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Avalanches - défense et contrôle

Colin Fraser

Colin Fraser est l'auteur de The Avalanche Enigma, histoire détaillée des avalanches et des efforts de l'homme pour les comprendre et les juguler. Spécialiste des avalanches il a collaboré avec l'Institut fédéral suisse pour l'étude de la neige et des avalanches.

Si l'histoire des avalanches et des catastrophes qu'elles entraînent est déjà longue, la mise au point de méthodes propres à les maîtriser ou à les empêcher est relativement récente. Au prix d'efforts financiers considérables, la Suisse et l'Autriche ont fait œuvre de pionniers dans ce domaine. Cependant, nombreux sont les débutants qui continuent à ne tenir aucun compte de ces enseignements et à répéter les mêmes erreurs.

1. Cette parcelle boisée triangulaire d'une superficie de deux hectares au-dessus du village d'Andermatt en Suisse a été conservée comme défense contre les avalanches en vertu d'un édit de 1397. Ces dernières années des ouvrages de soutènement ont été construits pour en compléter l'effet.

Les avalanches de neige, qui comptent certainement parmi les grands cataclysmes de la nature, ont au cours de l'histoire causé plus de pertes en vies humaines et de dégâts matériels en Europe que dans aucune autre partie du monde. Ce fait n'a rien d'étonnant si l'on considère que les Alpes d'Europe ont été la première région montagneuse et enneigée à acquérir une population relativement dense. Depuis quelques années, toutefois, bon nombre d'autres régions montagneuses du monde s'ouvrent et continuent à s'ouvrir au peuplement au fur et à mesure que les routes se construisent, que les richesses minérales sont exploitées ou que se présentent des possibilités de développement des sports d'hiver. On peut aussi affirmer sans grand risque que la crise de l'énergie amènera à l'avenir la construction d'un nombre croissant de barrages en haute montagne du fait que les pays se trouveront obligés d'exploiter leur potentiel hydroélectrique. Dans ces conditions, on peut donc se poser la question: que savons-nous des avalanches? Que pouvons-nous faire pour les enrayer?

C'est seulement depuis 30 ou 40 ans que le contrôle avalanches est passé du stade de l'approximation à celui d'une: science appliquée reposant sur une compréhension fondamentale de la mécanique de la neige. Cette entreprise a toutefois été beaucoup plus coûteuse qu'on ne l'avait pensé. De tous les pays qui ont étudié le contrôle des avalanches, la Suisse et l'Autriche sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats. La réussite dans cette entreprise a une importance particulière pour elles du fait de leur position géographique au cœur du réseau routier européen. L'expérience acquise et les méthodes mises au point dans ces deux pays alpins sont donc une aide précieuse pour quiconque cherche à s'instruire en matière de contrôle des avalanches. Rien ne permettrait mieux d'éviter des entreprises coûteuses et la répétition d'erreurs déjà commises dans ces pays et dans d'autres. Certes, nous n'entendons pas dire par là que les méthodes de contrôle des avalanches ont atteint leur niveau optimal d'efficacité; bien loin de là, beaucoup d'erreurs seront encore certainement commises même dans les pays dont les techniques sont les plus avancées, puisqu'il s'agit là d'une science relativement nouvelle. Un bref aperçu de cette expérience sera sans doute utile, mais afin de placer le contrôle des avalanches dans son contexte, voyons tout d'abord quels peuvent être la nature et le comportement des avalanches elles-mêmes.

Les raisons pour lesquelles une masse de neige se détache pour se précipiter le long d'une pente sont extrêmement complexes. Certes, il est vrai que les nombreux éléments qui y contribuent ont tendance à se combiner pour causer les avalanches dans certains endroits - pentes ou ravines - plus fréquemment que dans d'autres. C'est pour cette raison que le forestier suisse Johan Coaz - qui, à cause de ses observations et études à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième, a été appelé le père de la recherche sur les avalanches - a pu relever qu'il existait dans les Alpes suisses 7 486 couloirs dans lesquels une avalanche au moins se produisait chaque hiver.

Il s'agit là uniquement des avalanches qui affectent la population d'une manière ou de l'autre:, à l'exclusion des avalanches qui peuvent se produire à très haute altitude.

