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Aspects organisationnels de la gestion décentralisée des forêts: l’exemple d’une coopérative d’agriculteurs dans le centre du Mexique

E. Raufflet et P. Moctezuma Barragán

Les organisations locales sont-elles préparées – dans leurs processus, leur structure et leur culture – à faire face aux problèmes qui leur échoient lorsque la gestion des forêts est décentralisée?

Emmanuel Raufflet est maître-assistant au Département de gestion de HEC Montréal, Montréal, Canada.
Pedro Moctezuma Barragán est coordonnateur général de la planification du Programa de investigación Sierra Nevada de l’Universidad autónoma metropolitana (UAM), Tlalmanaco, Mexique.

Au cours des dernières décennies, il est apparu de plus en plus clair que les régimes de gestion centralisée des forêts étaient généralement inaptes à garantir la durabilité des ressources du fait de leur rigidité (Westley, 1995; Holling, 1973, 2000), et qu’ils avaient enlevé aux populations locales toute motivation à utiliser et à gérer ces ressources de manière viable (Ponting, 1991; Scott, 1996). Les responsables des politiques ont donc commencé à orienter la réforme institutionnelle vers une approche de gestion locale à petite échelle – appelée «décentralisation», «dévolution locale» (FAO, 2000) et «gestion communautaire» (Agrawal et Gibson, 1999) –, considérée comme prometteuse pour une gestion durable des forêts. L’idée de base est que les systèmes locaux permettraient de concilier les dimensions économique, sociale et environnementale d’une gestion forestière durable, qui constituent les trois piliers interdépendants sur lesquels elle repose. La création d’une valeur économique additionnelle dérivant de l’amélioration de la gestion des ressources, ajoutée à la participation des communautés locales aux décisions et au partage des avantages, constituerait une incitation de plus à gérer les forêts de manière durable.

Le présent article vise à faire mieux comprendre les processus locaux associés à la mise en œuvre de la décentralisation de la gestion des ressources naturelles, grâce à une étude portant sur une coopérative agricole (ejido) dans une commune forestière du centre du Mexique. Les ejidos sont des coopératives agricoles établies dans le cadre des réformes agraires consécutives à la révolution mexicaine de 1910; ils sont similaires, par leur conception et leur structure, aux bienes comunales (fermes communales) établis avant la concentration des terres, à la fin du XIXe siècle.

Cet article est centré sur l’examen de deux questions spécifiques. La première est la manière dont un changement institutionnel – résultant généralement de politiques ou de décisions conçues au niveau provincial, national ou international, et dicté par des philosophies et des idées générales – se concrétise sur le terrain dans des processus ruraux et villageois. Le deuxième aspect est la phase de transition vers des régimes décentralisés, après une longue période de gestion centralisée. Selon Scott (1996), au XXe siècle, divers pays ont mis en œuvre des systèmes de gestion «progressistes» qui visaient à intensifier la gestion et l’exploitation des ressources en les axant sur une utilisation unique de la base de ces dernières (et non sur ses utilisations multiples) et en limitant la participation des populations locales aux décisions de gestion et aux avantages. D’après cet auteur, les systèmes de gestion centralisés progressistes finissaient par affaiblir les capacités locales s’ils étaient longtemps utilisés, car ils tendaient à «brider» les communautés locales et à leur enlever toute motivation à bien gérer les forêts. Le présent article examine la transition d’un régime de ce type vers un régime décentralisé, telle qu’elle a été vécue et perçue par une organisation locale. Il montre comment un groupe local a commencé à organiser la gestion dans un contexte décentralisé et comment les problèmes sont traités dans des conditions faisant une plus large place à l’initiative locale.

Dans cet article, le terme «organisation» désigne un groupe de personnes qui ont des modes d’interaction stables, partagent des objectifs communs essentiels et collaborent sur une base constante et régulière pour les atteindre (Mintzberg, 1983). Ainsi définies, les organisations sont des lieux d’actions et de décisions collectives affectés par la décentralisation. Dans le contexte de la gestion décentralisée des forêts, ces organisations peuvent comprendre, notamment, des coopératives, des organisations communautaires, des organisations commerciales ou à but lucratif, des organisations professionnelles et des organisations publiques (communales, provinciales, d’Etat, nationales ou internationales).

