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5. SYSTEMES DE PISCICULTURE

5.1 Généralités

L'aquaculture en eau douce fait intégralement partie, en Chine, du système de production agricole. Elle est pratiquée, soit comme occupation primaire complétée d'autres récoltes, soit comme activité secondaire ou annexe selon les ressources disponibles. Cette intégration de la pisciculture dans l'agriculture est pratiquée, à un moindre degré, par d'autres pays (par exemple, l'élevage des canards associé à la pisciculture au Népal et en Hongrie). Mais c'est seulement en Chine que l'aquaculture est entreprise à échelle nationale, totalement intégrée.

Cette intégration favorise le plein emploi des matières premières qu'offre l'exploitation pour la production vivrière. Les animaux fournissent le fumier organique qui fertilise étangs et champs; la terre, à son tour, produit du grain et des plantes qui nourrissent bétail, volaille, poissons et hommes; les déchets des poissons qui s'accumulent dans l'humus des étangs sont restitués au sol des terres de culture. Cette interdépendance illustre l'intérêt de l'approche chinoise en matière d'agriculture diversifiée et de développement rural intégré.

La Chine dispose d'environ 20 millions ha d'eau douce, a-t-il été précisé à la Mission, dont 6,7 millions seraient utilisables pour l'aquaculture (voir paragraphe 2.3): 60 pour cent étant réservés à l'élevage en étangs ou bassins (y compris les réservoirs pour l'irrigation et les étangs de village), les 40 pour cent restants constitués de plans d'eau naturels ou artificiels (lacs, barrages et réservoirs) qui servent à la pisciculture.

La pisciculture chinoise a derrière elle une longue histoire. Jusqu'à une date récente, elle reposait sur l'élevage des stocks naturels d'alevins recueillis dans le Yangtsé. Mais, en 1953, la mise au point de techniques de reproduction artificielle a rendu possible la production à grande échelle d'alevins de carpe noire pour les besoins de la pisciculture. En 1958, la reproduction d'autres espèces de carpes chinoises (herbivore, argentée et marbrée) a été également induite avec succès, ce qui a permis de ne plus dépendre des sources naturelles d'alevins. Depuis cette date, la reproduction induite est devenue une activité de routine dans les communes, où la plupart des exploitations produisent leurs propres alevins. Les centres piscicoles, que l'on a crées dans certaines communes dès que la reproduction artificielle a été mise au point, prennent maintenant en charge les besoins d'alevins des exploitations qui ne disposent pas de l'équipement adéquat pour réaliser cette opération.

5.2 Développement de l'aquaculture

C'est dans la politique nationale de mise en valeur de la terre et des eaux qu'il faut chercher un des facteurs décisifs du développement aquicole en Chine, avec la priorité donnée aux mesures de conservation de l'eau dans le programme général de développement. Cette politique s'est traduite par la construction à l'échelle nationale d'ouvrages hydrauliques régulateurs pour prévenir les inondations et stabiliser le débit fluvial. De même, le niveau des lacs a été régularisé par des structures hydrauliques et des vannes, au débouché des cours d'eau principaux, et l'édification de barrages et de réservoirs a créé de nouveaux plans d'eau (voir paragraphe 3).

Ces efforts ont donné des résultats tangibles pour la production agricole, aquaculture incluse, dont la Chine bénéficie aujourd'hui. Toutes les surfaces aquatiques créées grâce à la mise en valeur de la terre et des eaux, ainsi que les lacs et étangs naturels, sont utilisés pour produire du poisson. Cette pisciculture généralisée est la réponse au mot d'ordre: “où il y a de l'eau, il doit y avoir du poisson”.

5.2.1 Etangs

Certains étangs piscicoles actuels semblent être le résultat du remembrement et de l'amélioration des terres de culture. Beaucoup d'autres ont toujours existé et on y élève depuis longtemps des poissons. Dans les basses plaines deltaïques, des étangs ont été édifiés en excavant le sol des zones voisines des terres de culture, ou en creusant des fossés de drainage autour de parcelles rectangulaires pour surélever les champs et abaisser la nappe phréatique (mise en valeur dite “des champs soulevés”). Ces travaux corrigent les effets de saturation en eau des terres de culture et sont générateurs d'étangs. Dans l'arrondissement de Nan Huei (Shanghai), des étangs ont été aménagés dans les excavations creusées pour la fabrication des briques.

Les terres marginales le long des deltas, ainsi que les bas-fonds et périmètres voisins saturés en eau sont récupérés pour l'agriculture, étangs piscicoles compris. Comme exemple, citons la mise en valeur de 2 400 ha près du lac Taihu, achevée en 1975. Ce périmètre était autrefois submergé la plus grande partie de l'année et le plus clair de sa production consistait en plantes aquatiques. Il a été réaménagé essentiellement pour la pisciculture.

Les étangs nouvellement édifiés ont habituellement 4 000 à 5 000 m2 de superficie (6 à 8 mu), avec une profondeur de 2 à 3 m. L'arrivée et la sortie d'eau se font en général par pompage, car le terrain utilisé est le plus souvent en contre-bas.

5.2.2 Lacs, barrages et réservoirs

Les lacs, retenues de barrages et réservoirs sont exploités et utilisés pour la pisciculture selon les mêmes principes de polyculture que pour les étangs (voir paragraphe 5.3). Les anses peu profondes, après avoir été barrées par des filets ou des écrans servent de zones d'alevinage ou de reproduction pour élever les alevins destinés à empoissonner les plans d'eau. Certains lacs, comme celui de l'Est et le Fan Li, sont utilisés non seulement par la pisciculture, mais comme lieux d'agrément.

5.2.3 Rizières

Les rizières utilisées pour l'aquaculture sont celles qui disposent d'une irrigation et d'un drainage satisfaisants.

Deux méthodes sont employées selon la hauteur de la couche d'eau: elles sont dites “profondes” à 50 cm et “basses” à 5 ou 10 cm (au minimum). Dans les deux cas, on creuse des fosses dans la rizière pour retenir le poisson (voir les détails au paragraphe 3.9.2).

5.2.4 Canaux et fossés

Les canaux et fossés de drainages sont aussi utilisés pour l'aquaculture. Dans certains cas, on y cultive aussi des plantes aquatiques qui fournissent du fourrage au bétail et autres animaux élevés sur l'exploitation. La Mission ne connaît pas la superficie totale occupée en Chine par les réseaux de canaux ou de fossés, mais elle doit être très importante.

5.3 Techniques de pisciculture

En Chine, la pisciculture est essentiellement à base de polyculture des grandes carpes chinoises (“les poissons de la famille”), en combination avec d'autres espèces dont les habitudes alimentaires sont complémentaires, afin d'utiliser toute la nourriture disponible qui se trouve dans l'eau. La monoculture ne se pratique que pour les alevins jusqu'à ce qu'ils atteignent 3 cm.

En étang, la principale espèce cultivée est la carpe herbivore, associée à la carpe marbrée, à la carpe argentée, à la carpe noire, à la carpe de vase, à la carpe commune et à la brème. La proportion de chaque espèce varie selon les conditions de l'étang et les produits de base pour l'alimentation des poissons.

