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L'INVENTAIRE FORESTIER MONDIAL 1963

INTRODUCTION

Au cours de la décennie actuelle, où l'attention mondiale est centrée sur le développement, il est nécessaire d'harmoniser tous les efforts afin de dresser un tableau complet des ressources qui sont à la disposition d'une population en augmentation constante. L'Inventaire forestier de 1963 s'insère dans ce cadre. Il est le dernier en date de la série entreprise par la FAO, conformément à la recommandation adoptée par sa Conférence à sa sixième session en 1951, selon laquelle l'Organisation devrait rassembler et publier tous les cinq ans les informations disponibles sur les ressources forestières du monde entier. L'établissement d'un inventaire mondial a été un point de départ essentiel pour leur développement rationnel. Les forêts couvrent près d'un tiers des terres du globe, mais sont très inégalement réparties et leur utilité potentielle diffère grandement. Elles vont de la toundra arctique à la forêt des marécages équatoriaux, des arbustes rabougris des zones désertiques aux forêts des zones montagneuses humides, des plantations homogènes aux jungles luxuriantes. Elles servent aussi bien à fournir des matières premières à des industries toujours plus variées, des poteaux et du bois de chauffage pour la consommation domestique, qu'à régulariser le régime des eaux ou le climat local, à protéger les animaux sauvages et à satisfaire le besoin de détente. Pour pouvoir aménager le mieux possible des ressources si vastes ayant des usages si variés, il faut disposer d'informations détaillées sur la forêt mondiale, sa superficie et le matériel sur pied, sa composition et sa productivité et le système actuel de propriété et d'aménagement. La comparabilité des informations relatives aux divers pays est essentielle si l'on veut pouvoir coordonner les politiques forestières nationales pour répondre à l'interdépendance croissante de toutes les nations. C'est dans ce contexte qu'il faut envisager la présente publication.

PORTEE DE L'ENQUETE

Un certain nombre de modifications font que le présent inventaire forestier mondial diffère de ceux qui l'ont précédé. Elles résultent de la nécessité d'étendre l'enquête à des zones forestières qui n'avaient pas été englobées jusqu'à présent, de déterminer le niveau où se situe la valeur des informations fournies et d'obtenir des renseignements plus détaillés sur certaines questions importantes. La comparabilité avec les enquêtes antérieures a été maintenue dans toute la mesure du possible, mais le lecteur devra être prudent lorsqu'il voudra faire des comparaisons. Les obervations suivantes précisent la nature et l'ampleur des modifications.

Les progrès réalisés ces dernières années en ce qui concerne les mensurations forestières, facilitées par la photographie aérienne, l'amélioration des méthodes de sondage, l'utilisation de l'ordinateur, ainsi que de nouveaux instruments pour mesurer les arbres, ont permis de recueillir une masse de renseignements au sujet des forêts encore inutilisées. De même, les progrès de la législation ont fait passer dans le domaine relevant de la politique forestière des zones qui ne sont pas facilement accessibles pour le moment. Les progrès ont été inévitablement fort différents selon les pays, mais ont paru suffisamment importants pour justifier un élargissement de l'enquête à des zones actuellement inutilisées ou inaccessibles. Le questionnaire relatif à l'inventaire demandait des renseignements sur le régime de propriété, l'aménagement et le traitement sylvicole de toutes les terres forestières, ainsi que sur la densité, la composition, le matériel sur pied et l'accroissement annuel de toutes les forêts (à l'exclusion de celles où toute coupe à caractère industriel est interdite). Pour assurer la comparabilité avec les inventaires précédents, des renseignements ont également été demandés au sujet de la densité, de la composition, du matériel sur pied et de l'accroissement annuel des “forêts utilisées”. La notion de “forêts accessibles” a cependant été abandonnée car il n'est pas possible de définir de façon suffisamment simple et claire, aux fins d'une enquête de cette nature, le caractère d'accessibilité économique ou physique.

Cet élargissement de la portée de l'enquête à des forêts qui sont souvent imparfaitement connues a exigé que des précautions supplémentaires soient prises pour éviter l'amalgame de renseignements dont la valeur se situe à des niveaux différents. Une distinction a été faite entre les données tirées des informations “sur les forêts inventoriées ou les forêts dans lesquelles ont lieu des mensurations systématiques par des méthodes d'échantillonnage” et les données estimées relatives “aux forêts pour lesquelles aucun inventaire ni aucune mensuration systématique n'ont été faits, mais où, cependant, certains renseignements ont été obtenus par l'une ou l'autre méthode de reconnaissance extensive”. Le pourcentage des données provenant d'inventaires a été indiqué dans tous les tableaux concernant la densité, la composition et le matériel sur pied.

Une nouvelle question importante qui a été ajoutée au questionnaire de 1963 concerne les “terres forestières non boisées” qui ont été définies comme “terres auparavant couvertes de forêts coupées à blanc ou incendiées, mais qui doivent être reboisées dans un proche avenir” et “terres qui, par leur nature, ne peuvent pas porter de couverture arborée, par exemple, routes forestières, petites rivières, petites étendues d'eau”. Il a paru souhaitable de connaître la superficie de ces terres pour la soustraire de la superficie qui doit être indiquée par la suite dans les questions relatives à la densité, la composition et le matériel sur pied.

Un second élément nouveau de l'enquête réside dans la ventilation qui a été demandée de toutes les forêts de conifères, feuillus et peuplements mélangés en trois grands groupes volumétriques: moins de 50, de 50 à 150, et plus de 150 m3/ha. Ces renseignements ont été considérés nécessaires pour établir une première approximation de la composition quantitative des forêts. En outre, on a espéré renforcer ainsi la valeur des données relatives à la densité des cîmes et au matériel sur pied. Ces renseignements doivent être complétés par une ventilation similaire des “peuplements jeunes”, afin de déterminer la mesure dans laquelle les volumes faibles résultent de la jeunesse des peuplements et non de la médiocrité des conditions d'accroissement.

Le lecteur qui a pu maintenant se rendre compte de l'ampleur de la tâche entreprise dans cette enquête et de certaines de ses difficultés, peut mieux apprécier les informations que renferme l'Inventiare forestier mondial 1963.

