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ANNEXE 1

NOTE DE SYNTHESE SUR LE DEVELOPPMENT
DE L'AQUACULTURE ET DE LA PECHE DANS LA
LAGUNE DE NADOR (MEDRAP)

Le développement aquacole de la MAR CHICA est possible, compte tenu des potentialités du milieu. Les études préliminaires menées en 1982 ont abouti aux résultats suivants:

-   La MAR CHICA se prête à un développement de la production conchylicole (huîtres plates et moules en particulier) sur une superficie de 1.600 ha, ce qui représente environ 14% de la superficie totale. Cette surface de mise en exploitation peut déboucher sur une production estimée de 20 000 T de coquillages (estimation) basée sur 1"example des étangs méditerranéens de même type : Thau = 15T/ha/an ; étangs corses = 14T/ha/an - rendement ramené aux surfaces d'emprise) ; cette production peut engendrer la création de 1000 emplois directs.

-   La MAR CHICA fait vivre environ 200 familles, à partir de la production de pêche, de façon effective lorsque la communication avec la mer est prénne ; une amélioration de cette production (nouveaux engins) et de sa valorisation commerciale est facilement réalisable.

-   A moyen terme, la MAR CHICA se prête également à d'autres formes de production piscicole : élevages semi-intensifs en zone basse périphérique (salines, enclos, etc…) intégrés à la ptoduction globale de la lagune.

I - CONDITIONS DE DEVELOPPEMENT

1. L'aménagement de la passe (bokhana) doit être effectué. L'analyse biologique de l'écosystème ayant montré le caractère nettement déconfiné du milieu, cet aménagement doit déboucher, non sur une marination de la lagune, mais sur une stabilisation de l'ouverture existante, afin de maintenir les échanges au niveau actuel, et même de les imiter ; l'étude de ce probléme est en cours.

2. Le probléme des pollutions recensées doit être analysé de façon plus poussée, afin d'en connître l'envergure et d'y remédier éventuellement.

3. Une étude approfondie de la pêche dans la MAR CHICA devra permettre de faire le point de la situation actuelle, de proposer une amélioration des rendements à travers l'utilisation de nouvelles techniques de gestion et de pêche.

4. Une étude socio-économique approfondie devra aider à atteindre le choix des techniques et des espèces et le niveau de production à atteindre (étude de marché) ainsi que les répercussions sociales et culturelles de l'implantation de cette nouvelle activité.

5. Le développement aquacole de la MAR CHICA doit s'accompagner d'un suivi écologique régulier afin d'apprécier l'évolution du milieu et d'éviter le dépassement de la capacité d'accueil.

II -PROGRAMME D'ACTIONS

2 - 1 Court terme (1983)

- Objectif : définir les conditions d'implantation des exploitations et des investissement.

- Activités :mise en place d'un programme pilote de captage et d'élevage d'huitres plates et de moules.

2 -2 Moyen terme

- Objectif: produire 1.000 T de coquillages et doubler la production piscicole actuelle.

- Activités :mise en place progressive des radeaux d'élevage ; formation du personnel, commercialisation.

III - ASSISTANCE TECHNIQUE ET FINANCIERE ENVISAGEE (1983)

1 - Activités conchylicoles : MEDRAP

2 - Pêche lagunaire : TCP FAO et MEDRAP

3 - Etude Socio - économique : TCP FAO

4 - Suivi du milieu : Coopération Française et MEDRAP

5 - Avant projet détaillé des passes : C.E.E.

ETUDES DES POSSIBILITES AQUACOLES

DE LA LAGUNE DE NADOR

PAR

G.F FRISONI - Consultant C.E.E/MEDRAP
O.GUELORGET - Consultant C.E.E/MEDRAP

Novembre 1982

LA LAGUNE DE NADOR

- MAROC -

1- DESCRIPTION DU MILIEU NATUREL ET HUMAIN

La lagune de NADOR ou MAR CHICA se présente comme une vaste étendue d'eau en communication avec la mer Méditerranée, et est située entre le Cap des Trois Fourches et le Cap de l'Eau, sur le littoral Nord-Est marocain (Fig. 22)

Après avoir défini le cadre géographique et géologique ainsi que les facteurs climatiques qui président au fonctionnement de l'unité fonctionnelle, nous décrirons les caractéristiques essentielles des trois habitats de cette unité fonctionnelle:

-   la lagune

-   son bassin versant immédiat

-   le cordon dunaire la séparant de la mer, ainsi que

l'unité fonctionnelle voisine, appaertenant au domaine marin.

1.1 - Le cadre géomorphologique

La lagune est située à l'aval d'une gouttière orientée Sud-Ouest/Nord-Ouest, constituée de deux plaines successives, les plaines du GAREB et du BOU AREG. Cet ensemble est encadré par deux massifs en V, le massif volcanique du GURUGU an Nord-Ouest, le massif de KEEDANA et des KERKER au Sud.

Selon TESSON (1977), les explications disponibles actuellement quant à l'origine de la lagune, paraissent “dynamiquement injustifiées”. Des phénomènes “tectoniques récents, alliés au volcanisme” et une subsidence quaternaire, ont contribué largement à la création de la plaine et de sa lagune.

1.2 - Les facteurs climatiques

Les éléments climatologiques ne manquent pas (TESSON, 1977). La pluviométrie est caractérisée par une forte variabilité entre des années sèches et des années humides. Elle oscille autour de 400 mm, avec une répartition régulière des pluies entre deux maxima (avril, décembre), et une sécheresse estivale (juin, septembre).

Les températures maxima se situent entre juin et novembre, leur moyenne oscille entre 30 et 34,5 °C; la période froide (minimum 4,5 °C en janvier) s'étale de décembre à avril. Dans la plaine de BOU AREG, l'influence méditerranéenne est très sensible.

En ce qui concerne les vents, le régime général présente une alternance entre le secteur Ouest/Sud-Ouest, dominant de novembre à mai, et le secteur Est/Nord-Est de mai à octobre. A ce régime général, se superpose un régime classique d'alternance entre les brises de terre le matin, et les fortes brises de mer, l'après midi.

1.3 -Le domaine marin (unité fonctionnelle)

Au large de la MAR CHICA, les eaux méditerranéennes prétent des caractéristiques liées aux échanges avec l'Océan Atlantique.

Un courant Ouest/Est passe au large du Cap des Trois Fourches et induit un contre courant (0,5 noeuds), entre le Cap de l'Eau et le Cap des Trois Fourches. Ce régime est souvent perturbé par les vents qui provoquent de fortes tempêtes.

La marée, de type semi-diurne, induit entre MELILLA et le Cap de l'Eau, un marnage de 0,5 à 0,6 m en vive eau, et de 0,1 à 0,2 m en morte eau.

Les houles les plus fréquentes sont de secteur ouest/Nord-Est, avec une prédominance de secteur Ouest.

Les fonds, au large de la zone, présentent une pente régulière, entre O et 45 mètres; les isobathes 10 et 20 mètres se rapprochent progressivement de la côte au niveau des caps (des Trois Fourches et de l'Eau). Au delà, la pente s'accentue jusqu'à 55 mètres, puis les isobathes s'espacent régulièrement jusqu'à 100 mètres; au delà la pente devient forte.

Ces fonds sont constitués de substrats rocheux, à proximité des caps, de faciès sableux au centre, relayés vers le large par des sédiments envasés.

La salinité des eaux est comprise entre 36 et 36,5 ‰.

1.4 - L'unité fonctionnelle MAR CHICA

Elle est constituée d'une lagune, vaste plan d'eau situé au débouché d'un bassin versant, étendu et séparé de la mer par un cordon dunaire étroit, entaillé temporairement d'un grau (LA BOKHANA), mettant en communication les eaux lagunaires et marines.

1.4.1 - La lagune

En ce qui concerne la formation de la MAR CHICA, encore appelée LAGUNE DE NADOR ou SEBKHA BOU AREG, on peut se rapporter aux études de TESSON (1977) et de ERIMESCO (1961), ces deux auteurs ayant fait le point sur la question.

