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RECHERCHES ACTUELLES EN PATHOLOGIE DES MOLLUSQUES

Eric MIALHE

Les différentes épizooties qui affectent les activités conchylicoles traditionnelles ou récentes (écloseries, vénériculture) ont conduit généralement à mettre en évidence des microorganismes et des parasites considérés alors comme agents pathogènes responsables.

Dans un certain nombre de cas cependant, l'étiologie de mortalités massives reste inexpliquée (Grassostrea gigas, Ruditapes philippinarum). Des travaux sont alors indispensables, faisant appel notamment à des techniques de microscopie électronique et à des méthodes d'isolement, pour préciser la nature infectieuse de ces maladies.

En ce qui concerne les problèmes infectieux, il apparait que la pathologie des mollusques est une discipline encore jeune, les données acquises concernent essentiellement la caractérisation sommaire des agents pathogènes, la description anatomopathologique des syndromes et une approche épidémiologique simple. A l'instar de la pathologie humaine et vétérinaire, des recherches plus approfondies doivent être entreprises maintenant sur ces maladies afin de pouvoir établir, compte-tenu de l'importance économique des épizooties, des mesures prophylactiques ou curatives efficaces, adaptées aux particularités et spécificités de la conchyliculture.

Pour cela il est nécessaire d'étudier les relations des agents pathogènes avec leur hôte à trois niveaux d'investigation: à l'échelle de la cellule, de l'organisme et de la population.

En ce qui concerne les protozaires, responsables d'importantes épizooties, l'isolement et la purification de Marteilia, associés à Ostrea edulis, Mytilus edulis et Cardium edule, et d'Haplosporidium d'O. edulis ont été mis au point dans notre laboratoire (Mialhe et al, 1984). Plus récemment nous avons pu établir un protocole de purification de Bonamia ostreae parasite intrahemocytaire d'O. edulis. Des suspensions concentrées de parasites purifiés ont été utilisées pour reproduire expérimentalement la maladie. La modélisation de la bonamiose au laboratoire est en cours ainsi que la caractérisation bio-chimique du parasite. D'autre part ces suspensions ont permis d'entreprendre la mise au point d'immunodiagnostics explicités ci-après.

2) Culture cellulaire de mollusques et culture “in vitro” d'agents pathogènes.

L'intérêt du support que constitue les lignées cellulaires de vertébrés a été déterminant en pathologie humaine et vétérinaire d'un point de vue fondamental (virologie, parasitologie) et appliqué (vaccins).

Plus récemment, l'établissement de lignées cellulaires d'insectes a permis de progresser rapidement dans l'étude des microorganismes qui leur sont associés, qu'il s'agisse d'agents pathogènes spécifiques utilisables en lutte biologique, ou de germes transmis à des vertébrés.

En ce qui concerne les invertébrés marins, mollusques mais aussi crustacés, il n'existe pas actuellement de telles cultures cellulaires et leur mise au point, bien qu'abordée depuis plusieurs années par différentes équipes, constitue toujours une priorité. Cette situation reflète l'extrême difficulté de la tâche, liée essentiellement à l'élaboration d'un milieu de culture complémenté en facteurs de croissances spécifiques.

Le premier concerne l'étude “in vitro” des parasites afin d'élucider leur cycle de multiplication et comprendre les mécanismes moléculaires de leur cytopathogénie. Par ailleurs leur culture faciliterait des caractérisations biochimiques, des infections expérimentales et la recherche de molécules parasiticides.

A l'échelle de l'organisme, il est important de pouvoir analyser les processus infectieux: connaître les modalités d'infection et le développement de celle-ci, ainsi que les mécanismes immunitaires impliqués. Cette approche repose sur une modélisation d'infections expérimentales qui, parallèlement, doivent permettre de déterminer la sensibilité à l'agent pathogène des différents stades et races de l'hôte ainsi que d'autres espèces susceptibles d'être des hôtes “réservoirs”.

Enfin au niveau des populations, l'intégration des paramètres environnementaux et culturaux dans l'épidémiologie, analysée par des méthodes modernes d'immuno-diagnostic, doit conduire rapidement à l'élaboration de mesures prophylactiques efficaces.

