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Relier les programmes forestiers aux stratégies de réduction de la pauvreté

S. Geller et R. McConnell

Scott Geller est consultant principal auprès du LTS International (Ėdimbourg, Écosse).
Rosalie McConnell
est forestier à la FAO et collabore avec les pays pour réduire la pauvreté par des interventions forestières.

Une étude de la FAO menée dans sept pays africains a proposé des
méthodes visant à renforcer le soutien financier, institutionnel et politique à la
réduction de la pauvreté dans les zones forestières.

Les Programmes forestiers nationaux pourraient remédier au manque de financement du secteur en forgeant de meilleurs liens avec les Stratégies de réduction de la pauvreté (des villageois soudanais collectent des gousses d’Acacia nilotica pour un programme de plantation local)
FAO/FO-0385/C. Palmberg Lerche

Le caractère intersectoriel et participatif des Programmes forestiers nationaux (PFN) en fait des mécanismes idéaux pour collecter et partager des informations provenant d’un large éventail de sources sur les pays, les priorités et les initiatives prises au sein et hors de la forêt. Ils pourraient jouer ainsi un rôle déterminant dans la réduction de la marginalisation et l’absence de financement du secteur en établissant des liens avec des programmes nationaux d’une plus grande portée, y compris des Stratégies de réduction de la pauvreté (SRP). Cependant ces liens sont souvent trop faibles ou inexistants.

Le présent article examine les raisons de leur faiblesse ou de leur absence, et propose des moyens pour renforcer la relation entre les deux processus, sur la base des conclusions préliminaires d’une étude FAO portant sur sept pays africains: Namibie, Niger, Nigéria, Soudan, Ouganda, République-Unie de Tanzanie et Zambie. Dès 2005, grâce à des entretiens avec les représentants du gouvernement, du secteur privé et d’organisations de la société civile, ont été identifié non seulement des facteurs qui renforcent la présence et l’influence de la foresterie dans des processus de planification élargis, mais aussi des bonnes pratiques, des défis et des possibilités d’établir des liens efficaces.

INTÉGRATION

La foresterie dans les stratégies de réduction de la pauvreté

La mesure dans laquelle les objectifs forestiers sont pris en compte dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté varie considérablement en fonction des conditions régnant dans chaque pays.

Cadre politique. Le cadre dans lequel se déroule le processus de la SRP dépend largement de la stabilité du gouvernement et de ses institutions, et de la capacité de l’engagement politique de haut niveau de déclencher des changements positifs.

Il est probable, par exemple, que dans le cadre de l’Accord de paix global du Soudan, l’accent porte sur des aspects de la foresterie qui diffèrent entre le nord (soutien aux moyens d’existence) et le sud (moteur de croissance). Les troubles intérieurs qui sévissent en Ouganda et l’affinité de la Tanzanie pour les approches collectives ont exercé une incidence sur l’élaboration et la mise en œuvre de leurs SRP respectives.

Cadres complémentaires. Dans certains pays, des stratégies nationales autres que celles qui visant seulement à réduire la pauvreté sont plus aptes à réaliser les objectifs forestiers. En Namibie, par exemple, dans le Plan d’investissement du secteur public, les questions forestières occupent une place plus importante que dans son Programme d’action national de réduction de la pauvreté. Dans de tels cas, les parties prenantes devront étendre leur participation à d’autres processus afin que les PFN incorporent des matières liées à d’autres priorités nationales plus générales. Cependant, si les SRP visent aussi la croissance économique outre la réduction de la pauvreté, le secteur forestier peut normalement faire valoir ses priorités par le biais de ce processus particulier.

Sensibilisation accrue. Dans les sept pays considérés, l’étude a constaté que les SRP révisées étaient plus à même que les documents initiaux de mettre en évidence les contributions de la foresterie à l’économie, les problèmes du secteur, sa capacité de réduire la pauvreté et les facteurs externes qui influencent la gestion forestière durable. Dans la deuxième version de la SRP de l’Ouganda, par exemple, la foresterie apparaît comme une priorité urgente à financer à court terme.