Il s'agit d'une “bahira” (traduction en arabe de MAR CHICA), édifiée par l'adjonction à une île flandrienne allongée constituée de sédiments marins pléistocènes d'un cordon littoral récent. Au cours de la période historique, ce cordon a été ou coupé ou ouvert à plusieurs reprises avec des passes tantôt naturelles, tantôt artificielles, en divers endroits. La passe actuelle semble très récente, mais creusée dans les formations carbonatées pléistocènes, elle peut se révéler plus durable que les précédentes (Fig.23).

Allongé parallèlement à la côte dans le sens Nord-Ouest/Sud-Est, ce bassin (115 km2 ; 25 km de long; 7,5 km de large) est séparé en deux sous-bassins par l'existence sur sa rive continentale d'un pointement volcanique, la colline d'ATALAYOUN, qui provoque un étranglement dans la partie Nord-Ouest.

La bathymétrie est caractéristique des lagunes tectoniques, la profondeur maximum (8 mètres) est située dans le bassin Sud-Est qui a la forme d'une gouttière; le profil est légèrement plus accusé du côté du lido et présente des anomalies bathymétriques marquées par des identations des isobathes. Le petit bassin, isolé derrière la colline d'ATALAYOUN, est moins profond. La partie profonde (5 mètres) étant réduite à un chenal, planqué le long de la rive continentale.

Les sédiments sont constitués de dépôts vaseux, à faciès réducteur, recouverts par une pellicule de 3 à 10 cm à faciès oxydé, (TESSON, 1977).

Les sédiments sont des sables le long du cordon; leur extension latérale sinueuse (jusqu'à 2 ou mètres) est en relation avec les migrations de la passe, qu'elles soient naturelles ou artificielles.

Sur le resta du bassin, et en particulier dans les zones centrales plus profondes, dominent les vases plus ou moins carbonatées; seule la bordure Sud-ouest comporte des sables riches en éléments terrigènes, dont les éléments proviennent surtout du réseau des tributaires. Ici, la relative abondance des éléments de la classe des sables est à mettre sur le compte d'un vannage des sédiments sous l'action de vagues, favorisé par la faible profondeur. Les éléments remis en suspension, ont tendance à migrer vers les zones profondes, où ils sont définitivement piégés.

Les éléments détritiques des sédiments actuels sont essentiellement le quartz (50% et plus du sédiment), les argiles et certains carbonates (calcite, dolomite), très ubiquistes. Ces éléments proviennent en majeure partie des formations tertiaires et quaternaires de la plaine côtière (Tableau 3).

L'absence de dolomite dans les sédiments de la zone centrale profonde (station 12) est difficile à expliquer. Il se produit peut-être une dédolomitisation liée à l'activité des organismes (bactéries, fouisseurs): Normalement, la dolomite n'est pas stable dans ce type de milieux.

L'aragonite et la calcite très magnésienne (7 à 20 % de moles de MgCo3 dans le réseau de la calcite) sont des carbonates essentiellement autochtones, produits par les organismes (tests, activité photosynthétique) et éventuellement par voie chimique (concentration des eaux par évaporation, rencontre d'eaux de type marin avec des eaux continentales saturées, etc …) . Leur répartition dans le bassin (Fig.24) aux deux extrémités de la lagune tend à indiquer que ces deux zones sont plus confinées que le reste du bassin et / ou que l'activité organique y est plus importante qu'ailleurs. La station 7 est particulièrement originale, puisqu' à côté d'une calcite vraisemblablement détritique, on trouve dans ces sédiments des tapis cyanobactériens, de l'aragonite à 80%. Celle-ci est le produit de l'activité photosynthétique des algues bleues, mais peut-être aussi de celles des bactéries commensales.

Les teneurs en matière organique (vivante et fossile) des sédiments sont peu homogènes quoiqu'assez élevées (Fig.25).

La bordure Sud-Ouest se caractérise par les plus faibles teneurs à cause de la minceur de la tranche d'eau et de l'importance des apports détritiques.

La zone confinée Sud-Est a des teneurs beaucoup plus élevées surtout dans les zones à tapis algaires où la sédimentation est essentiellement organique (plus de 40% de matière organique) comme c'est généralement le cas dans ce type de faciès.

La zone de la passe montre encore une anomalie positive peut-être en relation avec la proximité d'effluents polluants (groupe d'habitations du lido) mais aussi avec la rencontre des eaux lagunaires confinées et des eaux vives venues de la mer à la marée montante. Il y aurait là une sor te de “frappe” lagunaire des organismes marins importés dans le bassin comme ceci semble se produire dans d'autres site préméterranéens (MEDHIOUB et PERTHUISOT 1981).

L'hydrologie de cette lagune a fait l'objet de quelques campagnes (ERIMESCO, 1961; TESSON, 1977; BRETES, 1978). Nous avons même effectué quelques mesures lors de nos investigations biologiques (avril et août 1982). Du point de vue de la salinité, cette lagune s'avère euhaline (33 à 40%).

En période d'ouverture de la bokhana, les eaux ont tendance à être moins salées que celles de la mer, pendant l'hiver (33%) et le printemps, et à se sursaler durant, l'été.

En période de fermeture, la tendance à la sursalure est nettement prédominante, en raison des conditions climatiques (O. DE BUEN, 1912; Lozano DE REY, 1921).

Le bilan hydrologique de cette lagune est mal connu, TESSON (1977) estime que les apports d'eau douce sont compris entre 230 et 500 × 106 m3/cm, et qu'en contre partie, les échanges avec la mer seraient situés entre 2,5 et 5 × 106 m3 par marée; le volume de la MAR CHICA “étant d'environ 540 × 106 m3, le jeu de la marée ne peut exercer qu'une influence très diffuse et étalée dans le temps.” L'évaporation (150 × 106 m3/an) constitue un élément non négligeable du bilan hydrique.

ERIMESCO envisage l'existence de courants très lents, entrant par la bokhana, et tournant en sens inverse des aiguilles d'une montre. Cette hypothèse, en contradiction avec les effet de la force de Coriolis, est niée par TESSON.

Les données actuelles en notre possession sont insuffisantes pour proposer autre chose qu'une hypothèse sur les courants dans le bassin. Cependant, à partir des observations et données de TESSON et des données sur le régime des vents, on peut tenter de le faire (Fig.26). Il est vraisemblable que la dérive périlittorale est de sens dextre et qu'elle entraîne une lente rotation de la masse d'eau dans le même sens.

La position actuelle de la passe doit engendrer un champ de salinités un peu différent de celui décrit par TESSON.

Les écarts de salinité avec la mer doivent rester modérés, car les échanges avec la domaine marin, favorisés à la fois par les courants de marée à la passe (bokhana) et par la lente rotation de la masse d'eau, atténuent le confinement général du bassin. Il existe néammoins des régions à fort confinement; c'est la cas de petites baies à l'abri des petites flèches littorales qui accidentent le cordon, en particulier dans la terminaison Sud-Est du bassin. Ce confinement est suffisant pour autoriser ici la colonisation du substrat par des tapis cyanobactériens.

Signalons que la presqu'île d'ATALAYOUN et les hauts fonds situées entre celle-ci et le lido, détournent vers le bassin Sud, les courants entrant par la passe. TESSON suggère l'existence d'une lentille d'eau au fond, constituée par des eaux marines piégées sous les eaux dessalées (influence continentale) de surface. Nous n'avons pas retrouvé ce phénomène.

L'évolution des eaux lagunaires est marquée par les périodes d'ouverture et de fermeture de la bokhana. Ainsi la fermeture entre 1907 et 1910 avait entraîné la sursalure (83 g/l en 1908, A. de MIRANDA y RIVIERA, 1923) des eaux et une baisse de niveau de 0,7 mètres/an (TESSON, 1977).

BRETHES (1978) et TESSON (1977) attribuent un rôle prépondérant au récent schéma de drainage et irrigation de la plaine, quant à la dessalure de la lagune. Ils se basent notamment sur une comparaison entre les chiffres de salinité d'ERIMESCO (1961) et les leurs.

Les salinités mesurées en a 1982 ne tendent pas à confirmer les hypothèse de BRETHES et TESSON, au contraire. Ajoutons que la dessalure observée résulte d'une comparaison entre des campagnes en 1961, concernant la saison pluvieuse et des campagnes postérieures à cette saison en 1977.

Du point de vue chimique, les eaux de la MAR CHICA sont bien oxygénées. BRETHES (1978) se basant sur la faiblesse du rapport N/P décèle des traces d'eutrophisation, à proximité de la ville de NADOR.

