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L'analyse de réseau appliquée aux projets forestiers bénéficiant de l'assistance internationale de la FAO

B. HUSCH

B. HUSCH, anciennement membre du Département des forêts, est actuellement affecté à la Division de l'analyse économique de la FAO. Il est l'auteur de plusieurs publications sur les techniques de mesure et les inventaires forestiers.

Depuis quelques années, la science de la gestion a mis au point une série de méthodes importantes que l'on applique progressivement à la foresterie avec des résultats spectaculaires. Ces méthodes comportent un ensemble de techniques aux noms ésotériques comme l'analyse de systèmes, l'établissement de modèles mathématiques, la programmation mathématique (linéaire, non linéaire et dynamique) et la simulation. On qualifie souvent de recherche ou analyse opérationnelle l'application scientifique de ces techniques au processus de prise de décision.

Dans le domaine de la recherche opérationnelle, on a élaboré un ensemble particulier de méthodes - défini au mieux par le terme «analyse de réseau» - qui se révèle un outil puissant pour la formulation et l'exécution des projets. Il y a à peine plus d'une décennie, la première forme d'analyse de réseau voyait le jour aux Etats-Unis sous l'appellation PERT (technique d'élaboration et de contrôle des programmes). Depuis lors, un certain nombre de méthodes analogues ou apparentées ont été élaborées, dont la plus connue est le CPM (méthode de chemin critique). Toutes, néanmoins, se fondant sur une représentation graphique, ou réseau, du projet, on désigne l'ensemble de ces méthodologies par l'expression analyse de réseau.

Utilisée tout d'abord pour la Défense nationale, l'analyse de réseau a rapidement été appliquée aux projets de construction, où elle a permis des économies substantielles de temps et d'argent. Le recours à cet instrument de gestion pour les projets forestiers est de date récente (Davis, 1968; Husch, 1969).

Au titre de son aide internationale aux projets de l'agriculture, des forêts et des pêches, la FAO commence à appliquer cette approche scientifique de formulation et d'exécution. Bien que l'exposé ci-après illustre l'application de l'analyse de réseau à des projets de développement forestier, la méthodologie est valable pour tout problème ou projet nécessitant un certain nombre d'activités liées entre elles et dépendantes du facteur temps.

Processus de gestion du projet

Pour appliquer convenablement l'analyse de réseau et en tirer les meilleurs résultats, il faut la considérer comme une partie seulement d'un processus plus vaste de gestion. Aussi est-il bon, avant d'aborder les complexités du modèle graphique, d'examiner le processus de gestion pour voir quelle place y occupe l'analyse de réseau.

Les phases fondamentales de ce processus de formulation et d'exécution d'un projet sont récapitulées, sous forme de diagramme, à la figure 1. Selon ce diagramme simplifié, il importe avant tout, lors de la préparation de tout projet, de déterminer et de définir les objectifs qu'on propose d'atteindre. Par la suite, les résultats seront mesurés et évalués en fonction de ces objectifs.

FIGURE 1. - Processus de formulation et de gestion d'un projet.

Le processus passe alors à la phase de planification, qui a pour objet de décider des activités nécessaires pour atteindre l'objectif du projet ainsi que de leur séquence et de leur interdépendance. C'est là qu'intervient le graphe ou modèle du réseau.

La figure 1 montre que le processus passe alors à sa troisième phase, celle de l'ordonnancement en unités de temps. Cette opération a pour but d'établir un calendrier des activités du projet qui tienne compte des ressources disponibles et de leur utilisation rationnelle et qui soit compatible avec la date à laquelle devrait s'achever le projet.

Les opérations du projet démarrent alors comme indiqué à la quatrième phase de la figure 1. Pendant leur déroulement, il importe de comparer constamment les activités effectives aux activités prévues. On peut ainsi repérer rapidement les difficultés éventuelles présentées par le projet et chercher à les résoudre avant qu'elles n'aient de graves conséquences.

A mesure que se poursuivent les opérations du projet, des modifications peuvent s'imposer au plan. L'évaluation des effets de ces changements éventuels constitue la cinquième phase du processus. Les modifications envisagées peuvent porter sur l'ordonnancement, sur les activités prévues, voire sur les objectifs du projet. Après une évaluation appropriée, on décide des modifications nécessaires et on remanie le projet. Cette action cyclique est illustrée à la figure 1 par les flèches de retour. La révision peut remonter à l'ensemble ou à une partie de ces trois phases, selon les modifications requises par le projet. Il s'agit là d'un processus dynamique et constant qui se répète autant de fois qu'il le faut jusqu'à l'achèvement du projet.