Telle qu'elle est pratiquée en Chine, la polyculture est de deux types: selon que les différentes espèces sont élevées ensemble mais par catégories de taille séparées, ou mélangées quelque soit leur âge ou taille.

La polyculture par catégories de taille séparées se pratique dans des séries de bassins depuis le stade alevin jusqu'à la taille marchande, les poissons étant triés et stockés dans des étangs différents selon leurs dimensions. Cette méthode tire parti du potentiel maximum de croissance, puisque la densité des poissons dans le bassin est adaptée à leur taille, ainsi qu'à la capacité productive des étangs eux-mêmes. Cela permet à l'éleveur de suivre un cycle continu de stockage et de récolte, et d'accroître ainsi sa production. La période d'élevage est également raccourcie et la production de la taille marchande recherchée pour la vente est facilitée. Toutefois, cette méthode ne peut être pratiquée que dans les communes qui disposent de plusieurs étangs pour une production à grande échelle.

Comme on le voit dans le Tableau 5, la densité de stockage diminue proportionnellement à la taille des poissons.

Tableau 5
Densité de stockage en polyculture par catégories de taille séparées

CatégoriéTaille (g)Densité de stockage/mu (par ha)Période d'élevage (jours) 
Carpe marbréeCarpe herbivoreCarpe argentéeCarpe de vase
114–65450 (6 750)100 (1 500)    40
14–80  250 (3 750) 
5–20   7 500 (112 500)
265–225140 (2 100)450 (6 750)  150
80–500    40 (600) 
20–60   2 500 (37 500)
3225–500  60 (900)200 (3 000)  150
500–1 000    20 (300) 
60–270     850 (12 750)
4500–1 200  25 (375)  70 (1 050)   

La polyculture de sujets d'âge ou de taille mélangés est une méthode classique, où l'on élève ensemble dans le même étang des poissons de différentes espèces et de tailles diverses, depuis le stade alevin jusqu'à leur poids marchand. La densité de stockage et la combinaison d'espèces varient selon le lieu. On pratique, en cours d'élevage, une pêche sélective pour enlever les sujets les plus gros. L'étang est ensuite réempoissonné avec des poissons plus petits pour remplacer ceux que l'on a retirés. Avec cette méthode, on arrive couramment à une densité totale de 15 000 poissons à l'ha (1 000/mu). Le Tableau 6 montre les combinaisons de stockage utilisées en polyculture chinoise.

Les deux techniques que nous venons de mentionner - polyculture par catégories d'âge ou par mélange d'âge - appliquent le même principe de manipulation des stocks que celui suivi à Taïwan et aux Philippines pour la monoculture des chanidés. Dans ces pays, on stocke initialement les alevins de différentes tailles et l'on pêche les plus gros en cours d'élevage, que l'on remplace par des chanidés plus petits après chaque récolte partielle. On pratique ainsi trois ou quatre récoltes et réempoissonnement dans un cycle d'élevage de 10 à 12 mois.

Dans les lacs et réservoirs où l'exploitation est moins intensive, les carpes argentées et marbrées constituent les principales espèces, à la densité de 4 869 poissons à l'ha (325/mu). Mais ce chiffre varie selon les conditions écologiques et la productivité naturelle des eaux. Voici un exemple de combinaison pratiquée dans le Réservoir de Ho Lung:

Carpe argentée46 %
Carpe marbrée16 %
Carpe herbivore10 %
Carpe de vase21 %
Carpe commune  8 %

Tableau 6
Combinaisons d'espèces piscicoles utilisées en Chine pour la polyculture

Espèces piscicoles% de la composition
(Dans les étangs visités par la Mission dans le delta de la Rivière des Perles) 
1.Avec la carpe herbivore pour espèce principale: 
Carpe herbivore
55
Carpe argentée
16
Carpe marbrée
10
Divers
19
2.Avec la carpe noire comme espèce principale: 
Carpe noire
42
Carpe herbivore
   24,2
Carpe argentée
   12,4
Carpe marbrée
     7,4
Poisson de Wuchan (brème)
     7,4
Carpe commune
     3,4
Cyprin doré
     3,2
3.Avec la carpe argentée comme espèce principale: 
Carpe argentée
65
Carpe marbrée
10
Carpe herbivore
12
Carpe commune
    5,2
Poisson de Wuchan (brème)
    7,8

La pisciculture en canaux et fossés, tels qu'observée dans la commune populaire de Chen-tung, utilise la combinaison des espèces suivantes:

Carpes marbrée et argentée30 %
Carpe herbivore15 %
Carpe noire5 %
Poisson de Wuchan (brème) et diverses espèces se nourrisant au fond
50 %

5.4 Gestion de l'aquaculture

5.4.1 Elimination (“stérilisation”) des organismes nuisibles

Selon les pratiques couramment suivies, les pisciculteurs chinois traitent leurs étangs avant la mise à l'eau des alevins, de manière à éliminer tous les organismes nuisibles. Ils utilisent habituellement un tourteau de graines de thé et de la chaux. Le premier est appliqué à raison de 525–675 kg/ha (35–45 kg/mu); la chaux à raison de 900–1 050 kg/ha (60–75 kg/mu), dans le cas d'étangs asséchés, et de 1 875–2 250 kg/ha (125–150 kg/mu) dans les étangs ayant 1,0 m d'eau.

5.4.2 Application d'engrais

Le fumier organique constitue le principal engrais utilisé dans les étangs, lacs ou réservoirs. On ne se sert jamais d'engrais minéraux pour la pisciculture. C'est la raison principale pour laquelle tous les pisciculteurs élèvent aussi des animaux, qui fournissent l'engrais nécessaire aux étangs, en même temps qu'ils diversifient l'économie de l'exploitation.

Pour chaque mu d'étang, a-t-il été précisé à la Mission, deux ou trois porcs suffisent à fournir la fumure organique (soit 30 à 45 porcs/ha). Le fumier de bovins et de volailles est aussi utilisé en mélange avec des végétaux et de la vase comme engrais; toutes ces matières sont déposées dans une fosse à compost et mises à fermenter pendant 10 jours, après quoi le compost obtenu est transporté sur les champs ou dans les étangs.

En certains endroits, on construit des citernes à compost, d'où le liquide produit par la fermentation (lisier) s'écoule directement dans les canaux qui amènent l'eau aux étangs à poisson (Figures 5–7).

L'utilisation des matières de vidange comme engrais est une pratique traditionnelle en Chine qui se poursuit de nos jours. Toutefois, le système a été amélioré en ce sens que l'on fait subir aux déchets un traitement anaérobie pendant plusieurs semaines. Les maladies intestinales ont beaucoup diminué, les soins médicaux dans les campagnes ayant fait de grands progrès depuis l'institution de ce que l'on appelle en Chine “le docteur aux pieds nus” et grâce à des programmes de santé publique, tels que la campagne d'éradication de la bilharziose (schistosomiase). L'engrais humain représente un tiers, estime-t-on, des ressources totales de la nation en fertilisants (McGarry, 1976).