Les apports terrigènes favorisent le maintien des matières en suspension dans les eaux longeant la rive continentale, et leur confèrent une forte turbidité.

En ce qui concerne le phytoplancton, deux campagnes de mesures ont été réalisées sur la MAR CHICA, en avril et août 1982. La biomasse chlorophyllienne et l'état physiologique du phytoplancton (15 stations), la composition du peuplement (6 stations) et la production phytoplanctonique (assimilation de carbone, 5 stations en août) ont été analysées.

-   La biomasse chlorophyllienne (0,8 mg chloa/m3 en moyenne, en avril; 1,0 en août) s'avère moyenne pour une zone paralique et tendrait à classer la lagune dans la catégorie mésotrophe. La production de 80 à 300 mg C/m3/j confirme cette analyse. L'état physiologique s'avère moyen. L'ensemble de ces chiffres s'apparente à ceux trouvés dans les lagunes méditerranéennes profondes, telles celles de THAU et DIANA.

-   Le peuplement printannier (campagne d'avril) est compsé de Diatomées centriques et d'espèces nanoplanctoniques (Cryptophycées et Euglenieus); le peuplement estival est composé de Diatomées centriques et pennéss et de Péridiniens; les espèces nanoplanctoniques sont alors surtout des Cryptophycées. La richesse taxonomique s'avère plus élevée en été. La composition taxonomique souligne la forte influence marine dans cette lagune: présence de Diatomées centriques (Chaetoceros, Rhizosolenia, Sceletonema) et de Perinidiens (Prorocentrum micans), caractéristiques du phytoplancton marin néritique. Rappelons toutefois, que toutes nos observations ont été effectuées en période de communication entre mer et lagune.

-   En ce qui concerne la répartition spatiale, les deux cartes (Fig.27) de répartition font ressortir d'une part, l'influence des apports terrigènes (Oued Selouane et canal d'irrigation), qui par les sels nutritifs véhiculés, favorisent le développement du phytoplancton lagunaire, d'autre part l'influence marine qui se traduit par de faibles biomasses, source toutefois d'encemensement.

De chaque côté de cet axe (apport du bassin versant - bokhana) les biomasses décroissent. Toutefois, l'homogénéisation du plan d'eau semble être effective jusque dans la zone Sud-Est où le peuplement est toujours dominé par les Diatomées centriques. Seule la partie abritée par la presqu'île d'ATALAYOUN (Nord-Quest) présente un certain degré de confinement en regard des groupes phytoplanctoniques présents (Diatomées pennées, Cyanophycées, perte de dominance des Diatomées centriques, faible richesse taxonomique).

Dans cette zone l'épiphytage des herbiers par des Cyanophycées (observées en août) conforte l'hypothèse d'un confinement marqué.

En conclusion, la MAR CHICA en période de communication mer-lagune n'est pas confinée (en dehors de la zone Nord-Quest); au contraire, la marinisation puis l'homogénéisation des eaux par les courants semble effective.

Le bassin versant engendre un enrichissement nutritif favorable au développement du maillon planctonique primaire.

Toutefois, le niveau trophique primaire n'est guère élevé, et s'il dépend des relations avec la mer, il risque fort d'être réduit par une augmentation trop importante des relations mer-lagune.

En l'état actuel, le niveau trophique de la zone comprise entre le grau, la ville de NADOR et le centre de la lagune, pourrait apporter une exploitation de type conchylicole (comparaison avec les autres centres conchylicoles méditerranéens de THAU et de DIANA).

Si les lagunes du delta du LOUROS et de l'étang de PIERRE-BLANCHE occupent dans leur ensemble une position bien définie dans l'échelle du confinement, la lagune de NADOR recouvre à elle seule, la totalité de l'échelle de confinement du proche paralique, allant du domaine marin au domaine cyanobactérien (tapis algaires).

Notons cependant, que le domaine cyanobactérien n'y est que timidement représenté, et que le domaine macrofaunistique représente à lui seul, la quasi-totalité de la superficie de la lagune. L'apparition des tapis algaires ne se fait que dans les appendices lagunaires isolés et reculés, situés le long du lido oriental, par rapport à la passe.

L'analyse qualitative et quantitative des peuplements benthiques du domaine macrofaunisfique nous montre que l'ensemble de la MAR CHICA est très peu confiné.

La lagune, malgré les problèmes de communication avec la mer qu'elle subit depuis des années, apparaît comme frachement submarine, voire thalassoïde pure.

La grande majorité de la lagune est peuplée d'espèces marines. En ce qui concerne la flore benthique, les fonds sont tapissés d'un vaste herbier mixte à Cymodocea nodosa et Caulerpa prolifera. Cet herbier abrite une macrofaune riche et diversifiée, qui est surtout marquée par la présence d'Echinodermes, sur presque tout le plan d'eau; ce groupe est particulièrement sensible au confinement et disparaît dès que l'on pénètre dans le domaine paralique proprement dit. De ce fait, la présence d'Ophiures, d'Holothuria polii, de Cucumaria plauhi, de Paracentrotus lividus témoigne de l'appartenance totale au domaine marin de ces régions peuplées par ces différentes espèces.

De même, la présence d'un faciès à Mactra corallina et Mactra glauca, le long de la rive sud, apposée à la passe, entre KARIAT et NADOR, permet de conclure à un total déconfinement de cette zone de bordure.

L'endofaune du sédiment est représentée, outre les Mactres de la bordure sud, par une faune thalassoïde comme les Polychètes: Audouina tentaculata, Nephthys hombergii, Glyceria convoluta, Lumdiconereis impatiens, Platinereis dumerilli et les Mollusques: Veneruois aurea, Veneruois decussata, Loripes lacteus, Gastrana fragilis.

La faune vagile est contituée essentiellement de Gastéropodes brouteurs tels que: Murex brandaris, Murex trunculus, Cerithium vulgatum, et Nassa reticulata.

En résumé, la lagune de NADOR apparaît peuplée d'espèces d'origine marine qui constituent des peuplements variés et diversifiés aussi bien en ce qui concerne la flore que la faune. La principale caractéristique du milieu qui ressort est la grande homogénéité du plan d'eau dans son ensemble. Seules, deux zones géographiquement très limitées se distinguent du schéma général; ce sont les deux régions situées aux extrémités est et ouest de la lagune. Elles sont caractérisées, au niveau des peuplements benthiques, par la disparition des espèce d'origine marine comme Cymodocea nodosa et Caulerpa prolifera qui sont remplacées par Ruppia spiralis. On y observe aussi l'apparition d'algues Chlorophycées (Ulves et Enteromorphes). En ce qui concerne la faune, la transformation des peuplements est également brutale puisque l'on note la disparition totale des Echinodermes et des espèces marines qui laissent la place à des espèces strictement paraliques, telles que Cerastoderma glaucum, Abra ovata, Hydrogia sp., Nereis diversicolor, Gammanus pr. locusta et Microdeutopus gryllotalpa.

Ce changement de peuplements, accompagné d'une forte réduction de la richesse spécifique, traduit l'augmentation brutale du confinement dans ses deux zones hydrologiquement isolées.

En conclusion, la lagune de NADOR est, dans son ensemble, très déconfinée. Elle s'apparente aux faciès de baies ouvertes, franchement marines qui offrent des potentiels biologiques nettement plus faibles que dans les milieux paraliques propres. Un contrôle de communication avec la mer permettrait de déplacer à volonté le milieu lagunaire dans l'échelle de confinement afin d'obtenir une gestion de la production biologique naturelle. A l'heure actuelle, l'augmentation contrôlée du confinement permettrait de “centrer” la majorité du domaine lagunaire dans les niveaux maximum de production.

En revanche, une accélération des échanges avec le domaine marin par l'ouverture d'un grau (ou de plusieurs graus) aux dimensions exagérées entraînerait une chute rapide de la production, donc du potentiel biologique disponible et mettrait ainsi en cause le succès d'un développement aquacole.

La faune ichtyologique de la MAR CHICA a été étudiée par de nombreux auteurs espagnols (O. de BUEN, 1912; A. de MIRANDA y RIVERA, 1923; F. de BUEN, 1925, 1930; F. LOZANO CABO, 1953, 1954; et H. ALONCLE, 1961).

