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CHAPITRE 4 - Infections fongiques

17

- 4.1

Saprolégnioses

 
ILLUSTRATIONS:Planche 4 
ESPECES TOUCHEES:Tilapia spp., Clarias carsoni, Ctenopoma murieri, Mugil cephalus, Liza ramada et la truite arc-en-ciel. Toutes les espèces de poissons d'eau douce peuvent potentiellement être affectées, y compris au stade d'oeuf 
SIGNES APPARENTS:Lésions isolées ou généralisées de la peau aussi bien que la gueule, couvertes d'amas cotonneux constitués par une masse (mycelium) de filaments fongiques (hyphes). Les mêmes excroissances cotonneuses apparaissent sur les oeufs infectés. 
CAUSE:Infection par des champignons, surtout de la classe des Phycomycètes. Le poisson peut héberger de nombreuses espèces de champignons aquatiques différents sur une seule lésion. Les membres du genre Saprolegnia sont les plus communs; des lésions peuvent également être causées par des champignons des genres Achyla, Aphanomycetes, Leptolegnia, Leptomitus et Phythiopsis. La taxonomie exacte des champignons causant des lésions sur les poissons africains est encore inconnue. 
DIAGNOSE:L'identification générique et spécifique de ces champignons est difficile et doit être entreprise par un mycologue. Les champignons peuvent être isolés par culture sur des boîtes d'agar de Sabouraud, faciles à obtenir en laboratoire clinique de routine. L'isolation par une méthode spécifique, développée pour Saprolegnia par Willoughby et Pickering (1977) comprend une isolation initiale sur agar d'un extrait glucosé d'une levure à pénicilline-streptomycine, cultivé au moins deux fois sur le même milieu puis inoculé dans une couche d'agar et entretenu ensuite sur un agar glucosé-peptoné. 
Les champignons du genre Saprolegnia se composent d'un mycelium multinucléé filamenteux. Les organes reproducteurs, sporanges allongés et ovales, contenant des zoospores biflagellés, sont fixés à l'extrémité des hyphes. Les sporanges sont séparés par une cloison du mycelium subsistant. Les organes sexuels, des oogones arrondis, se développent à l'extrémité des hyphes. Les organes mâles, les anthéridies, s'ils sont présents, sont moins distincts du reste des hyphes.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL:Les infections actives sont très apparentes. Les myceliums précoces ou dégénérescents dans les lésions peuvent être aisément identifiés par la présence de myceliums fongiques et, par voie de conséquence, peuvent être différenciés des lésions causées par des bactéries ou par des ectoparasites. 
BIOCYCLE, BIOLOGIE ET EPIZOOTOLOGIE:Saprolegnia, comme les autres Phycomycètes, se reproduit asexuellement par la production de zoospores dans les sporanges et sexuellement par la production d'oogones femelles fertilisés par des anthéridies mâles. Les zoospores biflagellés relâchés, s'établissent et produisent de nouveaux hyphes. Dans les oogones,1 à 20 oeufs se développent. Les anthéridies croissent sur les hyphes adjacents, pénètrent dans l'oogone et fertilisent les oeufs. Les zygotes fertilisés se développent dans les spores en repos. Chez quelques espèces de Saprolegnia, les anthéridies ne se développent pas et les oeufs deviennent des parthénospores. La spore qui germe entreprend une méiose suivie par de nombreuses divisions et envoie un hyphe simple qui tourne dans le sporange lequel contient des zoospores. Ces champignons sont considérés comme des agents secondaires de l'infection et envahissent toujours le tégument du poisson là où il a été endommagé par des abrasions, des blessures, des pertes d'écailles dues aux manipulations, aux pêches et aux transferts là aussi où il a été attaqué par des ectoparasites, notamment par des argules. Dans les élevages israéliens, les infestations ont été nombreuses sur Tilapia spp. (plus de 50 %) après les transferts d'étang à étang. Les infections fongiques ont été particulièrement dominantes pendant les mois les plus froids de l'année, lorsque la température de l'eau tombe en dessous de 15°C. Une forte infestation suivie de mortalité a été observée pendant les mois froids d'hiver sur T. mossambica vivant dans un barrage de l'Afrique du Sud (Port Elizabeth). De fortes mortalités dues aux infections fongiques de la peau ont été notées sur des alevins et des fingerlings de mulets durant la première des deux à trois semaines de leur passage de l'état sauvage aux conditions d'élevage en Israël. Des pertes considérables sont enregistrées également sur des mulets lors de leur transfert des nourriceries aux étangs d'engraissement. Les aprolégnioses apparaissent fréquemment sur les oeufs en incubation et sur les alevins nouveaux-nés de la truite arc-en-ciel dans les écloseries sud-africaines. Saprolegnia et d'autres champignons n'ont pas été trouvés sur les poissons maintenus dans les eaux saumâtres (ou d'une salinité supérieure à 1 ppm), même à la suite de blessures dues aux manipulations.18
PATHOLOGIE:Ordinairement, le champignon s'installe ponctuellement, envahissant la couche spongieuse du derme et se développant alors latéralement sur l'épiderme qu'il érode au fur et à mesure qu'il s'étend. Dans les infections chroniques chez les très petits poissons et aussi dans les infections aiguës, le mycelium pénètre également dans les muscles, au-dessous du derme. Dans le derme aussi bien que dans les muscles, l'infection occasionne des nécroses, des oedèmes et des hémorragies généralisées. L'infiltration cellulaire est limitée à la périphérie de la lésion et elle est souvent associée à une contamination bactérienne concomitante de la lésion. L'infection, chez le jeune poisson (alevin de mulet ou de truite) est souvent limitée à la moitié postérieure du corps et occasionne la destruction complète de la nageoire caudale et du pédoncule caudal. 
TRAITEMENT ET CONTROLE:L'oxalate de malachite ou “vert malachite” (zinc libre), appliqué dans les étangs á la dose de 0,15 ppm et dans les réservoirs de stockage à raison de 0,10 à 0,20 ppm pendant une heure, est recommandé aussi bien en traitement préventif que thérapeutique pour les affections fongiques du poisson. La limite de tolérance de la carpe, de Tilapia spp., du mulet et de la truite se situe autour de 1,1 ppm pendant 6 heures. D'autres espèces peuvent toutefois montrer plus de sensibilité ou plus de tolérance. Pour aboutir à une complète éradication, il est recommandé de répéter le traitement tous les trois jours jusqu'à disparition définitive. En prévention l'application de vert malachite dans les étangs ou dans les bacs de stockage est conseillée immédiatement après les pêches, manipulations et transferts. La saprolégniose atteignant les poissons euryhalins (Tilapia spp. et mulets) peut être traitée en transférant les poissons dans une solution salée ou dans de l'eau de mer pendant plusieurs jours. 
En ce qui concerne le traitement des oeufs de poissons d'eau chaude par le vert malachite, on n'a d'expérience que pour le poisson chat Ictalarus punctatus et pour la carpe. On recommande une immersion de 10 secondes dans une solution à 1500 ppm de vert malachite pour les oeufs de poissons chats (66 ppm/10 sec pour la truite). On peut appliquer aussi 0,1 ppm de vert malachite pendant une heure (et jusqu'à 2,2 à 5 ppm pour les oeufs de truite) en injectant la solution dans le débit d'eau d'alimentation des bacs ou du dispositif d'incubation à un taux qui sera maintenu à la concentration désirée. Pour les oeufs de la carpe commune, on conseille un traitement avec de l'eau salée (ou de l'eau de mer diluée).
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE CONNUE:Présentement, l'infection a été signalée sur Tilapia mossambica et la truite arc-en-ciel en Afrique du Sud et sur Ctenopoma murieri et Clarias carsoni tenus en aquarium à Kampala, en Ouganda Saprolegnia et d'autres champignons de la peau, de la classe des Phycomycètes sont ubiquistes chez les poissons élevés en eau chaude et en eau froide dans tous les continents. Saprolegnia est commun sur Tilapia spp. et sur les mulets élevés en Israël et est aussi très commun chez diverses espèces de poissons d'élevage (cyprinidés et autres) de l'Inde.19
REFERENCES:79, 97, 104, 181, 182, 225, 249, 261, 292, 298. 