REPONSE

Les informations fournies par cette cinquième enquête mondiale se présentent d'une façon tout à fait différente de celles qui avaient été recueillies à l'occasion de la troisième et de la quatrième enquêtes. Le nombre de pays qui ont rempli le questionnaire a été plus faible qu'en 1958 (105 contre 130, soit une diminution de 19%). Toutefois, la superficie des terres forestières visées par les réponses directes n'a diminué que de 5 % environ, car la plupart des pays qui n'ont pas répondu n'ont que peu de forêts. Ce résultat un peu plus faible n'est pas entièrement inattendu. Il s'explique, en partie au moins, par les surcharges temporaires de travail imposées à l'administration dans les pays qui accèdent à l'indépendance.

En revanche, de nombreux pays qui ont des ressources forestières importantes ont fourni une masse accrue d'informations détaillées et plus précises. En outre, une nouvelle masse de renseignements a été mise à disposition à mesure que les rapports des pays aux commissions forestières régionales de la FAO ont élargi leur portée et la documentation communiquée par les experts des inventaires auxquels des missions spéciales ont été assignées a considérablement augmenté. Cependant, ces renseignements n'ont pas toujours été directement utiles pour l'enquête, en raison des structures différentes qui ont été adoptées.

La forme plus complexe de la présente enquête a renforcé l'uniformité interne des renseignements obtenus et la plus grande abondance de détails a fait apparaître des différences sensibles, non seulement entre les données relatives aux différents pays, mais aussi entre les données de 1963 et celles de 1958. Les vérifications par pays ont montré qu'il ressortait parfois des réponses que les données de 1958 étaient maintenant considérées comme périmées, ce qu'il ne faut pas oublier si l'on veut comparer directement les données des tableaux de base du présent volume à celles de 1958. Il ne faudrait pas évidemment en conclure que les résultats des enquêtes de 1958 et de 1963 ne sont pas comparables; mais il importe de souligner que les grandes différences pour certains pays résultent davantage d'une meilleure connaissance des forêts ou d'une application plus stricte des définitions que d'une modification effective des ressources forestières.

Dans l'ensemble, les modifications apportées au champ de l'enquête ont donné des résultats dépassant toutes espérances. Cependant, elles ne s'adaptaient pas toutes aussi bien aux données des inventaires forestiers disponibles dans les différents pays. D'autre part, comme il avait déjà été constaté dans des enquêtes antérieures, les pays qui possèdent des informations détaillées provenant d'inventaires ont tendance à fournir moins volontiers des chiffres dérivés que certains pays où les mensurations systématiques ne sont pas encore aussi développées. Ce souci très compréhensible d'exactitude a même amené certains pays à s'abstenir de communiquer des données plutôt que de fournir des renseignements dérivés qu'ils considéraient trop approximatifs par rapport aux chiffres de leurs inventaires. Il a également incité de nombreux pays à inscrire les chiffres dérivés dans la colonne “estimé” plutôt que dans la colonne “inventorié”, bien qu'ils les aient tirés en fait des inventaires définis ci-dessus. Dans certains cas, lorsque la structure de l'inventaire national diffère largement de celle de l'inventaire forestier mondial, les ressources nécessaires pour transposer les données dans la forme requise, ce qui demande parfois un travail considérable, n'ont pas pu être mises à disposition en temps voulu. Pour toutes ces raisons, les informations publiées dans le présent volume sont moins complètes, pour certains pays, que celles qui figurent dans les inventaires publiés par ces pays. Certains renseignements sont donnés dans les “Notes sur les régions et les pays”, parce qu'ils ne pouvaient pas être insérés dans les tableaux principaux, qu'il a d'ailleurs souvent fallu compléter par des notes de bas de page. Ces nombreuses notes, qui tendent à en rendre plus difficiles la lecture et l'interprétation, sont indispensables pour une présentation adéquate.

Etant donné que les données relatives à certains sujets sont incomplètes, les totaux régionaux et mondiaux ne figurent pas toujours dans les tableaux statistiques, bien qu'ils aient été calculés aux fins de l'analyse qui suit. De même, certains totaux ont été ajustés d'après des informations qui indiquent que certains pays appliquent les notions de façon particulière. Ces ajustem ents sont expliqués dans les “Notes sur les régions et les pays”. Toutes les données, qu'elles soient dérivées des questionnaires, des statistiques officielles ou des rapports des experts, sont inscrites comme “données fournies”. Les analyses comportent fréquemment des références aux régions plus industrialisées (Amérique du Nord, Europe, URSS, Région du Pacifique) et aux régions moins industrialisées (Amérique latine, Afrique, Asie). Il convient de relever que cette classification est faite dans le contexte du présent volume et ne constitue qu'une large généralisation du degré global d'industrialisation desdites régions.

ANALYSE DES RESULTATS

Terres forestières et forêts

Les lecteurs des inventaires forestiers mondiaux de 1953 et de 1958 se souviendront que la définition des “terres boisées”, qui correspond presque exactement à celle des “terres forestières” utilisée dans le présent inventaire, était extrêmement large et englobait les terres non spécifiées auparavant couvertes de forêts coupées à blanc ou incendiées. L'enquête de 1963 a fait apparaître avec un degré de précision considérable la superficie de ces terres non boisées, et permis pour la première fois d'estimer la superficie des forêts mondiales à l'exclusion de ces terres. Les résultats ont été inattendus: de nombreux pays ont indiqué que de très vastes étendues de terres forestières, allant jusqu'à 50 % du total, n'étaient pas boisées. Il semble que l'on se propose de reboiser “dans un avenir prévisible” de nombreuses régions qui demeureraient probablement dépourvues de couverture arborée pendant plusieurs décennies. Certains pays ont également inclus des terres qui n'étaient pas boisées auparavant, mais pour lesquelles il existe des plans de boisement ou même des terres génées par les autorités forestières, mais qui vraisemblablement ne seront jamais boisées : ces catégories devraient etre enregistrées dans les terres non forestières d'après les définitions utilisées dans le présent inventaire. Le tableau 1 donne la superficie des forêts, à supposer que les terres forestières non boisées à déduire dans chaque région représentent la même proportion de terres forestières que dans les pays de cette région ayant fait rapport. Les nouveaux renseignements montrent que si la superficie de terres forestières du monde est à peu près la même que dans l'inventaire forestier de 1958, soit 4.100 millions ha. environ, celle des forets est probablement de 3.800 millions ha.

