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Botswana - Quand le gibier fournit la viande

Thomas M. Butynski et Wolfgang von Richter

Thomas M. Butynski de l'U.S. Pence Corps et Wolfgang von Richter, de la FAO, sont des biologistes de la faune sauvage détachés auprès du département de la faune sauvage et des parcs nationaux du Botswana.

Les auteurs exposent les politiques et les mesures administratives dont font l'objet la faune sauvage, son aménagement et les aspects économiques de son exploitation dans l'un des pays les plus riches du monde en gros gibier. Ils soulignent l'importance de politiques d'utilisation des terres tenant compte des contraintes écologiques du pays.

Le Botswana est l'un des plus importants territoires de faune sauvage du monde, à la fois par la quantité et par la variété des espèces animales. C'est aussi l'un des pays que les Nations Unies classent parmi les moins développés économiquement, un territoire isolé, pour la majeure partie semidésertique, devenu politiquement indépendant en 1965. C'est pourquoi l'aménagement et l'exploitation de ses richesses en gibier sont particulièrement importants pour le Botswana et présentent un intérêt spécial pour ceux qui étudient la faune sauvage.

Il y a au Botswana 46 espèces d'animaux sauvages d'une taille au moins égale à celle du chacal, et dans le passé récent des troupeaux atteignant 100000 têtes ont été enregistrés. Cette persistance de la faune sauvage à une telle échelle au Botswana tient non seulement à une grande diversité d'habitats mais aussi à ce qu'une bonne partie du pays, constituée de terres marginales semi-désertiques, ne se prête ni au pâturage ni à la culture. En outre, certaines parties de la région septentrionale sont infestées par la mouche tsé-tsé, d'où la présence du «nagana» ou maladie du sommeil, à laquelle sont vulnérables les hommes et le bétail, mais non la faune sauvage. Aussi y a-t-il encore dans tout le pays de vastes territoires habités par la faune sauvage que l'homme n'a pas perturbés ou surexploités.

Quinze pour cent environ du territoire du Botswana sont pour le moment classés comme parcs ou réserves de gibier, qui représentent un échantillon des habitats de faune sauvage les plus importants (Campbell, 1973). En outre, le Botswana est, avec le Kenya, l'un des rares pays d'Afrique qui s'efforcent d'établir des plans d'utilisation des terres à l'échelle nationale, en tenant compte des contraintes écologiques du milieu semi-aride.

Pour l'élaboration des principes d'utilisation des terres, divers facteurs sont pris en considération. Outre les critères politiques, il y a les critères géographiques, écologiques, démographiques, ethnologiques, sociologiques et économiques.

Le Botswana, anciennement protectorat britannique du Betchouana-land, devint membre du Commonwealth britannique en 1966. C'est un pays sans littoral presque entièrement entouré par des territoires régis par des Blancs. La Namibie (Afrique du Sud-Ouest) le jouxte à l'ouest et au nord, la Zambie et la Rhodésie à l'est, et l'Afrique du Sud au sud-est et au sud. Son économie est étroitement liée à celle de l'Afrique du Sud, et il utilise la même monnaie, mais il s'efforce de se tourner, sur les plans commercial et psychologique, vers la Zambie et les autres Etats africains indépendants, gouvernés par des Noirs.

L'avenir économiquement sombre du pays s'est éclairé depuis l'indépendance grâce à la découverte d'importantes richesses minérales - diamants, cuivre et nickel - mises en valeur au moyen d'investissements de la Banque mondiale et aussi d'un certain nombre de compagnies privées d'Afrique du Sud, de Grande-Bretagne, du Canada et des Etats-Unis.

La superficie totale du Botswana est de 569581 kilomètres carrés; il est constitué pour la majeure partie de plateaux, d'une altitude moyenne de 1000 mètres. Ecologiquement, la plus grande partie du pays appartient à la zone aride du sud-ouest africain, le tiers nord-est étant inclus dans la zone de savane du sud du continent. Environ 80 pour cent des sols superficiels sont des sables du Kalahari et renferment peu d'humidité permanente en surface. Cependant, les basses pentes du nord du pays ont donné naissance à la formation du plus vaste delta intérieur du monde, les marais de l'Okavango, d'une superficie de 17000 kilomètres carrés, composés d'une série de systèmes fluviaux communiquant entre eux, dont le plus important est celui du fleuve Okavango. La moyenne annuelle des précipitations (qui se produisent au cours d'une seule saison humide, de novembre à avril) passe de 700 millimètres au nord-est, à 150 millimètres dans la zone subdésertique du sud-ouest.

La population du Botswana est de 657000 habitants (estimation de 1973). La majorité est d'ethnie bantoue, répartie en huit tribus principales. Il y a en outre 30000 Boschimans, 5000 Européens et de petits groupes d'Asiatiques, d'Hottentots et de populations d'origines mélangées; 80 pour cent environ de la population vivent en zone rurale, à un niveau de subsistance ou de quasi-subsistance, de l'élevage de bétail, de la culture du maïs, du sorgho et du coton, et de la chasse.

Peu de temps après l'indépendance le gouvernement a commencé à formuler et appliquer une politique et une réglementation en matière de faune sauvage et à créer une administration à cet effet. Il bénéficie pour cela de l'assistance du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) de la FAO, et d'un certain nombre de pays à titre bilatéral, notamment le Royaume-Uni, mais aussi l'Afrique du Sud, le Canada, la République fédérale d'Allemagne et les Etats-Unis. La politique consiste à combiner l'aménagement et l'exploitation de la faune au bénéfice de l'ensemble de la population, mais plus particulièrement des ruraux qui l'ont de tous temps utilisée (Campbell, 1972, 1973; Child, 1970; von Richter, 1969).