4.2

Branchiomycoses

 
ILLUSTRATIONS:Planche 4 
La branchiomycose, infection fongique des branchies, qui entraîne de sévères nécroses, a été constatée une seule fois sur des poissons en Afrique, dans un élevage de carpes au Transvaal; elle est commune dans les piscicultures en eau chaude du sud-est asiatique, d'Israël et d'autres pays méditerranéens. Les infections ont été signalées sur de nombreuses espèces de poissons, carpes comprises. Elle a récemment fait son apparition sur des poissons chats élevés en Arkansas, dans le sud des Etats-Unis. L'infection est causée par un champignon phycomycète du genre Branchiomyces. De nombreuses espèces ont été identifiées sur diverses espèces de poissons européens. L'infection peut être diagnostiquée à partir des hyphes et des spores du champignon trouvés dans des préparations fraîches de branchies. Les étangs eutrophes ayant une charge importante en matières organiques, les étangs fortement fertilisés avec du fumier et des températures de l'eau supérieures à 20°C sont autant de facteurs favorables à la prolifération de la branchiomycose chez les poissons. Pendant la saison chaude, quand les températures de l'eau excèdent 25°C, une fois que l'infestation se manifeste dans l'étang, dans les deux á quatre jours, elle peut s'étendre à tous les poissons et causer de graves mortalités. Le champignon infeste la lumière des vaisseaux sanguins des branchies, l'artère branchiale afférente et les capillaires, causant un blocage de la circulation, des thromboses et, par voie de conséquence, une nécrose généralisée des filaments branchiaux affectés. Le processus est rapide et est accompagné par une prolifération de l'épithélium des branchies avec, comme résultat, l'adhérence des filaments: le poisson meurt comme asphyxié. L'exercice d'un contrôle est très limité; en Israël, on épand 150 à 200 kg de chaux vive par hectare dans les étangs affectés.
REFERENCES:9, 79, 249, 252, 261. 

PLANCHE 4

PLANCHE 4: MALADIES FONGIQUES

  1. Tilapia mossambica infesté par Saprolegnia
  2. Ctenopoma murieri infesté par Saprolegnia
  3. Sporanges de Saprolegnia (x 115)
  4. Morceau de mycelium de Saprolegnia avec des organes sexuels jeunes (115), d'après G.M. Smith
  5. Organes mâles et femelles matures (x 115), d'après G.M. Smith
  6. Branchiomyces à l'intérieur du filament et des lamelles branchiales, d'après Plehn
  7. Hyphes de Branchiomyces émergeant du filament branchial

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