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LA PECHE CREVETTIERE EN COTE D'IVOIRE - RESSOURCE PARTAGEE

La pêche maritime crevettière opère sur des fonds vaseux situés à l'Ouest des principales embouchures.

Fig 5

Fig.5 - Carte de répartition géographique des fonds à Penaeus duorarwn en Côte d'Ivoire.

Tiré de: CAVERIVIERE. La pêche industrielle… p72

Selon Caverivière la pêche a eu lieu surtout dans les fonds compris entre 21 et 50 m, généralement en dehors du premier mille marin (1). Le gérant devl'armement crevettier a confirmé cette information, il affirme ne jamais avoir eu d'accrochages avec des pêcheurs artisanaux en mer.

La pêche crevettière maritime a repris ses activités en Côte d'Ivoire dans le 3ème trimestre de l'année 1983 après que l'armement “Sicrus” avait fait faillite. La flotte est aujourd' hui composée de 3 navires crevettiers qui appartiennent à l'armement “Sidafri” (les navires sont immatriculés au Sénégal). Par le passé, particulièrement au début des années 70 la flotille crevettière exploitait les fonds crevettiers dans les pays voisins. Aujourd'hui les 3 navires pêchent uniquement dans les eaux ivoirienn Les 3 licences qui ont été accordées ne verront probablement pas leur nombre augmenter, dans l'immédiat en tous cas, pour ne pas mettre le stock en danger (Comm. Pers. de l'armateur).

Selon le gérant de l'armement le stock est particulièrement menacé par la pollution en lagune Ebrié et par une exploitation abusive de la crevette en lagune.

(1) CAVERIVIERE Les éspèces … p71

La production maritime depuis l'entrée en activité de l'armement “Sidafri” en septembre 1983 jusqu'en août 1984 est de 281 646 KG (soatistiques Sidafri transmises au contrôle sanitaire du port). L'intégralité de cette production est exportée vers la France. Les crevettes sont congelées entières. Les exportations sont soumises à une taxe de 8,6% (Comm. pers. armement)

Les lieux de pêche sont divisés en 3 grandes zones (voir carte p 17) maritimes pour les navires crevettiers. On peut a jouter que la moitié de la zone se trouvant au large de port Bouët est interdite de pêche à cause des installations pétrolières (comm. pers. armement)

La pêche artisanale en lagune, - quelques exemples

Les lieux de pêche à la crevette en lagune se situent principalement en lagune Ebrié, près du bac de Jacqueville, dans les lagunes de Grand Lahou et près d'Assinie. Cette pêche se pratique d'une manière artisanale.

Les pêcheurs crevettiers sont en majorité Béninois immigrés en Côte d'Ivoire vers la fin des années 60 (Comm. pers. M Moïse, Chef de campement). Ils sont parfois propriétaires de leurs moyens de production (ex: campement Moïse), parfois employés par des Ivoirier (ex: Songo-Te). Les autochtones Ebriés par exemple sont payés par les Béninois pour les plans d'eau qui leur sont cédés. Néanmoins les arrangements semblent problématiques et les conflits entre les communautés étrangères et autochtones sont exacérbes (tout au moins en lagune Ebrié). Les Ebriés ont interdit aux Béninois d'utiliser leurs grands filets à crevettes et ils n'ont pas le droit de pêcher du poisson, leur production se compose donc uniquement de crevettes et de crabes. (Comm. pers. Chef Moïse)

Le nombre de ces étrangers n'est pas exactement connu. Ils reconnaissent eux même être trop nombreux et exercer un effort de pêche excessif, en moyens et dans le temps.

- Les mailles des filets normalement réglementées à 14 mm sont presque toujours de 6mm. Les contrôles ne semblent pas avoir lieu souvent puisque les villageois du campement Moïse disent n'avoir jamais été soumis à un contrôle de la part du service des pêches.

- Les passages laguniers ressérés où le courant est particulièrement fort et les migrations de crevettes importantes sont encombré de filèts fixes qui laissent l'observateur perplexe sur la chance qu'ont les crevettes d'échapper à un tel quadrillement. La monopolisation d'un passage par les pêcheurs est plus marquée encore à Grand Lahou où le chenal qui relie la lagune à la mer est régulièrement bouché par le sable depuis la construction du barrage hydroélectrique sur le fleuve Bandama. Ce phénomène entrave les migrations de crevettes, mais un chenal est régulièrement creusé de manière à ce que le passage soit assuré. L'étroitesse de ce chenal tente les pêcheurs d'y poser leurs filets qui l'obstruent dans toute sa largeur. Le pêcheur qui tend son filet en amont du courant a toutes les chances de capturer toutes les crevettes migrantes au détriment des autres pêcheurs ( le centre des pêches de Grand Lahou nous a signalé de très violents conflits). La manière indiscriminée dont les crevettes sont capturées - le maillage n'étant pas respecté- risque d'influencer négativement la conservation du stock.

