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4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES.

Vu le nombre d'observations actuellement disponibles, il est difficile d'avancer des chiffres sur la production primaire du lac Kivu: il faudrait étendre l'échantillonnage à l'entièreté du lac et au moins sur deux périodes bien contrastées au niveau climatique, afin de mettre en évidence l'influence d'apports allochtones ou de la circulation plus ou moins profonde.

Néanmoins, on peut raisonnablement ébaucher quelques conclusions et souligner quelques faits basés sur nos observations, en faisant un parallélisme avec le lac Tanganyika.

Dans la zone nord du lac, à l'exclusion de la baie de Sake, la biomasse phytoplanctonique est faible (< 1 μg chla.l-1); cette biomasse est carencée en nutriments (N,P) et probablement sévèrement limitée par le P; les concentrations en P inorganique dissous sont en effet virtuellement nulles et le rapport C:P du plancton est très supérieur à celui d'une biomasse non carencée, donné par le “Redfield ratio”. Si l'on compare à la situation dans le lac Tanganyika (travaux de Hecky et al.), les concentrations en nutriments dissous à la même époque de l'année (octobre-novembre 1975) sont dans ce lac comprises entre 40 et 180 μg.l-1 N et 3 et 16 μg.l-1 P, pour une biomasse phytoplanctonique située dans une gamme comparable (0,3 à 12,6 μg chla.l-1) quoique sans doute un peu plus élevée. Rappelons toutefois que la zone sud du lac Kivu n'a pas été couverte, alors que les conditions y sont peut-être plus proches de celles du lac Tanganyika (par exemple au niveau du rapport Si:P). Nos premières données suggèrent en tous cas que le plancton du lac Kivu (partie nord) est plus sévèrement limité par les nutriments que le plancton du lac Tanganyika.

La production primaire mesurée en zone côtière et dans la baie de Sake est relativement élevée: 0,8 à 0,9 gC.m-2.j-1. Ces valeurs sont corrigées pour l'assimilation à l'obscurité et peuvent être considérées comme une production brute, vu les temps d'incubation courts (2 h): elles sont dans la gamme de celles mesurées en mars 1972 et 1973 par Jannasch (1975). Par contre, deux mesures en zone pélagique donnent une production moindre, de l'ordre de 0,33 gC.m-2.j-1, fort inférieure à valeur minimale de Jannasch (0,66 gC.m-2.j-1): ceci peut être expliqué principalement par une plus faible biomasse algale qu'en zone côtière et reflète des conditions de croissance moins favorables, qui peuvent découler:

Enfin, les biomasses plus faibles en zone pélagique pourraient être simplement la conséquence d'une prédation plus intense, hypothèse que les observations à réaliser sur le zooplancton pourront peut-être confirmer.

Au lac Tanganyika, la production primaire est également variable suivant les zones du lac: elle est estimée en moyenne à 1.11 gC.m-2.j-1, avec un écart-type de 0,66. Il est hasardeux de comparer ce chiffre avec les données actuellement disponible au Kivu; notons cependant que la zone photique au Tanganyika est en moyenne de 25 m (k moyen = 0,18 m-1), ce qui permet a priori une production photosynthétique supérieure à celle du lac Kivu, où, d'après nos mesures et les données de la littérature, la zone photique est généralement inférieure à 20 m.

Au vu des informations apportées par ces premières observations, nous suggérons la poursuite du travail sur la production primaire en intensifiant l'échantillonnage, dans le temps et dans l'espace, de façon à cerner les variations saisonnières et entre zones du lac, où les conditions de croissance du phytoplancton sont probablement très différentes. Cet échantillonnage devra comprendre une comparaison de la production et de la biomasse phytoplanctoniques entre la zone côtière et la zone pélagique: ceci pourrait confirmer l'hypothése d'un rôle important des zones côtiéres pour la croissance des Limnothrissa. Enfin, les études approfondies menées au lac Tanganyika démontrent l'importance de la production bactérienne dans la chaîne trophique (Hecky et al., 1981): une étude spécifique de la contribution de la production hétérotrophe devra aussi être envisagée un jour au lac Kivu. Notons déjà que nos mesures de carbone particulaire sont élévées en regard de la concentration en chlorophylle a, ce qui suggère que la biomasse bactérienne pourrait constituer une fraction tout-à-fait significative de cette matière organique disponible pour la chaîne trophique pélagique.

Sur le plan technique, les procédures utilisées dans cette première étude de la production primaire sont adéquates, sauf pour la mesure de la chlorophylle a, pour laquelle des améliorations techniques sont à apporter. Excepté pour ce point précis, le projet Isambaza dispose actuellement du matériel nécessaire à la poursuite de l'étude (voir liste en annexe 2).

Enfin, l'étude entreprise devra être complétée par des examens, si possible quantitatifs, de la composition du phytoet du zooplancton. Pour le zooplancton, on dispose des récoltes réalisées en cinq points au cours de la mission, ainsi que des échantillons récoltés au filet de 50 μm par le projet au cours des dernières années: ceux-ci constituent un matériel précieux, qui sera examiné au début 1991 par des collaborateurs de l'Unité d'Ecologie des Eaux Douces, encadrés par un spécialiste de l'Université de Leicester.


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