Tableau 1 - Catégories des terres
Million ha.

RégionsTerres forestièresForêts (estimation)Superficies des terres
%
TotalNon-productivesProtection
Amérique du Nord  750  710  29010  187538
Amérique Centrale    76    71    20  -    27226
Amérique du Sud  890  830  51020  176047
Afrique  710  700  40020  297024
Europe  144a  138       16a   1        47129
URSS  910a  738  a  28a 10      214434
Asie  550  500  16010  270019
Région du Pacifique    96    92    40  4    84211
Monde412637791464751303429
 Plus industrialisée19001678  37425  533232
 Moins industrialisée22262101109050  770227

a Donnée fournie

Un type de végétation qui n'est une forêt qu'au sens très large et dont la superficie est maintenant indiquée pour la première fois est inclus dans les forêts: ce sont les terres (autres qu'agricoles) où la densité de cîmes n'est que de 0,05 à 0,09. Dans les enquêtes précédentes, les pays avaient seulement été invités à signaler quelle était la superficie de ces terres de peuplements très disséminés qui était comprise dans les forêts utilisées. L'enquête de 1963 a posé cette question pour toutes les forêts et les réponses donnent quelques indications, dont la valeur diffère d'une région à l'autre, au sujet de l'étendue de ces terres (voir plus loin l'analyse de la densité). Elle semble correspondre à 100 millions d'hectares de la forêt mondiale, dont environ 50 millions en Afrique.

Un type de forêt d'une importance accessoire pour les travaux relatifs aux inventaires est constitué par les réserves de protection où toute coupe à caractère industriel est interdite. Ces terres, qui sont légalement protégées, ne contribueront sans doute jamais à la production forestière, mais elles sont d'une grande importance en raison des autres avantages qu'elles procurent à l'humanité. Elles ont donc été déduites des terres forestières pour lesquelles des données concernant la densité, la composition, le matériel sur pied et l'accroissement annuel ont été demandées. Les estimations mondiales qui s'y rapportent figurent dans le tableau 1.

La question importante de la superficie des forêts non productives a été étendue à toutes les forêts. Les pays ont été invités à suivre leur définition propre, en s'inspirant des indications générales qui figurent dans le questionnaire. Les réactions ont été bonnes et ont montré que de nombreux pays font des estimations des superficies non productives. Bien entendu ces estimations sont fondées sur une gamme de notions différentes qui vont de la forêt qui n'est pas utilisée actuellement à la forêt qui ne sera vraisemblablement jamais utilisée, quelles que soient les circonstances. Cependant, tous les chiffres relatifs aux forêts non productives représentent sûrement des superficies actuellement improductives, de sorte que des indications utiles paraissent pouvoir en être dérivées (voir tableau 1). Environ 40 % de la forêt mondiale semble appartenir à cette catégorie (50 % dans les régions moins industrialisées et 20 % dans les régions plus industrialisées). Les enquêtes futures pourront établir la proportion de la forêt actuellement improductive qui semble devoir toujours le rester, ce qui permettra de se faire une idée de son développement économique potentiel, lequel pourrait être très substantiel, du fait qu'il s'agit de vastes étendues.

L'importance du développement forestier dans les régions moins industrialisées apparaît encore plus clairement, si l'on compare leur superficie de forêt par habitant (0,9 hectare) à celle des pays plus industrialisés (1,9 hectare). Ces comparaisons ne justifient cependant aucune interprétation alarmante, car la superficie des forêts est moins importante que certaines autres de leurs caractéristiques, par exemple la composition et le taux d'accroissement. Ce qui est inquiétant, c'est le rythme auquel la superficie par habitant diminue sous l'effet de l'accroissement démographique. Le tableau 2 permet de comparer les chiffres de 1963 à ceux de 1958 (voir aussi le diagramme C). C'est dans les régions moins industrialisées que le problème est le plus grave. L'Asie en particulier, avec plus de la moitié de la population mondiale, est déjà mal pourvue en forêt et ne peut guère se permettre une réduction de la superficie boisée par habitant. Comme l'évolution démographique se poursuivra vraisemblablement dans le même sens pendant fort longtemps, il faut évidemment faire de grands efforts pour accroître la productivité des forêts existantes et boiser les terres qui s'y prêtent avec des espèces à croissance rapide.

Tableau 2 - Superficie par habitant
ha.

Régions19631958
ForêtsTerres forestièresTerres boisées
Amérique du Nord3.43.83.8
Amérique Centrale  0.971.01.4
Amérique du Sud5.35.77.3
Afrique2.42.43.4
Europe  0.32  0.33  0.34
URSS3.34.04.1
Asie  0.28  0.30  0.32
Région du Pacifique5.45.76.5
 Monde1.21.31.4
  Plus industrialisées1.92.12.2
  Moins industrialisées  0.90  0.951.1

Régime de propriété

L'inventaire contient des renseignements assez complets sur le régime de propriété des terres forestières du monde. Selon les rapports, qui concernent 3.100 millions d'hectares (soit une couverture a de 75%) 77% sont du domaine public et 23% du domaine privé. Le rapport entre ces deux catégories dans les différents pays et les différentes régions est naturellement le reflet du système socio-économique et il faut faire preuve d'une certaine prudence en examinant les totaux. Pour l'ensemble de l'Europe, par exemple, 47% des terres forestières sont du domaine public; mais la moyenne est de 94% dans l'Europe de l'Est contre 34% en Europe occidentale. De même, le chiffre relatif à l'Asie est fortement influencé par l'absence de propriété privée en Chine continentale.

Tableau 3 - Propriété des terres forestières

Régions1963 1958
CouverturePubliquePrivéeCouverturePublique
%Million ha.%Million ha.%%
Amérique du Nord87476731735657
Amérique Centrale62  2145  26560
Amérique du Sud69341562692754
Afrique4025079  682286
Europe99  6747  779945
URSS100   910100      -100  100  
Asie5628392  255793
Région du Pacifique86  2126  622760
 Monde752369   777004680

Il y a quelques différences significatives avec les données de l'inventaire forestier mondial de 1958, encore qu'il convienne de se rappeler que celui-ci se référait seulement aux forêts accessibles. L'amélioration de la couverture pour l'Amérique du Nord, par exemple, montre que le domaine public est bien plus vaste que ce qui avait été indiqué précédemment. L'augmentation très considérable de la couverture pour l'Amérique Centrale, d'autre part (qui est passée de 5 à 62 % des terres forestières), a mis en relief l'importance de la propriété privée. Une augmentation analogue pour la Région du Pacifique montre que c'est dans cette région que la proportion de terres forestières appartenant au domaine public est la plus faible.

