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Les introductions d'arbres

Tiré de l'ouvrage Génétique de l'amélioration des arbres forestiers (sous presse)

JONATHAN W. WRIGHT

JONATHAN W. WRIGHT, Associate Professor of Forestry, Michigan State University, East Lansing, Michigan.

Exotique se définit littéralement: «introduit d'un pays étranger». Cette définition étroite concerne l'épinette blanche (Picea glauca) transportée de l'Ontario (Canada) dans le Michigan, à quelques kilomètres seulement, mais aux Etats-Unis; elle exclut Pinus monticola transporté à plus de 3 000 km de l'Idaho au Michigan. Dans l'esprit de cet article il est préférable de définir une espèce exotique ou introduite comme étant cultivée en dehors des limites de son airs naturelle.

Les espèces introduites forment l'essentiel de la production agricole dans tous les pays civilisés et joueront donc probablement un grand rôle en foresterie. Il suffit d'examiner un menu, même composé de mets Ordinaires, ou les vêtements de quelqu'un pour que soit mise en évidence cette dépendance de l'agriculture et de l'horticulture vis-à-vis des plantes et des animaux introduits. Plus de 99 % de la nourriture et des vêtements (mises à part les fibres synthétiques modernes fabriquées à partir du bois et du charbon) utilisés par l'homme civilisé de la zone tempérée sont tirés de plantes ou d'animaux se développant hors de leurs aires naturelles. Par exemple, si un Américain ou un Européen du Nord ne devait subsister que grâce à des aliments autochtones, il devrait se passer de bœuf, de mouton, de sucre de canne et de betterave, de blé, de seigle, d'orge, de carottes, de pommes de terre, de maïs, de haricots et de presque tout le reste de sa nourriture quotidienne.

Les introductions d'arbres ont déjà fait la preuve de leur valeur en Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, et au Royaume-Uni. Dans certaines parties de ces pays, les plantations d'exotiques fournissent la majorité de la coupe de bois d'œuvre Cela tient au fait que ces espèces comblent un vide que les espèces spontanées n'ont pu occuper. Dans certains cas, elles produisent quatre fois plus de bois que celles du pays. Dans d'autres, elles fournissent des bois résineux de valeur là où n'existent que des feuillus.

Dans des zones bien pourvues en bois comme les Etats-Unis et le nord de l'Europe, une certaine prévention s'est manifestée contre les espèces introduites. Une part de cette méfiance vient des résultats médiocres des premières introductions faites sans discernement. Rien d'étonnant à cela, car l'écotype «moyen» de l'espèce forestière «moyenne» n'a guère de chance de succès. Un bon programme de sélection est nécessaire pour choisir le type le meilleur pour une région donnée.

Une autre raison de cet ostracisme vis-à-vis des exotiques est due à la croyance solidement enracinée que les types spontanés doivent être parfaitement adaptés à leurs habitats par des générations de sélection naturelle. Or, plusieurs raisons font que cet argument n'est pas valable. Le milieu moderne, transformé par l'homme, n'est pas le même que celui dans lequel a joué la sélection naturelle. Il y a toujours un décalage entre un changement de milieu et l'adaptation génétique au nouveau milieu. Aucune région, quelle que soit sa richesse en espèces, ne possède tous les gènes nécessaires à l'évolution d'un type parfaitement adapté. La sélection naturelle a favorisé les types' les plus aptes à survivre et non ceux qui ont le plus de valeur pour le forestier.

Les introductions d'espèces peuvent être considérées comme un élément de la génétique forestière pour quatre raisons. Primo, les différences entre espèces et écotypes sont une question de degrés. Le mieux est donc d'organiser les essais de nouvelles espèces et de nouveaux écotypes sur les mêmes bases, comme élément d'un programme d'amélioration des arbres. Secundo, le choix de l'écotype géographique approprié joue un grand rôle dans le succès forestier d'une espèce introduite. Tertio, la plupart des hybrides interspécifiques comprennent au moins une espèce exotique. La production d'un nouvel hybride et sa mise sur le marché comme variété intéressante pour les plantations forestières dépendent autant de la connaissance des espèces exotiques que de techniques d'hybridations appropriées. Quarto, l'actuelle génération de forestiers dépend beaucoup des généticiens forestiers pour ses connaissances détaillées sur les essences étrangères qui pourraient se révéler intéressantes comme arbres introduits.

