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ASPECTS TECHNOLOGIQUES ET ENERGETIQUES DE LA GESTION DE L'EAU
EN AQUACULTURE INTENSIVE

Mrs P. BRONZI et F. PARRINI

Le but principal de l'aquaculture est de produire des organismes marins. La production par unité est supérieure en aquaculture intensive qu'en eaux naturelles, et ceci, en utilisant un apport extérieur d'aliment et une grande quantité d'eau qui apporte de l'oxygène. aux animaux et qui maintient l'eau des bassins libre des substances toxiques d'excrétion.

L'énergie introduite par le poisson (I) en suivant la loi de la thermodynamique, est transformée en d'autres formes d'&énergie à travers le métabolisme (M), la croissance (C) et l'excrétion (E).

(A) I = M + G + E

La croissance est possible lorsque les nécessités principales du métabolisme sont satisfaites, c'est à dire que la croissance est possible quand l'énergie introduite est supérieure aux besoins, pour les activités fondamentales des animaux, telles que la respiration, le mouvement et l'excrétion. Dans ce cas, l'énergie en excàs peut être utilisée pour la croissance du corps.

Les organismes aquatiques sont hétérothermes, c'est à dire qu'ils n'ont pas de propre température corporelle, mais qu'ils adoptent la température de l'eau qui les entoure.

La température de l'eau est donc un facteur particulièrement important parce qu'il contrôle toute la vie des organismes marins.

La figure 1 présente les relations existant entre poisson et température:

FIG. 1 Diagramme des relations de la température pour les poissons

(WEATON - 1977)

La courbe extérieure représente les valeurs extrêmes de température que le poisson peut tolérer. Comme toutes les autres valeurs de température (de résistance, de tolérance, etc…) les limites léthales inférieures et supérieures augmentent avec l'accroissement de la température d'acclimatation. La seconde courbe représente las valeurs extêmes de température supportées indéfiniment par le poisson: dans la zone de tolérance, le poisson supporte différents niveaux de stress qui réduisent les taux de croissance et de conversion de l'aliment.

L'aire où la reproduction est possible indique les valeurs thermiques qui ne causent pas de stress.

En général, nous pouvons dire que, entre des limites acceptables de température, si la tempéature augmente, tous les facteurs de l'équation (A) augmentent également.

Si nous utilisons la consommation d'oxygène pour mesurer le métabolisme (standard et actif), nous trouvons qu'en accroissant la température, entre des limites définies, évidemment, les deux augmentent. (Fig. 2)

Fig. 2

Fig. 2 Courses de consommation d'oxygène active ou strandard pour le Goldfish (FRY and HART, 1946)

La consommation standard est la quantité d'oxygène nécessaire pour maintenir le taux métabolique: la consommation active est composée du taux standard, plus l'oxygène nécessaire pour l'activité en général. La différence entre les consommations standard et active peut être measurée par l'oxygène disponible pour supporter une activité à n'importe quelle température (Fig. 3)

Fig. 3

Fig. 3 Différences entre les courbes de consommation d'oxygène active ou standard pour le Goldfish (FRY and HART, 1946)

Mais pour un aqualturiste, il est plus intéressant de connaître l'influence directe de la température sur la croissance et sur le taux de consommation de l'aliment.

La figure 4 montre un exemple de l'influence de la température sur le taux de croissance du poisson. Le taux de croissance augmente avec la température jusqu'à une valeur déterminée (27, 5° C dans l'exemple) puis, le taux de croissance diminue

Fig. 4

Fig. 4

Taux de croissance d'alevins de “largemouth bass” à différentes températures (STRAWN, 1961).

Cela veut dire qu'il existe un optimum de température pour un taux de croissance: à des valeurs supérieures à cet optimum le taux de croissance diminue.

Ces considérations sont utiles si la nourriture est libre, comme dans la nature, mais lorsque l'on considère une pisciculture, nous devons prendre en considération les effets combinés de la température et de la quantité d'aliment.

La figure 5 montre les relations existant entre la quantité d'aliment distribuée, le taux de croissance et la température, pour le saumon Sockeye.

Fig. 5

Fig. 5 Effet de la quantité d'aliment distribuée sur la relation entre le taux de croissance et la température pour le saumon sockeye (BRETT et al., 1969)

Nous pouvons observer que:

-   La croissance la meilleure est obtenue lorsque l'aliment est distribué en excès.

-   A chaque niveau d'alimentation, il existe un optimum de température pour la croissance.

-   Si le niveau d'alimentation diminue, l'optimum de température pour la croissance diminue.

-   Si le niveau d'alimentation diminue, le taux de croissance à toute température diminue.

-   Il n'y a pas de croissance ou même perte de poids aux environs du niveau de température léthal supérieur.