L'élément le plus important de toutes ces données est qu'elles font ressortir la prépondérance de la propriété publique dans le monde entier. Même si la moitié des terres forestières restantes, pour lesquelles on ne possède pas encore de renseignements, se révélaient du domaine privé, il n'en reste pas moins que 70 % du total seraient du domaine public. Il pourra donc être intéressant, lors d'enquêtes futures, d'accorder une plus grande attention aux détails de la propriété publique.

En ce qui concerne la ventilation des forêts privées, les nouvelles données n'apportent pas de modifications significatives. Les renseignements concernant les forêts appartenant aux paysans montrent qu'elles sont moins importantes qu'elles n'avaient semblé, probablement parce qu'aucune des “forêts inaccessibles”, pour lesquelles des données ont maintenant été réunies, ne relève de cette catégorie. Cette explication, toutefois, n'est pas valable pour l'Europe, où pratiquement toutes les forêts ont été considérées comme “accessibles” et où il est maintenant indiqué que les forêts appartenant aux paysans représentent 35 % au lieu de 55 % du total des forêts privées. La proportion dans d'autres régions est de 40 % en Amérique du Nord, 20 % en Afrique et pratiquement nulle pour le reste du monde. Les forêts appartenant à des entreprises industrielles ne paraissent pas avoir augmenté depuis 1958 et, en fait les chiffres font apparaître trop de différences par rapport aux chiffres précédents pour qu'il soit possible de faire aucune généralisation. Un champ d'information qui doit être exploré plus à fond concerne la répartition des domaines forestiers par superficie, facteur qui revêt une importance considérable dans la propriété privée ainsi que dans la propriété publique autre que celle de l'Etat.

a Dans le présent texte et dans les tableaux qui font suite, l'expression “couverture” désigne le pourcentage des terres forestières (ou, le cas échéant, des forêts) pour lequel des données ont été communiquées. Pour les données de 1958, elle signifie le pourcentage de toutes les terres forestières ou forêts visées (et non seulement le pourcentage des forêts utilisées ou accessibles).

Aménagement

Les inventaires forestiers mondiaux précédents ne prévoyaient qu'une seule catégorie d'aménagement forestier, les règlements d'exploitation. La nouvelle enquête s'est préoccupée de l'aménagement des terres forestières sans règlement d'exploitation. Les pays ont été invités à indiquer les terres où d'autres méthodes de contrôle sont appliquées: exploitation limitée par des dispositions légales (par exemple, par l'imposition de limites de coupe de diamètre, ou par la remise d'autorisations de coupe) ou par des dispositions contractuelles (dans les cas où un contrat de concession réglemente l'exploitation). Les résultats, qui portent sur une très large proportion de l'ensemble, donnent une image entièrement nouvelle de l'aménagement des forêts du monde. Ainsi qu'il ressort du tableau 4, de vastes superficies sont aménagées par des méthodes autres que des règlements d'exploitation. Dans certains régions, notamment en Amérique du Sud, en Afrique et dans la Région du Pacifique, il semble que ces méthodes soient maintenant beaucoup plus largement répandues que les règlements d'exploitation. La place qui leur est faite dans les régions plus industrialisées montre clairement qu'elles jouent un rôle important dans les économies forestières développées. Le tableau 5 contient des données au sujet des superficies visées par des concessions dans quelques pays où ce système est tout particulièrement utilisé. A l'échelle mondiale, cependant, il ne s'applique qu'à une très faible proportion (4 %) du total de la superficie dont l'aménagement est contrôlé selon des dispositions contractuelles ou légales, ce qui s'explique peut-être en partie par le fait que les forêts exploitées en vertu de concession relèvent presque toujours de la loi publique, de sorte que, dans quelques cas, elles peuvent avoir été indiquées dans la rubrique des “dispositions légales”, plutôt que dans la rubrique des “dispositions contractuelles”.

Tableau 4 - Situation de l'aménagement

Régions1963 (Forêts) 1958 (Forêts utilisées)
 CouverturePlan d'aménagementLégal et contractuelAutresCouverturePlan d'aménagement
 %Million ha.%Million ha.
Amérique du Nord1285  -  -2640
Amérique Centrale71  7 (2)  ..15  2
Amérique du Sud6710105  445    9  3
Afrique611387375  1416
Europe976269  39566
URSS100   300  438    -86312  
Asie3559595543100  
Région du Pacifique99  7453721  9
 Monde61570  805  915  35548  

Des observations au sujet des progrès réalisés par les règlements d'exploitation depuis 1958 ne peuvent être formulées qu'avec un extrême prudence, ainsi qu'il ressort de l'analyse régionale qui suit. En dehors des Amériques, auxquelles il faut accorder une attention toute spéciale, comme on l'a fait plus loin, il y a eu dans toutes les régions une diminution des forêts signalées comme étant aménagées avec règlements d'exploitation (de 503 à 441 millions d'hectares), malgré une forte augmentation de la proportion de l'ensemble couverte. Ce résultat semble indiquer que de vastes superficies qui, en 1958, avaient été inscrites dans les forêts aménagées selon des règlements d'exploitation, relevaient en fait d'autres formes d'aménagement. La demande d'information au sujet de ce dernier point a permis de préciser le sens des chiffres antérieurs. C'est ce qui est particulièrement évident dans le cas de l'URSS et de l'Europe, où la proportion couverte n'a pas grandement varié et où l'on constate maintenant que l'aménagement s'étend à 870 millions d'hectares de forêt, dont 360 millions d'hectares selon des règlements d'exploitation. Tel est aussi nettement le cas de l'Afrique et du Pacifique où, cependant, la proportion a beaucoup augmenté. Ces réserves doivent être faites au sujet des chiffres relatifs à l'Asie. Aucun renseignement n'a été communiqué par l'Indonésie et la Birmanie qui, ensemble, ont indiqué 135 millions d'hectares de forêts en 1958, dont 25 millions aménagés avec des règlements d'exploitation. D'autre part, la Thaïlande a signalé cette fois-ci que 19 millions d'hectares, qui avaient été inscrits dans les forêts aménagées avec règlements d'exploitation en 1958, sont en fait aménagées selon d'autres méthodes. La diminution de la superficie visée par des règlements d'exploitation dans toutes ces régions est donc seulement apparente.