Les applications de fumure organique, telles que pratiquées dans le sud de la Chine (Kwangtung), varient de 5 625 à 10 125 kg/ha (750 à 1 250 jin/mu), données en 3 fois, la première application étant plus forte que les deux dernières.

La fertilisation des lacs et réservoirs se fait indirectement grâce aux cultures et à l'élevage intensifs pratiqués le long des plans d'eau et sur les bas-fonds adjacent à leurs rives. Volaille, bovins, porcs, moutons, canards et oies sont élevés tout autour pour accroître la fertilité des eaux; ceci, conformément à la politique nationale de développement total d'une économie diversifiée (voir aussi paragraphe 4.2.2.2).

Il est intéressant de noter que 50 kg de poisson, ainsi qu'on l'a fait remarquer à la Mission, produisent suffisamment d'humus dans les fonds d'étangs pour fertiliser 6 670 m2 (10 mu) de cultures. Telle est la raison pratique pour laquelle les étangs sont édifiés entre les champs. L'humus de fond est recueilli quatre ou cinq fois par an et appliqué sur les cultures, maraîchères ou autres (Figure 8). En retirant de l'étang les matières organiques contenues dans l'humus, on augmente aussi la teneur de l'eau en oxygène dissous.

5.4.3 Aliments artificiels et alimentation du poisson d'élevage

La pisciculture chinoise utilise comme aliments les matières végétales produites sur l'exploitation. En général, on ne pratique pas l'alimentation d'appoint avec des produits riches en protéines d'origine animale, sauf pour la carpe noire que l'on nourrit parfois de mollusques dans la basse région du Yangtsé, dans les provinces de Wushi et de Shanghai, où cette espèce est la principale cultivée en raison de l'abondance des mollusques dans le lac de Taihu.

Presque partout ailleurs, la carpe chinoise herbivore constitue la principale espèce cultivée. Elle est nourrie essentiellement d'herbes et de légumes qui poussent sur les talus des digues de terre. Les pupes et déjections de vers à soie sont aussi utilisées là où la sériciculture en produit en abondance: dans ces régions, le mûrier est souvent cultivé sur les berges entre les étangs (Figure 9).

Figure 5

Figure 5 Fosses à composter le fumier de porc, avec canalisation d'écoulement du liquide de fermentation (lisier) dans le réseau d'adduction d'eau aux étangs à poisson - Station piscicole du lac Pai-tan (Province de Hupei)

Figure 6

Figure 6 Système d'adduction d'eau enrichie de lisier de porc - Station piscicole du lac Pai-tan

Figure 7

Figure 7 Vanne de réglage de l'eau sur le canal d'alimentation - Station piscicole du lac Pai-tan

Figure 8

Figure 8 Recueil de l'humus du fond d'un étang et application sur les cultures voisines - Commune populaire de Shia-kia (Province de Kwangtung)

Figure 9

Figure 9 Plantation de mûriers sur les berges entre des étangs - Commune populaire de Le Liu (Province de Kwangtung)

Les aliments donnés aux poissons consistent habituellement, a-t-il été précisé à la Mission, en 99,0 pour cent de matières végétales brutes (graminées et tiges supérieures des légumes) et seulement en 0,4 pour cent de résidus de produits fermentés plus fins (caillé de soya, tourteau de soya et d'arachide, son de riz et de blé). La fertilité naturelle de l'eau est aussi enrichie par application de fumures organiques qui favorisent la croissance des poissons planctonivores, tels que les carpes argentée et marbrée. D'autres espèces - la carpe commune et la brème de Wuchan, par exemple - se nourrisent de détritus sur le fond des étangs, tandis que la carpe noire mange les mollusques aquatiques. C'est en tenant compte de ces disponibilités alimentaires que l'on stocke les étangs, lacs et réservoirs avec les combinaisons appropriées d'espèces pour la polyculture.

Selon ce qui a été rapporté à la Mission, 60 à 70 kg de graminées et déchets de légumes produiraient 1 kg de carpe herbivore; 50 kg de mollusques produiraient 1 kg de carpe noire; 100 kg (200 jin) d'eau fertilisée1 produiraient 1 kg de carpe argentée. Comme il a déjà été dit, les déjections des poissons s'accumulent sur le fond et servent de fumure organique, fertilisant ainsi l'eau et favorisant la croissance planctonique.

Les graminées et les légumes étant les principaux aliments donnés aux poissons, les digues des étangs sont généralement larges et procurent assez d'espace libre pour y cultiver ces végétaux. Les renseignements obtenus donnent 66,7 m2 (0,1 mu) de terrain pour alimenter 667 m2 (1 mu) d'étang piscicole en produits végétaux (Figure 10).

Figure 10

Figure 10 Talus des étangs plantés de graminées, qui servent à alimenter la carpe herbivore - Commune populaire de Shia-kia (Province de Kwangtung)

Il est de pratique courante en Chine d'utiliser les pentes et les deux talus de la crète des digues pour planter de l'herbe à éléphant, des oléagineux et des légumes, qui serviront à nourrir le poisson et les autres animaux élevés sur l'exploitation. L'herbe à élé phant est particulièrement utilisée, à cause de son enracinement qui renforce la digue de terre et défend le sol contre l'érosion. On peut en faire des coupes tous les dix jours.

Comme pour les autres aspects de la pisciculture chinoise, les méthodes d'alimentation des poissons n'ont rien d'exceptionnel. Mais, une fois de plus, la Mission n'a pas manqué d'être impressionnée par la simplicité de l'approche et par son pragmatisme. Il est significatif, notamment, que tous les inputs - nourriture, engrais et alevins - sont produits par l'exploitation elle-même. Ailleurs, quelques uns de ces inputs, sinon tous, sont produits plus ou moins loin, ce qui ajoute à leur coût des frais de transport, sans parler des incertitudes d'approvisionnement ou de livraison. L'emploi d'engrais organiques et de produits d'alimentation locaux est à recommander tout particulièrement pour la plupart des pays en développement. Malheureusement, ces derniers ont très souvent choisi d'adopter des engrais et des produits alimentaires commerciaux, simplement parce que c'est l'usage dans les pays industrialisés.

1 Une eau fertilisée se compose à 77 % de résidus de bouillie de soya et à 23 % de résidus de produits fermentés

5.5 Reproduction artificielle

Presque toutes les exploitations qu'a visitées la Mission produisent elles-mêmes leurs alevins par reproduction artificielle. Cette pratique, courante parmi les paysans chinois, ne se retrouve pas ailleurs pour le moment: bien que les techniques de la reproduction induite soient parfaitement connues hors de Chine, leur emploi se limite aux chercheurs des institutions qui en étudient le processus, ou bien à des stations spécialisées dans la production d'alevins. Autrement dit, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir dans bien des pays en développement, avant que ces techniques mises au point dans leurs services de recherche parviennent au niveau des exploitations elles-mêmes.