Dans le cadre des activités de recherches de notre équipe à l'IFREMER, nous avons défini quatre axes de travail, étroitement liés, permettant ce type d'approche, relativement global, des maladies de mollusques.

1) Purification des agents pathogènes

L'isolement et la purification de l'agent pathogène constitue une priorité dans toute étude pathologique. A ce jour, parmi des nombreux agents pathogènes intracellulaires de bivalves, seul un retrovirus de Mya arenaria a été isolé, caractérisé précisément et utilisé pour reproduire expérimentalement une néoplasie hémocytaire (Oprandy, 1981)

Des essais sont en cours dans notre laboratoire depuis quelques mois et reposent sur l'utilisation d'extraits ganglionnaires comme source de facteurs mitotiques.

3) Immunodiagnostics

Les études épidémiologiques et les contrôles zoosanitaires chez les mollusques reposent actuellement sur des examens histologiques en microscopie optique. Ces derniers, relativement efficaces pour la mise en évidence d'infections parasitaires, s'avèrent inadaptés au diagnostic de certains micro organismes tels que des virus. D'autre part, ils sont relativement lourds à mettre en oeuvre, les délais d'information sont assez longs et les débuts d'infections difficilement décelables. Enfin le diagnostic n'est jamais quantitatif.

La purification de l'agent pathogène Bonamia ostreae a permis d'aborder la mise au point d'un immunodiagnostic du type E.L.I.S.A. (Enzyme linked immunosorbent assay) adapté à la mise en évidence rapide et à la quantitification de ce protozaire. Nos premiers essais, réalisés selon la méthode “double sandwich indirecte” à partir d'immunserums de lapin et de souris, ont révélé qu'il était nécessaire d'accroître la qualité du diagnostic en utilisant des anticorps monoclonaux. A l'aide de ces derniers, nous préparons maintenant un test ELISA adapté au diagnostic de B. ostreae.

4) Thérapies

L'impact économique des épizooties sur la conchyliculture nécessite d'envisager des solutions curatives, qui devront être évidemment conçues en tenant compte des caractéristiques des élevages conchylicoles.

Une approche chimiothérapeutique est entreprise sur la parasitose de la moule Mytilus edulis par le crustacé copépode Mytilicola intestinalis. Ce choix a été dicté par l'impact économique de cette maladie, la localisation du parasite dans le tube digestif qui facilite l'action de molécules antiparasitaires et le cycle d'élevage de la moule permettant d'envisager un traitement sur cordes de jeunes moules à une période de faible transmission du parasite faisant suite à la principale période de contamination.

Parallèlement nous testons, “in vitro”, et “in vivo” différentes molécules antiparasitaires vis à vis de B. ostreae.

Ces différents axes de recherches, menées par notre équipe dans le cadre de l'IFREMER, ont pour but, d'une part de mettre en place les bases expérimentales indispensables au développement d'études fondamentales des maladies de mollusques, d'autre part de concevoir des mesures prophylactiques efficaces; sur le plan zoosanitaire en développant l'utilisation d'immuno-diagnostics et sur le plan zootechnique grâce premièrement à l'adaptation des techniques culturales aux données épidémiologiques et deuxièmement à la sélection au laboratoire de souches ou d'espèces résistantes aux maladies.

Analyse des relations de l'agent pathogène
avec l'hôte à l'échelle de

la cellulel'organismela population
  • culture “in vitro” sur cellules-hôtes

  • étude du cycle de multiplication et de la cytopathogénie

  • biologie moléculaire et analyses biochimiques de l'agent

  • reproduction expérimentale de la maladie et des paramètres culturaux

  • analyse des processus infectieux et des réactions immunittaires

  • détermination de la sensibilité de races et d'espèces

  • spécificité d'hôtes

  • épidémiologie descriptive et analytique : intégration des facteurs environnementaux et des paramètres culturaux

AXES DE RECHERCHES (IFREMER)

PROPHYLAXIES THERAPIES
ZOOSANITAIRESZOOTECHNIQUES 
  • immunodiagnostics: contrôles rapides fiables, quantitatifs.

  • amélioration des techniques d'élevage et de commercialisation.

  • sélection de souches et d'espèces résistantes

  • adaptées aux caractéristiques des élevages conchylicoles.


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