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La difficulté de traduire la science en pratique: peupliers et autres essences dans la région des Trois Nord en Chine

J. Carle et Q. Ma

Jim Carle est forestier principal (plantations et protection) à la Division des ressources forestières, et Qiang Ma est forestier (économétrie) à la Division des produits forestiers et de l’économie, Département des forêts, FAO, Rome.

Un projet de 10 ans de lutte contre la désertification, à l’aide notamment de peupliers, a produit des connaissances techniques détaillées, mais son application sur une plus grande échelle reste problématique.

La destruction du couvert végétal naturel des terres sablonneuses de Korqin, dans l’est de la région des Trois Nord en Chine, a commencé il y a environ mille ans. La désertification progressive, due principalement aux activités humaines (surpâturage, récolte de bois, agriculture itinérante et labour sur des terres sablonneuses), a connu une forte accélération depuis le XXe siècle (voir figure). Des vents violents, qui soufflent de 25 à 40 jours par an environ, surtout au printemps et en hiver, sont les principaux facteurs responsables de la désertification et normalement associés à la production de tempêtes de poussière.

La population de la zone se compose de Chinois, Mongols, Mandchous et d’autres minorités ethniques. Les densités démographiques se sont accrues, passant de 30 habitants par kilomètre carré dans les années 50 à 51 habitants en 2000. Environ 70 pour cent du revenu rural proviennent de l’agriculture (maïs, légumes et riz sur des terres basses engorgées d’eau) et 30 pour cent de l’élevage (caprins, ovins, bovins, porcins et volailles) (State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO, 2002).

Le Gouvernement chinois a reconnu que, pour maintenir la productivité agricole et animale et sauvegarder les moyens d’existence de communautés grandissantes, il était essentiel d’intégrer les forêts et les arbres, qui fournissent abri et ombre, à la gestion améliorée de l’agriculture et de l’élevage. Au titre du grand programme chinois de protection contre la désertification dans la région des Trois Nord, un projet visant à contribuer au boisement des terres sablonneuses de Korqin a été réalisé entre 1991 et 2002.

Au moment du démarrage du projet, la végétation naturelle résiduelle dans les terres de Korqin consistait en herbages faiblement boisés avec des peuplements reliques de peupliers (Populus simonii), de saules (Salix matsudana, Salix gordejevii), de pêchers sauvages (Prunus armeniaca), d’ormes (Ulmus pumila) et d’autres essences ligneuses. Le projet a établi de grandes plantations d’espèces résistantes à la sécheresse et au froid – non seulement Pinus sylvestris var. mongolica, qui avait été largement planté dans les années 60 et 70, mais de plus en plus souvent Populus simonii, une espèce indigène pratiquement ignorée auparavant (State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO, 2002).

Utilisation des sols dans les terres sablonneuses de Korqin

Le projet a vulgarisé des techniques d’utilisation des terres intégrant des arbres, des arbustes, des pâturages et des cultures de rente dans des systèmes agroforestiers: cultures intercalaires de peupliers, maïs et légumes, district de Tong Yu
E. DE LAETHAUWER

LE PROGRAMME DE RIDEAUX-ABRIS DES TROIS NORD

Dès 1978, le Gouvernement chinois, par le biais du Programme de rideaux-abris des Trois Nord, avait établi un vaste réseau de rideaux-abris et de plantations forestières (la «Grande muraille verte») à travers le nord de la Chine, dans le but de protéger les terres agricoles et les pâturages, ainsi que les installations humaines, contre le vent et l’érosion hydrique. Ce programme se proposait de planter des rideaux-abris et de restaurer les paysages sur 4,06 millions de kilomètres carrés (dont 1,33 million consistaient en terres désertiques), soit 42 pour cent du territoire, qui compte 170 millions d’habitants, notamment des ruraux vivant dans des fermes (environ 10 pour cent de la population nationale). Le Programme de rideaux-abris des Trois Nord avait pour objectifs d’améliorer la conservation des sols et des eaux de la région, d’atténuer l’effet des vents violents et de la désertification par l’accroissement du couvert forestier et végétal, et de valoriser les maigres ressources existantes pour obtenir une production accrue de bois industriel et de bois de feu, afin de répondre aux besoins présents et futurs en bois.