De toute évidence, une avalanche qui se produit au moins une fois par an dans la même coulée devient un phénomène local connu, et les populations s'en tiennent à l'écart. Malheureusement, les avalanches n'ont pas toujours un comportement aussi régulier; l'ensemble des facteurs qui leur donnent naissance peuvent ne se trouver réunis sur une pente donnée qu'une fois en plusieurs décennies ou même en plusieurs siècles. Au cours de l'hiver 1950-51, qui fut particulièrement propice aux avalanches dans les Alpes d'Europe, plusieurs maisons restées indemnes pendant plus de 500 ans ont été détruites. En janvier 1968, l'auteur a participé à des opérations de sauvetage après qu'une avalanche ait atteint des maisons nouvellement construites dans une région où la dernière avalanche enregistrée datait du 13 mars 1609.

Au Moyen Age, ce comportement bizarre et capricieux des avalanches contribuait à donner une attitude fataliste aux populations alpines: les avalanches étaient le fait de Dieu, ou du diable, et l'on ne pouvait pratiquement rien faire pour les combattre.

On reconnaissait cependant un rôle protecteur aux terrains boisés, surtout s'il y avait des arbres dans la zone de départ de l'avalanche ou si la pente découverte au-dessus de la ligne des arbres était insuffisante pour que l'avalanche puisse acquérir suffisamment de vitesse pour détruire la forêt adulte. C'est pourquoi, dans de nombreuses régions des Alpes, des édits protégeaient certains secteurs forestiers bien définis et stratégiquement situés. Les premiers de ces édits furent promulgués vers le milieu du quatorzième siècle; 322 d'entre eux étaient encore en vigueur en Suisse lorsque le pouvoir fédéral s'est substitué aux autorités cantonales en 1896. Certes, tous les édits n'étaient pas aussi soigneusement rédigés qu'ils auraient dû l'être: certains d'entre eux n'interdisaient même pas le pâturage du bétail dans les bois; et plus grave encore peut-être, l'interdiction absolue de tout abattage empêchait jusqu'au travail raisonné des forestiers, indispensable pour conserver aux bois jeunesse et vigueur.

Les premières défenses contre les avalanches consistaient généralement en éperons de terre et de rocs édifiés en amont d'un bâtiment de manière à dévier la coulée de neige à la périphérie. Plus tard, on a parfois construit des déflecteurs en pierre, dont le premier exemple date du milieu du seizième siècle à la suite de la catastrophique avalanche de 1518 qui fit 61 victimes dans le village de Leukerbad (Valais). Le mur n'était sans doute pas très efficace, car exactement 200 ans plus tard, une avalanche se reproduisit au même endroit et fit 55 victimes.

OUVRAGES DE SOUTÈNANT MODERNES EN ACIER, AU-DESSUS DE LA STATION SUISSE DE DAVOS - Désonon les construit généralement en ligne ininterrompue

Toutes ces défenses primitives avaient un caractère essentiellement passif: tout au plus parvenaient-elles à réduire ou à éviter les effets dévastateurs d'une masse de neige déjà en mouvement. Ce n'est que relativement tard qu'on a eu l'idée de s'attaquer à la racine du mal, d'empêcher le déclenchement même de l'avalanche en soutenant et en contenant la couche de neige sur la pente. Les premiers efforts entrepris en ce sens au dix-huitième siècle utilisaient des tranchées et des terrasses à flanc de montagne. Aux environs de 1860, Johan Coaz organisait la construction de murs de pierre en travers des pentes dans les zones d'avalanches, sans d'ailleurs que l'une ou l'autre de ces défenses soit d'une grande efficacité: les terrasses étaient bien vite nivelées par les chutes de neige; quant aux murs, ils brisaient complètement le vent et provoquaient ainsi la formation de congères qui venaient rapidement s'accumuler contre eux.

Il a fallu attendre le début de notre siècle pour que les méthodes de lutte contre les avalanches commencent à devenir un art: les Autrichiens en donnèrent le ton lorsqu'en 1920 ils complétèrent les ouvrages de pierre protégeant la ligne de chemin de fer de l'Arlberg par de lourdes palissades de rondins étayées par des poutrelles d'acier. On ne tarda pas à constater que les palissades, quelle qu'en soit la forme, étaient moins coûteuses et plus efficaces que les murs ou les terrasses et, en 1939, ce mode de protection avait complètement remplacé tous ceux qui avaient été utilisés jusqu'alors. Elles peuvent en effet à la fois servir à contenir la couche de neige et stopper tout petit glissement qui pourrait se produire entre deux ouvrages de soutènement.