Documentation relative aux exotiques

La documentation relative aux exotiques est le plus développée clans les nations du Commonwealth britannique, particulièrement Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni. Depuis de nombreuses années, ces pays ont largement compté sur les espèces introduites pour leurs programmes de reboisement et la majorité des articles techniques parus dans leurs journaux forestiers (Forestry, Irish Forestry, Scottish Forestry, Australian Forestry, New Zealand Journal of Forestry, etc.) aussi bien que dans les bulletins techniques publiés par leurs stations d'expériences et qui traitent de la sylviculture ou de l'utilisation des espèces exotiques. De même, la plupart de leurs rapports annuels ont des chapitres sur la «foresterie des exotiques» contenant statistiques et détails qui ne s'appliquent pas aux forêts naturelles. En 1957, cette littérature a été résumée dans une série de rapports préparés pour la septième conférence forestière du Commonwealth britannique tenue en Nouvelle-Zélande et en Australie et qui ont été publiés dans Exotic forest trees in the British Commonwealth.

L'ouvrage en deux volumes de Rol et Pourtet est la meilleure source de renseignements généraux sur les essences forestières introduites en France. C'est un bon catalogue raisonné des plantations forestières de l'arboretum des Barres, à 150 km au sud de Paris. Le livre du professeur Pavari constitue l'enquête la plus complète sur l'utilisation des exotiques qui ait été réalisée pour un pays quelconque. Il contient des résumés sur les plantations forestières d'exotiques et décrit les spécimens existant à l'état isolé dans les arboretums pour presque toutes les espèces essayées en Italie.

Le catalogue annoté d'Aughanbaugh décrivant les nombreux spécimens représentés dans l'arboretum de la Station d'expérimentation agricole de l'Ohio à Wooster est unique pour les Etats-Unis bien que des listes partielles aient été données pour quelques-uns des autres arboretums. Les récents articles d'Harkness et Wright traitent de la croissance et des possibilités forestières de quelques genres (Abies, Picea et Pinus) dans le Nord-Est.

En 1955, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a publié une monographie des eucalyptus. Cette monographie contient les descriptions de toutes les espèces d'eucalyptus plantées hors de leur aire naturelle ainsi que des données substantielles sur leurs préférences climatiques, les possibilités de croissance, l'utilisation, etc. C'est de loin le traité le plus complet qui existe pour un genre quelconque.

Dans plusieurs autres pays, la documentation relative aux exotiques consiste en de nombreux et courts articles traitant d'une seule espèce ou d'une petite région.

Les facteurs de succès dans l'introduction des arbres

Performances et caractéristiques des exotiques dans leur aire naturelle

Les performances et les caractéristiques d'une espèce dans son aire naturelle sont le meilleur guide pour connaître les possibilités d'emploi de cette espèce dans sa nouvelle station.

Le Pin de Monterey (Pinus radiata D. Don) est le meilleur exemple de cette généralisation. Sa rusticité, sa rapidité de croissance, la forme de son fût, la variabilité génétique et la qualité du bois sont essentiellement les mêmes en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Afrique du Sud que dans les peuplements naturels de Californie et de Basse-Californie. Seule la hauteur maximum atteinte (49 m en Nouvelle-Zélande, 37 m dans les stations naturelles) constitue une caractéristique nouvelle des peuplements artificiels de l'hémisphère austral. Si les types de climat de la péninsule de Monterey étaient aussi largement répandus en Californie que dans l'hémisphère austral, cette espèce aurait été aussi appréciée dans son pays qu'au sud de l'équateur. La corrélation entre l'aire naturelle et celle où on l'introduit est aussi vraie pour la qualité du bois que pour la croissance. Malheureusement, ceci n'a habituellement pas été observé avant que les nouvelles introductions soient presque bonnes à récolter. Ainsi, il existe de vastes surfaces d'Eucalyptus globulus Labill. E. saligna Sm., Larix decidua Mill. et Tsuga heterophylla (Raf.) Sarg. qui ne produisent pas de bois de haute qualité. Ces peuplements sont maintenant exploités pour un faible revenu et en cours de remplacement par de meilleures espèces. Cela aurait pu être prévu par une simple correspondance avec un anatomiste du bois du pays d'origine.