En 1991, le Programme avait établi environ 20 millions d’hectares de plantations arborées, notamment des hybrides de peuplier, par plantation ou ensemencement aérien. Toutefois, la survie, la croissance, les rendements et la protection des terres agricoles contiguës n’ont pas répondu aux attentes pour diverses raisons: mauvaise qualité du site, des espèces et des provenances et clones inadaptés; limitation de la diversité génétique dans les grandes plantations; et pratiques impropres de culture en pépinière, de préparation du site, d’établissement, d’entretien, de sylviculture et de protection (State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO, 2002). A cause de ces facteurs défavorables, aggravés par l’étroitesse de la base génétique des hybrides de peuplier utilisés, les plantations étaient vulnérables aux attaques d’insectes nuisibles (tel le capricome d’Asie) et aux maladies (rouille Melampsora), si bien que la survie et la production tendaient à être faibles.


REMISE EN ÉTAT DES TERRES SABLONNEUSES DE KORQIN

Conscients des amples possibilités existantes de valoriser les plantations par l’introduction de nouvelles espèces et de nouveaux clones, par l’amélioration des arbres et par des techniques perfectionnées de culture en pépinière et d’établissement, y compris la mécanisation (State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO, 2002), les Gouvernements chinois et belge ont financé le projet «Boisement, recherche forestière, planification et développement dans la région des Trois Nord» intéressant les terres sablonneuses de Korqin. L’objectif de développement du projet consistait à promouvoir la conservation des sols et des eaux, afin d’améliorer le bien-être socioéconomique de la population vivant dans la zone, en multipliant et en gérant de manière durable les produits et les autres services forestiers, tout en assurant la protection de l’environnement. Le projet, réalisé entre 1991 et 2002 avec l’assistance technique de la FAO, a été exécuté par la State Forestry Administration et mis en œuvre par l’entremise du Bureau des Trois Nord, avec la collaboration scientifique de l’Académie forestière de Chine et l’Université forestière de Beijing.

Les activités du projet se concentraient dans la Naiman Banner1 (région autonome de la Mongolie-Intérieure), le comté de Tongyu (province de Jilin) et les comtés de Jinxian (ou Linghai) et de Zhangwu (province de Liaoning); le siège du projet était situé à Tongliao (voir carte). Les activités de terrain étaient entreprises par le biais d’instituts de recherche forestière locaux, de fermes forestières et de communautés autochtones (FAO, 1996, 2000).

Ce projet ambitieux comprenait cinq éléments intégrés: amélioration des arbres, recherche en matière de boisement, boisement mécanisé, coordination et gestion du projet, et formation.

Du boisement traditionnel à l’aide de peupliers, le projet est passé au reverdissement et à la remise en état des sites typiquement dégradés de Korqin, promouvant l’intégration de la foresterie, de l’agriculture et de l’élevage – pour soutenir les moyens d’existence – et de la gestion du paysage. Il vulgarisait des techniques d’utilisation des terres qui incorporaient des arbres, des arbustes, des pâturages et des cultures de rente dans des systèmes agroforestiers associés à l’horticulture et à la viticulture, y compris l’établissement de serres sur le côté sous le vent des dunes de sable. Il préparait des modèles de rideaux-abris à l’aide d’espèces arborées et arbustives susceptibles de fournir du fourrage aux animaux brouteurs, aspect particulièrement important pour l’économie locale et pour la protection de l’environnement de la zone. Les modèles prévoyaient l’emploi d’arbustes pour former des enclos et des haies autour et au sein des pâturages, et l’utilisation des rideaux-abris pour réduire l’érosion éolienne et organiser le pâturage tournant contrôlé. Le projet a également testé la mise en place de clôtures pour éloigner les animaux divagants pendant les périodes critiques de l’établissement, ainsi que le labour limité et le maintien dans le champ du chaume des cultures (du maïs, en particulier) pour réduire l’érosion éolienne et améliorer la fertilité des sols. Les bergers et agriculteurs locaux ont été consultés et ont participé à la conception, la planification, la préparation et la réalisation des modèles agroforestiers. L’érosion éolienne dans les zones pilotes a ainsi été réduite de 75 pour cent par rapport aux terres avoisinantes (State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO, 2002).

Zone du projet dans les terres sablonneuses de Korqin

Amélioration des peupliers

Le projet a préparé un plan d’amélioration à long terme des peupliers, en utilisant comme élément de base une collection moyenne formée de provenances de P. simonii, de quelques espèces connexes et de provenances importées de P. deltoides et P. nigra. Par ailleurs, les banques de clones ont incorporé de nombreuses variétés existantes de peuplier provenant du nord-est de la Chine, ainsi que quelques variétés importées; des études comparatives ont été entreprises sur leur comportement et leur croissance. Une grande collection de matériel clonal de peuplier a été constituée et plantée sur le terrain, et on a cherché à passer du concept de la forêt de production à celui de la forêt rideau-abri (FAO, 1996). Après 49 essais de boisement, des progrès encourageants ont été faits pour définir les facteurs nécessaires pour réaliser une plantation profonde, efficace et à bon marché des peupliers, en utilisant du matériel de reproduction sans racines et sans irrigation dans les conditions propres aux rideaux-abris.