Tableau 5 - Contrôle d'aménagement par concession

Pays sélectionnésSuperficie 1000 ha.En pourcentage de légal et contractuel
Congo (Brazzaville)1000  6
Ghana284970
Honduras britannique  30220
Japon12554  83
Libéria  64826
Népal1424100  
Nigéria  762100  
Philippines327370
Sabah1866100  
Somalie1000100  
Surinam128581
Thaïlande12033   53
Zambie607060

Les données relatives aux règlements d'exploitation en Amérique du Nord se rapportent seulement aux forêts publiques et aux forêts appartenant à des entreprises industrielles aux Etats-Unis. Le chiffre de 1958 concernait seulement les forêts canadiennes utilisées. Il est à supposer que, pour la région dans son ensemble, au moins 130 millions d'hectares relèvent actuellement de règlements d'exploitation. Pour l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud, la grande différence dans la couverture rend presque inutile toutes comparaisons directes entre les chiffres de 1958 et ceux de 1963 qui se rapportent aux règlements d'exploitation.

Cette analyse par région des données communiquées, complétée par des hypothèses conservatrices au sujet de la superficie des forêts pour laquelle des renseignements ont été fournis seulement en 1958, est suffisante pour affirmer qu'en 1963, l'exploitation est contrôlée d'une façon ou d'une autre sur environ 1.500 millions d'hectares de la forêt mondiale (c'est-à-dire près de 50% de la superficie pour laquelle des renseignements sont disponibles), dont 650 millions d'hectares environ font l'objet de règlements d'exploitation établis.

Densité de couronne et composition

Jusqu'à maintenant, la présente analyse n'a traité que des politiques forestières. C'est en examinant les données relatives aux caractère physiques de la forêt mondiale que les avantages de l'élargissement de la portée du nouvel inventaire deviennent réellement frappants. Il commence maintenant à être possible de se faire une image nette de l'ensemble de cette énorme ressource naturelle. La couverture pour laquelle on dispose de renseignements, quoiqu'encore bien inférieure au total, s'est considérablement accrue par rapport à 1958, époque où seules les forêts utilisées avaient été prises en considération: elle est passé de 7 à 55 % pour la densité, de 37 à 68 % pour la composition et de 35 à 55 % pour la matériel sur pied. Etant donné que c'était la première fois que ce champ élargi était utilisé, ces résultats sont très encourageants et l'on peut s'attendre à de nouvelles améliorations à mesure que les différents pays en auront plus l'habitude.

Tableau 6 - Densité de couronne

RégionsCouvertureBonneMoyenneMédiocreNulle
 %%%%%
Amérique du Nord27543016-
Amérique Centrale132944189
Amérique du Sud707219  9-
Afrique293720367
Europe945132116
URSS100   156025-
Asie175129155
Région du Pacifique55473914-
 Monde554236202

L'élargissement de nos connaissances est particulièrement sensible en ce qui concerne la densité, mais, comme on le verra d'après le tableau 6, il touche certaines régions plus que d'autres et une masse considérable de travail reste à accomplir dans le cadre des inventaires. Pour les trois régions qui ont communiqué des renseignements au sujet d'une couverture élevée - Amérique du Sud, Europe et URSS - il est évident que les forêts à densité “nulle” n'ont qu'une importance secondaire; seule l'Europe a signalé des forêts de densité “nulle”, dont plus des quatre cinquiemes sont situés dans deux pays, peut-être en raison de la situation locale. Dans le cas de la région du Pacifique, l'étude des rapports par pays suggère que la plupart des forêts qui n'ont pas encore fait l'objet de renseignements appartiennent soit à la catégorie “bonne”, soit à la catégorie “nulle”. Pour les autres régions, il est encore trop tôt pour généraliser, car des renseignements n'ont été communiqués que par quelques pays qui ne sont pas forcément représentatifs. Les données relatives à l'Afrique, cependant, qui correspondent à vingt-trois pays situés dans toutes les parties du continent, tendent à indiquer qu'environ 40 % des forêts peuvent être classées dans la catégorie d'une densité “médiocre” ou “nulle”.

Le tableau 7 contient les renseignements communiqués au sujet de la composition de 68 % des forêts mondiales. Les chiffres relatifs aux peuplements mélangés sont sous-estimés, car dans chaque région où de tels peuplements existent, certains pays les font tous figurer dans les forêts de conifères, tandis que d'autres les classent dans les forêts de feuillus, selon l'espèce qui prédomine. Néanmoins des renseignements suffisants ont été recueillis pour qu'il soit possible d'estimer la superficie totale des forêts de conifères et des forêts de feuillus de la plupart des régions. Les données dont on dispose pour l'Amérique Centrale et l'Asie cependant laissent encore subsister une marge d'incertitude considérable.

Tableau 7 - Composition

RégionsDonnées fourniesEstimations globales b
CouvertureConifèresaFeuillusaMélangésTotalConifèresFeuillus
% Million ha.Million ha. 
Amérique du Nord61237  138(58)700440260
Amérique Centrale21  3  11..  71  35  36
Amérique du Sud70  3459(17)810  10800
Afrique62  4454  -680    4676
Europe100   73  51(13)137  80  57
URSS100  553  175  -728553175
Asie4541162(  8)490  90400
Région du Pacifique76  3  62(  2)  88    4  84
 Monde68917  1512  (98)3704  1216  2488  
  Plus industrialisées    1653  1077  576
  Moins industrialisées    2051  1391912  

a Y compris certaines superficies de peuplements mélangés (voir Tableau III)
b Y compris tous les peuplements mélangés

Environ un tiers de la forêt mondiale consiste en conifères. Son habitat principal étant la zone tempérée de l'hémisphère nord, l'URSS avec 45 % et l'Amérique du Nord avec 36 %, possèdent ensemble plus de 80 % des ressources mondiales de conifères. L'Europe et la zone du Pacifique en possèdent chacune 7 %, tandis que toutes les régions moins industrialisées ensemble n'arrivent qu'à un total de 140 millions d'hectares, soit un peu plus de 10 % du total mondial.