Le rôle de l'analyse de réseau dans le processus de gestion

L'analyse de réseau permet d'aborder, avec une logique rigoureuse, la formulation et l'exécution du projet, en insistant sur la planification et l'identification préalables d'éléments critiques.

Les différentes phases de l'analyse de réseau dans le processus de gestion peuvent se résumer comme suit:

a) Spécification des objectifs détaillés du projet.

b) Choix des activités nécessaires pour atteindre chacun de ces objectifs et estimation des ressources et du temps requis par chacune de ces activités.

c) Construction, sous forme de réseau, d'un graphe indiquant la séquence, les interdépendances et liaisons prévues entre les activités du projet.

d) Calcul des estimations de temps pour l'achèvement des activités et du projet ainsi qu'identification des chemins critiques du réseau.

e) Etude et évaluation du modèle de projet, c'est-à-dire du réseau, afin de déterminer s'il relie logiquement toutes les parties du projet et si les objectifs peuvent être atteints dans des délais raisonnables, moyennant une utilisation rationnelle des ressources. A partir de ces évaluations et de toutes modifications ultérieures, on établit alors l'ordonnancement des activités et des étapes du projet.

f) Utilisation du réseau et des ordonnancements pour suivre les progrès du projet, en comparant les résultats, délais et coûts prévus et effectifs, en identifiant les problèmes posés par le projet, et en y remédiant par des mesures correctives ou des modifications au projet.

Objectifs du projet

L'analyse de réseau n'est que trop souvent considérée comme un simple moyen d'organiser les activités d'un projet, en se concentrant sur l'établissement d'un diagramme et le calcul des temps. Pour tirer pleinement parti de cette analyse, il faut commencer par rechercher attentivement les objectifs du projet. Ce n'est qu'après avoir décidé de ces derniers et défini les activités à exécuter pour les atteindre que l'on doit passer à la construction du graphe.

Pour l'analyse et la sélection des objectifs du projet, il est utile de recourir à la méthode dite de «structuration des objectifs». Selon cette dernière, les objectifs d'un projet s'étagent en plusieurs niveaux de précision, à l'image d'une pyramide. Au premier niveau, soit au sommet, l'objectif premier fixe dans ses grandes lignes le but général souhaité. Cet objectif unique peut alors se subdiviser en une série d'objectifs corollaires de plus en plus précisés. Dès que sont atteints les groupes d'objectifs corollaires à un niveau, on passe à la réalisation des objectifs du niveau supérieur dans la hiérarchie. C'est ainsi que l'objectif premier peut être scindé, à un deuxième niveau, en plusieurs objectifs particuliers plus détaillés. Ces derniers, à leur tour, peuvent se décomposer, à un troisième niveau, en objectifs encore plus spécifiques et limités. Ces niveaux d'objectifs doivent être aussi nombreux qu'il le faut pour identifier clairement les activités ou tâches qui permettront de les atteindre. La figure 2 illustre cette structuration des objectifs; elle se rapporte à un projet hypothétique de développement forestier dans un pays quelconque. Le graphique de la figure 2 indique la hiérarchie des objectifs toujours plus détaillés à mesure que l'on approche des niveaux inférieurs. La légende définit les objectifs correspondant au graphe. En pratique, on étudie la possibilité de subdiviser tous les objectifs à chacun des niveaux, en veillant à ne pas descendre en deçà du niveau qui s'impose pour fixer un but qu'on puisse atteindre moyennant seulement quelques activités clairement définies. Il s'agit là des objectifs au niveau «exécution»; ils sont indiqués en italique dans la légende.

Cette structure ne constitue pas un «flow chars» mais plutôt une organisation d'objectifs connexes mais séparés. Elle ne prétend pas indiquer comment atteindre ces derniers mais permettre seulement de dégager les résultats auxquels il faut tendre. C'est au cours des phases de planification et d'ordonnancement du processus de gestion que sont définis la stratégie et les travaux nécessaires pour atteindre ces objectifs.

FIGURE 2. - Exemple structuration d'objectifs de projet.