Intégration de l’environnement. Plus les autorités forestières s’efforcent d’intégrer, si besoin est, les questions environnementales dans les stratégies de réduction de la pauvreté, plus forte sera l’attention accordée à la fores­terie dans le document final, en termes d’identification de priorités, d’objectifs et de plans d’action. La Namibie, le Niger, la Tanzanie et l’Ouganda ont déjà réalisé d’importants progrès à cet égard.

Définition de profils sous-nationaux. Le rôle que jouent les arbres et les forêts dans les moyens d’existence des populations varie en fonction de l’abondance des ressources, du couvert forestier et de la densité démographique du pays. Bien que les processus nationaux des SRP collectent des informations locales ou régionales sur la pauvreté, ces profils ne mentionnent pas toujours la contribution des forêts, quand bien même les villages accorderaient une importance élevée au secteur. En outre, lorsque les autorités sous-nationales désignent la foresterie comme domaine d’action prioritaire, les ministères des finances ne satisfont pas toujours leurs demandes de soutien.

Horizon à long terme. Dans les sept pays, la forêt est considérée comme un investissement à long terme et à risque élevé comparativement à d’autres secteurs productifs comme l’agriculture. Du fait que les avantages de la gestion forestière durable exigent souvent des années pour se matérialiser, alors que les mandats politiques sont de beaucoup plus courte durée, le secteur ne jouit guère de pouvoir de négociation.

Une autre contrainte importante, qui empêche la foresterie d’occuper une place centrale dans les SRP, est le manque de données sur sa contribution à la réduction de la pauvreté – son importance, par exemple, pour les agriculteurs en maintenant la fertilité du sol, pour les éleveurs en fournissant du fourrage au bétail ou pour les ménages en leur procurant de l’énergie; ou encore en leur donnant des informations sur le coût des produits de remplacement du bois de feu lorsque les forêts sont épuisées ou dégradées.

Suivi. Bien que la pauvreté transcende la croissance économique, la plupart des SRP adopte encore une approche secto­rielle qui rend difficile la prise en compte des dimensions sociales, culturelles, économiques et environnementales de la forêt. À mesure que leurs systèmes de suivi deviennent plus complexes et interconnectés, des indicateurs pourraient mesurer l’impact du secteur sur la pauvreté et démontrer, en même temps, son influence sur d’autres domaines comme l’agriculture et l’eau. Ces indicateurs pourraient permettre d’évaluer combien les brisevent augmentent la productivité agricole, combien les forêts réduisent les niveaux des sédiments dans les réservoirs d’aval, et combien les bassins versants boisés réduisent la nécessité de traitement de l’eau.

Participation. Malgré les défis et les coûts qu’entraîne la mise en œuvre de processus participatifs, traduisant avec précision les besoins et priorités de leurs citoyens, les pays reconnaissent l’importance d’une intense consultation pendant la formulation des SRP et leur révision successive. Toutefois, ce qui n’est pas toujours évident c’est l’importance de bien représenter les intérêts forestiers pendant les débats, y compris ceux sur les domaines d’action prioritaire.

La deuxième version de la Stratégie de réduction de la pauvreté de l’Ouganda désigne la foresterie comme une priorité à court terme urgente à financer (construction de maisons avec du bois de Ficus)
FAO/CFU000374/R. Faidutti

Réduction de la pauvreté dans les programmes forestiers nationaux

Dans chacun des sept pays ayant pris part à l’étude, les PFN indiquaient l’importance de la cohérence avec les cadres plus généraux, y compris les processus de SRP. Parmi les facteurs qui auraient influencé le contenu des PFN figurent les suivants:

Liaisons avec les moyens d’existence. L’importance des forêts et des arbres pour les moyens d’existence est exprimée dans les PFN davantage sous l’angle des biens et services qu’ils procurent à des fins de subsistance qu’en termes de création de revenus. L’accent porte généralement sur les activités simples, à coefficient élevé de main-d’œuvre et fondées sur le ménage.