De même, nous avons négligé une espèce aussi prometteuse que Ginkgo biloba L. parce que les renseignements sur l'excellente qualité de son bois n'apparaissent pas dans la documentation chinoise. Cette qualité (bois analogue à celui d'un pin à 5 feuilles) se révèle en Amérique aussi bien qu'en Chine.

En résumé, la connaissance d'une espèce dans son aire d'origine est un des meilleurs guides pour le succès d'une introduction.

Importance économique d'une espèce spontanée

L'importance potentielle d'une espèce en tant qu'exotique n'a rien à voir avec l'importance économique qu'elle a dans son aire d'origine. Le hêtre d'Europe (Fagus sylvatica L.) est un feuillu important du nord de l'Europe parce que c'est un des rares feuillus qui s'y trouvent. Il pousse bien aux Etats-Unis mais prendra difficilement de l'importance dans les 50 prochaines années en raison des difficultés de plantation, de la surabondance des forêts de Fagus grandifolia Ehrh. et du grand nombre de feuillus plus précieux. Pinus resinosa Ait. est le pin le plus important dans de vastes zones du nord des Etats-Unis et du sud du Canada, cependant sa biologie ne lui a pas permis de réussir dans des pays étrangers.

Pinus radiata D. Don, Larix leptolepis (Sieb. et Zucc.) Gord. et Larix decidua Mill. ont des aires naturelles si petites ou si inaccessibles qu'ils sont moins importants dans leur pays d'origine que là où ils ont été introduits.

Au contraire, Pinus sylvestris L., P. strobus L., P. ponderosa Laws., Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco et Eucalyptus camaldulensis Dehn. sont aussi importants chez eux qu'ailleurs.

Etendue de l'aire naturelle

L'étendue de l'aire naturelle d'une espèce et ses possibilités d'emploi comme exotique ne sont pas étroitement liées. Au Japon, par exemple, le climat convenant à Larix leptolepis (Sieb. et Zucc.) Gord. ne se trouve que sur quelques montagnes isolées. Or, l'espèce réussit bien dans de vastes zones de plaines de la partie septentrionale de l'Europe centrale et du nord-est des EtatsUnis.

Similitudes des climats des régions d'origine et d'utilisation

La température minimum d'hiver est probablement le seul facteur très important limitant la réussite des échanges d'arbres entre diverses régions. C'est sur cette base que Rehder a établi classification des arbres par zones d'utilisation possible aux Etats-Unis.

Le pin de Monterey (Pinus radiata D. Don) est soumis dans son aire d'origine à des températures minimums d'hiver de -7° C et on considère qu'il ne peut réussir comme essence forestière que là où le minimum hivernal n'est pas inférieur. L'importance des basses températures hivernales est également illustrée par les espèces d'Eucalyptus dont la rusticité relative lors des introductions peut être déduite des températures minimums atteintes dans les peuplements spontanés. Presque tous les arbres du sud ou de la côte Pacifique des Etats-Unis ne survivent pas aux hivers rigoureux de l'est du pays.

Les dommages causés par les gelées survenant pendant la saison de végétation paraissent être le facteur limitant lors du transport de espèces septentrionales vers le sud. Larix sibirica Lebed., Abies sibirica Lebed. et Abies balsamea (L.) Mill. sont des arbres boréaux qui peuvent supporter des froids hivernaux sévères. Cependant ils sont régulièrement endommagés par les gelées de printemps lorsqu'on les essaie en Angleterre, en France et dans les Etats de la zone moyenne de la côte Atlantique des Etats-Unis. De même beaucoup d'espèces du nord des Etats-Unis souffrent du froid quand on les plante le long de la côte du golfe du Mexique à climat relativement doux.