Légende (les objectifs au niveau exécution sont indiqués en italique):

1. Aide au gouvernement pour la préparation d'un plan global de développement des forêts et des industries forestières

2. Informations sur les ressources forestières du pays: essences, dimensions, emplacement, accessibilité et valeur

21. Données de reconnaissance sur les ressources forestières naturelles
22. Rassemblement et analyse des données existantes sur les ressources forestières
221. Rassemblement et analyse des données d'inventaire existantes sur les plantations
222. Rassemblement et analyse des données d'inventaire existantes sur les forêts naturelles
23. Données détaillées d'inventaire sur la zone d'aménagement pilote
24. Données détaillées d'inventaire sur certaines zones forestières à fort potentiel

3. Informations sur la consommation et la commercialisation des produits du bois

31. Données connues sur la consommation de bois dans les années passées et prévisions de l'évolution future
32. Données connues sur les exportations et importations des produits du bois et prévisions de l'évolution future

4. Détermination du rôle des plantations forestières

41. Détermination des sites propres à l'établissement de plantations
42. Détermination des espèces d'arbres convenant aux plantations
43. Démonstration de l'établissement d'une plantation
44. Données connues sur les facteurs économiques de l'établissement, de l'aménagement et de l'exploitation des plantations
45. Détermination des techniques à ad opter pour l'établissement de plantations

5. Détermination des mesures à prendre pour aménager les peuplements naturels en vue d'obtenir des rendements meilleurs sans nuire aux sols

51. Connaissance des techniques appropriées d'aménagement forestier
52. Préparation de plans d'aménagement des peuplements naturels
53. Démonstration d'aménagement des peuplements naturels
54. Connaissance des pratiques agricoles pouvant se combiner à l'utilisation forestière (exemple, culture du cacao)
55. Renseignements sur les méthodes d'exploitation convenant aux peuplements naturels et recommandations à cet effet

6. Formation de personnel local qualifié

61. Formation «en service»
62. Cours à l'intention du personnel du projet
63. Elaboration d'un programme pour boursiers

7. Aide au gouvernement pour la préparation d'une législation appropriée

71. Etude de la législation rurale existante et recommandations
72. Etude des institutions existantes et recommandations

8. Aide à la préparation d'un plan de développement des industries forestières

TABLEAU 1. EXEMPLE D'UNE LISTE DES ACTIVITÉS A ORGANISER POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS AU NIVEAU EXÉCUTION DANS LA PLANIFICATION D'UN PROJET
(Voir figure 2: Exemple de structuration d'objectifs de projet)

Objectif au niveau exécution

Activité

Rassemblement et analyse des informations existantes sur les peuplements naturels

Rassemblement et étude des données existantes sur les ressources forestières des peuplements naturels

Rassemblement et analyse des informations existantes sur les plantations

Rassemblement et étude des données existantes sur les ressources forestières des plantations

Données d'inventaire de reconnaissance sur les ressources forestières naturelles du pays

Reconnaissance des forêts dans la zone du projet et établissement de spécifications en vue de l'exécution d'inventaires sous contrat

Négociation du contrat en vue de l'exécution d'inventaires de reconnaissance et d'inventaires intensifs

Inventaire de reconnaissance des peuplements naturels dans la zone du projet

Données détaillées d'inventaire sur certaines zones forestières à fort potentiel

Inventaire intensif, sous contrat, de certaines zones forestières

Données détaillées d'inventaire sur la zone d'aménagement pilote

Inventaire intensif, sous contrat, de la zone d'aménagement pilote

Données sur la consommation de bois dans les années passées et prévision de l'évolution

Etudes et prévisions en matière de consommation de bois

Données sur les quantités de produits du bois exportées et importées par le passé et prévision de l'évolution

Etudes de commerce et de marché des produits de bois

Données sur la rentabilité de l'établissement, de l'aménagement et de l'exploitation de plantations

Etudes de rentabilité des plantations

Détermination des sites pour l'établissement de plantations

Reconnaissance pédologique et écologique de la zone du projet

Choix de l'emplacement de la plantation

Détermination des espèces d'arbres convenant aux plantatations

Création et fonctionnement d'une pépinière

Essais d'espèces

Détermination des techniques d'établissement de plantations

Démonstration d'établissement d'une plantation

Elaboration d'un programme de plantation

Données sur les techniques appropriées d'aménagement forestier

Etudes et essais d'aménagement forestier

Etudes sur les rapports agriculture-forêt dans le cadre d'une utilisation combinée des terres (culture du cacao essentiellement)