59 espèces ont été recensées, traduisant l'influence marine subie par cette lagune (cf liste in ALONCLE 1961). Toutefois, tous les auteurs s'accordent à dire que cette faune riche ne se rencontre qu'en période de communication mer-lagune. La fermeture prolongée de la bokhana entraîne l'appauvrissement de cette faune; on ne retrouve alors que les espèces strictement lagunaires et sédentaires.

Depuis quelques années, les anguilles occupent une place de plus en plus importante sur la lagune; bien que cette constatation ne soit pas fondée sur des observations scientifiques, elle pourrait être due à l'augmentation des apports du bassin versant.

Notre équipe a effectué en avril 1982 une campagne de prospection sur l'alevinage de la MAR CHICA. En dépit des réserves d'usage quant à l'aspect ponctuel de ce travail, il convient de remarquer que les espèces rencontrées sont typiquement lagunaires (gobis, blennies, juvéniles de muges, tableau 4). On y distingue les espèces riveraines et sédentaires (Atherines, Syngnathe, Gobie marbré) et les alevins de migrants: Sparidés (5 espèces), et Muges (5 espèces); les autres groupes ne sont pas représentés.

L'alevinage concerne donc uniquement les Muges et les Sparidés. Les Muges sont toutefois dominants, avec essentiellement Liza aurata, et Liza saliens.

La répartition de ces alevins entre le grau et les extrémités de la lagune (KARIAT, BENI AMZAR) s'établit selon un gradient le long duquel on observe:

-   l'augmentation du pourcentage des sédentaires

-   l'augmentation du pourcentage des Muges parmi les migrants.

De même, le peuplement évolue le long de cet axe dans la mesure où la diversité et la richesse spécifique sont plus fortes au niveau du grau.

Ainsi, l'étude du peuplement piscicole de bordure (alevins, sédentaires) montre que les caractéristiques de la MAR CHICA sont typiquement lagunaires, mais ne traduisent pas un degré élevé de confinement. La communication avec la mer joue un role prépondérant pour la répartition et la composition des populations de poissons.

En 1961, la lagune faisait vivre 182 familles, soit 728 personnes et utilisait 76 embarcations. A l'heure actuelle, plus de 300 embarcations fréquentent la lagune. Ces embarcations, longues de 5 à 6 mètres, sont motorisées (8 à 25 cv) et montées par 2 à 3 personnes. Les engins de pêche dont le trémail ou la palanza. Depuis 2 ou 3 ans, une équipe de pêcheurs, dirigée par des Languedociens, utilise des capetchades pour la pêche de l'anguille en hiver. Les trémails sont utilisés pour la capture des Sparidés et mulets; les palanzas pour la crevette, le rouget et l'anguille. Une cueillette de palourdes est effectuée sur la rive sud. A l'heure actuelle, l'effort de pêche et le rendement de la lagune sont inconnus. Certains rapports font état d'un rendement de 8kg/ha/an. Une enquête récente de Mr. BELKHAOUAD (1982) montre que les prises les plus importantes sont, par ordre décroissant: l'anguille, la seiche, le marbré (Pagellus mormyrus) la crevette (Penaeus kerathurrus et les mulets Mugil cephalus, et Liza aurata.

Les pêcheurs insistent sur la corrélation existant entre la fermeture de la passe et les baisses de rendement observées, ce qui ne doit pas surprendre, étant donnée l'importance biologique des relations mer-lagune pour les espèces présentes, migrantes et exploitées par les pêcheurs.

Toutefois, il semble difficile d'envisager l'obtention de données fiables sur les pêches, compte tenu de l'absence de statistiques et de l'existence de débarquements effectués hors place (MEIL-LA) et sans contrôle. Dans ce contexte, il est fort probable que les 8 kg/ha/an de rendement énoncé dans certains rapports soient largement sous estimés.

1.4.2 - Le lido

Le cordon dunaire est constitué de terrains post miocène (TESSON, 1977). Au Nord-Ouest de la bokhana actuelle, il est constitué de sables coquilliers atteignant l'altitude maximum de 3 mètres. Ce lido peut être recouvert par la mer lors des tempêtes. Des traces d'anciens graus sont visibles. An Sud-Ouest, le cordon dunaire est en grande partie une dune consolidée, haute de 20 mètres, et bordés par endroits de véritables falaises, vers la lagune et vers la mer. Cette dune s'interrompt au fort de RESTINGA, à partir duquel nous retrouvons des faciès sableux et coquilliers, identiques à ceux du Nord-Ouest. Au niveau de cette rupture géomorphologique se situe une ancienne passe.

La nappe d'eau douce de la dune a permis quelques plantations, un léger pâturage (ovins essentiellement) et l'implantation d'un habitat diffus.

La végétation de ce cordon est très éparse (palmiers, figuiers de Barbarie, pelouse psammophile).

La caractéristique essentielle de cet habitat est sa fréquentation par l'homme:

-   sur la partie Nord-Ouest, est implanté un village de cabanons légers, habités essentiellement en été par des gens de NADOR et MELILLA qui viennent y passer leurs vacances. L'accès se fait par une piste carrossable depuis BENI AMZAR.

-   sur la partie centrale et Sud-Est, se trouvent des villages abritant une population permanente de pêcheurs et agriculteurs, l'accès se fait depuis KARIAT, par une piste qui s'interrompt à hauteur de la bokhana.

La fonction essentielle de cet habitat est sans nul doute l'isolement de la lagune, vis à vis du domaine marin et l'existence d'une grau (la bokhana) temporaire qui assure le renouvellement des eaux lagunaires. Ce grau présente un emplacement variable dans le temps. Nous avons vu que 3 sites sont particulièrement visibles sur le lido. Ce grau est actuellement situé au tiers du cordon, partant de l'extrémité Nord-Ouest et est constitué d'un chenal de 100 à 150 màtres de large, de l à 3 mètres de profondeur. Outre sa fonction biologique (passage migratoire), la bokhana provoque un dépôt sédimentaire dans la lagune qui participe à l'isolement hydrodynamique de la zone Nord-Ouest.

1.4.3- Le bassin versant

Pour comprendre sa fonction au sein de l'unité fonctionnelle et ses relations avec les autres habitats (la lagune en particulier), les caractéristiques essentielles du bassin versant sont le régime hydrologique des eaux souterraines et superficielles et l'activité humaine qui y régne.

En ce qui concerne l'hydrologie, TESSON (1977) donne un aperçu du problème. Le caractère méditerranéen des pluies, violentes et courtes, rend difficile le jaugeage des oueds. Ceux-ci sont au nombre de 2, le SELOUANE et le BOU AREG, et aboutissent à la lagune dans la partie centrale de la rive continentale.

On peut estimer que les apports des pluies sur l'ensemble des deux nappes (290 km2 et 160 km2) est de 61,5 ×106 m3/an.

Les prélèvements dûs à l'irrigation et à l'évaporation peuvent être estimés à 29,5 ×106 m3/an.

Le solde s'élève à 32 ×106 m3 quis' évacuent dans la lagune.

Les eaux des nappes ont une teneur en sels assez élevée (2 à 8 g/l).

A ce réseau naturel, s'ajoutent les aménagements relatifs à l'irrigation qui permettront à terme de recouvrir les besoins en eau de 259 ×106 m3 / an. Bien que le chiffre exact ne soit pas connu, il est évident que ce programme provoquera la remontée de la nappe et une augmentation des apports d'eau douce à la lagune.

L'activité humaine sur ce bassin versant est répartie entre:

-    l'agriculture, qui occupe la majeure partie de la plaine (maraîchage, pâturage).

-   l'industrie, avec un complexe sidérurgique à SELOUANE, et les salines situées à la périhérie de la lagune sur d'anciennes sansouires.

-   les zones urbaines avec surtout la ville de NADOR (70.000 hab. située sur la rive Ouest, BENI AMZAR au Nord-Ouest et KARIAT au Sud-Est.

Ces activités entraînent un certains nombre d'impacts sur la lagune:

-   l'agriculture et l'irrigation provoquent l'apport d'éléments fins qui col matentles sédiments de la rive Sud-Ouest. Un enrichissement en éléments nutritifs (azote , phosphore) est aussi probable.