La principale raison de cette lenteur des transferts de la technologie tient souvent à ce que les chercheurs gardent pour eux leurs techniques, qu'ils n'essayent pas de simplifier pour les paysans. C'est alors aux vulgarisateurs qu'il appartient de combler le fossé et d'adapter la technologie au niveau de l'exploitation. Malheureusement, la plupart des pays en développement manquent de vulgarisateurs connaissant bien les pratiques aquicoles et capables d'entreprendre ce travail d'éducation intensive dans les campagnes.

Les Chinois ont appris à se familiariser avec le comportement des géniteurs et avec les nécessités physiologiques des espèces qu'ils cultivent. Ils ont mis au point des techniques pratiques de reproduction artificielle, qui utilisent des installations simples que le paysan peut construire et faire fonctionner lui-même. Ceci, apparemment, est le résultat de la combinaison recommandée “trois en un” (paysan-chercheur-soldat) et de la politique de la recherche “portes ouvertes”.

5.5.1 Installations pour la reproduction

Les plans et la construction des installations pour la reproduction du poisson comprennent des bassins-frayères et des bassins d'incubation/éclosion, situés près des étangs à reproducteurs.

5.5.1.1 Bassins-frayères

Ce sont en général des bassins circulaires en ciment, de 8 à 9 m de diamètre et profonds de 1,2–1,5 m. Leur capacité est de 50 m3 (Figure 11a). Certains sont rectangulaires ou ovales, mais la forme circulaire a été jugée la meilleure. Le plan de ces bassins est représenté en Figure 11b.

Le fond des bassins présente une pente de la périphérie vers le centre, où se trouve un tuyau d'écoulement relié à la chambre de collecte des oeufs. Les parois sont percées d'orifices d'amenée d'eau obliques, afin de créer un courant de circulation pendant la période de frai (Figure 12).

Chaque bassin est pourvu d'une chambre où les oeufs fécondés sont rassemblés pour être comptés et transférés dans les bassins d'incubation. Le tuyau de sortie du bassin-frayère est pourvu d'un filtre qui facilite la collecte des oeufs pour le comptage (Figure 13).

Figure 11a

Figure 11a Bassin circulaire servant de frayère et chambre d'éclosion-Station piscicole du lac Pai-tan (Province de Hupei)

5.5.1.2 Bassins d'incubation/éclosion

Ce sont des bassins circulaires à une ou plusieurs chambres d'incubation. Normalement, un bassin d'incubation à chambre unique (Figure 14) a un diamètre intérieur de 3,5 m et une profondeur de 1,0 m, correspondant à une capacité de 9,0 m3 d'eau. On emploie aussi des bassins d'incubation à chambres multiples (Figures 15a et 15b). La circulation de l'eau a beaucoup d'importance pendant les périodes d'incubation et d'éclosion, aussi dispose-t-on plusieurs tuyaux en diagonale sur le fond du bassin. Là où l'alimentation en eau courante est insuffisante, on se sert de roues à palettes pour faire circuler les oeufs dans le bassin.

Des jarres d'incubation portatives sont aussi utilisées quand la récolte d'oeufs a été anormalement élevée (Figures 16a et 16b). Ces jarres sont également très pratiques pour la reproduction à petite échelle.

5.5.2 Méthodes et procédures de reproduction artificielle

La réussite de la reproduction artificielle dépend de la condition des géniteurs, sur laquelle les Chinois veillent avec le plus grand soin pour s'assurer des meilleurs résultats.

5.5.2.1 Elevage de reproducteurs

La dimension des étangs de géniteurs varie d'un endroit à l'autre; cependant, la taille la plus courante est de l'ordre de 2 000 à 4 000 m2 (3 à 6 mu), avec 2 à 3 m de profondeur. La préparation de ces étangs se fait très méticuleusement, après traitement au tourteau de graines de thé, à la chaux vive et aux engrais verts.

Figure 11b

Figure 11b Plan du bassin-frayère (Toutes les mesures en centimetres)

Figure 12

Figure 12 Orifice d'admission d'eau, percé obliquement dans la paroi d'un bassin de reproduction pour faciliter la circulation de l'eau - Station piscicole du lac Pai-tan

Figure 13

Figure 13 Chambre rectangulaire de collecte des oeufs, entre un grand bassin de reproduction (en bas à droite) et deux bassins circulaires d'éclosion - Station de Nan-hai (Province de Kwangtung)

L'élevage des reproducteurs suit aussi les techniques de polyculture, en variant les combinaisons d'espèces selon l'espèce principale la plus souhaitée. Dans la province de Kwangtung, les géniteurs sont stockés à la densité de 1 500 à 2 250 kg/ha (100 à 150 kg/mu). selon la composition du Tableau 7 ci-après.

Tableau 7
Combinaisons de stockage pour l'élevage de reproducteurs dans la province de Kwangtung

Espèce piscicoleNombre de poissons par haPoids moyen (kg/poisson)
1. Carpe herbivore comme espèce principale  
Carpe herbivore150–2008–12
Carpe argentée60–902
Carpe de vase600–960             20–50 g chaque
    
2.Carpe marbrée comme espèce principale  
Carpe marbrée80–967–12
Carpe herbivore  96–1285
Carpe argentée32–482
Carpe commune                    320–480 (unisexuée)0,25
    
3.Carpe argentée comme espèce principale  
Carpe argentée150–2403–6
Carpe herbivore  96–1282
Carpe de vase480–64020–50 g
    
4.Carpe de vase comme espèce principale  
Carpe de vase1 600–2 2400, 8–1, 45
Carpe marbrée32–485–6
Carpe argentée64–922–3

Une ou deux fois par mois au printemps, l'eau des bassins-frayères est renouvelée avec de l'eau courante qu'on laisse couler pendant deux ou trois heures. Cela, pour simuler la crue, ce qui favorise le frai. L'eau est maintenue dans le bassin sur 2 ou 3 m de profondeur.

En étang, les géniteurs atteignent la maturité sexuelle au bout de 2 à 5 ans: la carpe argentée en 2 à 3 ans, la carpe herbivore en 4 à 5 ans, la carpe marbrée et la carpe de vase en 3 à 4 ans. Les mâles sont matures un an plus tôt que les femelles.