Plans d'aménagement des peuplements naturels

Préparation de plans d'aménagement forestier

Démonstration d'aménagement d'un peuplement naturel

Choix d'une zone d'aménagement pilote

Démonstration d'aménagement forestier

Formation «en service»

Participation du personnel local à toutes les activités

Programme de boursiers

Octroi de bourses pour formation et voyages d'étude

Cours destinés au personnel du projet

Organisation, dans le cadre du projet, de cours sur les inventaires forestiers, les méthodes d'établissement de plantations et l'aménagement forestier

Rapport sur la législation rurale et recommandations

Etude de la législation rurale se rapportant à la foresterie et aux industries forestières

Rapport sur les institutions et recommandations

Etude des institutions en rapport avec la foresterie et les industries forestières

Plan de développement des industries forestières

Etablissement d'un plan de développement des industries forestières

Administration du projet

Achat de:

Disponibilité de matériel et fournitures

 

véhicules

 

instruments et matériel d'inventaire

 

matériel de pépinière et de plantations

 

semences

 

photographies aériennes

 

matériel d'aménagement forestier

 

matériel d'exploitation et de transport forestiers

Affectation de personnel international et local

Recrutement de personnel international et local (les besoins d'effectifs seront déterminés après l'analyse de réseau)

Contrats pour études et prestations de service

Passation d'un contrat pour inventaires forestiers

Passation d'un contrat pour essais de bois

Planification du projet

Cette planification consiste à préparer, avant les opérations, un plan d'action ou méthode exposant les activités à exécuter pour atteindre les objectifs précédemment établis. Cette planification comporte deux phases:

a) Description des activités à accomplir; ordre ou séquence logique de leur déroulement; identification des conditions préalables à remplir avant leur déclenchement ainsi que de leurs interdépendances et liaisons avec d'autres activités du projet.

b) Estimations de la durée de chacune des activités du projet, avec indication des dates de début et de fin ainsi que de la date d'achèvement du projet lui-même.

L'analyse de réseau est une aide précieuse pour l'accomplissement de ces deux phases de planification. Dans toute méthode de planification de projet faisant appel à l'analyse de réseau, il faut d'abord décrire toutes les tâches à mener à bien pour atteindre les objectifs fixés. Ces tâches, dans le cadre de l'analyse de réseau, portent le nom d'«activités».

La préparation de cette liste d'activités requiert un gros effort mental. Le tableau 1 donne l'exemple d'une liste détaillée d'activités en vue de l'exécution d'un projet hypothétique de développement forestier. On a dressé cette liste en commençant par dégager, de la structure des objectifs du projet figurant à la figure 2, tous les objectifs au niveau exécution, et en les énumérant dans la colonne «Objectif au niveau exécution». Dans la colonne «Activité», on a fait alors apparaître toutes les opérations jugées nécessaires pour atteindre chacun de ces objectifs. On peut procéder à une planification plus détaillée en élargissant la liste et en subdivisant le nombre des activités. En outre, nombre d'autres tâches administratives nécessaires à l'exécution de cette liste d'activités techniques pourraient être indiquées de façon plus détaillée. Celles-ci peuvent inclure l'achat de matériel, d'instruments, de photographies aériennes et de fournitures, le recrutement de personnel, etc.

Une fois dressée la liste des activités, on détermine leur interdépendance et leur succession, moyennant la construction du réseau.

Construction du réseau

Le réseau illustre graphiquement le système représentant les activités d'un projet. Il s'agit d'un modèle logique figurant les rapports entre les activités constitutives et en indiquant l'enchaînement depuis le début jusqu'à la fin du projet. Le réseau de la figure 3, correspondant au projet hypothétique de développement forestier, comporte une série de flèches représentant les activités consommatrices de temps, de main-d'œuvre et autres ressources. La description des activités figurées par chacune des flèches est donnée dans la première colonne du tableau 2. L'une des caractéristiques majeures de ce réseau est qu'il permet de faire apparaître les interdépendances et successions du fait que l'on doit déterminer quand peuvent débuter et se terminer les activités en fonction les unes des autres. Chacune de celles-ci commence et finit à un noeud, appelé étape (cercles numérotés). Chaque étape représente un moment dans le temps, qu'il s'agisse du début ou de la fin d'une ou de plusieurs activités.