-   les populations urbaines menacent d'eutrophisation et de pollution bactérienne les eaux laguaires, toutefois l'épuration des eaux de la ville de NADOR est assurée par une station qui traite les eaux usées du réseau (40.00 hab. raccordés). A proximité des villes (NADOR, BENIAMZAR, KARIAT) les rives sont polluées par les décharges (ordures et déchets) sauvages.

-   le complexe sidérurgique de SELOUNAE fait courir un risque certain aux eaux de la lagune de la MAR CHICA. L'avenir de cette lagune dépendra des moyens d'épuration dont se dotera ce complexe. Déjà, l'exploitation de la mine de l'ATALAYOUN a entraîné le colmatage d'une partie des fonds situés au nord de la presqu'île.

En conclusion, cet habitat se caractérise par ses relations avec l'habitat “lagune” (apport d'eau douce, enrichissement nutritif des eaux). Toutefois, certaines de ces relations constituent des impacts négatifs pouvant entraîner une dégradation du biotope (colmatage, dégradation des rives, pollution); cet aspect des relations devra être abordé si l'on veut préserver le milieu.

1.5 - Conclusion

Bien que certaines données manquent encore (bilan hydrologique, rendement des pêches, pollution …) il apparaît que l'unité fonctionnelle MAR CHICA présente un certain nombre de caractéristiques fondamentales pour son utilisation aquacole:

-   le milieu est homogène, en dehors de la partie Nord-Ouest qui présente un certain degré de confinement; les observation biologiques, hydrologiques et sédimentologiques situent la position du bassin dans son ensemble à un degré de confinement très faible, proche du thalassoïde.

-   cette homogénéité et surtout ce caractère submarin peuvent être remis en cause (comme ce fut le cas dans le passé) par la fermeture des communications entre la mer et la lagune.

-   les relations entre le bassin versant et la lagune induisent un certain nombre d'impacts négatifs. Parmi les plus préoccupants, nous retiendrons le colmatage progressif de la rive continentale et la forte turbidité des eaux dans cette zone.

-   la productivité biologique de cette zone (maillon primaire, benthos, poissons) laisse supposer une amélioration possible de l'exploitation des ressources naturelles.

-   l'isolement du bassin compris entre BENI AMZAR et ATALAYOUN peut devenir préoccupant , dans la mesure où la communication avec la mer provoque une sédimentation importante du sable dans une zone propice (détroit situé au large d' ATALAYOUN) pouvant à terme isoler totalement ce bassin.

En conclusion, la préservation et la mise en valeur de ce écosystème nécessite la limitation des agressions issues du bassin versant (pollution, lessivage des terres) et le maintien d'une communication avec le domaine marin, en prenant garde toutefois de ne pas mariniser ce milieu peu confiné, ce qui lui ferait perdre sa haute productivité liée à son appartenance au domaine paralique.

2- DESCRIPTION DU PROJECT ET PROCEDURE EN COURS

La MAR CHICA ne fait l'objet d'aucum projet de développement aquacole. Toutefois, elle est retenue, dans de nombreux rapports (Royaume du Maroc, 1967, FAO 1980, ISPM, 1982) comme un des sites du littoral marocain susceptible de supporter un développement d'activités halieutiques ou aquacoles. Le gouvernement marocain par l'intermédiaire du Palais Royal, du Ministère des Pêches et des organismes publics associés (Office National des Pêches, Affaires Maritimes, Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes) a engagé de nombreuses enquêtes préliminaires afin de préciser les potentialités de la zone littorale marocaine et en particulier celles de la MAR CHICA. LA FAO, par l'intermédiaire du projet régional MEDRAP a participé à certaines de ces enquêtes. Notre travail par exemple a pu s'insérer (au cours des missions que nous avons effectuées sur place) dans la réflexion commune que mènent le projet MEDRAP et l'ISPM, avec le concours des Affaires Maritimes de NADOR.

D'ores et déjà, les différents enquêtes ont montré que l'aménagement de la MAR CHICA passe par la résolution du problème de communication entre la lagune et la mer. Les axes de développement envisagés ensuite concernent l'amélioration de la pêche et la mise en oeuvre d'une programme conchylicole.

Ainsi une étude hydraulique et sédimentologique est en cours (Institut de Lisbonne, à la demande du Ministère de l'Equipement) sur le problème de la stabilisation de la bokhana. La FAO a fait intervenir de son côté un expert en hydraulique et travaux maritimes (annexe n° 4).

La FAO (MEDRAP) et l'ISPM (avec l'aide des chargés d'étude CEE) étudient le fonctionnement de l'écosystème et ses capacités de production biologique.

A la suite d'une expertise de deux conchyliculteurs français (Mss. MADEC et VALLEGANT) en avril 1982, un petit essai d'élevage a été effectué à partir d'huîtres importées de France, avec l'aide des Affaires Maritimes de NADOR ; cet essai a été effectué à la demande du gouvernement.

Ainsi, il semble bien que s'appuyant sur l'existence d'une milieu favorable, les autorités marocaines désirent lancer le développement de l'aquaculture en MAR CHICA. Si aucun projet ou programme n'existe encore, c'est que les potentialités de cette lagune n'étaient pas encore définies précisément. A l'heure actuelle, les données disponibles devraient permettre de préciser ces potentialités et donc de bâtir un programme adapté aux aptitudes du site, tout en tenant compte de ses sensibilités.

3 - POTENTIALITES DE LA LAGUNE DE NADOR POUR L'AQUACULTURE

La lagune de NADOR apparaît comme un site particulièrement priviliégé dans l'hypothèse d'une développement important de l'aquaculture.

Cette activité s'appuie sur les ressources naturelles tant physiques (hydrodynamisme, sédimentologie,…) que biologiques du domaine paralique, intermédiaire entre le domaine marin et la domaine continental.

Dans un souci légitime d'exploitation rationnelle de ces ressources (utilisation optimale des potentialités et préservation de l'écosystème d'accueil), la connaissance précise des besoins de cette activité et des caractéristiques du site d'accueil s'avère une nécessité fondamentale. De ce fait, seule l'anlyse des relations existant entre ces besoins et ces caractéristiques permet un développement intégré ou “écodéveloppement”.

Pour réaliser cette analyse, nous avons fait appel à la méthode de la planification écologique.

3.1 - Méthodologie

La planification écologique (FALQUE et al , 1975) a pour objectif de présenter une expression rationnelle du milieu et de traduire sa diversité en termes de niveaux d'aptitudes à une gamme d'utilisations variées par l'homme. Le processus de planification écologique se déroule en trois étapes (JOVENIAUX et PALANCHON, 1978).

-   La première consiste à faire un inventaire descriptif des caractéristiques du milieu naturel;

-   La deuxième a pour but d'évaluer ces caractéristiques au regard de ses utilisations potentielles, ce en termes d'aptitudes;

-   La troisième consiste à combiner les différentes analyses effectuées pour aboutir à la solution optimale d'aménagement.

Cette méthodologie peut être appliquée à l'aquaculture préalablement au développement aquacole que connaissent actuellement les milieux lagunaires littoraux, tels que la MAR CHICA.

Il a été dressé une liste des différents types d'aquaculture et d'espèces envisageables dans le cadre géographique considéré, c'est à dire la zone méditerranéenne tempérée.

Cependant, la classification adoptée pour les étangs languedociens et corses appartenant à la même zone climatique (FRISONI et GUELORGET, 1981) a été modifiée. En effet, la nouvelle classification envisagée tient compte avant tout, non de la complication croissante de l'intervention humaine sur le plan biologique et technique, mais des besoins et des contraintes socio-économiques du pays:

-   élevage intensif d'organismes fixés (conchyliculture en suspension)

-   élevage extensif (valliculture et tapiliculture)

-   élevage semi-intensif en enclos ou lagunes aménagées

-   élevage intensif en cages flottantes

-   prégrossissement et écloseries

-   élevage intensif en bassin à terre

Un certain nombre d'espèces pouvant raisonnablement faire l'objet d'une aquaculture rentable à plus ou moins long terme on été retenues. La plupart de ces espèces sont indigènes, mais quelques unes sont toutefois importées.

-   Parmi les poissons : le loup ou bar (Dicentrarthus labrax, la daurade (Sparus aurata), l'anguille (Anguilla anguilla), les Mugilidae, la sole (Solea vulgaris).