Le présent article repose sur une étude d’une durée de sept mois sur un ejido couvrant plus de 90 pour cent de la zone forestière d’une commune du centre du Mexique (dans laquelle se trouvent aussi quatre autres ejidos). Institué en 1934 par décret présidentiel, l’ejido comprend actuellement 162 ejidatarios ou agriculteurs, et concerne 196 ha de terres cultivables et 9 825 ha de forêts (UAM, 2000). L’adhésion a principalement été héréditaire: en 2005, presque tous les ejidatarios, au nombre de 10, sont des descendants des membres fondateurs. L’étude est constituée de 83 interviews, d’observations de réunions et d’une vaste analyse de textes d’archives ou d’actualité (Raufflet, 2005).

Après une description du contexte géographique, historique et économique, l’article met en lumière les problèmes organisationnels soulevés par la décentralisation et le degré de préparation de l’ejido face à ces défis. Pour conclure, les auteurs suggèrent quelques enseignements à tirer de l’étude et mettent en relief les enjeux pour les chercheurs, les décideurs et les professionnels de la gestion décentralisée des forêts.

Le site de l’étude sur la gestion décentralisée des forêts, une commune du centre du Mexique située à une altitude allant de 2 600 à 4 500 m, avec des forêts couvrant 10 000 ha, sur la partie la plus haute
E. RAUFFLET


GÉNÉRALITÉS

La commune visée par l’étude se compose de 12 000 ha s’étendant entre le Bassin du Mexique et la chaîne de montagne boisée de la Sierra Nevada dans le centre du pays, à une altitude s’échelonnant entre 2 600 et 4 500 mètres. Alors que la plupart des habitats humains sont concentrés dans la partie la plus basse de la commune, les forêts s’étalent sur 10 000 ha dans la partie la plus haute. Ces altitudes variées ont aussi influencé en grande partie son histoire. La gestion durable des ressources forestières locales est devenue une préoccupation durant l’ère coloniale, dès 1579 (Simonian, 1995).


Contexte historique

A la fin du XIXe siècle, quand le Mexique a commencé à s’industrialiser, la région a attiré une entreprise de production de pâtes et papiers qui souhaitait avoir un accès direct aux ressources – l’eau et le bois – et au principal marché international – la métropole située dans le Bassin du Mexique. Entre 1890 et 1991, cette entreprise a dominé le paysage spatial et institutionnel local et la gestion des forêts. A l’aube du XXe siècle, les gouvernements qui souhaitaient favoriser l’industrialisation du pays ont donné les ressources forestières locales en concession à l’entreprise, lui garantissant ainsi un approvisionnement régulier en bois (Huerta Gonzalez, 1994; Barreto Flores, 1998).

En 1947, dans le cadre d’une stratégie d’industrialisation nationale, un décret présidentiel a encore accru le rôle de l’entreprise de production de pâtes et papiers dans la gestion des forêts de cette région. Il a en effet imposé des méthodes sylvicoles scientifiques renforçant le rôle des ingénieurs et réglementé de façon stricte la participation des agriculteurs à la prise de décision et aux avantages de l’exploitation forestière. Il a également obligé les ejidos à participer au système de division du travail, ceux-ci n’étant autorisés à utiliser le bois pour eux-mêmes que si l’entreprise n’en avait pas besoin – ce qui n’arrivait quasiment jamais.

Le décret présidentiel de 1947 a aussi déterminé dans une large mesure la dimension économique de la foresterie locale. En obligeant l’ejido à collaborer avec l’entreprise, le décret a considérablement restreint les possibilités qu’il avait d’obtenir des avantages des forêts. Le monopole officiel sanctionné par le décret obligeait en fait les ejidos à vendre le bois exclusivement à la compagnie, aux conditions financières fixées par le Secrétaire d’État à l’agriculture.

Ainsi, les réglementations juridiques, techniques et économiques établies en vertu du décret présidentiel de 1947 cantonnaient les ejidos dans un rôle d’exécutants du régime de gestion. Le décret rendait illégales toutes les utilisations de la forêt qui n’étaient pas liées aux besoins de l’industrie. Il privilégiait les solutions techniques dans le domaine de la gestion des forêts et donnait aux ingénieurs de l’entreprise le rôle de décideurs, tandis qu’il confinait les agriculteurs dans le rôle d’exécutants. Bien que l’industrie ait créé une enclave de prospérité dans la région en fournissant un emploi à plusieurs centaines de personnes, le décret privilégiait les intérêts économiques de l’entreprise au détriment de ceux des agriculteurs, privant ces derniers de toute motivation économique à entretenir les forêts et réduisant progressivement la part de leur revenu issue d’activités forestières.