La construction du graphe, exercice de raisonnement logique, est d'importance fondamentale pour la planification et l'exécution du projet. On commence par décider des activités qui peuvent être déclenchées sans avoir à en exécuter aucune autre au préalable. Ces activités sont représentées par des flèches partant de la première étape ou début du projet. La fin. de chacune de ces activités constitue une étape. On indique alors les activités qui peuvent logiquement découler de ces premières activités ou qui en dépendent, sous forme de nouvelles flèches partant des étapes précédentes. Puis on répète le processus jusqu'à incorporation dans le réseau de toutes les activités figurées par des flèches montrant leur enchaînement logique et toutes leurs interdépendances. Il ne faut pas s'attendre que les premières tentatives de construction d'un réseau donnent un plan de projet optimal, voire satisfaisant. Des révisions répétées s'imposeront pendant l'établissement du graphe et même plus tard avant que le réseau soit satisfaisant. C'est précisément au cours de cet examen et de cette révision qu'apparaîtra la valeur du réseau. Cette méthode exigeant l'examen des rapports logiques et séquentiels entre toutes les activités du projet, tout enchaînement illogique et impossible saute aux yeux.

Pour comprendre le graphe de la figure 3, il suffit de bien saisir les quelques règles simples ci-après:

1. Chaque activité est représentée par une flèche limitée à chaque extrémité par une étape que figure un petit cercle contenant un numéro. L'étape en queue de flèche représente le début de l'activité, celle en tête de flèche en indiquant l'achèvement.

2. La longueur, la courbure ou les directions des flèches n'ont pas d'importance.

3. Plusieurs activités peuvent démarrer à partir d'une seule étape «d'éclatement» (départ de plusieurs activités), comme elles peuvent se terminer à une seule «étape de fusion» (aboutissement de plusieurs activités).

4. Aucune activité ne peut être déclenchée avant que ne soient accomplies toutes celles qui la précèdent.

5. Le graphe fait apparaître deux sortes de flèches, l'une en trait plein, l'autre en pointillé. Le trait plein indique une activité consommatrice de' temps ou de ressources, le pointillé une activité «fictive» n'exigeant ni temps ni ressources et indiquant simplement une liaison entre étapes.

6. Le graphe ne tente pas de proportionner la longueur des flèches à la durée de l'activité.

7. Les étapes sont numérotées aux fins de repérage. Les activités peuvent alors être identifiées en citant les numéros des deux étapes qui bornent l'activité en question, comme indiqué dans la deuxième colonne du tableau 2.

Le réseau de la figure 3 n'est qu'un graphe logique, sans autre indication de temps que les numéros au-dessus des flèches représentant l'estimation de la durée de l'activité. Une étude attentive fera ressortir tous les rapports logiques éventuels, y compris les activités fictives, la division des activités en phases, les étapes d'éclatement et les étapes de fusion.

ESTIMATION DE LA DURÉE NÉCESSAIRE DES ACTIVITÉS

Le réseau de la figure 3 ne fait apparaître que l'ordonnancement et les liaisons. Ce travail ne représente qu'une: partie de l'analyse de réseau dans la planification des projects; l'autre partie intéresse le calcul des dates de début et de fin des activités et du programme.

L'analyse de réseau exige que l'on estime les délais nécessaires pour mener à bien chacune des activités composant le projet et représentées par des flèches sur le graphe. Ces estimations sont données dans la troisième colonne du tableau 2 et inscrites au-dessus des flèches à la figure 3. Toutes les estimations chronologiques ultérieures partent de ces durées.

La méthode d'analyse de réseau utilisée pour les projets de la FAO fait appel à une seule estimation, aussi précise que possible, calculée en fonction de l'expérience et des connaissances disponibles. On a jugé en effet peu pratique le calcul des probabilités prévu par certaines autres méthodes d'analyse comme le PERT, qui exige trois estimations de temps pour chaque activité, à savoir la plus pessimiste, la plus optimiste et la plus probable. Au cours des révisions ultérieures du projet, les durées des activités peuvent être modifiées s'il y a lieu, sans jamais oublier toutefois qu'il peut s'ensuivre des changements dans les objectifs du projet ou les ressources nécessaires pour exécuter une activité.

CHEMIN CRITIQUE

Si l'on considère le projet comme un réseau, il est évident que ce dernier comporte, depuis l'origine jusqu'à la fin, de nombreuses séquences d'activités qu'il convient d'exécuter pour atteindre tous les objectifs.