Analyse sectorielle. Un examen du secteur forestier national fournit la base pour l’établissement des objectifs, priorités et activités des PFN, mais aussi pour les relier aux SRP. Bien que les pays aient entrepris des analyses sectorielles plus ou moins approfondies, ils ont tous identifié la pauvreté et la croissance démographique comme la cause profonde de la déforestation; reconnu les multiples rôles de la forêt; encouragé l’élaboration de principes directeurs sur la participation communautaire à la gestion des ressources; et montré comment les programmes créerait des emplois, offriraient un service civil spécialisé, redistribueraient les revenus aux collectivités, établiraient l’industrie, assure­raient des revenus et contribueraient à des recettes en devises.

Dynamiques polyvalentes. Bien que beaucoup des PFN examinés considèrent l’agriculture, la santé, l’énergie et le développement rural comme des secteurs de base, rares sont ceux qui s’attaquent aux problèmes qui naissent hors de la forêt mais affectent tout de même sa viabilité. En outre, les PFN n’ont pas été normalement élaborés dans le cadre de programmes d’une plus vaste portée, comme ceux relatifs à la réforme institutionnelle, et ils n’ont pas pris suf­fisamment en compte les objectifs, parfois conflictuels, du développement et de la conservation.

Établissement de priorités. La plupart des PFN doivent encore élaborer une stratégie qui donne aux questions sociales la même importance qu’aux questions de production, et où sont évaluées les options à réaliser pour réduire la pauvreté. De ce fait, les contributions du secteur à la réduction de la pauvreté ne sont pas correctement mesurées et les priorités n’ont pas encore été établies adéquatement pour les domaines d’investissement.

Financement du secteur public

Relier les PFN aux SRP, et dès lors aux cadres budgétaires annuels et à moyen terme, devrait augmenter les possibi­lités du secteur forestier de recevoir un financement public additionnel. Jusqu’à présent, ces liens se révèlent ténus.

Gestion des dépenses publiques. Bien que la gestion fiscale s’améliore, les liens entre les SRP et les processus budgétaires sont encore faibles. En outre, la reddition de comptes publics et les systèmes de gestion des dépenses ont été négligés, si bien que non seulement de fortes disparités peuvent se présenter entre les allocations et les décaissements, mais les activités non liées aux SRP peuvent être et sont financées au dépens des priorités de ces dernières. En réponse à la pression exercée par le public sur le gouvernement pour montrer les résultats et faire valoir
l’argent, le Nigéria met à l’essai un système de contrôle des rubriques de budget dans des secteurs importants, qui vise à réduire la pauvreté dans le cadre des efforts accomplis pour démontrer l’utilisation transparente et efficace des fonds publics.

Cadre des dépenses à moyen terme. Bien que certains pays aient accomplis des progrès dans la mise en œuvre du cadre des dépenses à moyen terme dans la planification et la budgétisation, ils continuent tous à avoir des difficultés à harmoniser leurs SRP, leurs autres plans stratégiques et les budgets forestiers avec ce cadre. Pendant la préparation annuelle des budgets, les ministères des finances et les ministères pertinents discutent encore de la performance par rapport à l’argent dépensé ou à la capa­cité d’absorption plutôt qu’en termes de contributions à la réduction de la pauvreté. Pour ces raisons et d’autres encore, les possibilités de mobiliser des crédits supplémentaires pour les PFN restent largement imprévisibles.

Allocation de ressources au secteur forestier. Bien qu’elles soient désignées comme prioritaires dans les PFN, de nombreuses activités ne reçoivent pas d’allocations. Dans certains cas, les coûts sont estimés pour les projets susceptibles d’être financés, en partie du moins, à partir de sources publiques ou privées. Cependant, cette approche ponctuelle tient rarement compte de la façon de lier la mise en œuvre des PFN aux initiatives d’autres secteurs afin d’améliorer la rentabilité et d’accentuer l’impact des interventions sur la réduction de la
pauvreté. Si chaque secteur recueillait des informations sur les coûts unitaires de la réalisation des objectifs, y compris ceux relatifs à la mise en œuvre des SRP, les ministres responsables pourraient alors s’en servir pour rationaliser
les coûts de l’administration des programmes, tout en augmentant au maximum leur effet.