Mais l'aquaculturiste n'est pas seulement intéressé par le taux de croissance mais également par les coûts de production.

La figure 6 montre les relations existant entre le taux de conversion et le taux de croissance.

Fig. 6

Fig. 6 Rendement énergétique de l'aliment en relation avec la température et avec la ration (BEETT et al., 1969).

Le rendement énergétique est calculé, comme suit:

D'après cette figure, nous pouvons voir que le rendement énergétique s'étale entre 0 et 25% et que le meilleur résultat est obtenu à 12°C (cette température est inférieure à l'optimum de température pour une meilleure croissance, qui est de 14,5°C) avec une quantité d'aliment égale à 4,5% du poids par jour, obtenant ainsi un taux de croissance de 1%/jour.

Cela veut dire que, pour chaque, espèce, il existe deux combinaisons possible entre la température et la quantité d'aliment distribué qui donnent soit la rendement énergétique maximum (du taux de conversion de l'aliment) soit le maximum de croissance.

En général, l'aquaculturiste peut faire varier la température de l'eau entre l'optimum pour la croissance et l'optimum pour le rendement énergétique, ce choix dépendant de la disponibilité en aliment ou de la nécessité de pousser la croissance.

Mais nous pouvons observer que la croissance obtenue à la température et à la ration donnant la meilleurs croissance est pratiquement similaire à celle obtenue à la température du meilieur rendement énergétique, en accroissant seulement la ration élémentaire. La meilleure solution est donc de maintenir la température de l'eau au niveau du meilleur rendement énergétique et en variant la ration alimentaire de façon à obtenir l'optimum économique, en considérant le coût de l'aliment et le coût de la gestion de l'installation.

De ces considérations biologiques, apparait combien est importante la disponibilité d'une bonne température de l'eau pour la croissance des animaux et pour la gestion économique des installations aquacoles.

Une température adéquate peut augmenter le rendement, le pourcentage d'utilisation des bassins, peut réduire de moitié le temps requis pour botenir la taille commerciale et donc doubler la productivité des installations.

Généralement, les températures de l'eau (naturelle) varient pendant l'année, en fonction des saisons, des conditions climatiques, de la latitude et souvent elles ne représentent pas l'optimum pour une meilleure croissance. Lorsque la température de l'eau n'atteint pas le niveau nécessaire pour une croissance optimale des espèces que nous voulons élever, nous pouvons envisager différents moyens pour chauffer l'eau.

Nous allons maintenant faire quelques considérations sur la balance énergélique de l'eau dans le bassin.

Si nous considérons, par exemple, un bassin artificiel pour l'élevage du poisson, il est caractérisé par une surface, une profondeur et une entrée d'eau. Sa température dépend d'une balance énergétique entre les entrées et les sorties d'énergie. A tout moment, l'équation: suivante (B) doit être vérifiée:

(B) ES = E in - E out

ES = Energie stockée

E in = Energie entrante

E out = Energie sortante

La figure 7 représente les principaux flux d'énergie pris en considé ration:

Fig. 7

Fig. 7 Balance énergétique d'un bassin avec son environnement

Ewi = Energie de l'eau entrante

Ewo = Energie de l'eau sortante

Ei = Energie due aux radiations solaires

Ec = Energie de convection

Ee = Energie d'évaporation

Er = Energie rayonnant de l'eau

Ea = Energie rayonnant de l'atmosphère

Ebiol = Energie utilisée par les processus biologiques

Echim = Energie utilisée par les processus chimiques

Elg = Energie perdue ou gagnée sur le fond

Es, lorsqu'il existe, est représenté par l'augmentation de la température de l'eau les bassins ou par sa diminution si c'est négatif.

Maintenant, nous pouvons indiquer, de façon extrêmement simplifiée l'expression mathématique de ces différents termes:

Es = h.S. .Cp. T.

Ewi = Q.Cp.Ti

Ewo = Q.Cp.Tb

Ei = I.S.∆ . (i-r)

Ec = S.KC. (Tb-Ta)

Ee = S.Ke. (Tb-Ta)

Er = S. . .T4.∆ de façon linéaire, nous pouvons écrire :

S. .6.K*. (Tb-T*). ∆

et en prenant pour T* la valeur de Ta et Kr = 6. .K*

Ea = S.Kr.(Tb-Ta).∆

= S. .β.T6.∆ de la même façon

= S.Ka.(Tb - Ta).∆

Q = débit (kg/sec)

Cp = Chaleur spécifique de l'eau (J/kg ° C)

Ti = Température de l'eau à l'entrée (° C)

Ta = Température de l'air (° C)

Tb = Température de l'eau dans le bassin et de l'eau à la sortie en supposant un mélange homogène (° C)