L’introduction du peuplier et les activités d’amélioration comprenaient la conservation ex situ de P. simonii, qui comportait la reconnaissance et l’échantillonnage de l’aire de répartition naturelle de l’espèce dans le nord-est, le nord-ouest et centre-nord de la Chine. Environ 500 génotypes ont été identifiés, et les boutures et semences ont été recueillies et incluses dans la banque de gènes de P. simonii auprès de la ferme forestière de Xinglongzao. D’autres espèces indigènes de peuplier, comme P. pseudosimonii, et des espèces autochtones et exotiques choisies, y compris P. deltoides, P. trichocarpa, P. nigra et P. ussuriensis, ont également été incorporées.

Le projet a stimulé la prise de conscience de l’importance de la conservation in situ de P. simonii, en protégeant les arbres survivants dans tout le nord et le centre de la Chine, afin de conserver la variation génétique intégrale de l’espèce. Notamment, après trois années successives de temps exceptionnellement sec (de 1989 à 2001) dans la zone sablonneuse de Korqin, où les précipitations annuelles étaient comprises entre 190 et 300 mm (la moitié environ de la normale) et après l’hiver rigoureux de 2001 (avec des températures descendant jusqu’à -41°C), la supériorité de cette espèce dans des conditions extrêmes était clairement évidente.

Entre 1991 et 2001, le projet a établi 532 clones chinois et 120 clones introduits (provenant de France, de Belgique et du Canada) dans des banques de clones pour la conservation et l’échange de gènes, et pour leur introduction dans la région des Trois Nord. Des collections indépendantes réalisées par l’Académie forestière de Chine ont aussi été dupliquées dans ces banques de clones. Les clones supérieurs ont été examinés pour déterminer leur capacité d’adaptation à différents types de sites à reboiser, en fonction de critères comme le taux de survie, la croissance en pépinière, le développement racinaire, la croissance sur le terrain, la résistance aux conditions climatiques âpres (sécheresse et gelées) et la résistance aux insectes et aux maladies. Une multiplication à grande échelle a été entreprise pour ces clones, afin d’assurer la disponibilité de matériel de reproduction pour une distribution future et pour la mise en place de plantations pilotes.

Une stratégie et un programme d’amélioration ont été élaborés dans le cadre du Programme d’amélioration à long terme du peuplier, afin de créer et d’introduire des clones entièrement nouveaux, obtenus par pollinisation contrôlée d’espèces de peuplier ayant des caractéristiques désirables. Les principales espèces utilisées pour ce travail d’hybridation étaient P. simonii, P. nigra, P. deltoides et P. cathayana. Le programme d’amélioration visait à produire de nouveaux clones résistant aux gelées automnales précoces et aux gelées hivernales; aptes à tolérer la sécheresse et les changements brusques de température au printemps; dotés d’un système racinaire bien développé assurant un taux de survie au champ supérieur à 90 pour cent; témoignant d’une résistance au-dessus de la moyenne aux insectes nuisibles et aux maladies; présentant des troncs droits et cylindriques avec de petites branches; et susceptibles d’absorber l’eau et les éléments nutritifs disponibles. Le projet a réalisé 219 croisements interspécifiques et intraspécifiques, dont 147 se sont soldés par un succès; les descendants ont été cultivés en pépinière et plantés sur le terrain. Au cours de ces travaux, des milliers de clones nouveaux, potentiellement utiles, ont été évalués rigoureusement pour en identifier les caractéristiques exceptionnelles éventuelles.

On a établi des peuplements de ces nouveaux clones sur le terrain, afin de conserver ce précieux matériel génétique et de tester sa performance à long terme (plus de 10 à 15 ans au moins) par rapport à des critères de sélection établis (FAO, 2000).


