont été réalisés dans la manipulation génétique visant à accroître la résistance aux ravageurs et aux maladies, et à améliorer les propriétés du bois, la croissance et les rendements des arbres. Cependant, les attaques d’insectes et de maladies continuent à nuire à la santé, la croissance et la qualité des tiges de peupliers.

Les politiques nationales, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’environnement, ont encouragé d’une manière générale la culture des peupliers et des saules, mais les effets des changements survenus dans les politiques agricoles pourraient parfois se réveler défavorables.

TABLEAU 5. Tendance des superficies (, croissante; , décroissante; , stationnaire)

Pays

Peupliers

Saules

Espèces forestières naturelles

Plantés

Agroforesterie/arbres hors forêt

Espèces forestières naturelles

Plantés

Agroforesterie/arbres hors forêt

Argentine

Belgique

Bulgarie

 

Canada

 
 
 

Chili

Chine

Croatie

Finlande

France

 

 
 
 
 

Allemagne

Inde

Italie

 

 
 
 
 

Fédération de Russie

Serbie-et- Monténégro

Espagne

Suède

       

 

Turquie

 
 
 

Royaume-Uni

 

 

Etats-Unis

 

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