Certaines de ces séquences peuvent être indépendantes du reste des activités et d'autres y être associées. C'est ainsi que la même activité peut dépendre de plusieurs séquences. La combinaison des activités constituant une séquence depuis la première jusqu'à la dernière étape s'appelle un «chemin». L'aboutissement du projet figuré par le réseau suppose l'aboutissement de chaque chemin, qui suppose l'aboutissement de chaque activité. Le temps nécessaire pour aller jusqu'au bout d'un chemin est égal à la somme de toutes les activités sur ledit chemin. Le chemin exigeant le plus de temps est appelé «chemin critique» et il est constitué par les activités critiques. Tous les autres chemins du réseau sont plus courts. La durée nécessaire pour accomplir toutes autres séries d'activités sera moindre, mais leur exécution prématurée n'activera pas pour autant l'achèvement total du projet. On appelle «marge» la différence entre la durée du chemin critique et celle de tout autre chemin. Tout retard dans l'accomplissement d'une activité figurant sur le chemin critique entraînera un décalage dans l'exécution du projet dans son ensemble. Par contre, des retards peuvent se produire sur les chemins non critiques jusqu'à concurrence du temps de marge sans pour autant augmenter le délai d'exécution du projet dans son ensemble.

CALCUL DES ESTIMATIONS DE DURÉE DES ACTIVITÉS ET DES ÉTAPES

Les calculs de temps les plus importants dans une analyse de réseau sont les suivants:

Pour chaque activité

Date de début au plus tôt
Date de fin au plus tôt
Date de début au plus tard
Date de fin au plus tard
Marge totale

Pour chaque étape

Date au plus tôt de réalisation
Date au plus tard de réalisation

Les calculs font appel à l'arithmétique simple. On peut les systématiser sous la forme d'un tableau établi soit manuellement, soit à l'aide d'un ordinateur. Pour les réseaux élémentaires du type indiqué à la figure 3, une méthode pratique consiste à préparer un graphe modifié, comme celui apparaissant à la figure 4, qui permet d'exécuter directement tous les calculs sur le réseau.

Malgré leur apparente complexité, le graphe et les calculs sont fondamentalement très simples. La signification des divers symboles et chiffres ressortira clairement si l'on examine un projet très simple illustré à la figure 5. Supposons tout d'abord que ce graphe ne contient aucun chiffre si ce n'est ceux nécessaires pour identifier les étapes, inscrits à la partie supérieure de chaque cercle, et la durée, chiffres inscrits au-dessus de chacune des flèches. Toutes les autres estimations de temps à porter dans les cases vides sont calculées moyennant deux examens, l'un partant de l'origine, l'autre de la fin (compte à rebours). Dans le premier cas, on inscrit un zéro pour la date de réalisation au plus tôt de l'étape 1 (en bas et à gauche du cercle), qui coïncide avec la date au plus tôt de début de toutes les activités y prenant leur origine. La durée de chaque activité est alors ajoutée à la date au plus tôt de début pour obtenir la date au plus tôt de fin d'activité figurant dans la case en tête de la flèche représentant l'activité. Lorsqu'une seule flèche aboutit à une étape, la date de fin d'activité coïncide avec la date au plus tôt de réalisation de l'étape et elle est reproduite dans la partie inférieure gauche du cercle. Si, par contre, plusieurs activités aboutissent à une étape, la plus lointaine des dates au plus tôt de fin des activités devient la date au plus tôt de réalisation de l'étape. Tous les calculs successifs de ce premier examen s'opèrent ensuite de façon identique. On arrive ainsi à l'étape 9 et le chiffre 20, c'est-à-dire la plus lointaine des dates au plus tôt de fin des activités, est inscrit comme date au plus tôt d'achèvement du projet. On reprend alors les calculs en sens inverse. En partant de l'hypothèse que la date admissible au plus tard pour la dernière étape coïncide avec celle possible au plus tôt pour la réalisation, on inscrit le chiffre 20 en bas et à droite du cercle. Cette date devient alors également la date admissible au plus tard pour l'achèvement de toutes les activités précédentes. En soustrayant de cette date la durée de chacune des activités précédentes, on obtient la date au plus tard de début que l'on inscrit alors dans la case en queue de chaque flèche. Lorsqu'une seule activité part de l'étape précédente, la date au plus tard de début de cette activité coïncide aussi avec celle au plus tard de réalisation de l'étape en question et l'on inscrit le même chiffre en bas et à droite du cercle. Dans le cas de plusieurs activités partant d'une étape précédente, la plus rapprochée des dates au plus tard de début correspond à celle admissible au plus tard de réalisation qui est reportée en bas et à droite du cercle. Ce demie; chiffre devient alors la date au plus tard de fin de l'activité ou des activités immédiatement précédentes, et les calculs se poursuivent ainsi en remontant vers l'origine jusqu'à ce que l'on ait déterminé la date admissible au plus tard de réalisation pour la première étape. Si tous les calculs sont justes, on doit obtenir le chiffre zéro.