Figure 14

Figure 14 Autre modèle de bassin d'éclosion, à l'Académie d'agriculture de Hwa Chung (Wuhan)

Figure 15a

Figure 15a Bassin d'éclosion à chambres multiples concentriques, avec roues à palettes pour faire circuler l'eau (dans les endroits où l'approvisionnement est insuffisant pour avoir une circulation continue d'eau courante). Académie d'agriculture de Hwa Chung

Fig. 15b

Fig. 15b Plan d'un étang d'éclosion à trois chambres
(Toutes les mesures en centimètres)

Figure 16a

Figure 16a Jarres d'incubation portatives installées au dessous d'un réservoir de ciment

5.5.2.2 Technique de reproduction induite

Les poissons matures sont sélectionnés des étangs à géniteurs en les pêchant à la senne. Ils sont confinés un court moment, serrés les uns contre les autres soit dans un coin de l'étang, soit suspendus dans le filet. On recommence cette opération une ou deux fois pour habituer le poisson aux manipulations et au transport. Cela l'excite également et facilite l'élimination des déchets avant l'injection d'hormone afin que le frai ou l'éjection des oeufs se fassent nettes de toute excrétion. Ainsi les bassins-frayères sont tenus propres. Après sélection de l'espèce de géniteurs souhaitée, on leur injecte de la gonadotrophine chorionique humaine (HCG) à la dose de 800 à 1 000 UI par kg de poids corporel (Figure 17). L'injection d'hormone est répétée deux fois chez les femelles à intervalle de 8 heures, la première dose étant de 10 à 15 pour cent plus forte que la seconde. La première se fait en général le soir, la dernière à l'aube. Les mâles ne reçoivent qu'une seule injection, au même moment où l'on donne aux femelles leur seconde dose. Les poissons traités sont maintenus dans les bacs-frayères à la proportion de 2 mâles pour 1 femelle, pour la fécondation naturelle. La fécondation artificielle, ou sèche, est connue des Chinois; mais ils préfèrent la méthode humide, ou fécondation naturelle, dans les bassins de reproduction, car elle évite aux poissons d'être blessés. Les mêmes géniteurs peuvent resservir pendant une dizaine d'années avec les mêmes méthodes: ils donnent d'ailleurs un meilleur rendement d'oeufs fécondés.

Normalement, les poissons frayent quelques heures après la seconde injection et il n'est pas rare que la fécondation se fasse une heure après, ou même moins, ce qui est excellent. Pendant toute la période où les poissons traités sont maintenus dans les bassins-frayères, l'eau coule au débit de 0, 2-0, 4 m3/seconde, à la température de 20 à 30°C, l'optimum étant de 26°C.

Figure 16b
Figure 16b

Figure 16b Plan des jares d'eclosion portatives util sées à Hwa Chunq, Académie d'Agriculture
(Toutes les mesules en centimètres)

Figure 17

Figure 17 Injection d'hormone pour induire la reproduction - Station de Nan-hai (Province de Kwangtung)

5.5.2.3 Incubation et éclosion

Après la ponte, les oeufs sont recueillis en ouvrant le conduit du bassin-frayère qui mène à la chambre de collecte des oeufs (Figure 18). Ce conduit est muni d'un filet pour concentrer les oeufs et permettre de les compter avant transfert aux bassins d'éclosion. Les oeufs y sont stockés à la densité de 1 500 à 2 000/m3 d'eau.

Durant l'incubation, une circulation d'eau courante est maintenue au débit de 0,2 à 0,3 m/sec, pour que les oeufs puissent continuellement rouler dans l'eau, simulant ainsi les conditions naturelles en rivière. L'éclosion se fait au bout de 36 ou 48 heures selon la température de l'eau.

Les conditions optimales d'éclosion sont les suivantes: température 26,5°C; pH entre 7,4 et 8,5, teneur en oxygène dissous supérieure à 4 mg/l. L'éclosion est satisfaisante entre 24 et 30°C.

Les alevins nouvellement éclos sont alors transférés dans des filets-viviers spéciaux (Figure 19), installés dans un bassin voisin, jusqu'à résorption de la vésicule vitelline et développement de la vessie natatoire. Ils sont alors transférés dans des étangs d'alevinage pour grandir, ou bien expédiés vers d'autres exploitations piscicoles.

5.6 Elevage des alevins

5.6.1 Elevage des jeunes alevins (“feuilles”)

Avant de mettre les alevins dans les étangs d'alevinage, ceux-ci sont traités à la chaux vive à raison de 900 à 1 125 kg/ha (60 à 75 kg/mu) à sec, ou 1 875 à 2 250 kg/ha (125 à 150 kg/mu) lorsqu'ils sont en eau (1 m d'eau), pour éliminer les espèces indésirables et les organismes nuisibles. On les traite aussi au tourteau de graines de thé à raison de 325 à 365 kg/ha·m de profondeur (35 à 45 kg/mu.m). Le traitement à la chaux et au tourteau de thé se fait alternativement pour maintenir un taux normal de pH. Quant à l'engrais organique ou fumier de compost, la dose est de 11 250 à 18 750 kg/ha.m de profondeur (750 à 1 250 kg/mu.m), 10 à 15 jours avant l'empoissonnement. Cela se fait en deux ou trois applications, la première plus forte que les deux autres. On teste la qualité de l'eau avant d'y mettre les alevins, en utilisant pour cela la carpe marbrée (“test à la marbrée”), dont on stocke des carpillons de 14 à 18 cm de long à la densité de 5 000/ha. Des adultes peuvent également être utilisés. Si le taux d'oxygène est insuffisant, la carpe marbrée remontera en surface, surtout le matin de bonne heure avant le lever du soleil. Les Chinois lient le manque d'oxygène à un excès de fertilité de l'eau. Cette méthode de test est plutôt sommaire, mais peut-être les paysans ont-ils à ce sujet de longues années d'expérience. Certainement, l'emploi de coffres portatifs de produits chimiques pour analyser la qualité de l'eau serait plus commode et les paysans chinois sauraient parfaitement s'en servir.

Figure 18

Figure 18 Filet installé dans la chambre de collecte des oeufs, utilisé aussi pour recueillir les alevins dans le bassin d'éclosion

Figure 19

Figure 19 Transfert en sacs de plastique des jeunes carpillons que l'on retire des filets-viviers pour le transport

Une fois les poissons-témoins retirés, on stocke les alevins aux taux suivants:

Stockage à faible densité:

Carpe herbivore 1,6 à 2,4 millions/ha (100 000 à 150 000/mu)
Carpe marbrée
Carpe argentée
Carpe de vase4,8 à 6,4 millions/ha (300 000 à 400 000/mu)

Stockage à forte densité:

Carpe herbivore3,2 à 4,0 millions/ha (200 000 à 250 000/mu)
Carpe marbrée2,4 à 3,2 millions/ha (150 000 à 200 000/mu)
Carpe argentée3,2 à 4,0 millions/ha (200 000 à 250 000/mu)
Carpe de vase4,6 à 6,4 millions/ha (350 000 à 400 000/mu)

Alimentation: on donne de l'herbe à élépahnt et des légumes au taux de 13 t/ha (875 à 900 kg/mu), en sus d'aliments fins (son de blé ou de riz) au taux de 0,56 pour cent du poids corporel total des poissons, pendant la période d'élevage de 30 jours. Au stade initial, les alevins ont 3,0 cm de long. Ils sont élevés en monoculture.

5.6.2 Elevage de carpillons

La préparation de l'étang pour l'élevage de carpillons est identique à celle effectuée pour les jeunes alevins. On utilise des alevins de taille uniforme, soit 3 à 3,5 cm de long.

A ce stade, on adopte la polyculture, conformément aux plans de production. Les alevins sont élevés en deux phases. Dans la première, ils passent de 3,5 à 6 cm, ce qui demande une trentaine de jours. La carpe herbivore, la carpe marbrée et la carpe argentée sont toutes stockées à raison de 4 500 000/ha (300 000/mu).