Recherche en matière de boisement et de mécanisation

Outre le travail accompli sur les peupliers, le projet a également établi un programme d’introduction, d’amélioration et de boisement à base de résineux, afin d’évaluer la possibilité d’utiliser des espèces autres que l’espèce indigène Pinus sylvestris var. mongolica, qui était vulnérable aux infestations du papillon nocturne Dendrolimus spp. Des essais ont été organisés pour tester 14 provenances de P. sylvestris var. mongolica et 21 autres espèces de résineux, y compris les espèces prometteuses Pinus banksiana et Pinus sylvestris var. sylvestriformis. Des techniques de pépinière ont été mises à l’essai pour évaluer les avantages de la taille des racines de plantes à racines nues, l’emploi de containers d’éducation pour les plantes en pépinière, la micro-irrigation et divers moments et âges d’établissement des plantules de Pinus. Des parcelles de démonstration de 2 000 ha de P. sylvestris var. mongolica ont été installées.

Le projet a également évalué des espèces feuillues, afin d’identifier des solutions de rechange à la monoculture des peupliers et des pins, qui étaient sensibles à l’attaque des insectes nuisibles et des maladies. Il a été estimé essentiel, pour une utilisation durable des terres, d’augmenter la diversité des espèces dans les peuplements et de diversifier la production par l’introduction de feuillus et d’autres espèces arbustives et fourragères aux côtés des résineux. Le projet a distribué aux chercheurs de la zone des plantules de plus de 40 espèces feuillues différentes, tant indigènes qu’introduites, et 20 de ces espèces ont été testées sur le terrain.

Le projet prévoyait des activités de recherche sur les techniques de culture du peuplier en pépinière et sur les techniques de plantation mécanisée à faible coût. On a étudié des aspects comme la production de plantes de pépinière et les systèmes de plantation adaptés à la mécanisation; l’époque d’établissement et la profondeur de traitement des plantes sans racines utilisées dans les plantations profondes; et les techniques mécanisées de plantation profonde visant à améliorer la survie et la croissance sans irrigation dans des conditions de sécheresse extrême. Le projet a créé et fabriqué du matériel mécanisé, comme une tarière de plantation et une planteuse à profondeur moyenne pour les peupliers, ainsi qu’une serpette à racines pour les pépinières de pins. La State Forest Administration a approuvé les différentes techniques, l’équipement et les modèles techniques et financiers qui seront utilisés plus largement dans les activités de boisement dans le nord de la Chine (FAO, 2004).

A l’aide de cartes de classification des sols et du site, de nouveaux modèles de boisement ont été élaborés sur la base des résultats des essais et des démonstrations, y compris une série de mécanismes comprenant des forêts, des arbres et des arbustes, ainsi que des systèmes agroforestiers. Des analyses financières ont été réalisées pour chaque modèle de boisement et de reverdissement, en vue de tester la viabilité et la sensibilité des taux de rentabilité interne vis-à-vis de la productivité des nouvelles normes de travail, des coûts et des prix. Les modèles techniques et financiers, qui reflétaient les démonstrations les plus réussies effectuées sur le terrain, se sont avérés des outils précieux de planification et de prise de décisions (FAO, 2004).


Coordination et gestion du projet

Le projet a établi des bases de données informatisées pour faciliter l’accès aux informations sur les essais, les clones de peuplier, les conditions météorologiques, ainsi que l’équipement et les véhicules du projet, et pour favoriser le traitement de ces informations. Il a établi des liens entre l’Académie forestière de Chine et l’Université forestière de Beijing, en vue d’activités de recherche et développement à entreprendre conjointement en matière d’amélioration du peuplier et de boisement mécanisé.

Le projet a également mis au point et vulgarisé de nouvelles techniques de planification et de gestion du site (pépinières, préparation du site, établissement et entretien) pour les peupliers, les pins et d’autres espèces feuillues et résineuses. Des systèmes et des cartes d’utilisation des terres et de classification des sites ont été préparés pour permettre de mieux comprendre le processus de désertification et les pratiques de restauration nécessaires pour le combattre (State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO, 2002). Les connaissances sur les nappes phréatiques, les éléments nutritifs, la pente et l’aspect du sol, la végétation et les perturbations humaines se sont avérées utiles, non seulement pour planifier les activités de boisement et de reverdissement, mais aussi pour toutes les parties prenantes participant à l’utilisation des terres et au développement rural.