TABLEAU 2. - EXEMPLE D'UNE LISTE D'ACTIVITÉS POUR ANALYSE DE RÉSEAU D'UN PROJET

Activité

Numéro d'identification

Estimation de la durée (mois)

Activités préalables nécessaires

Etablissement du siège du projet

10;20

1

-

Acquisition du matériel:





1re phase, véhicules et enquête pédologique

10;30

3

-


2e phase, inventaire et pépinière

30;50

5

(10;30) (20;30)


3e phase, plantation

50;220

7

(30;50)


4e phase, aménagement, exploitation et transport

220;240

3

(50;220)

Rassemblement et étude des données existantes sur les ressources forestières des plantations

20;40

2

(10;20)

Rassemblement et étude des données existantes sur les ressources forestières des peuplements naturels

20;60

3

(10;20) (10;30)

Etablissement d'un programme de cours dans le cadre du projet

20;70

1

(10;20)

Cours de formation à l'exécution d'inventaires forestiers

70;80

2

(20;70)

Cours de formation à l'établissement de plantations

80;120

2

(70; 80)

Cours de formation à l'aménagement forestier

120;130

2

(80;120)

Reconnaissance pédologique et écologique de la zone du projet:





1re phase

30;40

3

(10;20) (10;30)


2e phase

40;430

9

(30;40) (20,40)

Reconnaissance des forêts dans la zone du projet et établisse ment de spécifications en vue de l'exécution d'inventaires sous contrat

60;90

1

(20;60) (10;30)

Négociation du contrat pour l'exécution d'inventaires de reconnaissance et d'inventaires intensifs

90;100

3

(60;90)

Inventaire destiné à reconnaître les peuplements naturels dans la zone du projet

100;110

6

(90;100) (30;50) (70;80)

Choix de l'emplacement de la plantation

40;190

1

(20;40) (30;40)

Création d'un siège sur le terrain et d'une pépinière

190;210

2

(80;120) (30;50) (40;190)

Opérations en pépinière:





1re phases

210;230

2

(190;210)


2e phase

230;380

8

(50;220) (210;230) (190;200)


3e phase

380;410

6

(230;380)


4e phase

410,480

5

(380,410)

Choix des sites de plantations expérimentales

190;200

1

(40;90) (30;50)

Essais d'espèces:





1re phase

230;390

8

(50;220) (210;230) (190,200)


2e phase

390;400

6

(230;390)


3e phase

400;470

4

(390;400)

Essais de méthodes et de matériel de plantation

230;420

8

(50;220) (210;230) (190;200)

Démonstration d'établissement de plantation:





1re phase

420;430

6

(230;260) (230;430)




(230;390) (230;380)


2e phase

430;450

5

(420;430) (290;300)




(290;310) (290;320)




(40;430) (380;410)




(390;400)

Etablissement d'un programme de plantation

430;440

1

(290;320) (290;310)



(290;300) (420;430)



(40;430) (380;410)



(390;400)

Ajustement du contrat pour l'inventaire intensif de certaines zones forestières et de la zone d'aménagement pilote

110;150

1

(100;110)

Inventaire intensif, sous contrat, de certaines zones forestières

150;270

10

(110;150)

Inventaire intensif, sous contrat, de la zone d'aménagement pilote

160;250

2

(110;150) (110;160)

Etudes et prévisions et matière de consommation de bois

170;250

4

(10;20)

Négociation du contrat pour les essais de bois

110;140

3

(100;110)

Essais de bois, sous contrat

140;270

8

(110;140)

Etude sur le commerce et les marchés des produits du bois

170;180

4

(10;20)

Etudes sur la rentabilité des plantations

230;260

4

(50;220)(210;230)



(190;200)

Etude de la législation rurale touchant à la foresterie et aux industries forestières