Dans la seconde phase, les alevins sont transférés dans un autre étang, où ils atteindront la taille de 12 cm. Voici des taux de stockage correspondant à trois combinaisons différentes:

  45 000/ha (3 000/mu)
  30 000/ha (2 000/mu)
-
-
carpe herbivore
carpe marbrée
  45 000/ha (3 000/mu)
  90 000/ha (6 000/mu)
-
-
carpe argentée
carpe marbrée
2
  45 000/ha (3 000/mu)
135 000/ha (9 000/mu)
-
-
carpe herbivore
carpe de vase
3

Les poissons sont alimentés à raison de 150 à 300 kg/ha (10 à 20 kg/mu) de lentille d'eau et de 3 000 à 4 500 kg/ha (200 à 300 kg/mu) d'engrais vert tous les 10 jours.

En supplément, on donne journellement 30 kg/ha (2 kg/mu) de tourteau d'arachide et 45 kg/ha (3 kg/mu) de hauts de tiges de légumes. Pendant le premier mois, on utilise 30 kg/ha de légumes par jour, tandis qu'au cours du second on ajoute aux engrais verts 30 à 50 kg d'herbe par jour.

5.7 Maladies des poissons

C'est la prévention des maladies, davantage que leur traitement, qui importe pour les Chinois. Néanmoins, les études thérapeutiques se poursuivent activement, comme par exemple à l'Institut de recherche biologique aquatique de la province de Hupei, qui accorde une importance spéciale aux traitements avec les plantes disponibles localement.

Parmi les maladies étudiées, on peut citer la pourriture bactérienne des branchies, la mousse ou blanc (Saprolegnia), l'entérite, la “maladie du sang blanc” (Ichthyophthirius multifilis), les myxosporidées (Myxobolus sp.), les poux des branchies (Glochidia) et les maladies fongiques.

Des plantes se sont révélées efficaces du point de vue thérapeutique, notamment: Platycarya strobilacea, Rhus chinensis, Carpatia japonica et plusieurs euphorbiacées. Toutes sont utilisées pour lutter contre des maladies provoquées par des bactéries de la vase, telles que la pourriture des branchies et la mousse.

5.8 Plan d'une exploitation piscicole

En raison de l'intégration de la pisciculture dans le système d'agriculture en général, les étangs piscicoles sont conçus de façon à être étroitement liés aux terres de culture. Là où le poisson constitue la récolte primaire, les étangs sont construits selon un plan rectangulaire de 4 000 à 5 336 m2 (6 à 8 mu) avec des berges dont la largeur varie de 1,2 à 1,8 m et dont la pente est de 1:1.

Là où l'agriculture représente l'activité principale (soya, canne à sucre, mûrier), la dimension des étangs peut être la même, mais l'espace entre chacun d'eux est bien plus grand. C'est ce plan que nous avons observé à la Commune populaire de Shia-Kia, où la proportion de l'eau par rapport à la terre est de 40:60 (Figure 20). Les détails techniques de l'implantation étangs/terres de culture ont été également étudiés au paragraphe 3.8.

Figure 20

Figure 20 Implantation en étang piscicole et terrain de culture - Commune populaire de Shia-Kia (Province de Kwangtung) (voir aussi Figure 10)

Dans la majorité des cas, l'alimentation des étangs se fait par de petites canalisations creusées dans le couronnement des berges. Presque toujours, la vidange s'effectus par pompage (Figure 21). Dans les endroits qu'a visités la Mission, l'eau des étangs provient des cours d'eau, lacs ou réservoirs proches, par l'intermédiaire de canaux et de fossés qui, très souvent, avaient été construits en premier lieu pour assurer l'irrigation. Les stations de pompage sont en général équipées de grilles pour empêcher les poissons sauvages et les organismes nuisibles de pénétrer dans les canaux (voir aussi paragraphe 3.6).

5.9 Production aquicole

La productivité de l'aquaculture chinoise est élevée. Les chiffres suivants, qui ont été donnés à Pékin à la Mission, sont ceux qu'utilise le Plan national pour la production en étangs:

Nord de la Grande Muraille-1 500 kg/ha
Nord du Yangtsé-3 000 kg/ha
Sud du Yangtsé-3 750 kg/ha

En général, la productivité des endroits où s'est rendue la Mission était supérieure, et dans certains cas de beaucoup. Ces chiffres figurent au Tableau 8. Dans les fossés d'irrigation près de Shanghai, on obtient environ 1 300 kg/ha/an, même lorsque ces voies d'eau sont utilisées également par la batellerie. La productivité à l'hectare est évidemment bien inférieure dans les lacs et réservoirs, où l'alimentation et la fertilisation intensives sont beaucoup plus difficiles (voir paragraphe 4.1.1).

Figure 21

Figure 21 Disposition des étangs à la station piscicole du lac Pai-tan. Le bassin du premier plan sert de vivier pour y garder les alevins, avant leur mise à l'eau, et de puit de pompage. Dans le fond, on peut distinguer la tuyauterie d'une pompe électrique utilisée pour la vidange des étangs

Les statistiques de production totale ne nous ont pas été communiquées. Il est néanmoins certain, d'après les chiffres donnés à la Mission sur la superficie utilisée par l'aquaculture, que la pisciculture intensive représente une source majeure, sinon la plus importante, de la production halieutique chinoise.

Tableau 8
Production en pisciculture intensive

LieuProvinceSuperficie totale des étangs (ha)Productivité moyenne (kg/ha)Productivité maximum (kg/ha)Remarques
Station expérimentale de Fang tsunKwangtung     13  4 500  7 500Recherche
Commune de Le LiuKwangtung2 400  3 000- 
Commune de Shia-KiaKwangtung     80  2 235- 
Commune de Ho LawKiangsu   17011 430-Accrue à 12 750 avec aérateurs
Centre de reproduction de Nan HueiShanghaï     23  6 225
(1975)
15 000Poissons adultes. Aérateurs utilisés, avec alimentation d'appoint à base d'escargots écrasés
Commune de Jie-fangShanghaï   900  4 000  8 000Aérateurs utilisés, avec alimentation d'appoint à base d'escargots écrasés

5.10 Dispositifs et matériels spéciaux pour l'aquaculture

5.10.1 Aérateurs

C'est récemment que l'emploi d'aérateurs, pour améliorer la production des étangs, a été mis au point. Ces appareils sont montés sur des flotteurs au centre des étangs. La Mission les a vu fonctionner à Shanghaï, à la Commune de Jie-fang, et à Nankin à la Commune populaire de Ho Sung où elle a pu visiter une usine qui fabrique ce matériel.

Les usines de machines agricoles, dans ces deux communes, fabriquent des aérateurs. Le matériel consiste en une turbine qui tourne à grande vitesse et qui envoie l'air dans l'eau par des tuyaux, au dessus et tout autour de l'appareil. Celui-ci est porté par des flotteurs et amarée à l'endroit choisi par des filins ancrés sur les berges de l'étang. Un appareil suffit pour aérer une surface d'environ 0,5 ha (8 à 10 mu).

