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MODULE 1
Moyens d’existence, pauvreté et institutions


L’objectif du Guide rapide est d’assister les missions sur le terrain afin qu’elles comprennent mieux l’influence des institutions locales sur les moyens d’existence des ménages ruraux, surtout ceux des pauvres et leurs implications pour l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des projets spécifiques.

Boîte 1 - Définitions

«Un ménage est un groupe de personnes qui mange dans une marmite commune et partage un intérêt commun en perpétuant et en améliorant son statut économique d’une génération à l’autre.»

«Les Moyens d’existence comprennent les capacités, les actifs, (à la fois les ressources matérielles et sociales) et les activités nécessaires à un individu pour gagner sa vie. Les moyens d’existence sont durables quand ils peuvent faire face aux périodes difficiles et aux chocs et maintenir leurs capacités au moment présent et dans le futur sans amoindrir les ressources naturelles de base.»

Le cadre des moyens d’existence durables (ci-dessous) est un instrument pour comprendre comment les systèmes des moyens d’existence des ménages interagissent avec l’environnement extérieur - à la fois avec l’environnement naturel, la politique et le contexte institutionnel.

Comprendre le cadre des moyens d’existence durables

Boîte 2 - Panorama du cadre des moyens d’existence durables

La section gauche du tableau montre comment le contexte de vulnérabilité influence l’accès à la distribution des populations rurales- indiqué dans le schéma. L’accès aux moyens d’existence est également influencé par les politiques externes, les institutions et les procédures. Les stratégies relatives aux moyens d’existence des différentes catégories de ménages sont façonnées par leur capital de base et par le contexte politique et institutionnel dans lequel ils vivent. Les résultats des stratégies relatives aux moyens d’existence de différentes catégories de ménages sont influencés par le contexte de vulnérabilité- l’exposition des populations à des chocs imprévus - et leur capacité à résister aux chocs dépend de leur capital de base.

Cinq concepts sont fondamentaux pour comprendre les rapports au sein de cette structure:

Le contexte de vulnérabilité fait référence aux évènements imprévisibles qui peuvent miner les moyens d’existence et être responsables de la précipitation des ménages dans la pauvreté. Certains de ces facteurs se déroulent rapidement (comme les tremblements de terre) et d’autres se déroulent lentement (comme l’érosion des sols), mais tous les deux peuvent miner les moyens d’existence. Il est important de faire la distinction entre les chocs qui ont des origines à l’extérieur de la communauté et qui touchent toutes les personnes de la même région et les chocs particuliers qui touchent les ménages dans leur individualité.

Boîte 3 - Contexte de vulnérabilité (exemples explicatifs)

Chocs liés au temps et aux calamités naturelles: sécheresse, tremblements de terre, ouragans, raz-de-marée, inondation, neige, gelée précoce, chaleur extrême ou vagues de froid

Ennemis des cultures et épidémie de maladies: attaques d’insectes, prédateurs et maladies affectant les cultures, les animaux et les personnes

Chocs économiques: changements radicaux dans l’économie nationale ou locale et insertion dans l’économie mondiale, influence sur les prix, les marchés, l’emploi et le pouvoir d’achat

Conflits civils: guerre, conflit armé, chute de gouvernement, déplacement, destruction de vies et de propriétés

Stress saisonniers: saison de la faim, insécurité alimentaire

Stress environnemental: dégradation des terres, érosion des sols, incendies de brousse, pollution

Chocs particuliers: maladie ou mort d’un parent, perte d’emploi ou vol de propriété personnelle

Vulnérabilité structurelle: pas de voix ou manque de pouvoir pour effectuer des réclamations

Les actifs relatifs aux moyens d’existence font référence aux ressources de base de la communauté et aux différentes catégories de ménages. Au centre gauche du schéma ci-dessus nous avons un pentagone qui représente différentes catégories d’actifs à disposition des populations locales - humains, naturels, financiers, physiques et sociaux. Ces actifs sont liés entre eux. Chaque type d’actif est indiqué dans le schéma par une lettre majuscule (H, N, F, P, S)

Boîte 4 - Types d’actifs relatifs aux moyens d’existence (exemples explicatifs)

Capital humain: membres du ménage, travail actif, instruction, savoir et capacités

Capital physique: animaux d’élevage, matériel, véhicules, maisons, pompes pour l’irrigation

Capital naturel: accès à la terre, aux forêts, à l’eau, aux pâturages, à la pêche, aux produits sauvages et à la biodiversité

Capital financier: économies/dettes, or/bijoux, revenu, crédit, assurance

Capital social: réseaux familiaux, appartenance à un groupe, voix socio-politique et influence

La taille et la forme du pentagone des ressources - qui représente le montant et l’importance relative de chaque type de capital - varie entre les communautés et entre les ménages aisés et pauvres au sein d’une même communauté. Par exemple, pour des raisons historiques, les communautés riches peuvent contrôler plus de terre et de ressources naturelles que les communautés pauvres et, au sein de toute communauté, les ménages aisés contrôlent une plus grande superficie de terre, plus d’animaux d’élevage et plus de capitaux financiers et physiques que les ménages pauvres.