-   Parmi les Crustacés : la crevette Pénéide Peneaeus kerraturus,

-   Et parmi les Mollusques : la moule (Mytilus galloprovincialis), les huîtres (Ostrea edulis et Crassostrea gigas) et les palourdes (Ruditapes decussatus et Ruditapes philippinarum).

Le milieu récepteur (lagune de NADOR) est décrit sur la base de paramètres géomorphologiques (bathymétrie et sédimentologie), physico-chimiques (hydrodynamisme et salinité), biologiques (niveaux trophiques et degré d'eutrophisation) et socio-économiques (occupation du sol, accès, sources d'énergie, possibilités de pompage et pollution).

Un tableau à double entrée nous permet, pour chaque couple d'apprécier l'importance du paramètre considéré pour le type d'aquaculture choisi.

A partir de ce tableau, il est établi des cartes visualisant les différents paramètres en fonction des contraintes qu'ils représentent.

Six cartes sont réalisées à partir de données physiques, biologiques, foncières, énergétiques et socio-économiques.

Enfin, la superposition de ces cartes permet de définir les zones aptes à telle ou telle activité aquacole, et ainsi servir de base pour une planification de l'escape lagunaire dans le but d'augmenter les chances de réussite de telles réalisations.

L'utilisation de la méthode de planification écologique peut alors permettre une réservation de l'espace pour la technique et l'espèce adaptées aux potentialités réelles du site considéré.

Les listes proposées tant sur le plan des techniques d'élevage et des espèces que des paramètres du milieu ne sont pas exhaustives, mais tiennent compte des connaissances disponibles actuellement. Le schéme obtenu après synthèse ne sera donc pas restrictif et constituera une première approche et une première proposition de la mise en valeur aquacole de la lagune de NADOR.

3.2 - Présentation des résultats

Celle-ci reprend de nombreux éléments exposés lors de la présentation du milieu, mais en les classant et les cartographiant en fonction du but recherché (et d'une meilleure compréhension de la démarche méthodologique utilisée) : la planification écologique de la Mar CHICA en vue de son développement aquacole.

CARTE A

La première carte prend en compte les paramètres morphologiques (bathymétrie) et sédimentologiques (granulométrie des sédiments).

En ce qui concerne la bathymétrie de la lagune, la majorité du plan d'eau (70%) a une profondeur supérieure à 5 m.

L'isobathe 5 m suit rigoureusement le pourtour de la lagune, délimitant ainsi une étroite bande péri lagunaire de faible bathymétrie. Dans la MAR CHICA, la rupture de pente est très rapide à partir des rives, excepté dans la zone Nord-Ouest, ce qui explique le resserement des isobathes 2 m et 5 m sur toute la périphérie. Cette cassure bathymétrique brutale et régulière, au moins dans le grand bassin, réduit excessivement les activités aquacoles nécessitant des techniques adaptées aux faibles profondeurs. Notons cependant deux anomalies bathymétriques dans la lagune, l'une au niveau de la presqu'île d'ATALAYOUN où la profondeur chute brutalement, l'autre au niveau de l'ancienne passe où l'accumulation de sédiments sableux, d'origine marine a entraîné le décalage vers l'intérieur des isobathes 2 m et 5 m. Cette avancée sableuse en direction de la presqu'île d'ATALAYOUN tend à séparer hydrologiquement le petit bassin nord qui montre actuellement des signes de confinement avancé.

En ce qui concerne les caractéristiques sédimentologiques, la MAR CHICA suit le schéma classique du modèle sédimentaire des lagunes méditerranéennes. Les rives s'appuyant sur le lido sont constituées de sable fin d'origine marine tandis que l'ensemble de la partie centrale est tapissé d'un sable vaseux. En effet, la granulométrie diminue de la façade maritime vers les zones périphériques. La bande de sable pur est limitée par l'isobathe 5 m donc très restreinte géographiquement.

A l'opposé, la bordure continentale est formée d'une bande de sables terrigènes qui est limité également par l'isobathe 5 m. Le sédiment est composé d'éléments minéraux apportés par les oueds en période de forte pluviosité et par les houles de secteur nord-est qui attaquent les rives tout au long de l'année.

En résumé, les sédiments de la lagune de NADOR de répartissent grossièrement selon trois bandes longitudinales parallèles au lido: d'une part, une bande de sables fins et une bande de sables terrigènes, réduites à l'isobathe 5 m, encadrant d'autre part une vaste partie centrale sablo-vaseuse.

Notons enfin, trois secteurs envasés, correspondant aux trois pôles urbains principaux, situés sur la lagune: Nador, Beni Enzar et Kariat. Précisons que les deux pôles d'envasement maximum correspondent aux deux extrémités de la MAR CHICA (Beni Enzar et Kariat) de confinement hydrologique très marqué. La zone envasée de la région de Nador est très limitée car elle est balayée périodiquement par les courants littoraux d'origine marine.

CARTE A

CARTE B

La deuxième carte fait apparaître salinité et le niveau trophique dans les différentes régions de la lagune.

La salinité est à peu près homogène sur l'ensemble du plan d'eau; elle oscille entre 39,6 ‰ au niveau de la passe et 40,4 ‰ dans le bassin est. On peut noter cependant un léger gradient croissant de la bokhana vers les extrémités lagunaires, légèrement plus prononcé en direction du grand bassin. Précisons dès maintenant, que les salinités de la MAR CHICA sont entièrement compatibles avec tous les types d'aquacultures envisagés.

L'analyse du niveau trophique fait ressortir deux grandes zones:

-   une zone mésotrophe centrale, évitant la zone de la passe

-   une zone périphérique oligotrophe, étendue surtout au niveau des extrémités.

Signalons qu'en comparaison avec les lagunes méditerranéennes de même type, la lagune de NADOR se situe dans des niveaux trophiques assez faibles (FRISONI et VAULOT, 1982), mais utilisables pour certains types d'aquacultures.

CARTE B

CARTE C

La troisième carte visualise le trajet des courants, les apports continentaux et les zones de fetch (zones abritées des vents dominants).

Compte tenu du profil bathymétrique, des vents dominants et de la situation géographique de la MAR CHICA, l'eau de mer pénétrant dans la lagune par la passe se dirige vers KARIAT, en longeant le lido. Après un large mouvement tournant dans l'extrémité est, les courants d'origine marine rejoigent la région de NADOR et s'engouffrent dans le bassin ouest en contournant la presqu'île d'ATALAYOUN. Les courants marins contournent donc entièrement la lagune dans le sens des aiguilles d'une montre, balayant ainsi tout le plan d'eau.

Les apports continentaux sont principalement issus des deux grands oueds et du canal d'irrigation qui débouchent sur la rive continentale opposée à la bokhana. En période de forte pluviosité, les apports massifs d'eau douce contrarient et modifient la courantologie locale le long de la rive sud.

La zone de fetch est directement liée au profil du relief environnant. Les vents dominants venant du Nord-Est, les zones abritées dans l'étang se regroupent au nord, le long du lido. A partir de la bokhana, la partie occidentale du lido est une côte basse qui induit un fetch réduit dans le bassin ouest, tandis que dans le bassin est (ou grand bassin) la présence de falaises sur le lido entraîne un fetch étendu qui atteint la partie médiane de l'étang. Dès l'affaissement des falaises dans la région de Kariat, la zone de fetch diminue immédiatement. Notons enfin, deux zones abritées, de faible étendue, de part et d'autre du promontoire d'ATALAYOUN.

La superficie du milieu aquatique couverte par le fetch est d'une grande importance en ce que concerne l'installation de structures aquacoles flottantes. Il apparaît en effet difficile d'implanter des radeaux conchylicoles ou des cages à poissons dans des zones soumises à une agitation démesurée des eaux.

CARTE C

CARTE D

La quatrième carte représente les agressions subies par la lagune et en provenance de la périphérie. Ces agressions ont été répertoriées en tant que caractéristiques limitant le développement de l'aquaculture.

On distingue trois grands types:

-   les pollutions urbaines, au niveau des trois centres d'habitations BENI AMZAR, NADOR et KARIAT. Il est probable qu'en dépit de l'existence d'une station d'épuration, la ville de NADOR soit la source principale de pollution domestique, notamment du point de vue des risques de rejets bactériens non traités par la station, et qui entraînera un risque de contamination chez les filtreurs (mollusques d'élevage, par exemple).