Ces communes utilisent de plus en plus les aérateurs dans leurs étangs. Auparavant, il fallait pomper de l'eau dans l'étang (d'abord à la main, puis par pompe électrique), quand la teneur en oxygène dissous devenait insuffisante. Mais on a remparqué que ce pompage diminuait la fertilité des étangs par dilution. L'aérateur, en agitant l'eau, oxygène celleci sans en changer la composition. Les aérateurs fonctionnent pendant deux ou trois heures vers midi, ou bien le matin quand le ciel est couvert. On a constaté que la fréquence de l'opération (une heure journellement) augmentait le rendement d'environ 14 pour cent (28 pour cent avec la carpe argentée et la carpe marbrée). Ceci, sans doute par suite d'une meilleure circulation des éléments fertilisants qui stimule la croissance planctonique, ainsi que par accroissement de l'activité alimentaire et du métabolisme du poisson. L'appareil a été dénommé maintenant “machine à augmenter le rendement”, au lieu de “machine à sauver le poisson” (Figure 22).

Figure 22

Figure 22 Aérateur flottant, du modèle utilisé par la Commune populaire de Jie-fang (Shanghaï)

5.10.2 Dragueuses-suceuses

Pour approfondir ou creuser les étangs, on se sert d'une dragueuse-suceuse mise au point par les paysans du district de Nan Huei (Shanghaï). La machine se compose d'une pompe à haute pression (20 kW), d'un tuyau et d'une buse pour produire le jet servant à creuser le sol.

Une pompe aspirante permet, au moyen de tuyaux souples, de véhiculer l'eau boueuse jusqu'à l'emplacement choisi pour construire la digue. L'eau en excès est retirée de la berge par une pompe aspirante, munie d'un filtre à sable et d'un tuyau d'évacuation (voir Figures 23 et 24).

5.10.3 Matériel de pêche

La récolte du poisson se fait surtout au moyen de sennes que l'on tire d'une extrémité à l'autre de l'étang, soit à l'aide d'une barque plate à chaque bout du filet, soit à la main en halant le filet sur toute la longueur ou sur une fraction seulement de l'étang. Les poissons sont refoulés et massés dans une portion de la senne, où on les prend à l'épuisette pour les mettre dans des paniers qui sont portés au marché. Au cours d'une opération de ce genre à la Commune de Ho Law, nous avons vu les pêcheurs se servir de chambres à air gonflées, comme bouées pour soutenir la ralingue supérieure de la senne; sur le dessus on y fixe des cadres de bois, d'environ 0,5 m de haut, auxquels la ralingue de la senne est amarrée (Figure 25) à environ 0,25 m au dessus de la surface, ce qui réduit les chances du poisson de sauter par dessus le filet et de s'échapper. Quand l'opération est sur le point de se terminer, les bouées sont détachées du filet. Ce système est très pratique, car cela permet d'alléger le filet qui est moins encombrant à entreposer. Les bouées-flotteurs peuvent être utilisées également pour d'autres opérations de pêche sur l'exploitation, sans avoir à déplacer tout l'engin en le halant ailleurs. Après usage, les chambres à air sont dégonflées et mises à l'abri. Toutes les communes n'utilisent pas le même type de flotteur pour la senne, ce qui indique qu'il s'agit bien d'une innovation locale en matériel de pêche.

Figure 23

Figure 23 Suceuse-dragueuse opérant sur la Commune populaire de Jie-fang. La pompe que l'on voit au centre aspire la vase et la refoule sur l'emplacement où s'édifie la digue

La Mission n'a pas vu, sur les exploitations, de moyens de transport mécaniques du poisson. Habituellement, celui-ci est porté sur une perche à l'épaule par deux hommes d'un étang à un autre, ou bien de l'étang à la barque qui transporte le poisson vivant au marché (Figure 26).

5.11 Activités aquicoles diverses

5.11.1 Culture des perles

La mytiliculture d'eau douce se pratique dans certains étangs, lacs et réservoirs (Figure 27). Les espèces utilisées sont Anodonta woodiana (Lea) et Hyriopsis cumingi (Lea).

Figure 24

Figure 24 Colmatage de la vase après dragage, pour formation de la berge de l'étang. A droite, tuyaux du dispositif qui pompe l'eau en excès à travers des crépines noyées dans la berge

Figure 25

Figure 25 Sennage d'un étang: les chambres à air servent de flotteurs pour maintenir le filet en surface. Commune populaire de Ho Law (Wushi)

Figure 26

Figure 26 Transport du poisson sur la Commune populaire de Le-Lui: (a) portage à l'épaule, (b) barque pour transporter vivant le poisson par les canaux

Figure 27

Figure 27 Etang de culture de la moule perlière d'eau douce - Commune populaire de Chen-tung (Shanghaï)

Ces moules servent pour la culture des perles. La technique de production est analogue à celle utilisée au Japon. Toutefois, comme les perles sont produites pour l'usage médicinal, leur forme et leur beauté n'ont pas ici la même importance. Elles se forment au bout de un ou deux ans de culture, généralement deux. Une moule peut produire jusqu'à 20 à 40 perles, selon le nombre de noyaux implantés (Figures 28a et 28b).

La culture des perles d'eau douce pourrait parfaitement être introduite dans les lacs et réservoirs d'autres pays, comme annexe de la pêche artisanale. Elle ne demande pas une très grande surface d'eau ni de matériel ou d'outillage compliqué. Toutefois, elle requiert une certaine habilité pour implanter les noyaux dans le manteau de la moule; d'autre part, des recherches seront nécessaires pour améliorer la forme des perles à offrir sur le marché international.

5.11.2 Elevage du vison

Quelques exploitations piscicoles de la Commune de Shanghaï élèvent le vison, comme occupation secondaire. Les Chinois considèrent ce mammifère aquatique comme un animal précieux en raison de sa fourrure qui sert à faire des manteaux. Le vison est nourri de poisson de rebut pêché dans les étangs, lacs et réservoirs, ou en mer. Son alimentation quotidienne consiste en un mélange de 0,4 kg de poisson, 0,01 kg de céréales et 0,01 kg de légumes. Il donne une portée tous les ans, normalement de deux ou trois petits, quoique certaines femelles en donnent six à huit. Les jeunes, qui deviennent adultes au bout d'un an, sont alors tués pour leur fourrure (la chair est donnée aux porcs). Une peau de vison vaut Yuan 18 (soit U.S.$ 9,00).

5.12 Génétique du poisson

L'Institut de Recherches en Eau Douce, de Wuhan, a entrepris le croisement de la carpe miroir et de la carpe commune. L'hybride s'est révélé avoir un taux de croissance bien plus rapide que les parents: un carpillon hybride de 10 cm atteint le poids de 1,0 à 1,5 kg en six mois d'élevage. Des expériences sur l'utilisation de ces hybrides en polyculture, à une densité de stockage de 10 000 sujets normaux des espèces dites “de famille”, plus 10 à 20 hybrides, ont montré que les hybrides atteignaient le poids de 1,5 kg en six mois.