Coordination des PFN en Ouganda

Le Comité de coordination du secteur forestier est un forum de haut niveau établi pour diriger la mise en œuvre du PFN et du Programme-cadre du secteur forestier en particulier. Il est présidé par le secrétaire permanent du Ministère des eaux, terres et environnement, et ses membres sont des fonctionnaires principaux appartenant à sept ministères (agriculture, tourisme, gouvernement local, service public, finance, énergie et éducation), au secteur privé et à la société civile. Par le biais du groupe de direction de son PFN et six groupes de travail techniques, le Comité a élargi la participation aux PFN audelà du domaine forestier, fournissant un lieu de réunion pour un certain nombre de secteurs pour échanger des informations et discuter de questions d’intérêt commun, comme celles liées à la pauvreté. En raison de sa portée et de son influence, le Comité a joué un rôle déterminant dans l’intégration de la foresterie dans le Plan d’action pour l’éradication de la pauvreté de l’Ouganda.

AMÉLIORATION DES LIENS: CONTRAINTES, POSSIBILITÉs ET SUGGESTIONS

Coordination et participation

L’étude a reconnu qu’une bonne coordination des PFN améliore l’interface avec les organismes responsables des SRP, et peut souvent convaincre les partenaires, y compris les ministères des finances et les donateurs, à appuyer les priorités des PFN. Lorsque les experts forestiers sont présents au moment des prises de décisions qui influencent le secteur, ils peuvent agir sur les résultats, notamment sur des questions relatives au suivi et à l’évaluation des impacts des programmes sur la réduction de la pauvreté. L’engagement des parties prenantes est fondamental pour inculquer le sens de la propriété des processus de PFN et de SRP, et obtient les meilleurs résultats lorsque la gamme tout entière des parties intéressées participe.

Les pays qui ont établi des unités de co­ordination des PFN (comme la Tanzanie
et l’Ouganda – voir encadré) ont mobilisé plus efficacement la participation des autorités qui surveillent l’élaboration et la mise en œuvre des SRP. Ces unités accomplissent leurs tâches avec succès car les membres de l’équipe ont une formation et des compétences différentes: l’économie forestière, les sciences sociales, l’analyse de la pauvreté, la planification sectorielle, les communications, les statistiques et les lois sont toutes des domaines importants.

Les unités de coordination des PFN devraient transcender le secteur forestier, et mettre davantage de parties prenantes face au concept de gestion forestière durable et aux questions de portée générale, aider les autres secteurs à comprendre comment leurs activités influen­cent la foresterie et en sont affectées, et promouvoir de nouvelles idées pour améliorer la collaboration en vue de réaliser des buts communs, y compris la réduction de la pauvreté.

Comptabilité et économie nationales

Dans la comptabilité nationale, les acti­vités économiques sont classées sur la base des normes internationales de classification industrielle, et la contribution du secteur forestier au produit intérieur brut (PIB) est intégrée en tant que secteur agricole Dans chacun des sept pays, les autorités forestières cherchent à calculer la valeur économique globale du sec­teur. Outre le manque d’informations fiables, leur faible capacité d’analyse des statistiques les empêche de disposer des arguments nécessaires pour attirer l’attention des décideurs. La tentative du Nigéria d’évaluer les conséquences sociales et économiques de la gestion forestière non durable pourrait se révéler utile (voir encadré ci-dessous) et l’unité de l’économie environnementale établie récemment en Namibie réunit des éléments probants destinés à illuminer la nouvelle génération de SRP.