Les basses températures estivales favorisent habituellement la croissance en raison de leur influence favorable sur le bilan hydrique. Presque toutes les espèces orientales des Etats-Unis sont soumises dans leurs stations naturelles à des étés beaucoup plus chauds que dans les régions d'Europe septentrionale, de Nouvelle-Zélande et d'Australie où elles réussissent bien.

Les températures d'été plus chaudes que la normale peuvent être des facteurs limitants responsables des médiocres résultats des espèces originaires du nord de l'Europe ou des Etats-Unis lorsqu'on les essaie dans le sud de ces pays. Ce point n'est cependant pas d'une évidente clarté, car beaucoup de comptes rendus défavorables aux espèces nordiques étaient certainement dus au fait que celles-ci avaient été plantées en comparaison avec des types méridionaux intrinsèquement plus productifs.

La faible pluviosité annuelle totale a été un facteur limitant dans de nombreux cas. I] y a relativement peu d'exemples de transfert réussi d'une région humide à une autre plus sèche sauf avec irrigation.

Les modalités de la répartition saisonnière régissent la plantation de beaucoup d'espèces en Afrique du Sud. P. radiata D. Don et P. pinaster Ait. originaires l'un et l'autre de régions à pluviosité d'hiver ont été employés dans les zones de la côte ouest à pluviosité hivernale. Pinus palustris Mill., P. caribaea Morelet, P. elliottii Engelm, P. taeda L., P. patula Schlecht. et Cham. ainsi que d'autres espèces de régions à pluviosité estivale du sud des Etats-Unis ou du Mexique ont été surtout employés dans les parties de la côte orientale où il pleut en été. Il semble que les difficultés d'adaptation à des pluies d'été des espèces habituées aux pluies hivernales soient dues en partie à des maladies. L'échec de P. pinaster et, P. radiata dans les régions à pluies d'été a souvent été relié à l'apparition de maladies favorisées par les blessures de grêle ou par une humidité élevée. Il y eut relativement peu d'occasions de savoir si une pluviosité trop forte a été un sérieux obstacle à une migration d'arbres. Beaucoup d'espèces de zones arides essayées dans les régions humides de l'est des Etats-Unis ont poussé aussi bien que dans leurs stations d'origine mais ne sont pas utilisables parce qu'on y dispose d'espèces à croissance plus rapide. De même, les forêts naturelles des régions à pluviosité réellement élevée comme la péninsule Olympique dans l'Etat de Washington, certaines parties du Queensland et de la Nouvelle-Zélande sont déjà si productives que les introductions n'y auraient que peu d'intérêt.

Les excellentes performances des peupliers, et des eucalyptus cultivés avec irrigation dans des conditions presque désertiques en Espagne et au Proche-Orient indiquent que l'humidité relativement faible constitue rarement un facteur limitant. De même les différences de longueur des jours entre les aires naturelles et le pays où l'on plante eurent probablement une importance minime. La plupart des transferts de l'Europe septentrionale à l'est des Etats-Unis comportent le passage des environs du 50° N. au 9 0° N.; ceux du Japon à l'est des Etats-Unis comportent un changement de 5° environ (35° N. à 40° N.).

Les climats de la région d'origine et de celle où la culture réussit présentent entre eux des rapports généraux tels qu'on peut faire un rapprochement sinon d'identité tout au moins de similitude entre eux lorsqu'on projette de nouvelles introductions.

Différences de plasticité

La capacité pour des arbres de se développer sous des conditions différant de celles qui prévalent dans leur habitat naturel varie suivant les espèces. Certaines, telles Acer saccharum Marsh., A. rubrum L., Picea breweriana S. Wats., P. engelmannii Parry, Pinus resinosa Ait. et Quercus alba L, atteignent de grandes dimensions dans leurs aires naturelles mais ne se montrent pas vraiment prometteuses dans les pays étrangers où elles ont été plantées. D'autres, telles Acer platanoides L., Picea omorika (Pancic) Purkyne, P. pungens Engelm., Pinus strobus L., P. sylvestris L. et Quercus rubra L. ont poussé aussi bien ailleurs que dans leurs stations naturelles. Les dernières sont appelées «espèces plastiques».