∆ = Intervalle de temps

I = Intensité des radiations solaires (watt/m2)

S = Surface du bassin (m2)

H = Profondeur (m)

= Constante de STEFAN = BOLTZMANN

Ke = Coefficient d'échange de chaleur par évaporation (watt/m2.° C)

Kc = Coefficient d'échange de chaleur par convection (watt/m2. ° C)

Kr = Coefficient d'échange de chaleur par rayonnement (de l'eau vers l'air) (watt/m2. ° C)

Ka = Idem (de l'air vers l'eau) (watt/m2. ° C)

P = Densité de l'eau (kg/m3)

r = Coefficient de réflection de l'eau

En substituant ces valeurs dans l'expression du bilan énergétique et en simplifiant, nous obtenons:

h.S. .Cp.∆T =∆ .Q.Cp,Ti. + I.S - Q.Cp.Tb -S.Kc. (Tb - Ta) -S.Ke.(Tb - Ta)-S.Kr. (Tb - Ta) - S.Ka.(Tb - Ta)

Nous avons négligé Elg, Ebiol et Echim, vu leur faible influence: L'équation peut maintenant être formulée comme suit:

Si nous supposons une situation en équilibre, c'est à dire que la température du bassin ne change pas dans le temps et que nous voulons calculer le bilan énergétique dans cette situation particulière où les conditions de l'environnement sont connues, nous avons:

et dans ce cas, le terme Ez = h.S. .Cp.∆T, contenant l'inertie de l'eau disparaît et nous avons:

Q.Cp.(Ti - Tb) + S.I - S. (Kc + Ke + Kr + Ka) (Tb - Ta) = O

Cette équation peut être utilisée de différentes façons:

  1. Pour déterminer la température du débit (Ti) de façon à maintenir la température du bassin (Tb) à une valeur désirée avec un débit d'entrée fixé (Q)

  2. Pour déterminer le débit d'entrée pour maintenir la température du bassin (Tb) à une valeur désirée, en ayant la température de l'eau à l'entirée:Ti

  3. Four déterminer la température du bassin (Tb) dans un état d'équilibre, en connaissant le débit d'entrée (Q) et la température de cette eau (Ti)

Tout cela ne peut être obtenu que s'il est possible de connaître les valeurs des paramètres de l'environnement et les valeurs de leurs coefficients (Kc; Ke; Kr; Ka)

Ce genre de calcul, du fait de la complexité des variables, ne peut être généralement réalisé qu'en utilisant un ordinateur. Par exemple, si nous considérons le point 1,ce que nous voulons connître est Ti:

Nous pouvons considérer pour ces variables, les valeurs suivantes comme étant représentatives de la situation sous nos latitudes :

S = 1 000 m2

Q = 100 kg/sec

Ta = 15° C

Tb = 25° C

I = 100 watt/m2

K = Kc + Ke + Kr + Ka (dans nos conditions climatiques, nous pouvons admettre une valeur s'étalant de 20 à 50 watt/m2. ° C; fonction éventuellement de la rapidité du vent et de l'humidité relative de l'air ; en moyenne, nous pouvons admettre 30 watt/m2. ° C.

En utilisant l'équation précédente, nous obtenons :

Ti = 25,5° C

Dans les mêmes conditions, mais en considérant la température de l'air à 0° C, nous obtenons :

Ti = 26,5° C

La différence entre la température de l'eau à l'entrée et la température de l'eau bassin n'est pas importance, mais néanmoins, si la température de l'eau à l'entrée est égale à 15° C, pour chauffer le bassin, il est nécessaire d'augmenter la température de l'eau à l'entrée de 10 ° C.

La puissance de chauffage nécessaire est :

P = Q.Cp.(Ti - Tn)

où Tn = Température de l'eau (naturelle)

L'énergie nécessaire, pour un jour, est =

Dans notre exemple, nous avons besoin de 100 000 kwh, et si nous utilisons une chaudière à mazout, nous avons besoin de à 600 000 Kcal/jour et d'après l'équation:

Où PCI = Pouvoir calorifique du fuel (pour le mazou't - 10 000 Kcal/kg)

M c = Rendement de combustion (pour un bruleur = 0,7) cela né 1,23. 104 kg/jour de mazout, à un prix trè élevé

De ce qui preécède, nous pouvons voir que le coût du chauffage de l'eau d'une installation aquacole de grossissement est très élevé, et n'est pas valable d'un point de vue économique. L'utilisation d'eau réchauffée n'est possible que dans se cas où cette eau est obtenue gratuitement et consiste en eaux chaudes de rejets industriels.