On pourrait penser que l'architecture et l'érection des ouvrages de soutènement dans les zones de déclenchement des avalanches ne posent que des problèmes relativement simples. Or, ils se sont, à l'expérience, révélés d'une complexité extrême. Jusqu'à la fin des années trente, en effet, les progrès reposaient uniquement sur des connaissances empiriques. Aucune base n'existait pour calculer à l'avance la pression que la retenue de neige exercerait sur une palissade; nul ne savait quels étaient les meilleurs matériaux à utiliser ni comment les structures de protection devraient être déployées sur les pentes afin de produire les résultats escomptés. Se fiant uniquement à leur propre jugement, les pionniers de la lutte contre les avalanches employaient les matériaux qu'ils avaient sous la main, depuis les traverses de chemin de fer et les morceaux de rail jusqu'aux poutrelles d'acier et aux poutres profilées.

3. 1907 - La construction d'ouvrages de défense contre les avalanches sur les principales routes et voies ferrées et la protection de la végétation à flanc de montagne est une vieille tradition en Suisse, ainsi que l'atteste cette photographie de 1907. Noter les murs de pierre pare-neige au-dessus de la ligne de chemin de fer rhétique près du col de l'Albula dans les Grisons.

4. 1957 - La même pente 50 ans plus tard, après reboisement. D'anciens murs aux niveaux supérieurs servent encore; d'autres (parmi les arbres), non entretenus, tombent en ruines.

En 1938, toutefois, un groupe de techniciens travaillant à Davos, dans un service qui devint plus tard l'Institut fédéral suisse pour l'étude de la neige et des avalanches, élaborait une formule type pour déterminer la pression de la neige sur une palissade, permettant ainsi la mise au point des premiers modules scientifiquement calculés. Les connaissances en la matière ont fait et continuent depuis à faire tant de progrès que l'inspectorat fédéral suisse des forêts a publié un manuel complet pour la construction et l'installation d'ouvrages de soutènement contre la neige. Rédigé par les experts de l'institut pour l'étude des avalanches, ce manuel contient une soixantaine de pages de schémas, de formules, de calculs et d'explications.

Rien n'y est laissé au hasard: on y trouve des formules pour déterminer l'emplacement et l'espacement exacts des paravalanches; des normes concernant les matériaux et la construction; des instructions pour le calcul de la pression de la neige sur une pente et à des altitudes données; les marges de tolérance acceptables au-delà des charges calculées pour chaque type d'ouvrage; des instructions détaillées pour l'ancrage des palissades sur les pentes suivant les différentes conditions géologiques; la manière de déterminer la capacité de résistance du sol à la pression des fondations, etc. Le manuel a été fort apprécié aux Etats-Unis, où il a été traduit en anglais. En Suisse, où les travaux de défense contre les avalanches sont si coûteux qu'on n'y saurait tolérer la moindre erreur de planification ou d'exécution, l'octroi de subventions pour la lutte contre les avalanches est subordonné à l'observation des dispositions du manuel.

Les ouvrages de soutènement du type palissade ont généralement 3 ou 4 mètres de haut et se présentent essentiellement sous deux formes: le balcon paravalanche (figure 5) et le râtelier à neige (figure 6). Le râtelier présente sur le paravalanche un avantage du fait que tous ses éléments verticaux peuvent être ancrés dans le sol, pour plus de résistance. Comme son platelage est perpendiculaire à la stratification de la coulée, il contient aussi mieux la neige. Les impératifs économiques ont cependant imposé l'emploi généralisé des balcons, dont les fondations exigent une préparation moins poussée.

6. Râtelier à neige.

5. Balcon à neige.

L'une des conditions premières que doit remplir un ouvrage de protection - quel qu'en soit le type - est d'agir sur la manière dont s'accumule la neige. En d'autres termes, il ne faut pas qu'il provoque la formation de congères. A cet effet, l'espacement des claies doit être suffisant, sans pour autant permettre le passage de la moindre coulée. Par élimination, on a pu déterminer que l'espacement optimal est de 30 à 38 centimètres.