Formation

La formation en cours d’emploi, les tournées d’étude et les bourses de recherche ont fait partie intégrante du projet. La formation en cours d’emploi a porté sur les sujets suivants: connaissance de l’anglais, utilisation de l’ordinateur, amélioration des arbres, lutte contre les ravageurs et les maladies, utilisation des engins forestiers, gestion forestière, analyse du sol, schéma expérimental, détermination et analyse des coûts, économie forestière, et classification de l’utilisation des sols et des sites. Douze bourses de recherche internationales ont offert des occasions de formation à des spécialistes chinois en France, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, dans des domaines techniques comme la mécanisation, l’amélioration des arbres et les méthodes de boisement et de pépinière. Par ailleurs, trois bourses de recherche nationales ont été établies en matière d’économie à l’Université forestière de Beijing. Outre une série de tournées d’étude dans le nord de la Chine, 40 employés chinois se sont rendus en Belgique, en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande, en Israël, en Australie, au Canada et aux Etats-Unis pour établir des contacts professionnels, effectuer des visites de terrain, collecter du matériel de reproduction et participer à un transfert bilatéral de connaissances et de technologie. Le cas échéant, le personnel du projet a pu assister à des conférences nationales et internationales. Le projet a publié de nombreux rapports scientifiques, des documents techniques et du matériel d’information pour mieux sensibiliser le public.

Des peupliers protègent des serres établies sur le côté sous le vent des dunes de sable pour la production de raisin
E. DE LAETHAUWER

Evaluation et planification au siège du projet à Tongliao, Naiman Banner
E. DE LAETHAUWER

TRADUIRE LA RECHERCHE EN DÉVELOPPEMENT

Au début du projet, les principaux investisseurs dans le boisement, et par conséquent les clients du projet, étaient les fermes forestières publiques. Cependant, comme dans d’autres régions de la Chine, les agriculteurs, les familles et les petits exploitants pratiquant le boisement et l’agroforesterie ont participé au projet, désireux de protéger leurs investissements agricoles et animaux et de diversifier leurs revenus à la suite des réformes économiques des années 80 et 90, qui conféraient davantage de responsabilités aux agriculteurs. En associant différentes activités relatives aux forêts, aux arbres et arbustes, aux pâturages améliorés et aux cultures vivrières, le projet devait collaborer avec les communautés, les agriculteurs et les autres parties prenantes, afin de comprendre leurs besoins et leurs aspirations. Cela était nécessaire non seulement pour adapter les techniques du projet aux pratiques traditionnelles des agriculteurs et les vulgariser, mais aussi pour mettre au point des modèles de boisement et des analyses financières réalisables. La recherche, la démonstration, la vulgarisation et les programmes artisanaux devaient être réexaminés en fonction des besoins des communautés locales.

Les plans, les instruments techniques et financiers et le matériel mécanique mis au point par le projet, tout en étant intéressants individuellement, doivent être considérés comme des parties intégrantes d’une série d’outils interconnectés de boisement et de reverdissement, pouvant servir à assurer des avantages accrus aux intervenants dans la lutte contre la désertification et la remise en état des terres dégradées de la région des Trois Nord. Ensemble, ces outils permettent aux investisseurs, aux décideurs, aux planificateurs et aux gestionnaires de relier des sites particuliers, caractérisés grâce au système de classification des terres, à des espèces données adaptées à ces sites et à des modèles techniques appropriés. Ces derniers servent de base à l’évaluation du rendement et de la productivité potentiels, qui à leur tour fournissent une base à l’analyse financière.

Les outils peuvent aider les décideurs et planificateurs nationaux à établir des priorités pour destiner certains terrains et sites à des types particuliers de boisement et de reverdissement. Le calcul des revenus financiers potentiels permettra d’identifier les types d’investisseurs qui pourront contribuer au boisement ou au reverdissement de certaines catégories de terres. Si les revenus financiers relatifs à des sites et à des modèles techniques particuliers s’avèrent intéressants, l’Etat pourra inciter le secteur privé (entreprises ou petits exploitants) à investir dans la plantation de ces sites, encourageant par là même l’adoption des méthodes d’amélioration génétique des arbres et de l’équipement vulgarisés par le projet. Si certains sites, modèles techniques et revenus financiers ne sont pas assez attractifs pour les entreprises privées, l’Etat pourrait recourir à des incitations directes ou indirectes (financières ou autres) pour encourager les investisseurs. Sur d’autres sites, comme ceux qui font l’objet d’une dégradation environnementale grave, où les modèles techniques et les revenus financiers offrent peu d’intérêt au secteur privé, le boisement et le reverdissement pourraient encore être justifiés au titre d’un programme de financement de l’Etat visant à obtenir des avantages environnementaux, sociaux et économiques accrus (abri, fixation des dunes, etc.). Ainsi, les outils mis au point par le projet peuvent avoir une fonction de politique et de planification stratégique déterminante.