Ces conflits entre pêcheurs crevettiers lagunaires ont également éclaté dans la lagune Aby, mais ici les protagonistes sont ivoiriens même s'ils emploient parfois des étrangers. Le problème dans ce cas est plus politique et il a pour objet la lutte pour le monopole de l'exploitation des crevettes dans les bras de lagune qui aboutissent au chenal (Comm. pers. DPML)

Ces remous ne sont probablement pas faits pour encourager une exploitation plus rationelle des crevettes.

La commercialisation.

Nous l'avons vu, la production crevettière maritime est exportée dans sa totalité.

La production lagunaire trouve deux réseaux de commercialisation: le réseau traditionnel de la crevette fumée et le réseau de transformation industriel. Les crevettes sont fumées par les femmes et elles sont vendues sur les marchés environnants principalement sur celui d'Abidjan (comm. pers. pêcheurs). Une partie des crevettes lagunaire est vendue à l'usine “Pêchazur” de Dabou qui exporte sa production vers la France. Ces crevettes sont cuites, décortiquées et congelées. Les statistiques des quantités de crevettes exportées par cette usine n'ont pas été disponibles. Selon le gérant, la production varie entre 1500 et 400 kg par jour de crevettes décortiquées; Les statistiques des crevettes transformées par fumage nous sont inconnues. Selon l'usine “Pêchazur” elles se monteraient à 500 tonnes environ par année, ce chiffre néanmoins est susceptible d'être totalement fantaisiste.

L'usine s'approvisionne au campement Moïse, à Songo Te, à Ngiem et à Assinie. Toutes les crevettes de Grand Lahou sont fumées car la camionette isotherme de l'usine n'y va pas. La quantité de crevettes vendues par les pêcheurs à l'usine dépend du prix qui leur est offert d'une part et également du pourcentage de leur capture qu'ils doivent céder à leurs femmes. Les pêcheurs sont réticents à vendre plus de la moitié de leur capture à l'usine préférant garder une certaine autonomie et ayant en mémoire une mauvaise expérience: la précédente usine “Amerger” après avoir fait faillite n'a pas honoré ses dettes auprès des pêcheurs. Ils affirment enfin ne pas apprécier l'attitude arrogante des représentants de l'usine qui font tout pour baisser les prix et qui, lorsque les crevettes sont grosses et payées 600 CFA le kg offrent aux femmes 100 CFA par kg cédé pour favoriser leur aquièscement à la vente.

Les crevettes sont payées par l'usine entre 350 et 600 CFA le kg. L'usine n'achètent pas les crevettes si elles sont trop petites (inférieures à 180 pièces /kg) et se plaint du reste de la diminution progressive de leur taille. (Elle affirme avoir été encouragée à investir dans l'usine en observant les grosses tailles des crevettes tout au long de l'année 1983)

L'autre ressource dont vivent les pêcheurs, le crabe, est vendue surtout sur la place d'Abidjan au prix de 1000 CFA les 40 pièces environ. Aux dires des pêcheurs lorsque les captures de crevettes sont importantes les crabes sont rares et invérsément.

Enfin le chiffre d'affaire d'un pêcheur crevettier peut s'élever, si les captures sont bonnes à 30 000 CFA par jour si les prises sont bonnes et à 500 CFA si elles sont mauvaises (comm. pers. Chef Moïse)

Situation actuelle

A l'heure actuelle aucune réglementation ne semble avoir été décidée ni en mer, ni en lagune, si ce n'est la limitation du nombre des licences accordées pour les navires crevettiers. Il nous semble inutile des reprendre les thèses décrites par Garcia puisque aucune des éventuelles mesures préconisées n'est effective: maillage, période de fermeture des pêches, emplacement des filets…

Il semble que l'effet le plus grave d'une exploitation indiscriminée intensive ait pour résultat de diminuer le stock maritime et lagunaire (Garcia) par destruction des juvéniles qui, à cause d'engins non réglementés, n'échappent pas aux mailles des filets. (On a vu que l'usine de Dabou se plaint de la diminution progressive de la taille des crevettes; elle hésite à poursuivre ses activités).

La surexploitation lagunaire et les conflits de monopole entre les pêcheurs artisanaux peuvent mettre en question la conservation d'un stock stable en lagune et en mer. La gestion de ces conflits exige que l'on prenne en considération l'intérêt socio économique des pêcheurs et des populations riveraines, et l'amélioration de la production qui rapporte des devises à l'Etat puisque les exportations sont taxées 8,6%.

En automne 1984, la DPML a recquis l'avis d'un expert de la FAO qui pourrait prendre en compte le problème de la pêche crevettière dans le cadre plus large de l'aménagement en lagunes. A cet égard, Garcia rappelle (1) que “toute réduction ou augmentation de l'effort en mer se traduirait par des résultats négligeables en terme de prises totales (mer + lagune) en poids (3 à 8%), mais apporterait une amélioration nette en terme de valeur (12 à 43%). Il est évident que la distribution de cette valeur dans les différentes catégories sociales du pays sera très différente selon les options choisies et seule une bonne définition des objectifs socio-économiques du gouvernement ivoirien permettrait de choisir.”

(1) GARCIA. Bilan des recherches sur la crevette rose … p 30


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