Les premières barrières étaient toujours érigées verticalement, mais on a constaté que ce dispositif en réduisait la hauteur utile et imposait des pressions excessives aux points d'ancrage. On a découvert plus tard qu'il est plus facile d'assurer un bon ancrage si le pare-neige est légèrement incliné vers l'aval, et c'est pourquoi on l'installe généralement aujourd'hui à un angle de 100-105 degrés par rapport à la pente amont (figure 7), ce qui permet de mieux équilibrer la charge sur les fondations et d'utiliser la hauteur de la charpente au maximum.

Un procédé d'introduction plus récente consiste à installer les ouvrages en ligne ininterrompue en travers de la pente; si toutefois - et c'est la pratique la plus courante à l'heure actuelle - la ligne de défense est interrompue par endroits, la largeur de la brèche ne devrait jamais dépasser 2 mètres, à moins qu'un accident de terrain n'empêche de manière absolue me avalanche de se déclencher en ce point. On a parfois essayé de limiter les dépenses d'installation en espaçant davantage les éléments de défense: c'était là une fausse économie. En effet, de petites avalanches parviennent alors à se glisser entre les paravalanches et à en arracher quelques-uns; par les brèches ainsi ménagées, des avalanches plus importantes emportent d'autres défenses au passage et ainsi de suite. Si l'on n'avait remplacé ces dernières au fur et à mesure, le dispositif tout entier aurait été réduit à un tas de débris au bas de la pente. Les frais d'entretien sur lesquels on avait cru pouvoir rogner au départ finissaient donc par être très élevés en fin de compte. On a donc plutôt tendance à l'heure actuelle à ne pas lésiner sur les dépenses de début afin d'éliminer le risque de voir les ouvrages endommagés par le déclenchement de petites avalanches.

L'espacement vertical des défenses le long de la pente présente un intérêt tout aussi grand. L'effet de soutènement d'un ouvrage n'exerce son action vers l'amont que sur une distance de deux à trois fois la profondeur de la neige. Connaissant cette règle, l'angle de la pente, le degré d'aspérité du terrain et plusieurs autres facteurs, on a pu élaborer une formule pour le calcul d,- l'espacement minimal entre les ouvrages à étager le long d'une pente donnée. Dépasser cet espacement serait dangereux, car une petite avalanche pourrait se déclencher, s'accumuler contre un ouvrage paravalanche et servir de tremplin à d'autres plus importantes. En théorie, une accumulation d'avalanches pourrait former une rampe derrière les ouvrages de défense, leur ôtant ainsi toute efficacité et les transformant en couloir d'avalanche.

En définitive, il a fallu bon nombre d'expériences fort coûteuses avant qu'on puisse conclure que rien ne peut remplacer la disposition des défenses en ordre serré tant verticalement qu'horizontalement.

L'acier, l'aluminium et le béton précontraint sont les matériaux couramment utilisés aujourd'hui dans la construction des ouvrages de soutènement. Le bois n'a qu'une durée: éphémère et n'est donc guère employé, sauf au-dessous de la limite des arbres, et dans les endroits où les nouvelles plantations pourront, dans un délai de trente ans, se substituer aux ouvrages de protection contre les avalanches. Le reboisement fait partie intégrante de tout dispositif de lutte contre les avalanches au-dessous de la limite des arbres.

7. Les premiers paravalanche étaient mal installés (figure de droite). Leur hauteur effective n'était pas pleinement utilisée et la pression de la neige avait tendance à arracher la base de la palissade de la pente. Les ouvrages modernes (figure de gauche) ont éliminé ces erreurs. Placés à un angle de 105 degrés par rapport à la pente amont, ils permettent une meilleure utilisation de la hauteur de la palissade et une distribution plus équilibrée du poids de la neige à la base de l'ouvrage. Ils sont aussi plus solidement étayés du côté aval.