-   les pollutions industrielles se situent d'une part au niveau de la mine d'ATALAYOUN, d'autre part part au niveau du débouché de l'oued SELOUANE qui supporte sur son cours supérieur, un complexe industriel en voie d'extension. Ce dernier constitue le risque majeur des rejets polluants chimiques (industrie sidérurgique). Toutefois, la mine d'ATALAYOUN bien que non exploitée depuis plusieurs années constitue une source d'apport direct par lessivage des minerais accumulés en terrils ou en remblais endigués sur la lagune.

-   les pollutions agricoles se limitent à la rive continentales du grand bassin. L'apport de fertilisants (azote, phosphore) en provenance des terres cultivées et lessivées par les pluies arrivent directement dans la lagune par le réseau hydrographique dense. Ceux-ci participent à l'enrichissement non négligeable des eaux lagunaires et pourraient à terme entraîner l'eutrophisation du milieu. De plus, le lessivage des sols et la remise en suspension permanente du sédiment par affouillement littoral induisent l'enrichissement des rives en éléments fins et maintients une turbidité chronique des eaux dans une large bande entre NADOR et KARIAT. Il apparaît difficile d'envisager une quelconque aquaculture dans une eau perpétuellement chargée de matières en suspension.

CARTE D

CARTE E

La cinquième carte matérialise les différents types d'occupation du sol sur le pourtour de la lagune et les principales voies de navigation.

On remarquera l'implantation des villes BENI AMZAR, NADOR et KARIAT qui représentent des habitats étendus (villes de type méditerranéen) et quelques groupes d'habitations dispersées sur le lido.

Notons la voie ferrée qui relie MELILLA à NADOR et constitue un obstacle au libre accès de la côte située entre les ceux centres urbains.

La moyenne partie de la colline d'ATALAYOUN est occupée par le centre minier.

Deux marais salants d'une superficie relativement importante, l'un à NADOR en activité, l'autre à KARIAT, désaffecté, peuvent constituer soit une gêne si l'activité saulnière persiste, soit une possibilité d'élevage en bassin.

Une grande partie de la bordure continentale est occupée par l'agriculture qui ne laisse aucun périmètre disponible pour une autre activité.

Enfin ont été recensés les ports et les voies de navigation fréquentés par les pêcheurs (pêche et commercialisation) entre les deux celtres urbains de la lagune et MELILLA.

Il est bien évident que, quelle que soit l'activité aquacole envisagée, elle s'appuiera sur l'utilisation de structures portuaires mais devra également respecter les principales voies de navigation.

CARTE E

CARTE F

Cette sixième et dernière carte recense les possibilités de pompage en eau douce et en eau de mer, les zones où l'énergie électrique est disponible et enfin les voies d'accès périphériques.

le pompage en eau de mer est bien entendu possible sur l'ensemble du lido mais est limité dans sa partie centrale en raison de l'absence de source d'énergie et de l'existence d'accès rudimentaires et hasardeux.

L'eau douce est disponible sur l'ensemble de la rive continentale, essentiellement au niveau des centres urbains.

De même, l'énergie électrique est surtout disponible à proximité des villes.

Les accès sont possibles presque partout mais plus difficiles sur le lido et inexistants de part et d'autre de la bokhana.

CARTE F

3.3 - Conclusion

Les possibilités de développement de l' aquaculture sont principalement liées à la présence de paramètres favorables que nous nommerons “activateurs”. Inversement, les difficultés rencontrées et les limites imposées ce développement, proviennent de paramètres défavorables que nous nommerons “contraintes”.

Parmie les paramètres sélectionnés pour décrire les milieux récepteurs, peuvent être considérés comme :

-   “activateurs”:

-   l'amplitude de salinité rencontrée dans le milieu vis à vis des espèces choisies

-   la composition granulométrique du substrat (pourcentage de la fraction sableuse) pour les poissons plats et les Veneridae

-   le niveau trophique en ce qui concerne l'élevage extensif des poissons et la conchyliculture

-   la profondeur lorsqu'elle est supérieure à 3 mètres pour les structures d'élevage (cages, radeaux et tables)

-   la proximité d'une source d'énergie nécessaire aux technologies liées à l'utilisation de pompes (bassins, écloseries)

-   les possibilités d'accès.

-   “contraintes”:

-   la pollution, qu'elle soit d'origine urbaine, industrielle ou agricole et qui affecte la plupart des milieux littoraux méditerranéens

-   les risques de dystrophies, plus connues sous le nom de “malaïgues” dans les étangs languedociens et qui remettent régulièrement en cause la productivité des étangs.

-   la conservation du milieu naturel. En effet, l'aquaculture, source d'apports organiques, nécessitant des modifications d'ordre hydrologique par exemple, peut participer à la dégradation du milieu d'accueil. Dans un souci de préservation des biotopes et biocoenoses naturels, et de conservation du potentiel biologique qui permet le développement aquacole, la conservation du milieu apparaît comme une contrainte majeure. A cet égard , nous devons déboucher sur la notion de capacité d'accueil du milieu.

-   l'occupation des sols à la périphérie des lagunes littorales

Il faut souligner cependant que certainsparamètres “activateurs” d'une espèces ou d'une technologie aquacole peuvent être “contraintes” pour d'autres, d'où l'intérêt d'utiliser les techniques de planification.

De plus, la majorité des “activateurs” sont des caractéristiques naturelles du milieu pouvant être considérées comme relativement stables ou peu susceptibles d'évoluer et assurant donc une certaine pérennité aux réalisations adaptées aux conditions de milieu.

A l'opposé, les “contraintes” sont souvent issues de caractéristiques indépendantes du milieu lui-même, mais liées aux activités humaines périphériques. L'extension de ces activités (essor touristique et industriel par exemple) entraîne et entraînera de plus en plus une augementation progressive de ces contraintes qui deviendront de plus en plus le facteur limitant de l'aquaculture.

On remarquera enfin que l'accumulation d'“activateurs” et la présence d'“activateurs” fondamentaux tels que le niveau trophique, sont essentiellement liées aux caractéristiques mêmes du milieu paralique, zone de transition entre le domaine terrestre et le domaine marin, où s'exercent conjointement l'influence régulatrice de la mer et la variabilité qu'impose l'emprise continentale.

Il est alors évident que la vocation aquacole du littoral méditerranéen n'est pas un privilège géographique mais s'avère typique du milieu paralique en général.

L'anlyse des 6 cartes en termes d'“activateurs” et de “contraintes” et la superposition de ces cartes permet de sélectionner les diverses technologies aquacoles utilisables sur la MAR CHICA et de proposer une localisation géographique des activités en fonction des potentialités du milieu.

Les propositions que nous établirons tiennent compte d'une part des potentialités naturelles de la lagune, d'autre part des caractéristiques socio-économiques du MAROC.

Dans cette optique, nous proposerons deux variantes de mise en valeur correspondant à deux de développement.

La première concerne les activités pouvant être mises en place à court terme et qui n'exigent aucun investissement technologique et humain particulier.

La deuxième complète la phase précédente en s'appuyant sur des technologies plus sophistiquées, exigeant une main d'oeuvre spécialisée et ne pouvant être envisagée qu'à plus long terme.

Proposition à court terme

La carte G visualise les aménagements aquacoles que l'on peut raisonnablement envisager sur la lagune de NADOR.

Ceux-ci s'articulent autour de deux pôles:

-   la conchyliculture en suspension

-   la tapiliculture sur substrat

La conchyliculture en suspension

Les espèces envisageables sont la moule (Mytilus galloprovincialis), les huîtres (Ostrea edulis, indigène; Crassostrea gigas, import la palourde japonaise (Ruditapes philippinarum).

CARTE G

Nous ne détaillerons pas les différents supports immergés (cordes, pochons, painers…), mais nous proposons les radeaux flottants comme structures en suspension. Faciles à mettre en oeuvre sur l'exemple de ceux utilisés dans les étangs corses (cadro en bois et flotteur en PVC), ils présentent un certain nombre d'avantages par rapport aux tables fixes utilisées sur l'étang de Thau:

-   l'installation est facilitée par la légèreté et la mobilité des radeaux et ne nécessite pas comme pour l'installation des tables, des moyens lourds (barges, marteaux pilons…).