Il n'y a pas de bonne explication générale des différences de plasticité. Il n'existe pas de caractères morphologiques ou physiologiques généraux permettant d'identifier les espèces plastiques avant une véritable expérimentation. Les groupes plastiques aussi bien que les groupes non plastiques comprennent des espèces ayant des aires petites et d'autres vastes, des croissances rapides ou lentes, des dimensions faibles ou fortes.

La plupart des régions forestières comprennent des espèces plastiques ou non plastiques. L'Europe du Nord est une exception. Elle ne comprend que des espèces plastiques qui poussent bien sous une gamme de conditions plus étendue qu'on ne pourrait l'escompter. Cela est vraisemblablement une conséquence de l'extrême appauvrissement de la flore au. cours du pléistocène et de sa rapide recolonisation subséquente par des espèces capables de survivre dans des conditions variées. La flore forestière actuelle comprend en effet relativement peu d'espèces: Acer campreste L., A. platanoides L., A. pseudoplatanus L., Alnus incana Moench., A. glutinosa (L.) Gaertn., Betula pendule Roth, B. pubescens Ehrh., Fagus sylvatica L., Fraxinus excelsior L., Picea abies (L.) Karst, Pinus sylvestris L., Populus alba L., P. nigra L., P. tremula L., Sorbus aucuparia L., Taxus baccata L., Ulmus glabra Huds. et U. procera Salisb. Toutes ces espèces ont compté parmi les introductions les plus réussies dans le nord des Etats-Unis et d'autres régions tempérées froides. Il est évident que leur rapide reconquête du nord de l'Europe après le retrait des glaciers n'était pas accidentelle.

On ne dispose que d'indications réduites sur les préférences en ce qui concerne les qualités du sol des exotiques le plus communément plantés en Allemagne, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et dans les parties de l'Australie où ces plantations se font sur une grande échelle depuis de nombreuses années. Les données ont été recueillies sur des plantations jeunes et sont moins précises que pour les essences autochtones bien étudiées. En général, elles le sont suffisamment pour montrer qu'une espèce donnée est la mieux adaptée à l'un de ces trois points de vue: drainage, texture ou classe de fertilité. Le drainage est habituellement le facteur le plus important. Il existe généralement une bonne corrélation entre ce qui se passe pour une espèce dans son pays d'origine et dans celui où on l'introduit au point de vue des préférences édaphiques Dans certaines régions d'Australie, l'apport d'acide phosphorique a augmenté la croissance de Pinus radiata D. Don. Au Royaume-Uni, l'apport d'azote a accru la croissance de certaines plantations de Picea sitchensis (Borg.) Carr.

Aux Etats-Unis, en France en Italie, au Japon et dans d'autres régions où la majorité des expérimentations sur les exotiques est encore au stade arboretum ou plantations pilotes, il y a eu peu d'occasions d'observer la croissance dans des conditions varices de stations. Cela est même vrai pour une espèce aussi communément plantée que Pinus sylvestris L. aux Etats-Unis, parce que la plupart des plantations les plus anciennes sont d'origine inconnue et que les médiocres performances de telle ou telle plantation doivent être regardées comme résultant des effets combinés de la Station et du génotype.