Les biens de la communauté et des ménages sont influencés par deux groupes de facteurs externes: en premier la politique et le contexte institutionnel et ensuite le contexte de vulnérabilité.

Les politiques et les institutions représentent un groupe de facteurs artificiels externes importants qui influencent la gamme des options des moyens d’existence accessibles aux différentes catégories de personnes. Ils influencent également l’accès aux actifs et la vulnérabilité aux chocs.

Boîte 5 - Institutions (exemples explicatifs)

Les institutions comprennent à la fois les organisations membres et «les règles du jeu» qui sont invisibles

  • Les organisations membres officielles telles que les coopératives et les groupes agréés

  • Les organisations informelles telles que des groupes de travail d’échange ou des tontines

  • Les institutions politiques telles que le parlement, l’ordre public ou les partis politiques

  • Les institutions économiques telles que les marchés, les compagnies privées, les banques, les droits foncier et le système fiscal

  • Les institutions culturelles et sociales telles que les liens de parenté, le mariage, l’héritage, la religion ou le partage des boeufs de labour

Une politique favorable et un bon environnement institutionnel facilitent l’accès des populations - pauvres et moins pauvres - aux actifs nécessaires à leurs moyens d’existence. Une politique défavorable et un environnement médiocre peuvent être discriminants pour les pauvres, rendant ainsi difficile leur accès à la terre, aux animaux d’élevage, au capital ainsi qu’à l’information.

La possession d’actifs influence la gamme des choix relatifs aux moyens d’existence qui s’offrent à différentes catégories de populations. Les ménages possédant de nombreux biens comme la terre, l’eau, les animaux d’élevage, du matériel et de l’argent de même qu’un niveau d’instruction plus

élevé et des connaissances ainsi que de meilleurs réseaux socio-politiques ont généralement un plus vaste choix relatif aux moyens d’existence que les ménages possédant peu d’actifs.

Il existe une double causalité entre le contexte de vulnérabilité et la possession d’actifs. D’une part les chocs sont la cause de la perte des actifs des populations. D’autre part, les actifs permettent de protéger les moyens d’existence des ménages contre les chocs. Le capital humain est moins vulnérable aux chocs car il ne peut pas être dérobé, perdu ou soustrait facilement (à moins de mourir).

Boîte 6 - Vulnérabilité et résistance

Les ménages possédant de nombreux actifs relatifs aux moyens d’existence sont généralement plus aptes à conserver leur niveau de vie et leurs propriétés face aux chocs que les ménages qui possèdent peu d’actifs. Ils ont suffisamment d’économies qui leur permettent de perdre ou d’acheter de la nourriture quand les récoltes échouent. Ils ont suffisamment d’animaux, si bien qu’ils peuvent en perdre ou en vendre quelques-uns et avoir toujours suffisamment d’animaux pour la reproduction et pour reconstruire leurs troupeaux après que la situation critique est passée. La résistance, c’est la capacité à résister aux chocs.

Les ménages possédant peu de biens (par exemple, peu de terre, peu d’animaux, des capitaux physiques et financiers limités, peu de travail dans la famille, une instruction limitée et un manque de capacités de négociations) sont beaucoup plus vulnérables aux chocs externes que les ménages avec des biens. Face à une sécheresse prolongée, quand les récoltes échouent, les ménages pauvres sont d’abord obligés de vendre leurs animaux à un prix bas pour acheter des céréales pour nourrir leur famille. Plus la situation critique dure, plus ils épuisent leur biens jusqu’à en arriver au point de ne plus rien avoir à vendre sauf leur travail et même leur travail est limité en raison de la faim et de la santé défaillante. Quand ils perdent leurs biens, ils perdent leurs moyens d’existence.

Les stratégies relatives aux moyens d’existence représentent «la gamme et la combinaison d’activités et de choix que les populations effectuent de façon à parvenir à leurs objectifs de survie.» Sur la base de leurs objectifs personnels leurs ressources de base et leur compréhension des choix à disposition, différentes catégories de ménages - pauvres et moins pauvres développent et poursuivent différentes stratégies relatives aux moyens d’existence. Ces stratégies comprennent des considérations à court terme, telles que la façon de gagner leur vie, de faire face aux chocs et de gérer le risque aussi bien que des aspirations à long terme pour l’avenir des enfants et la vieillesse.

Un système relatif aux moyens d’existence c’est une combinaison complète d’activités entreprises par un ménage type pour assurer sa survie. La plupart des ménages ruraux sont composés de plusieurs personnes qui gagnent leur vie et qui mènent de front une combinaison de cultures et d’animaux d’élevage ainsi que d’activités agricoles, non agricoles et à l’extérieur de l’exploitation au cours des différentes saisons pour gagner leur vie. Les revenus perçus par les divers membres du ménage peuvent être mis dans une «cagnotte» ou une «bourse» commune ou encore les pourvoyeurs de revenus peuvent en garder une partie destinée à des dépenses personnelles. En plus des tâches de production, il existe des tâches de reproduction qui doivent être accomplies sur une base quotidienne ou en fonction de la saison comme aller chercher de l’eau, du bois de chauffe, cuisiner, faire le ménage et s’occuper des enfants. Enfin, la participation à des activités socio-culturelles et politiques au niveau de la communauté fait partie du système relatif aux moyens d’existence. Le système relatif aux moyens d’existence comprend également une gamme de travaux répartis entre les membres du ménage qui inclut les récoltes, les animaux d’élevage, les travaux à l’extérieur de l’exploitation, les activités non agricoles et de reproduction ainsi que les tâches de la communauté.