Les forêts de feuillus, qui occupent approximativement 2500 millions ha., soit les deux-tiers du total mondial, sont réparties d'une façon très différente. Elles sont situées, pour un peu moins d'un quart, dans les pays plus industrialisés, et pour leur majeure partie, soit environ 1900 millions ha, dans les régions moins industrialisées mais avec une répartition inégale: l'Amérique du Sud et l'Afrique (et plus spécialement l'Afrique occidentale et l'Afrique centrale) en possèdent ensemble plus des trois-quarts, le reste se trouvant surtout en Asie du Sud-Est.

Matériel sur pied

Le tableau 8 et le diagramme B présentent les données communiquées qui couvrent maintenant 55 % des terres forestières du monde. Il convient de rappeler que ces données se rapportent à la majeure partie des forêts de conifères, de sorte que les rapports futurs ne modifieront sans doute pas beaucoup le total mondial des conifères sur pied, alors que des volumes considérables de feuillus sur pied restent à évaluer. En outre, comme les trois quarts des données relatives aux conifères sont déjà tirés d'inventaires, les progrès qui seront réalisés à l'avenir correspondront probablement davantage à une amélioration de la précision qu'à une modification frappante des chiffres du volume global. La plupart des données relatives aux feuillus, en revanche, sont des estimations calculées à partir de mensurations, de sorte qu'il y aura encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Cette situation s'explique simplement par le fait que les forêts de conifères, pour la plupart, se trouvent, comme il a été mentionné ci-dessus, dans les régions industrialisées où les données relatives au matériel sur pied sont très complètes et sont, dans leur majeure partie, tirées d'inventaires, tandis que les forêts de feuillus sont surtout situées dans des régions où c'est l'inverse qui est vrai. Si preuve doit encore en être donnée, ces observations font ressortir l'importance de l'effort général que les pays peu développés doivent faire pour évaluer leurs ressources.

Tableau 8 - Matériel sur pied
1000 millions m3 (avec écorce)

RégionsCouvertureTotalConifères Feuillus 
Inv. aInv. a
 %  % %
Amérique du Nord624433(42)11(59)
Amérique Centrale14      0.8      0.235      0.654
Amérique du Sud5178      0.5 177  5
Afrique12      3.8      0.122      3.7  7
Europe9812      7.661      4.359
URSS100   7966100  13100  
Asie4517      6.0501120
Région du Pacifique70      3.8      0.4..      3.4..
 Monde55238  11477124  24

a Pourcentage des données tirées d'inventaires

Un coup d'oeil rapide aux totaux régionaux montre l'immense richesse forestière de trois régions: l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud et l'URSS. Dans ce dernier pays, l'inventaire porte sur toutes les forêts. Le chiffre relatif à l'Amérique du Sud est fondé, dans une large mesure, sur des estimations fournies par des experts qui travaillent dans la région, mais même établi de cette manière, il donne une indication importante. Les cinq autres régions ensemble n'ont fourni qu'un septième du total rapporté, en partie à cause de l'insuffisance de la proportion couverte. Le chiffre relatif à l'Asie doit être envisagé avec une prudence particulière, car il ne comprend pas le matériel sur pied de plusieurs pays qui possèdent des forêts tropicales denses (Birmanie, Indonésie et Malaisie). La faiblesse statistique de ce chiffre ressort du fait qu'il est d'environ 20 % inférieur à celui de l'inventaire de 1958, qui se rapportait à une superficie approximativement égale.

Les renseignements réunis grâce à la présente enquête au sujet du matériel sur pied du monde entier sont utilement complétés par les chiffres qui indiquent le matériel sur pied moyen par hectare pour les forêts du monde et les différentes régions (voir tableau 9). Comme ils ont été dérivés des données communiquées au sujet du volume total du matériel sur pied, ils souffrent des mêmes faiblesses statistiques. Néanmoins, s'ils sont interprétés avec la prudence voulue, ils fournissent des indications intéressantes des ordres de grandeur relatifs.

Tableau 9 - Matériel sur pied
m3/ha. (avec écorce)

Régions1963 (Forêts)1958 (Forêts utilisées)
CouvertureTotalConifèresFeuillusCouvertureTotalConifèresFeuillus
 %   %   
Amérique du Nord62100105905610013560
Amérique Centrale14  80  7085  4  85  65100  
Amérique du Sud51185140190  19125170120  
Afrique12  45  554510  25  4520
Europe98  90  958095  80  9070
URSS100   110120756310512570
Asie45  90  859045  9011090
Région du Pacifique70  60  945823  65  5070

La comparaison des données de 1963 avec celles de 1958 (qui se rapportaient aux forêts utilisées) fait ressortir une augmentation du volume par hectare indiqué pour les forêts de feuillus d'Amérique du Nord, d'Europe et d'URSS. Ces chiffres sont, en grande partie, dérivés de l'inventaire et couvrent une bonne proportion de l'ensemble, de sorte que ces accroissements peuvent bien être substantiels. Parmi les explications possibles de cet état de choses, la moins plausible serait que les forêts utilisées constituent des régions moins bien boisées que les forêts non utilisées. Il se peut que l'amélioration de l'utilisation permette d'inclure davantage d'espèces dans les enquêtes sur le matériel sur pied dans certains pays, mais on peut aussi se demander si les méthodes d'inventaire modernes ne font pas paraître le peuplement comme meilleur que ce que l'on acceptait auparavant.

Comme dans le cas des chiffres relatifs au volume total, les données pour l'Amérique du Sud se détachent nettement. Des estimations des immenses forêts brésiliennes ont été établies et font de nouveau apparaître leur grande richesse potentielle. Les renseignements concernant l'Afrique et l'Asie, d'autre part, sont fondés sur une couverture faible et sous-estiment probablement les valeurs réelles.

Le nouvel inventaire a réuni pour la première fois des informations sur la ventilation des forêts en groupes volumétriques par hectare. Dans la plupart des régions, ces données sont trop fragmentaires pour être totalisées, mais pour l'Europe elles couvrent 65 % des terres forestières et valent la peine d'être étudiées. Elles sont reprises dans le tableau 10 et montrent clairement que les forêts de feuillus sont beaucoup moins fournies, la moitié d'entre elles devant être classées dans le groupe de moins de 50 m3/ha. La moitié des forêts de conifères au contraire appartient au groupe de 50 à 150 m3/ha. Il est manifeste que des informations de cette sorte sont d'une grande valeur et aideront, avec un élargissement de la proportion de l'ensemble, à dresser un tableau plus détaillé des forêts mondiales.