Importance du genre

La valeur particulière des genres monotypiques dans l'introduction des arbres fut signalée par J. R. Schramm quand il était directeur du Morris Arboretum de l'Université de Pennsylvanie. Le raisonnement de J. R. Schramm est que les monotypes doivent être indemnes d'ennemis, car ils n'ont pas de proches parents dont les ennemis pourraient passer aisément sur eux et parce que la plupart des insectes et des maladies se limitent à de petits groupes d'espèces voisines. Ce raisonnement est confirmé par la pratique et les monotypes sont remarquablement indemnes d'ennemis sérieux partout où ils ont été plantés. Sept d'entre eux sont bien connus de l'auteur [Cercidiphyllum japonicum Sieb. et Zucc., Ginkgo biloba L., Machura pomifera (Raf.) Schneid., Metasequoia glyptostrobus Hu et Cheng., Pseudolarix amabilis (Nels.) Rehd., Sciadopitys verticillata Sieb. et Zucc. et Thuyopsis dolobrata Sieb. et Zucc.]: ils ont été utilisés pour l'ornement en Pennsylvanie et dans le sud du Michigan. Pour chacun d'entre eux, l'immunité vis-à-vis des ennemis s'étend même aux petits insectes phyllophages qui transforment les feuilles de la plupart des arbres en passoire à la fin de l'automne.

Mais l'appartenance à un genre monotypique n'assure pas qu'une espèce bénéficie d'une rusticité exceptionnelle, d'une bonne forme et d'un bois de qualité.

Possibilité d'utilisation dans les hybridations

Beaucoup d'espèces méritent d'être introduites en raison de leurs possibilités d'emploi dans les hybridations. En Corée, par exemple, les pins américains Pinus rigida Mill. et P. taeda L. ont été plantés sur une échelle relativement petite comme espèces pures. Cependant, leurs hybrides ont été produits par milliers et joueront plus tard un rôle très important dans la foresterie coréenne.

Dans l'hémisphère sud, Pinus radiata D. Don relègue loin derrière lui son proche parent P. attennuata Lemm. comme arbre forestier utilisable: le dernier ne justifierait pas des essais plus poussés s'il ne pouvait être utilisé qu'en tant qu'espèce pure. Par contre, ses hybrides sont suffisamment prometteurs pour justifier aisément un important programme d'expérimentation comparative de provenances.

Dans les Etats du centre ouest des Etats-Unis, P. sylvestris et P. nigra Arn. sont par elles-mêmes d'importantes essences introduites. Leurs homologues asiatiques (P. thunbergii Parl., P. densifora Sieb et Zucc., P. yunnanensis Franchet, etc.) ne se sont pas montrés suffisamment prometteurs pour être plantés comme espèces pures. Mais certains hybrides eurasiens sont si prometteurs qu'aucun des représentants asiatiques de la série Sylvestres ne peut être négligé.

Variabilité génétique d'une espèce

Presque chaque espèce à aire étendue possède une variabilité génétique suffisante pour que les résultats donnés par un seul biotype dans un pays étranger n'indiquent que très grossièrement les possibilités de l'espèce dans ce pays. Ce point ne peut être mieux illustré qu'en se référant à P. sylvestris aux Etats-Unis. Par malchance la plupart des plantations faites dans le nord-est avec cette espèce provenaient d'un groupe de provenances allemandes particulièrement mal appropriées. Les milliers d'hectares obtenus sont presque sans valeur et l'espèce a une médiocre réputation. Or, il existe des provenances excellentes. Si elles avaient été utilisées, l'espèce aurait une bien meilleure réputation.

Quatre-vingt-quinze pour cent de nos connaissances actuelles sur les résultats donnés par les espèces exotiques viennent d'arbres dont l'origine géographique est inconnue. En raison de la grande variabilité de l'espèce, chaque arbre ou chaque plantation dont les résultats atteignent 75 % de ceux d'une essence spontanée doivent être considérés comme la preuve que l'espèce en question est capable de surpasser la production des bonnes espèces autochtones.

Echanges entre les régions

Les principaux échanges interrégionaux d'arbres forestiers sont résumés dans le tableau 1. Dans quelques cas, les échanges d'arbres de valeur furent réciproques, entre les divers pays à climat de type méditerranéen. par exemple. Dans d'autres cas, le mouvement a été à sens unique, par exemple entre l'Amérique nord-ouest de la côte Pacifique et l'Europe moyenne.