290;310

3

(10;20)

Etude des institutions dans le domaine de la foresterie et des industries forestières

290;320

3

(10;20)

Choix de la zone d'aménagement pilote

110;160

1

(100;110)

Démonstration d'aménagement forestier

270;370

9

(140;270) (150;270) (250 270)

Etudes et essais d'aménagement forestier:





1re phase

250;270

6

(120;130) (160,250)




(170;250) (170;180)




(220;240)


2e phase

270;340

4

(140;270) (150;270)


3e phase

340;360

4

(270;340)

Etude des rapports agriculture-forêt

290;300

6

(10;20)

Elaboration de plans d'aménagement forestier

330;440

5

(250;280) (140;270)



(150;270) (250;270)



(290;320) (290;310)



(290;300)

Etudes sur l'exploitation et le transport

250;280

6

(120;130) (160;250)



(170;250) (170;180)



(220;240)

Démonstration d'exploitation et de transport

280;350

10

(250;280)

Elaboration d'un plan de développement des industries forestières

440;490

6

(270;340) (330;440)



(430;440)

FIGURE 3. - Exemple de réseau pour un projet de développement des ressources forestières.

FIGURE 4. - Analyse de réseau, projet PNUD - Développement des ressources forestières.

FIGURE 5. - Calcul des durées directement sur le graphe du réseau.

Seuls manquent maintenant les chiffres à porter dans les petits cercles situés au milieu de chaque flèche correspondant à une activité. Cet espace est réservé à la marge totale, que l'on peut déterminer en même temps qu'on procède au compte à rebours. La marge totale peut être définie de diverses façons, la plus simple et la plus aisée consistant à partir du principe qu'elle représente la différence entre les dates au plus tôt et au plus tard de fin de chaque activité. Sur le graphe, il s'agit simplement de la différence entre le chiffre apparaissant dans la case en tête de flèche et celui figurant en bas et à droite du cercle de l'étape, indiquant la fin de l'activité.

Toutes les activités comportant un zéro dans le cercle réservé à la marge totale constituent le chemin critique. Toutes les autres, ayant une marge supérieure à zéro, peuvent être retardées jusqu'à concurrence du chiffre indiqué sans retard dans l'achèvement du projet.

ORDONNANCEMENT

La troisième phase du processus de gestion illustré par la figure 1 est l'ordonnancement. L'ordonnancement du projet doit se conformer à la planification et respecter la séquence des activités ainsi que les estimations de temps dégagées de l'analyse du réseau.

L'ordonnancement consiste à transcrire un plan de projet (à savoir le graphe, et les calculs de temps) sous forme de calendrier. Les dates de celui-ci indiquent le début et la fin de chacune des activités et de l'ensemble du projet.

On décide du calendrier de chaque activité après examen des dates de début et de fin au plus tôt et au plus tard précédemment calculées. Les limites extrêmes de l'ordonnancement d'une activité sont fixées par sa date au plus tôt de début et sa date au plus tard de fin. Le déclenchement d'une) activité peut se situer à tout moment entre ces deux dates. Lorsque l'on fixe le déclenchement d'une activité après sa date au plus tôt de début, il ne faut pas oublier que la marge de temps disponible s'amenuise pour, finalement s'annuler si l'on opte pour la date au plus tard de début. Il va de soi que les activités ne bénéficiant d'aucune marge ont la même date au plus tôt et au plus tard de début et qu'elles ne laissent aucune latitude à l'ordonnancement.

On peut alors se fonder sur les résultats de l'analyse ci-dessus pour décider de la main-d'œuvre, du matériel et autres ressources nécessaires ainsi que de leur ordonnancement. A mesure de l'exécution des opérations, les progrès effectifs doivent être constamment vérifiés par rapport au plan et à l'ordonnancement du projet. Ainsi, on s'aperçoit aussitôt des travaux qui ne se déroulent pas conformément au calendrier et on peut en prévoir les effets sur les activités ultérieures. Cette méthode permet de détecter les problèmes éventuels avant qu'ils n'aient des conséquences fâcheuses et d'y remédier.

Références

DAVIS, J. B. 1968 Why not PERT your next resource management problem? J. For., 66: 405-408.

HUSCH, B. 1969 Manuel pour l'application des techniques d'analyse de réseau à la planification, l'exécution et le contrôlé des projets du PNUD. Rome, FAO.


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