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Editorial

Les forêts et l’eau

Les humains et les autres êtres vivants dépendent de l’eau pour leur vie et leur santé. Pourtant, d’après l’Organisation mondiale de la santé, 80 pour cent environ des populations du monde vivent dans des lieux où la seule eau disponible est malsaine. Les problèmes liés à l’eau, comme sa surexploitation, sa pénurie, sa pollution, les inondations et les sécheresses représentent un défi croissant pour le développement durable – comme l’a reconnu l’ONU en proclamant 2005-2015 la décennie de «L’eau, source de vie».

Les bassins versants boisés fournissent un important pourcentage de toute l’eau utilisée pour les usages domestiques, agricoles et industriels. La disponibilité et notamment la qualité de l’eau sont fortement influencées par les forêts et dépendent, dès lors, de leur bonne gestion. La quantité d’eau qu’absorbent les forêts revêt aussi une importance cruciale, du fait, en particulier, que les forêts plantées pour la fixation du carbone, l’énergie et l’approvisionnement en bois et la restauration du paysage font l’objet d’une attention mondiale croissante.

Pour introduire ce numéro d’Unasylva, I. Calder et ses coauteurs évaluent l’état des connaissances sur les interactions entre la forêt et l’eau et les politiques relatives. Ils soulignent la nécessité de réduire le fossé entre la recherche et la formulation des politiques, ainsi que l’importance d’établir des liens entre le secteur forestier et le secteur de l’eau. Ils mettent l’accent aussi sur l’exigence d’une évaluation rationnelle des services hydrologiques et autres que procure la forêt.

La végétation ripicole joue un rôle important de filtre des sédiments et des polluants. Le bambou est planté parfois dans les zones riveraines tropicales afin de conserver le sol et l’eau. Toutefois, dans une étude conduite en République démocratique populaire lao, O. Vigiak et ses coauteurs ont constaté que, pour ce faire, le bambou était moins efficace que les graminées indigènes; ils recommandent donc l’établissement d’une bande herbeuse le long des peuplements de bambou pour renforcer le piégeage des sédiments.

En Malaisie péninsulaire, le système des critères et indicateurs utilisé pour certifier les forêts naturelles tropicales comprend des normes de protection de l’eau. N.A. Chappell et H.C. Thang choisissent la plus importante de ces normes – une zone tampon de 10 mètres le long des cours d’eau dans laquelle est interdite l’exploitation forestière – et examinent son application aux plantations forestières et aux systèmes agroforestiers.

Le rapport entre les forêts et l’eau dans les zones arides et semi-arides soulève différents problèmes. La présence d’eau est normalement le principal facteur qui limite la répartition naturelle des arbres dans les terrains arides. M. Malagnoux, E.H. Sène et N. Atzmon étudient les stratégies visant à mettre fin à la dégradation de l’environnement et à la désertification dans les terres arides grâce, notamment, au reboisement, à la fixation des dunes, à l’établissement de ceintures vertes et à la mise en réserve de zones affectées à la régénération naturelle. Ils notent que les arbres ne devraient être plantés que dans les endroits où ils sont nécessaires et où le bilan hydrique le permet.

Le bassin versant du Tigre et de l’Euphrate joue un rôle vital dans le bilan hydrique de quatre pays du Proche-Orient où la concurrence pour l’eau est de plus en plus source de conflits. H.M. Kangarani et T. Shamekhi analysent les relations entre la forêt, l’eau et les populations dont il faut tenir compte dans la formulation des politiques et la collaboration visant la conservation et la gestion intégrées des ressources forestières et hydriques de la région.

Le mont Kulal, dans le Kenya du nord, s’élève au centre de l’une des régions les plus arides d’Afrique de l’Est. Surmonté de forêts de brouillard, il fournit des services hydrologiques importants aux zones environnantes. T.Y. Watkins et M. Imbuni examinent le rôle de source d’eau et de ressources naturelles de cet écosystème rare qui soutient les moyens d’existence des populations locales. En Ouganda, F. Kafeero estime que l’abaissement des niveaux d’eau du lac Victoria a accéléré la déforestation, car la production réduite d’énergie hydroélectrique force la population à exploiter les combustibles ligneux pour satisfaire ses besoins énergétiques.

Les forêts jouent aussi un rôle crucial dans l’approvisionnement en eau potable des populations urbaines. S. Stolton et N. Dudley notent que plus d’un milliard de citadins ne disposent pas d’eau propre. Un grand nombre des villes les plus peuplées du monde protègent les forêts afin d’assurer à leurs habitants des disponibilités suffisantes d’eau douce – dans certains cas grâce au paiement des services environnementaux.

Le changement climatique accroît la complexité du rapport forêt-eau. T. Stohlgren, C. Jarnevich et S. Kumar examinent les nombreux facteurs interactifs dont il faut tenir compte dans la prédiction des changements de disponibilité de l’eau. À l’aide d’exemples tirés d’une recherche menée dans le Colorado, États-Unis, ils identifient les interrelations entre l’hydrologie des forêts de montagne, le changement climatique, les utilisations foncières précédentes, l’altération des régimes de perturbation (fréquence des incendies, infestations d’insectes nuisibles, inondations, par exemple) et les espèces envahissantes.

En Amérique du Sud, la perte des forêts de nuages andines, imputable notamment à leur conversion à l’agriculture, a bouleversé le cycle hydrologique et accru les glissements de terrain et les dommages dus aux inondations liés au phénomène d’El Niño. M. Fernández Barrena et ses coauteurs analysent la viabilité d’un système de rétribution des services environnementaux visant à atténuer les effets d’El Niño, grâce à la conservation des forêts, des sols et de l’eau dans le bassin versant de Piura au Pérou; ils notent en outre qu’un tel système pourrait contribuer à améliorer les conditions de vie des agriculteurs vivant dans cette région montagneuse.

Enfin, P.C. Zingari et M. Achouri évaluent les progrès accomplis dans l’application des initiatives de politique générale, de planification et de mise en œuvre dans les cinq ans qui se sont écoulés depuis la réunion internationale d’experts tenue à Shiga, Japon, en 2002, qui a porté à l’attention internationale les interactions entre les forêts et l’eau. Les exemples présentés montrent clairement le resserrement des liens entre la gestion des ressources forestières et en eau aux niveaux mondial, régional et national.

S’il est vrai que les forestiers et les gestionnaires de l’eau ont intensifié leur collaboration, il n’en demeure pas moins que leurs échanges de compétences pourraient être développés ultérieurement. Des décisions prises en connaissance de cause sur la gestion intégrée des forêts et de l’eau dépendent de la recherche appliquée et de la communication de ses résultats aux responsables des politiques. Il est espéré que ce numéro d’Unasylva contribuera à renforcer le flux des informations et des connaissances, ainsi que l’approvisionnement en eau potable salubre.

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