Bien que la recherche vise de manière croissante à quantifier la valeur des forêts et à suggérer des moyens d’analyser leur pleine contribution au PIB, il faut davantage d’informations sur la valeur des services environnementaux qu’elles procurent, y compris la qualité de l’eau et son approvisionnement, la rétention et la fertilité du sol, le piégeage du carbone et la conservation de la biodiversité. Du fait que l’écocomptabilité (c’est-à-dire l’assignation d’une valeur à ces services) reconnaît pleinement le rôle important que jouent les forêts dans l’économie et la réduction de la pauvreté, le secteur forestier devrait œuvrer de concert avec, entre autres, les commissions nationales de planification, les autorités statistiques et les commissions de l’énergie pour concevoir de nouvelles méthodes de comptabilité dans les enquêtes, évaluer les impacts des options stratégiques et mesurer les contributions tant qualitatives que quantitatives de la foresterie à la réduction de la pauvreté.

Recherche sur les conséquences de la
gestion non durable au Nigéria

La recherche menée par l’Institut africain pour l’économie appliquée (AIAE) a estimé que les pertes économiques découlant de la déforestation et de la dégradation des forêts au cours des cinq décennies écoulées s’élevaient à au moins 120 milliards de nairas (0,8 million de dollars EU) par an, soit 1,7 pour cent du PIB en 2003 – un chiffre qui équivaut grosso modo au budget fédéral combiné pour la santé et l’éducation en 2004. L’étude a révélé que, dans certaines parties du pays, les prix réels du bois de feu ont doublé au cours des 20 dernières années du fait de l’intensification de la collecte et des frais de transport. Elle a prédit, en outre, que si le Nigéria perdait ses ressources forestières restantes et que la population qui dépend désormais du bois de feu pour la cuisson est forcée de recourir au kérosène, le coût annuel serait compris entre 650 et 980 milliards de nairas (de 4,8 à 7,3 milliards de dollars). Ce montant, outre la valeur perdue des produits forestiers ligneux et non ligneux, équivaut à 6-9,3 pour cent du PIB actuel (estimé à 78 milliards de dollars en 2005).

Source: AIAE. 2005. Unlocking the potentials of agriculture and forestry for growth and poverty reduction. Enugu, Nigéria. Disponible sur Internet:
www.aiae-nigeria.org/Publications/Policybrief1.pdf


L’unité de l’économie environnementale établie récemment en Namibie recherche des éléments probants pour rehausser l’image de la foresterie dans la prochaine génération de SRP (pépinière forestière communautaire)
FAO/FO-5567/M. France-Lanord

Suivi et évaluation

Le suivi et l’évaluation des processus de SRP et de PFN devront être bien reliés et conçus globalement pour faciliter la collaboration entre les autorités forestières et les principaux organismes chargés des SRP. Si les systèmes ne sont pas complémentaires et que les responsables des différents aspects de leur mise en œuvre respective ne sont pas clairement désignés, il est difficile d’identifier les bénéficiaires des interventions et d’évaluer les progrès avec précision.

Stratégies de réduction de la pauvreté. Dans les pays où les processus de SRP sont en cours depuis quelque temps, le système de suivi et d’évaluation de leur mise en œuvre tend à associer les données qualitatives et quantitatives dans l’espoir de soulever de nouvelles questions, d’analyser les hypothèses et d’évaluer les tendances de manière plus approfondie.

Les systèmes d’information obtiennent leurs données d’une grande variété de sources afin d’évaluer dans quelle mesure les pauvres profitent des dépenses publiques et des politiques et programmes gouvernementaux destinés à réduire la pauvreté. Dans chacun des sept pays, d’importantes lacunes et faiblesses carac­térisent la quantité, la qualité et la disponibilité des informations nécessaires pour surveiller les SRP, y compris le manque de données de base adéquates sur la pauvreté, le tableau incomplet des vulnérabilités, des informations limitées sur le marché et un faible accès aux zones reculées. Les données collectées tendent à être localisées, limitées à un contexte particulier et difficiles dès lors à regrouper, si bien qu’elles s’intègrent mal dans les prises de décisions des gouvernements.

Les indicateurs du suivi et de l’évaluation des SRP sont devenus des outils importants servant à estimer l’efficacité des interventions forestières dans la réduction de la pauvreté. L’Ouganda et la Tanzanie ont élaboré chacune un indicateur forestier pour évaluer la performance des SRP (voir encadré cicontre).