L’ère de la gestion centralisée des forêts dominée par l’entreprise de production de pâtes et papiers a pris fin en 1991. Pour des raisons financières, l’entreprise a fermé ses portes en juin de cette année-là, pour les rouvrir deux mois plus tard puis se retirer de la gestion de la forêt. Elle n’utilise plus de bois provenant de sources locales.


Une nouvelle ère: changements au niveau national, opportunités et défis au niveau local

En 1996 et en 2002, de nouvelles lois fédérales ont ouvert de nouvelles perspectives aux ejidos à l’égard de leurs forêts, car elles abandonnaient les approches traditionnelles de gestion, centralisées et imposées d’en haut, au profit de systèmes de gestion communautaire décentralisés (Simonian, 1995; Simon, 1996). Ce changement a fait du Mexique «la plus vaste zone expérimentale du monde en matière de gestion communautaire des forêts» (Alcorn et Toledo, 1998), en mettant quelque 70 pour cent des forêts du pays aux mains des ejidos et des bienes comunales. La nouvelle législation forestière (UAM, 2000) permet aux détenteurs de forêts d’en exploiter le bois et d’obtenir une valeur économique des produits forestiers, sous la supervision technique d’ingénieurs des forêts accrédités. Les lois forestières de 1996 et de 2002 encouragent les membres des ejidos à «abandonner l’agriculture de subsistance pour devenir des entrepreneurs forestiers» (Escalante Semerena et Aroche Reyes, 2000).

La nouvelle législation offre à l’ejido riche en forêts concerné par l’étude, d’importantes opportunités locales de créer une valeur économique. L’ejido dispose d’un vaste marché potentiel pour le bois et les produits agricoles, ainsi que pour l’écotourisme dans la zone métropolitaine (UAM, 2000).

Parallèlement, en tant qu’organisation représentant la communauté locale depuis la révolution de 1910-1920, l’ejido est responsable de la pérennité des écosystèmes locaux, qui sont menacés à toutes les altitudes. Sur un volcan voisin situé à une altitude de 5 000 à 5 300 m, les glaciers sont menacés par les effets combinés du réchauffement de la planète et de la pollution atmosphérique urbaine: deux des huit glaciers ont fondu depuis les années 80, ce qui réduit la quantité d’eau disponible en aval (Chávez Cortes et Trigo Boix, 1996). Les écosystèmes fragiles de haute altitude (de 4 000 à 5 000 m) environnant les volcans, sont aussi soumis à un stress écologique important, car l’absence de suivi et la non application des réglementations environnementales ont conduit à une dégradation biophysique de grande ampleur(Vargas, 1998). A plus basse altitude (de 2 500 à 4 000 m), environ 85 pour cent des sols sont classés comme «très instables ou extrêmement instables» et ont besoin d’un couvert forestier permanent, alors que les 15 pour cent restants sont exposés à une érosion modérée ou aiguë (UAM, 2000). L’exploitation illicite des forêts par des groupes organisés s’est aussi répandue dans ces zones.

Les nouvelles lois fédérales instituant la gestion communautaire autorisent les détenteurs de forêt à en exploiter le bois et à tirer une valeur économique de ses produits, encourageant les membres de l’ejido à devenir des entrepreneurs forestiers
E. RAUFFLET

 


L’EJIDO EST-IL PRÊT À RELEVER CES DÉFIS?

Dans l’étude décrite dans cet article, la capacité organisationnelle de l’ejido a été évaluée à l’aide d’un simple cadre, qui supposait d’examiner les trois composantes générales d’une organisation, à savoir son processus, sa structure et sa culture. Le processus organisationnel comprend les interactions quotidiennes entre les personnes, en rapport avec la prise de décisions et l’accomplissement des tâches. La structure organisationnelle est constituée de l’ensemble de règles et de rôles que les personnes adoptent au sein de l’organisation. La culture organisationnelle est faite des valeurs, formulées ou non, des personnes et des perceptions qu’elles ont d’elles-mêmes et du monde qui les entoure, et qui sont communes à l’ensemble de l’organisation.