Tableau 10 - Superficie par volume, Europe
(couverture 65 %)

 moins de 50 m3/ha50–150 m3/haplus de 150 m3/ha
 Million ha 
Conifères152615
Feuillus1412  6

En conclusion, on peut dire que l'Inventaire forestier mondial 1963 a fait grandement progresser notre connaissance du matériel sur pied des forêts mondiales. Mais une question se pose inévitablement: est-il possible d'arriver à une estimation du total du matériel sur pied? En rapprochant soigneusement tous les renseignements obtenus, en tenant compte de leur valeur statistique et en tirant parti des données générales qui figurent dans les rapports des experts des inventaires au sujet de régions qui ne sont pas traitées dans la présente publication, on peut hasarder maintenant une évaluation relativement “motivée” de ce total, qui serait de l'ordre de 340 milliards m3 dont 135 milliards pour les conifères et 205 milliards pour les feuillus.

Accroissement annuel et possibilités d'abattage

Les informations sur l'accroissement annuel demeurent très incomplètes pour la plupart des régions. C'est un élément difficile à mesurer, qui exige des ressources considérables aussi bien pour le rassemblement des données sur place que pour leur traitement statistique. Par conséquent, on concentre souvent les efforts sur les mensurations de l'accroissement dans des régions choisies de forêts particulièrement précieuses, mensurations dont les résultats ne peuvent être facilement étendus au reste des forêts d'un pays. Un autre obstacle à l'analyse régionale est que certains pays donnent seulement les chiffres de l'accroissement brut, et d'autres seulement ceux de l'accroissement net. Cette dernière notion n'est pas utilement applicable, de toute façon, aux forêts inexploitées en équilibre, où l'accroissement net est nul par définition. Pour ces motifs, on considère qu'il est trop tôt pour tenter des généralisations régionales ou mondiales significatives, encore que les données relatives aux différents pays reprises dans les tableaux IV et V présentent de l'intérêt et peuvent, si elles sont traitées avec les précautions voulues, constituer une base très utile pour des comparaisons déterminées entre des pays.

Des renseignements ont été demandés sur les possibilités d'abattage définies comme la quantité totale de bois rond pouvant être abattu pendant une année selon la politique forestière nationale. Un nombre considérable de pays ont communiqué des renseignements, mais ceux-ci ont causé de nombreuses difficultés. La période à laquelle ils se rapportent varie grandement d'un pays à l'autre. Certains pays, par exemple, indiquent les volumes moyens réels enlevés chacune de ces dernières années, d'autres donnent les moyennes projetées pour des périodes futures plus ou moins longues, et d'autres encore combinent les moyennes passées à des projections pour l'avenir. La base territoriale est aussi très variable, allant de toutes les forêts aux forêts ou plantations de l'Etat seulement, par exemple. Une autre difficulté provient enfin du fait que certains pays excluent certaines catégories de quantités enlevées, par exemple le bois de chauffage, de leurs estimations des possibilités. Etant donné les réserves qu'il faut faire pour évaluer les résultats, il semble qu'il vaille mieux comparer les pays sur la base de leurs statistiques nationales détaillées. Il est évident qu'une harmonisation des notions de base est indispensable avant qu'une compilation internationale des données relatives aux possibilités puisse fournir des résultats fondés sur une couverture plus grande et qui soient mieux comparables.

Utilisation des ressources forestières

Les statistiques des quantités enlevées ont toujours été moins satisfaisantes que celles des autres produits forestiers, car une certaine fraction des quantités enlevées n'est jamais enregistrée ou est destinée à la consommation locale ou immédiate et n'entre pas dans le cycle de production industrielle. Les données sont donc souvent assez incomplètes et doivent faire l'objet de révisions répétées. C'est pourquoi une moyenne de trois ans (1960–1962) a été indiquée dans les tableaux statistiques du présent inventaire et utilisée comme base de l'évaluation de la production actuelle de bois rond. Les résultats sont résumés dans le tableau 11.

Tableau 11 - Quantités enlevées (moyenne annuelle 1960–1962)

RégionsTotalBois d'oeuvre et d'industrieBois de chauffage
TotalConifèresFeuillusTotalConifèresFeuillusTotalConifèresFeuillus
 Million m3 (r) (sans écorce)
Amérique du Nord394295  9934828365  461234
Amérique Centrale  43  11  32      7.1      4.7      2.4  36      6.330
Amérique du Sud181  26155  26      9.61715517138  
Afrique196      4.0192  22      2.4201741.6172  
Europe323188135223171521001783
URSS358392  66257226311016635
Asie380107273122  616125846212  
Région du Pacifique  25      6.9 18  16      6.4      9.4        9.2      0.5      8.7
 Monde1900   9309701021  763258  879167  712  
  Plus industrialisées1100  782318844686158  25696160  
  Moins industrialisées800148652177  77100  62371552  

Pendant la période 1960–62, les quantités enlevées dans le monde entier se sont élevées en moyenne à 1.900 millions m3 par an, dont plus de 1.000 millions, soit 54 %, ont été enregistrés comme devant servir de bois d'oeuvre et d'industrie, ce qui laisse près de 900 millions m3 de bois de chauffage. Ce dernier, dont les quatre-cinquième d'espèces feuillues, se trouve pour environ 80% dans les régions peu industrialisées.

Si l'on compare les données relatives à la production de bois de chauffage aux chiffres de la population dans les deux groupes de régions, on ne constate aucune différence significative dans la production par habitant, environ 3 m3 par habitant pour les régions plus industrialisées et 2,7 m3 par habitant pour les régions moins industrialisées, bien que pour celles où le produit national brut par habitant est le plus élevé - Amérique du Nord et Europe - on obtienne seulement un chiffre d'environ 2 m3 par habitant. Ce qu'il convient de remarquer cependant, c'est que beaucoup plus de feuillus que de conifères sont utilisés pour le chauffage, indépendamment du niveau de développement économique: même dans les pays industrialisés, dont les ressources forestières consistent pour les deux-tiers en résineux, ce sont les feuillus qui fournissent les deux-tiers du bois de chauffage enlevé. La facilité d'enlèvement semble être un facteur dominant, comme il faut s'y attendre pour un produit qui est volumineux et a une faible valeur par rapport à son poids; il est intéressant de rapprocher la consommation par habitant de la superficie forestière disponible par habitant, qui est deux fois plus forte dans les régions plus industrialisées que dans les régions moins industrialisées. Même si du bois de chauffage est également fourni par des arbres hors forêt, cet état de chose indique avec quelle intensité ces maigres ressources sont utilisées à cette fin dans les régions moins industrialisées.