Les programmes forestiers nationaux. Malgré les plans destinés à établir des bases de données et surveiller les activités forestières à l’aide des informations pro­venant de différents niveaux et secteurs, les données forestières collectées sont sou­vent reléguées dans différents systèmes, et par là, même inaccessibles. À cause du manque de faits et de chiffres, il est difficile de démontrer l’importance de la foresterie pour la réduction de la pauvreté.

Les systèmes de suivi et d’évaluation n’ayant été élaborés pour les PFN que récemment de manière systématique, les autorités forestières préfèrent parfois reproduire ou adapter des pratiques existantes dont le bienfondé est prouvé, et des instruments déjà testés ailleurs plutôt que d’en créer de nouveaux. En outre, ils devront incorporer la collecte et l’analyse des données sur la pauvreté dans leurs travaux ordinaires, en utilisant des sources d’informations comme les examens du secteur forestier, les enquêtes sur les ménages, les études d’évaluation des forêts et les évaluations participatives de la pauvreté où les pauvres expriment leurs préoccupations. Il faudra établir des unités de suivi dans des ministères apparentés pour surveiller la performance des PFN.

À mesure que s’élaborent les systèmes de surveillance de la pauvreté, les servi­ces forestiers devraient œuvrer étroitement avec les responsables des SRP pour proposer des critères concernant des objectifs spécifiques. Ils devraient aussi définir des indicateurs clairs, décrire comment les interpréter, établir des buts et des plans de base, identifier des séries de données et déterminer la fréquence de leur collecte, aussi bien que les institutions qui en sont responsables.

Élaborer des indicateurs de la pauvreté dans les
forêts de la République-Unie de Tanzanie

La Stratégie de surveillance de la pauvreté en Tanzanie a estimé la mesure dans laquelle les populations pauvres tirent des avantages des politiques et programmes visant la réduction de la pauvreté. Elle utilise les données administratives provenant des ministères fédéraux et des gouvernements locaux, des enquêtes nationales, de la recherche et des évaluations participatives de la pauvreté, qui reflètent les opinions des pauvres. Après d’intenses consultations, la Division de l’éradication de la pauvreté du Ministère de la planification, de l’économie et de la responsabilisation a élaboré 49 indicateurs pour montrer les liens entre la pauvreté et l’environnement dont 15 ont été proposés pour la stratégie nationale de croissance et de réduction de la pauvreté. L’indicateur relatif à la foresterie concerne le pourcentage de ménages qui utilisent des sources d’énergie autres que le bois (y compris le charbon de bois) pour la cuisson. Cependant, inclure d’autres indicateurs sur la collecte et l’utilisation du bois de feu renforcerait les liens entre la foresterie et la réduction de la pauvreté, de même que les questions posées lors des enquêtes sur les ménages, qui tiennent compte d’autres activités pour lesquelles le bois de feu est utilisé – comme le séchage du tabac, la fabrication de briques et le brassage.

Parmi les indicateurs de la Tanzanie servant à surveiller la performance de sa Stratégie de réduction de la pauvreté, il en est un propre à la foresterie: le pourcentage de ménages qui utilisent des sources d’énergie autres que le bois de feu pour la cuisson
FAO/FO-5549/J. Lejeune

Services forestiers décentralisés

Malgré les efforts faits par les sept pays pour convaincre les gouvernements locaux et les organisations non gouvernementales (ONG) à élaborer des PFN et des SRP, des contraintes financières rendent pratiquement impossible d’assurer une large propriété des processus. Vu le manque d’attention que les autorités publiques dans ces pays accordent normalement à l’environnement et aux ressources naturelles, les échelons inférieurs du gouvernement ont du mal à gérer le pourcentage croissant du domaine forestier dont ils ont la gestion.

De même que les promoteurs forestiers exercent des pressions pour se faire entendre dans la capitale nationale, ils doivent aussi insister pour assurer leur inclusion dans les processus de prise de décisions des administrations publiques locales. Leur participation est indispensable pour que l’État ou un équivalent local du PFN rende les interventions forestières plus efficaces pour les pauvres. À cet égard, les expériences des autres secteurs peuvent être riches en enseignements.