Il existe en outre suffisamment d’informations pour permettre au Bureau des Trois Nord et au secteur privé, non seulement d’adopter des modèles techniques donnés, mais aussi d’appliquer une technologie particulière (systèmes de gestion des pépinières, outils et méthodes pour la préparation mécanisée du site, etc.), afin d’augmenter les taux de survie, la croissance et les rendements. Les compagnies privées pourraient souhaiter adopter des techniques plus complexes et à plus fort coefficient de capital, alors que le petit exploitant pourrait choisir des solutions exigeant un investissement plus limité. Dans ce cas, les outils peuvent contribuer à l’investissement dans le boisement et le reverdissement, ainsi qu’à leur planification opérationnelle et leur mise en œuvre.

La recherche n’est jamais complète, et plus les scientifiques approfondissent leurs connaissances en matière de boisement et de reverdissement de la région des Trois Nord, plus ils se rendent compte qu’ils doivent en savoir davantage. Ils tirent aussi des enseignements des résultats partiels qui devront être suivis et surveillés. Dans ce cas, les outils fournissent une image incomplète mais importante, à compléter et à affiner à l’avenir par des activités de recherche et développement plus poussées.

Toute nouvelle connaissance ou technologie doit être intégrée dans les programmes d’enseignement, de formation et de vulgarisation des secteurs forestiers et agroforestiers. Outre la création de capacités assurée par le projet, la diffusion de l’information et son incorporation dans les programmes d’étude et l’apprentissage pratique remplissent des fonctions essentielles d’enseignement, de formation et de vulgarisation. Il se pourrait que certains principes et pratiques importants tirés du projet ne s’appliquent pas directement à d’autres zones de la Chine, mais les méthodologies peuvent suggérer des techniques de recherche, démonstration et application similaires. Dans ce cas, les outils ont à remplir une importante fonction de démonstration.

Zone jadis désertique, stabilisée par des peupliers dans le cadre du projet visant la remise en état des terres sablonneuses de Korqin, district de Tong Yu, Mongolie
E. DE LAETHAUWER

CONCLUSION

Le boisement et le reverdissement des terres sablonneuses de Korqin dans la région des Trois Nord seraient parfaitement réalisables à l’aide de mécanismes souples capables aussi d’accroître la productivité de l’élevage et des cultures de rente, et par là même de soutenir les moyens d’existence des populations rurales. Le projet a mis à disposition du matériel mécanisé, des plans, des outils techniques et financiers et des informations, élaborés grâce à des recherches et des démonstrations judicieuses. Un grand nombre de personnes travaillant auprès du Bureau des Trois Nord, des comtés et des instituts ont reçu une formation (dans le pays et à l’étranger). La zone écologique dans laquelle se situent les terres sablonneuses de Korqin a été identifiée comme zone prioritaire pour la lutte contre la désertification, et il existe des investisseurs potentiels. Toutefois, l’investissement dans l’application des nouvelles connaissances et technologies ne s’est pas concrétisé dans la mesure souhaitée. Bien que des investisseurs privés potentiels (notamment des petits exploitants) aient manifesté beaucoup d’intérêt pour les réalisations du projet, ils ont hésité a tirer pleinement parti des possibilités offertes, en raison des risques inhérents à l’investissement dans le boisement à long terme et au manque de fonds de développement.

Pour créer un environnement sain et propice à l’investissement, le Gouvernement chinois s’emploie à relever les principaux défis. Ce sont notamment les suivants:

Le Gouvernement et les grands bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux cherchent de concert à relever ces importants défis, pour faire en sorte que le boisement et le reverdissement puissent jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la désertification dans les terres sablonneuses de Korqin.

Bibliographie

FAO. 1996. Report of the Terminal Evaluation Mission, GCP/CPR/009/BEL Phase I. Bangkok, Thaïlande.

FAO. 2000. Report of the Mid-Term Evaluation Mission, GCP/CPR/009/BEL Phase II. Bangkok, Thaïlande.

FAO. 2004. Terminal Evaluation Mission, GCP/CPR/009/BEL, Phase II. Beijing, Chine.

State Forestry Administration of China, Belgium Development Cooperation et FAO. 2002. Afforestation, forestry research, planning and development in the Three-North Region of China (FAO/GCP/CPR/009/BEL) – technical project review document (1990-2002). Tongliao, Chine.


1 Une banner est une unité administrative au niveau du comté en Mongolie-Intérieure.

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