En ce qui concerne le bois rond enlevé dans des buts industriels, les quantités sont naturellement fonction du niveau d'industrialisation et de l'utilisation des ressources forestières disponibles. Toutefois, l'analyse de l'utilisation actuelle des ressources forestières dans le monde révèle quelques points intéressants. A la différence des quantités de bois de chauffage enlevées, qui consistent surtout en feuillus, les conifères fournissent environ 75% et les feuillus 25% des quantités enlevées pour l'industrie. Cependant, le bois d'oeuvre et d'industrie provient principalement des régions plus industrialisées, où les quantités enlevées s'élèvent à environ 875 millions m3 (86% du total mondial), contre environ 145 millions m3 seulement pour les régions moins industrialisées (14%). Ce rapport de 86 à 14 % est nettement différent du rapport des terres forestières dans les deux groupes de régions considérées qui est de 45 % pour les régions plus industrialisées et de 55 % pour les autres.

La situation est illustrée par le diagramme D; l'utilisation des ressources forestières en feuillus dans les régions plus industrialisées et des ressources de conifères dans les régions moins industrialisées est, en gros, proportionnelle aux disponibilités (15% et 4 % respectivement). On constate cependant une énorme disparité lorsqu'on examine l'utilisation des ressources de conifères des pays plus industrialisés, où moins de 30% du matériel sur pied mondial fournit plus de 70 % de la production mondiale de bois rond industriel, tandis que plus de la moitié du total mondial de feuillus sur pied, qui se trouve dans les régions moins industrialisées, ne fournit qu'un dixième de la production mondiale. Bien que cette différence considérable du degré d'utilisation des ressources forestières disponibles ait été connu depuis longtemps, les résultats du présent inventaire permettent de disposer d'un instrument nouveau et plus précis pour évaluer l'immense inégalité de la mise en valeur des différentes parties du monde et souligner les vastes possibilités que le domaine de la sylviculture offre au développement des régions moins industrialisées.

CONCLUSION

Malgré toutes ses lacunes et ses faiblesses, le présent inventaire n'est peut-être pas trop loin de remplir l'objet pour lequel il avait été entrepris: donner une vue d'ensemble des ressources forestières mondiales au début de la décennie actuelle. Il a permis d'établir un tableau beaucoup plus complet et détaillé que ceux dont on disposait jusqu'à présent, mais en montrant nettement et à maintes reprises l'énorme effort qui est encore nécessaire pour améliorer notre connaissance des forêts mondiales et de certains des graves dangers contre lesquels il faudra peut-être bientôt se prémunir.

L'analyse des résultats a dégagé certains éléments qui se rapportent surtout à la répartition et l'utilisation des forêts mondiales. Des déséquilibres importants qui avaient déjà été signalés par les inventaires précédents de 1953 et 1958, ont été encore plus clairement soulignés. Dans les parties plus industrialisées du monde, les pays qui possèdent de vastes ressources forestières les utilisent à un rythme régulièrement croissant, à la fois en intensifiant l'exploitation et en exploitant de nouvelles zones. Les pays où les ressources forestières sont relativement moins abondantes semblent suivre le même système, bien qu'à un degré différent. Ces régions possèdent, en outre, près des neuf-dixièmes des forêts de conifères du monde, dont l'homogénéité relative facilite l'aménagement et l'utilisation. Dans les régions moins industrialisées, les ressources forestières sont utilisées de façon intensive pour la production de bois de chauffage, nécessité fondamentale de peuples dont le niveau de vie est bas. Mais l'utilisation industrielle de leurs énormes ressources, qui consistent principalement en forêts tropicales de feuillus, est encore extrêmement faible et offre de vastes possibilités pour la production industrielle si l'infrastructure, le capital et les qualifications technologiques nécessaires peuvent s'associer pour que ces ressources potentielles contribuent à l'amélioration rapide du niveau de vie dans ces régions.

C'est à l'échelon mondial que le présent inventaire lance l'avertissement le plus grave. Les modifications des ressources forestières mondiales sont lentes à se produite et il n'y a, en fait, pas de preuves suffisantes pour affirmer que les programmes actuels de plantation s'opposent efficacement aux pressions destructives exercées sur les forêts par une population qui augmente à un rythme rapide. Les progrès au cours d'une période de cinq ans, même s'ils sont réels, sont faibles par rapport à l'accroissement démographique. De 1958 à 1963, la population mondiale a augmenté de 10,9 %, mais avec une répartition très inégale: 6,6% dans les régions plus industrialisées contre 12,7 % dans les autres régions. Rien ne peut porter à croire que ce taux diminuera substantiellement dans le proche avenir. Les répercussions n'en sont pas limitées à la production de bois. L'importance du rôle protecteur des forêts n'a pas besoin d'être souligné. L'insuffisance des zones boisées peut avoir un effet préjudiciable sur le climat local et peut détruire de façon irréversible l'équilibre entre le sol et le régime des eaux, avec des conséquences désastreuses pour la situation économique et sociale.

Il n'en faut pas conclure que toutes les forêts existantes devraient être considérées comme taboues: elles ne le sont point si elles ne fournissent pas la contribution optima aux collectivités qu'elles doivent servir. Mais il en résulte que tout déboisement ne devrait être autorisé que dans le cadre d'un plan d'amélioration et d'intensification de l'utilisation des terres. Il semble absolument indispensable d'établir immédiatement une politique forestière dynamique accompagnée de vastes programmes de boisement et d'entreprendre un effort à l'échelon mondial pour relever le niveau d'exploitation des ressources abondantes des forêts tropicales, si l'on veut éviter que la grande majorité de la population n'en vienne à vivre dans un monde qui souffrira d'une pénurie de bois sans cesse croissante.


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