Processus organisationnel et prise de décision

A court terme, le principal organe de prise de décision collective dans l’ejido est l’assemblée: les décisions sont prises conformément à la volonté de la majorité. Dans la période qui a suivi la révolution, ce paramètre de conception était censé renforcer la participation et la démocratie formelle. Toutefois, il a souvent débouché sur des décisions non optimales. Les décisions relatives à des problèmes intéressant tous les membres de l’ejido sont souvent faussées par un objectif global à court terme et par la forte influence ou la prédominance d’un nombre limité de membres particulièrement puissants.

Le processus de prise de décision dans l’organisation semble voué à un cercle vicieux. Comme on l’a vu plus haut, de 1947 à 1991, la gestion forestière aux mains de l’industrie n’incitait guère les agriculteurs à intervenir en la matière, et ceux-ci tiraient l’essentiel de leurs moyens d’existence d’activités agricoles (cultures et élevage). De ce fait, les agriculteurs interviennent de façon très limitée dans les processus de prise de décision de l’ejido et ils tendent à privilégier des avantages à court terme restreints, par rapport à des avantages à long terme plus aléatoires.

Le faible niveau de participation à la prise de décision collective a permis à des groupes d’individus de devenir particulièrement influents dans l’ejido, sans que ces derniers aient pratiquement de comptes à rendre aux autres membres de celui-ci. Le faible niveau de responsabilité vis-à-vis des autres a ouvert la porte à une série de pratiques regrettables – dont la corruption, l’enrichissement personnel et la collusion avec des acteurs externes. Ces mauvaises pratiques ont encore réduit les recettes des ejidatarios. Dans ce processus, le fait que les chefs aient peu de comptes à rendre au reste de la communauté renforce le manque d’intérêt des autres membres pour les affaires de l’ejido et inversement.

Sur le long terme, de mauvaises décisions répétées ont conduit à une spirale inexorable d’échecs. Le processus organisationnel souvent inefficace a débouché sur des décisions non optimales quant à l’allocation des ressources et à l’élection des chefs, ce qui a engendré, au fil des décennies, un sentiment de méfiance.

L’élection et les performances des neuf présidents précédents de l’ejido illustrent les défaillances de ce processus de prise de décision. Un seul de ces neuf présidents a été jusqu’au bout de son mandat de trois ans et a laissé derrière lui le souvenir de quelqu’un d’honnête. Deux ont été réélus bien que leur gestion ait été jugée mauvaise durant leur premier mandat et, malgré leurs promesses électorales d’améliorer leur comportement, les deux hommes ont poursuivi leurs mauvaises pratiques durant leur second mandat.


Structure organisationnelle

Les caractéristiques structurelles de l’ejido et le régime foncier datant de la réforme agraire ont été conçus pour protéger les agriculteurs et renforcer la gestion communautaire.


Culture organisationnelle

Le manque de confiance et l’absence de pouvoir règnent en maîtres au sein de l’ejido. Comme les ejidatarios se méfient beaucoup les uns des autres, la composition démographique de l’ejido est étroite: la plupart des membres de l’ejido sont des hommes âgés de plus de 70 ans, qui ont toujours vécu dans la commune. Ils tolèrent mal la différence, les divergences ou les personnes de l’extérieur, même si ce sont des parents. Ce manque de diversité est l’une des raisons pour lesquelles les enfants des ejidatarios se désintéressent de l’ejido et quittent la terre qui leur a été allouée pour chercher de meilleures occasions à Mexico.

La plupart des ejidatarios interrogés dans le cadre de l’étude ont qualifié leur expérience dans l’ejido de négative, et déclaré qu’ils avaient le sentiment de n’avoir aucune influence sur leurs dirigeants, l’industrie (dans le passé) et la dynamique organisationnelle.

L’ejido (coopérative d’agriculteurs) est responsable de la pérennité des écosystèmes, menacés à toutes les altitudes
E. RAUFFLET

Les politiques de décentralisation peuvent renforcer les organisations locales, les processus participatifs, la prise de décision et les actions collectives pour créer de la valeur et prévenir la dégradation de l’environnement (sur la photo, ouvriers employés pour le reboisement dans la zone de l’étude)
E. RAUFFLET


CONCLUSIONS ET CONSÉQUENCES POUR LES CHERCHEURS, LES RESPONSABLES DES POLITIQUES ET LES PROFESSIONNELS

En résumé, le processus organisationnel instable de l’ejido a donné lieu à un processus non optimal et à une culture organisationnelle pessimiste centrée sur le court terme. La structure organisationnelle est donc dans l’ensemble inefficace. En raison de la combinaison spécifique de son processus, de sa structure et de sa culture organisationnels, l’ejido est encore mal armé pour affronter les nouveaux défis associés au rôle d’entrepreneur et à la création de valeur dans le domaine de la gestion des forêts, et pour s’attaquer aux nouveaux problèmes environnementaux qui se profilent dans le contexte actuel.