Les forêts boréales de l'Eurasie septentrionale et du Canada peu fourni aux autres régions à cause de la pauvreté de leur flore et des grandes réserves de forêts naturelles existant dans les pays pour lesquels elles pouvaient jouer le rôle de donateur. Les vastes régions tropicales et subtropicales du monde ont un grand nombre d'espèces qui peuvent être utiles, mais leurs possibilités de distribution n'ont pas été étudiées sérieusement. Les hautes terres mexicaines et les régions montagneuses de la Chine occidentale semblent pouvoir donner beaucoup mais leurs possibilités sont encore peu connues.

TABLEAU 1. - Régions entre lesquelles les échanges d'arbres ont été un succès ou un échec

Région d'introduction

Région d'origine

Succès

Echec

N.-E. des Etats-Unis

Montagnes Rocheuses; Europe moyenne; montagnes du bassin méditerranéen; Hondo, Chine occidentale et nord de l'Inde.

Côte Pacifique des Etats-Unis et du Canada; Mexique; sud-est et sud-ouest des Etats-Unis; Japon (Hokkaido); Scandinavie et Sibérie.

Royaume-Uni

Côte Pacifique des Etats-Unis et du Canada; Europe septentrionale; montagnes de Hondo, Europe occidentale et bassin méditerranéen.

Asie septentrionale, Mexique; plaines du Japon; Chine et bassin méditerranéen; Himalaya.

Italie, Sud de la France, Allemagne du Sud, Scandinavie

Est et nord des Etats-Unis, montagnes de Hondo; Chine occidentale; Sibérie, montagnes de l'Europe centra et de l'ouest des Etats-Unis.

Nord de l'Europe; Sibérie.

Californie, Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud, Italie méridionale

Californie; Australie, bassin méditerranéen; montagnes du Mexique; sud-est des Etats-Unis.

Montagnes de Hondo, Chine occidentale; Europe septentrionale, nord-est des Etats-Unis.

Kenya, Tanganyika

Plaines méditerranéennes et californiennes; Mexique, Inde.


Suggestions pour l'établissement d'un programme d'introduction et d'experimentation des exotiques

Les facteurs étudiés dans les rubriques précédentes peuvent être résumés dans la série de règles suivantes:

1. Etude des climats du monde et choix des régions dont les climats sont similaires à ceux de la région dans laquelle on projette l'introduction. Les climats n'ont pas besoin de s'apparier exactement, car certains facteurs compensent les petites déficiences des autres.

2. Etude de la croissance intrinsèque et des qualités du bois des arbres de ces régions et établissement d'un programme d'introduction et; d'expérimentation de toutes les espèces qui présentent des qualités désirables. La liste des arbres à essayer comprenda 50 à 100 espèces pour les régions froides telles que la Scandinavie et l'est du Canada: 500 à 1 000 espèces pour les régions tempérées telles que l'est des Etats-Unis et l'Europe moyenne; plus de 1 000 espèces pour les régions tropicales humides.

3. Etude particulièrement axée sur les genres monotypiques en raison de leur immunité probable aux insectes et les espèces d'Europe septentrionale en raison de leurs possibilités vraisemblables d'adaptation à des conditions de stations variées.

4. Introduction des plus proches parents des espèces les plus prometteuses pour préparer de futures hybridations.

5. Etude des préférences stationnelles des espèces à introduire et organisation d'une expérimentation dans ce but.

6. Introduction de plusieurs provenances de chaque espèce: de 3 (pour les espèces à aire réduite) à 20 (pour les espèces à aire étendue). Poursuite de l'expérimentation dans des plantations comparatives de provenances plus importantes pour les espèces prometteuses. Ne faire l'expérimentation qu'avec du matériel d'origine connue.

7. Essai des nouvelles espèces sous trois ou quatre conditions différentes.

8. Passer de plantations par petits placeaux permettant de comparer des arbres isolés à des plantations en grandes parcelles pour comparer les résultats donnés par les peuplements.

Un programme tel que celui qui vient, d'être esquissé demanderait des dizaines d'années pour être mené à bien si on travaille «au petit bonheur la chance» comme autrefois. Cependant il pourra être réalisé clans un délai raisonnable si le programme est bien établi et si les nouvelles méthodes de dispositifs expérimentaux sont utilisées.


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