-   en case de dégradation de la qualité du milieu (dystrophie - peu probable-, pollution chimique ou bactérienne), ces structures peuvent être déplacées rapidement

-   l'entretien des radeaux est facilité par la nature des matériaux utilisés et souvent disponibles, même dans les régions les plus déshéritées

-   vis à vis des prédateurs benthiques abondants dans la lagune (Murex trunculus, M. brandaris, et Nassa reticulata), le radeau présente l'avantage d'être une structure indépendante du fond

-   la manutention du coquillage est simplifiée par la possibilité de rapprocher les radeaux de la base conchylicole

-   enfin, vis à vis des risques de dégradation des biotopes benthiques par surcharge organique issue des foeces des mollusques en élevage, les radeaux présentent l'avantage d'une part, de pivoter autour du point d'ancrage en fonction des vents et courants et ainsi de disperser l'apport organique, d'autre part de permettre une rotation des zones d'élevage correspondant ainsi à une forme de mise en jachère du milieu.

-   la souplesse et la flottabilité de ces structures leur assurent une grande faculté de tenue lors des tempêtes toujours prévisibles (cf les dégâts causés à Thau en novembre 1982)

-   à surface égale, la rendement des structures tables ou radeaux est équivalent.

En dehors de ces structures flottantes proposées, on aurait pu envisager, à l'exemple japonais, l'implantation de filières. Celles-ci présentant globalement les mêmes avantages que les radeaux ont cependant l'inconvénient majeur de nécessiter une technologie plus fine et ne peuvent être gérées qu'à partir d'embarcations plus lourdes et surtout par un groupement d'exploitants.

Le radeau par contre, présente l'avantage d'être une structure plus ou moins individuelle, exploitable par une petite entreprise, voire une seule personne.

Les zones d'implantation de radeaux proposées (carte G) tiennent compte des contraintes et activateurs recensés précédemment (cartes A, B, C, D, E, F) et occupent une superficie de 1600 ha, ce qui représente environ 14% de la superficie totale de la lagune. Cette surface de mise en exploitation conchylicole peut déboucher sur une production estimée de 20.000 tonnes de coquillages (cette estimation est basée sur l'exemple des étangs méditerranéens de même type : Thau, 15 tonnes/ha/an; étangs corses, 14 tonnes/ha/an; - rendement des surfaces conchylicoles, non ramené à la surface des structures).

En ce qui concerne la capacité d'accueil de la lagune, nous considérons que l'occupation par la conchyliculture de 14% de la surface totale du paln d'eau est une limite supérieure. En effet, sur l'étang de Thau, occupé à 17% de sa superficie, il apparaît que certains problèmes recontrés (dystrophie, baisse de productivité…) sont liés à la surcharge du milieu.

La tapiliculture sur substrat

L'élevage des deux espèces de palourdes (Ruditapes decussatus, et R. philippinarum) peut être mis en oeuvra sur les substrats sableux de faible bathymétrie le long du lido, sur une largeur de quelques centaines de mètres.

Ces mollusques pelecypodes peuvent être élevés enfouis dans le substrat et protégés des prédateurs (Murex, crabes) par des enclos, pochons ou filets en PVC.

Un rendement annuel de l'ordre du kg par mètre carré peut être attendu.

En dépit de la présence à l'état naturel de la palourde le long de la bordure continentale, celle-ci ne peur être mise en valeur compte tenu des matières an suspension et des pelites qui engraissent le biotope, et des risques de pollution domestique, industrielle et agricole qui agressent en permanence cette région de l'étang.

La conchyliculture est intimement liée à un approvisionnement régulier en naissain. De ce fait, se pose la question de l'origine du coquillage à mettre en élevage, compte tenu qu'un ravitaillement local ne peut être envisagé.

La création d'écloseries et nurseries ne pouvant être envisagée à l'heure actuelle, il est nécessaire de prévoir la fourniture de naissain, soit à partir des gisements naturels de la côte atlantique marocaine pour les espèces indigènes, soit par importation depuis les écloseries ou les gisements européens pour les espèces allochtones ou autochtones, si les ressources marocaines font défaut.

Proposition à long terme

Celle-ci complète la première phase et fait appel à des techniques plus élaborées et s'adresse à d'autres types d'aquaculture :

-   élevage extensif, valliculture

-   élevage semi intensif en enclos ou lagunes aménagées

-   élevage intensif en cages flottantes

-   prégrossissement et écloseries

-   élevage intensif en bassins à terre

et de ce fait à d'autres espèces :

-   Muges

-   Loups

-   Sparides

-   Soles

-   Crevettes (Penaeus kerraturus)

La carte H visualise nos propositions.

Toute la bande sableuse, support de tapiliculture du lido peut être également aménagée en une série d'enclos ou de petites lagunes occupant les appendices lagunaires existants. Signalons que dans ces enclos, l'élevage stratifié (palourdes endogées, peneïdes nectobenthiques, muges en pleine eau) pourrait constituer une formule intéressante de mise en valeur.

Les partenements saliniers abandonnés pourraient éventuellement constituer des sites priviliégés pour un élevage semi intensif stratifié ou non.

Les zones conchylicoles sélectionnées lors de la première phase pourraient supporter des séries de cages flottantes placées entre les radeaux conchylicoles.

Les caractéristiques du milieu favorables à l'implantation de radeaux correspondent évidemment à celles qui induisent l'installation de cages.

Dans ces cages, pourront être élevées sur aliments artificiels plusieurs espèces de poissons comme les loups et les daurades.

Le développement de filières poissons pose une fois de plus le problème du ravitaillement en juvéniles. Dans une première étape, il est possible de faire appel à l'importation, avec tous les inconvénients techniques et financiers que cela comporte. A plus long terme, il faudra recourir à la production locale d'alevins par l'implantation d'une éclo-

Les contraintes liées à l'implantation d'une écloserie (eau douce, eau de mer, électricité, accès, occupation du sol) nous amène à proposer deux sites potentiels situés sur le lido, aux deux extrémités de la lagune.

Il va de soi qu'entre l'écloserie et le grossissement, il est nécessaire d'intercaler un stade de prégrossissement qui peut s'effectuer en bassin, à terre, artificiel ou naturel.

Il faut toutefois être conscient que cette deuxième phase de développement nécessite une main d'oeuvre spécialisée dont il faudra assurer la formation; ceci représente un investissement financier et humain nettement plus important que la simple mise en valeur conchylicole proposée dans la première phase. De plus, il paraît évident d'effectuer préalablement à cette mise en valeur, une étude économique de marché qui précisera si les espèces susceptibles d'être produites en écloserie correspondent à la demande locale. Enfin, cette deuxième phase s'appuie sur des techniques encore au stade expérimental, tandis que les techniques conchylicoles sont depuis longtemps maîtrisées.

Le développement aquacole de la MAR CHICA est possible, compte tenu des potentialités du milieu.

Il devra toutefois s'accompagner de différentes mesures :

1 - l'aménagement de la passe (bokhana) doit être effectué. L'analyse biologique de l'écosystème ayant montré le caractère nettement déconfiné du milieu, cet aménagement doit déboucher, non sur une marinisation de la lagune, mais sur une stabilisation de l'ouverture existante, afin de maintenir les échanges au niveau actuel, et même de les limiter. Signalons que l'étude de ce problème est en cours (cf annexe 4).

2 - Le problème des pollutions recensées doit être analysé de façon plus poussée, afin d'en connaître l'envergure et d'y remédier.

3 - Une étude socio-économique approfondie devra aider à déterminer le choix des techniques et des espèces et le niveau de production à atteindre (étude de marché) ainsi que les répercussions sociales et culturelles de l'implantation de cette nouvelle activité.

4 - Une étude approfondie de la pêche dans la MAR CHICA devra permettre de faire de point de la situation actuelle, de proposer une amélioration des rendements à travers l'utilisation de nouvelles techniques de gestion et de pêche.

5 - Le développement aquacole de la MAR CHICA doit s'accompagner d'un suivi écologique régulier afin d'apprécier l'évolution du milieu et d'éviter le dépassement de la capacité d'accueil.

CARTE H

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