Bien que certains aspects de cette organisation communautaire locale ressemblent à ceux qui caractérisent d’autres ejidos du Mexique (voir Álvarez-Icaza et al., 1993; Warman, 2001, 2003), il est impossible de tirer des conclusions générales d’une seule étude. Celle-ci fournit toutefois des constatations intéressantes pour les chercheurs, les responsables des politiques et les professionnels.


Conséquences pour les chercheurs et les responsables des politiques

Beaucoup de recherches sur les réformes institutionnelles liées à la décentralisation et à la dévolution des décisions concernant la gestion des forêts aux communautés locales ont porté sur les institutions de gestion des forêts. La mise en place d’institutions représente une étape indispensable de l’évolution vers une approche plus participative et plus durable en matière de gestion des forêts, reposant sur les communautés locales. Cependant, la présente étude suggère que, si une réforme institutionnelle est nécessaire pour créer les conditions et le contexte visant à responsabiliser les populations locales, elle ne garantit cependant pas à elle seule la bonne application de cette approche sur le terrain, en particulier quand il s’agit de passer d’un système centralisé à une gestion décentralisée.

L’étude suggère que les chercheurs et les responsables des politiques pourraient acquérir des informations intéressantes sur la gestion des forêts en procédant à un examen approfondi des organisations qui mettent en œuvre les réformes sur le terrain, et en utilisant pour cela un cadre tridimensionnel d’analyse des processus, de la structure et de la culture de ces dernières.

En outre, l’étude a cherché à déterminer dans quelle mesure une organisation communautaire pouvait à elle seule relever les défis actuels que sont la création de valeur et la prévention de la dégradation de l’environnement. L’étude des moyens pouvant être adoptés par les organisations pour renforcer leurs capacités en vue de passer à un système décentralisé constitue un domaine de recherche futur.

Tout particulièrement, l’étude a identifié l’un des principaux problèmes que doit affronter l’ejido considéré, à savoir son manque de capacité interne à prendre des décisions, à tirer les leçons des expériences passées et à évoluer et acquérir des connaissances techniques pertinentes en matière de gestion des forêts. Dans le nouveau contexte décentralisé, cette défaillance est un gros obstacle pour tirer parti des opportunités économiques actuelles et résoudre les problèmes environnementaux et sociaux locaux. Les nouvelles règles n’ont peut-être pas été suffisantes pour que l’organisation bouleverse les modes de relation dont elle a hérité après des décennies de gestion centralisée des forêts. Les responsables des politiques devraient reconnaître que les organisations sont généralement des lieux d’action collective importants et que leur renforcement pourrait faciliter la mise en œuvre d’une nouvelle politique décentralisée. Ces responsables devraient déterminer dans quelle mesure une organisation locale est préparée à formuler des politiques, et consacrer des ressources substantielles au renforcement des capacités organisationnelles.

Ce renforcement des capacités organisationnelles suppose, entre autres, d’accroître les compétences permettant de prendre, en connaissance de cause et sur une base participative, des décisions écologiquement rationnelles et techniquement éprouvées, et de gérer le processus collectif. Les politiques de décentralisation ayant trait à la gestion des forêts peuvent contribuer de manière significative à définir les attentes et à renforcer les organisations locales, les approches participatives, les processus décisionnels et les actions au niveau local. Si l’on n’accorde pas l’attention et les ressources voulues à ces organisations, les résultats des politiques seront inattendus ou décevants sur le terrain.


Conséquences pour les professionnels

Si l’on a accordé une grande attention aux dimensions techniques de la gestion des forêts, on s’est moins intéressé à ses dimensions organisationnelles. La manière dont les connaissances techniques sont traduites en actions sur le terrain dépend en grande partie de l’aptitude de l’organisation à rendre cette concrétisation possible. La présente étude montre qu’il est intéressant pour les professionnels d’être mieux informés sur les capacités organisationnelles. Le but de cet article est de soulever ces problèmes pour contribuer à réaliser pleinement le potentiel de la gestion communautaire des forêts.

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