Le cas le plus typique est représenté par les rejets des centrales thermiques où une grande quantité d'eau est utilisé pour refroidir les condenseurs. Suivant la seconde loi de la thermodynamique, il est nécessaire pour produire du travail de transférer la chaleur d'une source chaude vers une source froide. Dans une centrale électrique refroidie par un système ouvert, le procédé est le suivant : l'eau, par son passage à travers une chaudière, est transformée en vapeur qui est utilisée dans une turbine pour produire de l'électricité. Cette vapeur est ensuite refroidie par échange dans les condenseurs.

Selon les lois de la thermodynamique, plus la température de la vapeur condensé est basse plus le rendement (rapport enter l'énergie électrique et l'énergie thermique utilisée) est élevé et en conséquence, plus est basse la température de l'eau de refroidissement à l'extérieur du condenseur.

Dans les centrales au fuel les plus récentes (chaque unité = 320 Mw) la chaleur dégagé au condenseur atteint environ 1 100 Kcal par Kw produit, ce qui représente, en suivant les considérations précédentes, un débit de 9 m3/sec. d'eau de refroidissement pour chaque unité, avec en moyenne, un accroissement de temérature de 10°C. Il est clair qu'une énorme quantité d'eau réchauffée est ainsi disponible.

Cette eau n'est pas d'une température constante, elle varie durant l'année et le jour en fonction des saisons et du cycle de production de la centrale. Néanmoins, en la mélangeant avec de l'eau “naturelle”, il est généralement possible de maintenir la température désirée dans les bassins de reproduction.

Dans les écloseries, où les besoins en eau sont de lion inférieurs et où il faut bien contrôler les caractéristiques physiques et chimiques de l'eau, il est également nécessaire de contrôler la température de l'eau au moyen d'un apport d'énergie extérieure.

Dans ce cas, il est intéressant d'utiliser un système de chauffage d'une efficacité aux systèmes conventionnels. Ceci peut être obtenu en utilisant un système de recirculation fermé qui permet une réduction maximum du flot sortant. Mais cela nécessite un contrôle chimique et biologique des caractéristiques de l'eau. II est intéressant d'utiliser une pompe à chaleur qui permet une réduction des coûts d'énergie.

La pompe à chaleur est une machine qui a pour but principal d'apporter de la chaleur à une température élevée; son principe de fonctionnement est identique à celui du réfrigérature. La pompe à chaleur permet le transfert de chaleur d'un niveau thermique bas à un plus élevé.

Le cycle de la pompe à chaleur est représenté à la fig.8.

  1. Un fluide (vapeur, fréon, ammoniaque) est compressé isentropiquement d'une pression et une températures basses à une pression et à une température élevées. L'énergie (w) est acquise par le fluide.

  2. Le fluide est condensé à pression constante dans un condenseur, et transfère l'énergie thermique (Q2)

  3. Le fluide est alors décompressé isentropiquement à sa pression originale, et la température décroit.

  4. Le fluide est finalement évaporé à pression constante en absorbant l'énergie (Q1) dans l'évaporateur.

Fig. 81. Compresseur
2. Condenseur
3. Valve d'expansion
4. Evaporateur
5. Chaleur absorbée à basse température
6. Energie de compression
7. chaleur transférée à haute température

Fig. 8. Cycle de la pompe à chaleur

L'énergie thermique transférée dans le condenseur est représentée par :

Q2 =Q1 + w

et le fluide à la fin du cycle contient la même énergie.

Le travail w du compresseur est lié à la différence de pression P1 et p2, et donc à la température T1 de la source où l'énergie est absorbée et à T2 où elle est transférée.

Les caractéristiques d'une pompe à chaleur sont généralement exprimées par un “coefficient de performance” appelé C O P, et défini de la façon suivante:

C'est à dire la quantité de chaleur donnée au fluide (chaud) Q2 et la quantité de travail (w) nécessaire pour le chauffage.

En pratique, les valeurs du C O P s'étalent de 2, 5 à 4, c'est à dire que les calories obtenues grâce à une pompe à chaleur sont de 2, 5 à 4 fois supérieures à celles qui peuvent être obtenues par un chauffage électrique de même puissance.

La fig. 9 montre le schéma d'une pompe à chaleur pouvant être utilisée dans une écloserie d'espèces marines.

Fig. 9

Fig. 9. Représentation schématique de l'utilisation de la pompe à chaleur

BIBLIOGRAPHIE

HOAR, W.S. ; RANDALL, D.J. ; BRETT, J.R.- 1979
Fish Physiology - Vol VIII - Bioenergetics and Growth. Academic Press.

ROGERS, G.F. ; MAYHEW, Y. R. 1965
Engineering Thermodynamics Work and Heat Transfer Longmans

WHEATON, F.W. 1977
AquaculturalEngineering John Wilay & Sons


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