Le coût de la lutte contre les avalanches dans la zone de départ est extrêmement élevé: les Suisses estiment que l'ouvrage de défense à flanc de montagne revient à 1250 francs suisses (environ 400 dollars U.S.) le mètre courant. Si l'on considère qu'il faut, en gros, par hectare de pente, quatre lignes de défense distantes l'une de l'autre de 25 mètres à la verticale et longues de 100 mètres chacune, on arrive au chiffre de 500000 francs suisses (160000 dollars) pour chaque hectare de zone de départ d'avalanche à stabiliser. Comme la plus grande partie de cette somme est constituée par les frais de main-d'œuvre, le chiffre varie d'un pays à l'autre. En Italie, par exemple, le même travail revient à 100000 dollars par hectare, ce qui demeure un prix élevé. Mais, il peut être plus coûteux encore de ne rien faire: les dégâts causés par les avalanches en Suisse pendant l'hiver 1950-51 sont évalués à 5,5 millions de dollars; ils ont coûté 4,4 millions de dollars à l'Autriche au cours de la même période.

On pourrait penser qu'en Europe, au moins, les pays se seraient empressés d'adopter les normes que les autorités fédérales suisses imposent comme condition première à l'octroi de crédits pour la lutte contre les avalanches, d'autant plus que le manuel suisse est facile à se procurer et qu'il existe maintenant en plusieurs langues. On doit pourtant constater avec regret que certains pays européens, venus sur le tard à la lutte contre les avalanches, tâtonnent encore dans ce domaine comme s'il s'agissait d'un terrain totalement inconnu, gaspillant même parfois leurs ressources.

Les coûts élevés de la protection dans la zone de départ de l'avalanche rendent indispensables des solutions de remplacement chaque fois qu'elles sont possibles. C'est là que la méthode médiévale consistant à protéger individuellement chaque bâtiment contre les glissements de neige peut parfois être utile. Des déflecteurs de béton - et non plus de pierres et de terre comme dans les siècles passés - peuvent très efficacement protéger des installations comme des pylones électriques. Les routes et les voies ferrées sont fréquemment protégées par des galeries ou des auvents qui permettent à la coulée de neige de les enjamber. En Europe, le prix de revient de ces galeries est de l'ordre de 4000 à 5000 dollars au mètre, mais ce mode de protection est parfois moins coûteux que l'installation de structures de défense en altitude dans la zone de départ de l'avalanche. Il ne faut pas oublier cependant que la construction de galeries de protection exige de solides connaissances de la dynamique de la neige. L'auteur a pu voir certains de ces ouvrages, construits dans un pays en développement par une institution d'assistance bilatérale, dont l'utilité était à peu près nulle. La neige glissait simplement sur la toiture, qui n'avait pas de corniche, et atterrissait sur un méplat de l'autre côté de la galerie au lieu de continuer à dévaler. La neige s'entassait contre les piliers de soutènement de la galerie, puis glissait ou était poussée par la tourmente à l'intérieur de celle-ci, où elle bloquait totalement la circulation pendant de longues périodes chaque hiver. Il aurait pourtant suffi d'éliminer le méplat situé le long de la galerie avec un bulldozer ou de prolonger le toit par un grand auvent pour que la neige continue à dévaler la pente.

Dans le cas des voies de communication que l'on peut sans inconvénient fermer à la circulation pendant certaines périodes, la méthode de lutte la moins coûteuse est celle qui consiste à utiliser les explosifs ou l'artillerie. Pendant une forte chute de neige ou immédiatement après, et une fois interdite toute circulation, on effectue des tirs d'artillerie légère ou on fait exploser des charges dans la zone de départ afin de déclencher une avalanche; si rien ne se produit, on peut être en tout cas certain que la situation ne présente pas de danger tant que les conditions météorologiques et/ou l'état de la neige ne changeront pas. Toutefois, l'emploi des explosifs dans la lutte contre les avalanches exige, outre des connaissances et une expérience approfondies, du jugement et un sens aigu de l'organisation de la part de ceux qui doivent décider du moment où il faut fermer une route et procéder aux explosions. Pour de nombreux pays en développement, néanmoins, c'est là une technique valable, ne serait-ce qu'à titre provisoire en attendant de pouvoir mettre en place un dispositif de défense contre les avalanches.

On ne saurait trop répéter cependant que les pays qui n'ont pas jusqu'ici entrepris la lutte contre les avalanches - soit par manque de moyens, soit parce qu'ils n'en avaient pas besoin - mais qui ont l'intention de le faire dans un avenir prévisible feraient bien de tirer profit auparavant de l'expérience si durement et si chèrement acquise dans les Alpes d'Europe.


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