En Tanzanie, par exemple, le secteur sanitaire dispense des leçons sur la manière de décentraliser efficacement les budgets et d’orienter les dépenses vers des activités qui réduisent la pauvreté.
En concevant des processus participatifs sous-nationaux de PFN, encore qu’à des niveaux modestes dans bien des pays, les gouvernements et leurs partenaires devraient étudier le moyen de:

Développement des entreprises forestières

Les entreprises forestières viables dépendent non seulement de la demande du marché, mais aussi de la gestion durable des ressources. Malgré l’accent mis sur les investissements du secteur privé et le développement des entreprises tant dans les PFN que dans les SRP, elles font face à de nombreuses contraintes, y compris le manque de politiques cohérentes; les coûts élevés de la conformité juri­dique et réglementaire; des capacités de commercialisation inadéquates; les faibles liaisons entre les petits fournisseurs et les grands acheteurs; l’accès limité au crédit, aux financements, au capital et à la technologie; et la pénurie de compétences industrielles et techniques.

Les interventions visant à stimuler la croissance économique dans le cadre des stratégies de réduction de la pauvreté peuvent favoriser l’établissement ou l’expansion des entreprises forestières en encourageant, par exemple, la demande de produits existants, en créant de nouveaux marchés, en améliorant le fonctionnement du marché et en renforçant l’efficacité et la gestion des déchets grâce aux innovations technologiques. Les gouvernements pourraient accroître les capacités du secteur privé d’investir dans des entreprises commerciales et la création d’emplois en révisant la législation pertinente et en renforçant la capacité institutionnelle de s’attaquer à des pro­blèmes qui touchent le secteur forestier dans les domaines de l’environnement, de la main-d’œuvre, du commerce, des droits de propriété et de la taxation.

Les PFN comme les SRP mettent l’accent sur le développement des entreprises, mais il faut des interventions par example pour améliorer les capacités de commercialisation et les liens entre les petits fournisseurs et les grands acheteurs (résine d’Acacia senegal au Soudan)
FAO/CFU000187/R. Faidutti

Participation populaire à la gestion forestière et aux politiques nationales

Lorsque la mise en œuvre est correcte et associée à un régime de propriété clair, à des droits d’utilisation, à un soutien politique et institutionnel adéquats, la gestion forestière participative peut fournir des incitations à la gestion des forêts et un moyen d’améliorer les conditions de vie des populations. Les sept pays pratiquent une forme ou une autre de gestion forestière participative à des niveaux différents. À quelques exceptions près, toutefois, l’approche est expérimentale, limitée à des zones particulières, et dépendante d’un soutien extérieur ponctuel. En outre, la base juridique du partage des avantages n’est souvent pas établie, si bien que les collectivités sont incapables de mettre en œuvre les accords négociés avec les gouvernements.

L’évaluation des conditions sociales, économiques et institutionnelles, là où la gestion forestière participative renforce la qualité de la forêt, les moyens d’existence et la gouvernance, fournirait des arguments valables pour développer la gestion forestière participative et lui accorder la priorité dans les PFN et l’allocation budgétaire.

La participation de la société civile aux processus de PFN est semblable à celle des SRP. Les groupes ruraux sont souvent moins satisfaits des efforts faits par le gouvernement pour les impliquer que leurs collègues qui travaillent dans les capitales. En général, les acteurs de la société civile craignent qu’en passant de l’aide des donateurs aux projets au sou­tien du budget central leur dépendance s’accroisse vis-à-vis du financement de l’État, ce qui, d’après eux, pourrait compromettre leur objectivité. Ils soutiennent aussi que cette nouvelle approche risque d’éliminer le soutien du projet aux communautés pour lesquelles les mesures visant à réduire la pauvreté sont les plus nécessaires.