Figure 28a

Figure 28a Ouverture de moules d'eau douce pour en retirer les perles - Commune de Chen Tung

Figure 28b

Figure 28b Perles produites sur la Commune de Chen Tung

La carpe argentée et marbrée ont été croisées mais les caractéristiques de l'hybride font toujours l'objet d'observations.

5.13 Résumé et recommandations

5.13.1 Résumé

L'aquaculture fait partie en Chine du système agricole général. Elle est pratiquée soit comme occupation primaire, soit comme activité secondaire ou annexe, selon l'étendue et la nature des ressources disponibles en terre et en eaux. Cette intégration des activités agricoles fournit une démonstration éclatante des possibilités qu'offre le plein emploi de toutes les matières premières disponibles sur une exploitation pour produire de la nourriture. Les déchets animaux servent à fertiliser les étangs et les cultures; la terre, à son tour, produit des plantes pour l'alimentation des animaux, des poissons et de l'homme; les excrétions des poissons accumulées dans l'humus des étangs ou des lacs sont restituées au sol dans le cycle végétatif. Telles sont les raisons pratiques de l'intégration et de la diversification de la culture terrestre et aquatique.

Au contraire de cette intégration totale que l'on trouve en Chine, les autres pays ne la pratiquent qu'à une échelle limitée. Une des raisons principales en est dans la différence de contrôle des moyens de production, comme de la possesion des ressources utilisées par celle-ci. Dans la plupart des pays, la propriété privée rend plus difficile la mise en oeuvre d'une stratégie du développement unifiée. En Chine, la terre est propriété de l'Etat et les programmes de mise en valeur sont soumis à une planification centrale, bien que leur exécution soit extrêmement décentralisée. Cela confère de la souplesse aux échelons locaux dans l'entreprise de leurs activités respectives, mais, en même temps, un contrôle central est exercé sur les ressources indispensables au développement national. Les nécessités et l'expérience locales constituent la base de la planification, laquelle offre une motivation accentuée en faveur de la production et de la mise en valeur rurales. Enfin, les innovations intéressant les méthodes et le matériel sont encouragées.

Ailleurs, généralement, les plans et programmes de développement agricole négligent l'aquaculture, simplement parce qu'on ne lui accorde pas droit de cité intégral dans l'agriculture. Il serait peut-être avantageux pour les Etats membres, et pour la FAO elle-même, de réexaminer leur approche du développement agricole et d'y inclure celui de l'aquaculture pour maximiser l'utilisation de ressources telles que la terre, l'eau, la main-d'oeuvre et les matières premières.

Si la polyculture en eau douce est une technique connue des autres pays, nulle part, sauf en Inde, on ne la pratique aussi extensivement qu'en Chine; ceci, pour les raisons suivantes:

  1. par absence de dispositions réglementaires ou organisationnelles en faveur de l'aquaculture en général et de la polyculture en particulier;

  2. par manque des espèces de poissons convenant à la polyculture;

  3. par manque d'alevins facilement disponibles;

  4. par absence de démonstrations qui attireraient l'attention des paysans et des responsables locaux sur la polyculture des espèces indigènes;

  5. par manque de travaux de recherche pour appuyer le développement de la pisciculture;

  6. par absence d'un mécanisme efficace de vulgarisation, pour transférer la technologie aquicole au niveau de l'exploitation;

  7. par manque de soutien financier des petits pisciculteurs.

Un trait remarquable du développement récent de la pisciculture en Chine tient au fait que les activités de la recherche sont entreprises en collaboration entre les techniciens et les pisciculteurs eux-mêmes. L'homme de science travaille sur l'exploitation, ce qui facilite le transfert rapide des informations techniques et de l'expérience pratique parmi les chercheurs. La diffusion des informations techniques et des innovations en matière piscicole s'effectue au cours de sessions d'études régulières qui réunissent les équipes de production de différentes localités, où l'on fait le point des expériences réalisées sur les exploitations. Aussi l'amélioration des méthodes s'effectue-t-elle très vite, avant même que les résultats et expériences aient été publiés. Les vulgarisateurs, du genre de ceux formés dans les autres pays, sont moins nécessaires en Chine, où, compte tenu du système de travail, le problème des hiatus dans la communication, entre techniciens et paysans, n'existe pas.

5.13.2 Recommandations

Le rôle de l'aquaculture dans le développement rural intégré a été démontré avec brio à la Mission. Si ce développement est bien le but recherché par la plupart des pays du tiers monde, il leur a échappé en grande partie à cause de problèmes organisationnels et institutionnels qui empêchent, d'une façon ou d'une autre, de parvenir à des résultats satisfaisants.

Il existe dans les pays du tiers monde un potentiel considérable de développement piscicole, en des endroits qui appartiennent cependant au domaine public. Il y a également abondance de ressources humaines constituées en majorité de cultivateurs de subsistance qui ne sont pas propriétaires de la terre qu'ils cultivent. Les techniques aquicoles y sont déjà bien au point et l'on connaît différentes méthodes de production, y compris celles pratiquées en Chine. Les espèces utilisées par la pisciculture chinoise se trouvent aussi dans d'autres pays - ou bien, d'autres espèces existent que l'on pourrait utiliser en polyculture.

Avec ces ressources, les pays en développement pourraient tirer un grand profit de l'expérience chinoise, avec l'aide de la FAO, par exemple:

  1. en organisant des voyages d'étude en Chine pour les personnalités responsables des décisions en matière de politique et de planification aquicoles, agricoles, mise en valeur hydraulique;

  2. en créant des projets pilotes pour démontrer la viabilité du développement aquicole totalement intégré. Une proposition de ce genre est déjà en cours de préparation, avec la collaboration du Département des pêches.

De plus:

  1. la FAO devrait promouvoir et encourager le développement de l'aquaculture intégré, en réexaminant ses propres procédures et approches, dans le domaine de l'assistance technique à fournir au développement agricole des Etats membres. La participation des cultivateurs à la préparation et à l'exécution effectives des projets devrait être considérée comme moyen le plus direct d'atteindre le niveau de base cherché.

  2. la FAO devrait aider à diffuser la documentation sur les systèmes aquicoles chinois. Un film documentaire, à projeter dans des séminaires et séances éducatives pour les paysans, serait particulièrement utile. Muni d'un commentaire en différentes langues, un tel film permettrait d'éduquer et d'informer en une seule séance un auditoire considérable, simultanément dans de nombreux pays et particulièrement dans ceux où la production alimentaire est requise avec le plus d'urgence. Pour commencer, ce film chinois sur la reproduction artificielle du poisson devrait être produit dans les trois langues officielles de la FAO.

  3. la Mission a ramené au siège différents manuels pratiques chinois de pisciculture. Certains d'entre eux devraient être traduits à l'intention de la FAO et de ses Etats membres. On en trouvera la liste en Annexe II.


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