Les institutions locales influencent directement les stratégies des moyens d’existence des ménages en déterminant les activités qui sont légales/illégales et appropriées/inappropriées aux femmes et aux hommes en créant des encouragements pour poursuivre certains choix et activités plutôt que d’autres et en influençant la perception de l’efficacité de stratégies particulières pour parvenir aux résultats désirés. Les institutions locales touchent également de façon indirecte les stratégies relatives aux moyens d’existence des ménages par leur influence sur l’accès aux ressources des ménages et leur contrôle.

Les résultats des stratégies relatives aux moyens d’existence des ménages comprennent les niveaux de nourriture, la sécurité de l’emploi, la santé, le bien-être, l’accumulation d’actifs ainsi qu’une position importante au sein de la communauté. Les résultats négatifs des ménages pauvres comprennent l’insécurité alimentaire et du revenu, une grande vulnérabilité aux chocs, la perte d’actifs et l’appauvrissement.

Boîte 7 - Liens fondamentaux dans le cadre des moyens d’existence durables

  • Le contexte de vulnérabilité influence les actifs relatifs aux moyens d’existence des ménages

  • Les politiques et les institutions influencent également les actifs relatifs aux moyens d’existence des ménages

  • Les politiques et les institutions peuvent augmenter ou diminuer la vulnérabilité de chacun

  • La possession d’actifs de la part des ménages élargie les possibilités de choix.

  • Les propriétaires d’actifs réduisent leur vulnérabilité et augmentent leurs capacités de résister aux chocs.

  • La gamme des choix relatifs aux moyens d’existence influence les stratégies relatives aux moyens d’existence.

  • Différentes stratégies relatives aux moyens d’existence mènent à des résultats différents (positifs et négatifs)

  • Les résultats des stratégies relatives aux moyens d’existence influencent la capacité de protéger et d’accumuler les actifs du ménage.

Un exemple du processus de chute ou de façon de sortir de la pauvreté est donné dans le tableau modifié ci-dessous sur les Moyens d’existence durables.

Moyens d’existence et pauvreté

Les biens possédés par les ménages pauvres sont beaucoup plus limités que ceux des ménages riches en raison des politiques, des institutions et des processus défavorables. Un accès restreint à la terre, à l’eau, aux ressources naturelles et aux autres biens, limite le choix des moyens d’existence des ménages pauvres. Un manque de propriétés qui peuvent être vendues en cas d’urgence accroît la vulnérabilité des ménages les plus démunis face aux chocs en cas d’urgence. Les chocs contribuent aux résultats négatifs des stratégies relatives aux moyens d’existence et à une diminution ultérieure des actifs relatifs aux moyens d’existence des ménages, menant à une spirale renforçant la pauvreté.

En raison de politiques, d’institutions et de procédures défavorables, les ménages riches profitent d’une base d’actifs relatifs aux moyens d’existence plus vaste qui augmente leurs choix concernant les moyens d’existence et réduit leur vulnérabilité aux chocs. Cela permet aux ménages les moins démunis d’acheter les biens vendus par les ménages pauvres à des prix très bas accroissant ainsi leur capital en terre, équipements et argent.

Pour permettre aux ménages pauvres de sortir de leur pauvreté, les projets de développement peuvent comprendre trois grandes lignes d’action: (a) ils peuvent aider les ménages ruraux pauvres à construire leurs actifs - surtout leur capital humain et social; (b) ils peuvent transformer le contexte politique et institutionnel en faveur des pauvres, ou (c) ils peuvent réduire la vulnérabilité en renforçant la résistance au niveau de la communauté et du ménage (par exemple, en aidant à la prévention de catastrophes et en renforçant les capacités des ménages à l’éviter ou à se préparer à son éventualité.

Les institutions locales, la réduction de la pauvreté et les Objectifs du Millénaire pour le développement

Les institutions locales dominées par l’élite ne sont ni égalitaires, ni démocratiques, ni transparentes pour les membres de la communauté, elles désavantagent les pauvres et réduisent leurs possibilités de sortir du piège de la pauvreté par eux-mêmes. Un contexte institutionnel aussi désavantageux peut miner les efforts de réduction de la pauvreté et ralentir les progrès pour parvenir aux Objectifs du Millénaire pour le développement. Inversement, les efforts de réduction de la pauvreté ont tendance à offrir une plus grande possibilité de succès quand ils sont mis en oeuvre dans un contexte institutionnel avantageux (par exemple, là où les institutions locales sont égalitaires, autonomes, elles sont démocratiques et les citoyens locaux peuvent compter sur elles).


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