Dans deux pays, les ONG se sont efforcées d’intégrer la foresterie dans les SRP. Le Gouvernement de la Namibie a passé un contrat avec une ONG écologiste pour organiser des consultations et produire une stratégie préliminaire, et le Gouvernement de Tanzanie a demandé à un groupement d’ONG d’analyser sa SRP, d’évaluer les besoins de formation
d’organisations clés et de mettre au point et de dispenser une formation en matière de liaison entre la pauvreté et l’environnement.

Plusieurs organisations sont bien placées pour partager expériences et informations, plaider et faciliter l’accès aux réseaux. Dans la mesure où les ressources sont disponibles pour les coentreprises, des partenariats plus forts pourraient renforcer la capacité des ONG de prendre en charge des questions d’intérêt commun, comme la coupe illégale, la gestion forestière participative, la décentralisation et le partage des avantages. Le partage des leçons sur la façon dont la foresterie contribue à la réduction de la pauvreté avec des groupes de la société civile étrangers renforcerait aussi la constitution de réseaux régionaux et internationaux.

La gestion forestière participative peut fournir des incitations à aménager les forêts et montrer le chemin à suivre pour améliorer les moyens d’existence (réunion communautaire forestière en Namibie)
FAO/FO-5565/M. France-Lanord

Sensibilisation et communication

Les communications et la commercialisation sont peut-être les composantes les moins bien financées du processus de politique forestière. Un meilleur usage des moyens de communication de masse, des brochures, des notes d’information, des ateliers et des documentaires pourrait rehausser l’image de la foresterie et sensibiliser l’opinion publique à son importance pour la réduction de la pauvreté. De même, les séances d’orientation à l’intention des membres du Parlement pourraient les renseigner quant aux contributions du secteur au développement national.

De nombreux forestiers, y compris ceux chargés de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des PFN, ne sont guère habitués à travailler dans plusieurs secteurs ou avec des processus de planification centrale. Ils sont donc moins bien renseignés sur les SRP qu’ils le pourraient, et sont souvent absents lorsque des groupes d’intérêt extérieurs prennent des décisions qui influencent les ressources forestières et les personnes qui en dépendent. De même, lorsque les organismes responsables des SRP ne connaissent pas les priorités des PFN, ils ne peuvent pas les prendre en compte lorsqu’ils élaborent leurs programmes, allouent des crédits et créent des indicateurs pour mesurer l’impact des interventions en faveur des pauvres.

L’accès limité aux documents et aux médias électroniques continue à entraver l’engagement efficace des parties prenantes et à interdire une meilleure compréhension des problèmes. Cependant, quelques pays ont produit et distribué des versions simples de leurs PFN et SRP, et ont montré ainsi comment la communication peut être utilisée pour forger le lien entre la foresterie et la réduction de la pauvreté. Les politiques et législation nationales devraient être expliquées en un langage clair, notamment les aspects relatifs à la gestion forestière participative. 

Conclusion

Les PFN pourraient mieux réaliser les objectifs nationaux de réduction de la pauvreté s’ils étaient mis à jour afin: d’accorder la priorité aux activités et domaines d’investissement en faveur des pauvres, de viser la réduction de la pauvreté et l’amélioration des moyens d’existence comme objectifs de base, de promouvoir la collaboration entre les autorités forestières et les responsables des SRP, de relier plus étroitement la foresterie aux réformes gouvernementales de base, d’incorporer les questions forestières à la collecte de données habituelle grâce à des enquêtes sur les ménages; d’affronter de manière globale des questions intersectorielles; d’élaborer des approches visant à capturer les nouveaux marchés pour les services environnementaux; et de mettre au point des systèmes de suivi et évaluation cohérents liés à la surveillance des SRP.
Bien que l’étude FAO sur les liens entre les PFN et les SRP soit en cours, les tendances suivantes se font jour:

Il est à souhaiter que les résultats de l’étude intégrale aideront les pays à renforcer la présence et l’influence de la foresterie dans des instruments de planification élargis – y compris les stratégies de réduction de la pauvreté – et accroître le soutien financier, institutionnel et stratégique à la réduction de la pauvreté.

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