Les revenus procurés par la faune sauvage ont progressé de 600000 dollars U.S. en 1966 à 10 millions de dollars en 1973, chiffre substantiel pour un pays dont le revenu par habitant est de 138 dollars et le produit national brut de 87,5 millions de dollars U.S. (estimation de 1971).

Le comité technique des ressources naturelles, où siègent de hauts fonctionnaires de tous les ministères intéressés par les problèmes d'utilisation des terres, s'occupe aussi de l'aménagement et de l'exploitation de la faune sauvage dans la mesure où ces deux domaines sont liés. Ce comité a été créé pour assurer une coordination et permettre une concertation sur les principaux problèmes d'utilisation des terres afin de conseiller les organes exécutifs gouvernementaux.

Au Botswana, le braconnage est pratiqué à l'échelle commerciale, surtout à la frontière sud-africaine. Ces peaux et trophées ont été produits comme pièces à conviction devant un tribunal. Depuis quelques années, de lourdes sanctions allant jusqu'à la confiscation des camions, du matériel et des armes, ont beaucoup contribué à réprimer ces délits.

La réglementation de la chasse au Botswana est complexe du fait qu'elle doit tenir compte de différentes catégories de chasseurs et des besoins des populations qui ont toujours utilisé le gibier. C'est ainsi que des permis peu coûteux et libéraux sont accordés aux chasseurs locaux, tandis que les touristes et non-résidents doivent, pour chasser, obtenir des permis relativement chers.

La réglementation distingue les chasseurs sportifs non-résidents, les propriétaires fonciers, les chasseurs résidant sur des terres tribales, ou des terrains domaniaux, et les chasseurs nomades, tels que les Boschimans. Ces derniers bénéficient de la réglementation la plus libérale. Seule leur est interdite la chasse dans les parcs nationaux ou les réserves - à l'exception de la réserve centrale de chasse du Kalahari qui constitue leur territoire principal - et celle des espèces protégées ou à conserver. Pour le reste, quinconque veut chasser au Botswana doit prendre un permis qui stipule pour chaque espèce le nombre d'animaux qu'il est autorisé à tuer.

Il y a 40 territoires de chasse contrôlés (CHA: Controlled Hunting Areas), couvrant la plus grande partie du Botswana. Ne sont pas classés comme CHA les parcs nationaux, les réserves, les districts du sud-est, du nord-est et de Kgatlen, et les exploitations agricoles privées. Quinze CHA sont actuellement loués à l'année à des compagnies de safari tandis que les 25 autres sont ouverts normalement pour la location à tous les résidents et aux chasseurs étrangers. Les tarifs de location des CHA diffèrent aussi considérablement selon la catégorie de chasseurs qui les utilisent et selon le nombre et les espèces d'animaux que le CHA contient. Par exemple, les lions sont plus nombreux dans les CHA du Kalahari que dans le reste du pays. Il s'agit d'estimations fondées en partie sur les rapports des chasseurs et des gardes-chasse et en partie sur des prospections aériennes.

Les droits de location des CHA sont payés à la semaine au tarif de 10 rands (15 dollars U.S.) et plus pour les résidents, et de 50 rands (74 dollars) pour les non-résidents. On n'autorise pas plus de six chasseurs sportifs sur un seul CHA pendant une semaine donnée. Les habitants des terrains domaniaux et les populations tribales sont entièrement exemptés de droits lorsqu'ils chassent sur le CHA où ils résident.

Après s'être procuré un permis pour un CHA, le chasseur a le choix entre différentes licences, chacune d'elles lui offrant une variété d'animaux à différents prix. En outre, il peut prendre des licences supplémentaires pour un certain nombre d'espèces. Les habitants des terrains domaniaux et des terres tribales jouissent de privilèges spéciaux sur leurs propres territoires; leurs licences sont nominales et ils peuvent tirer jusqu'à 28 têtes de gibier, selon le territoire et les espèces.

Les chasseurs sont tenus par la loi de signaler chaque animal abattu et de retourner la licence et le permis de CHA au plus proche bureau du département de la faune sauvage et des parcs nationaux à l'expiration de la période de chasse. Grâce à cette procédure, on a des renseignements très utiles sur les aspects économiques de chaque espèce. En outre, on connaît ainsi les pourcentages de succès des diverses catégories de chasseurs au cours des différentes saisons, pour différents territoires, et pour chaque espèce animale (von Richter et Butynski, 1973). Cette méthode est aussi très utile pour recueillir des données d'importance biologique, telles que les tendances du peuplement et des mouvements du gibier, le comportement des animaux et l'abondance relative des espèces (von Richter et Butynski, 1973).

Les méthodes de signalisation et d'analyse introduites au Botswana par les spécialistes de la FAO sont uniques parmi les services de la faune sauvage des pays en développement et on espère qu'elles serviront de modèle ailleurs.

Dans chaque CHA, on établit un quota de chasse pour chacune des espèces. Les quotas pour les CHA situés sur des terrains domaniaux sont fixés par le département de la faune sauvage et des parcs nationaux, tandis que ceux des CHA intéressant des terres tribales sont établis par le département après concertation avec les conseils de districts. Les saisons de chasse sont de durée variable selon les territoires, les plus longues allant du 15 mars au 15 novembre.

TABLEAU 1. - CHASSE RÉCRÉATIVE ET CHASSE TRADITIONNELLE AU BOTSWANA (1972)

Type de chasse

Recettes

Animaux vendus par licence

Animaux abattus

Nombre de chasseurs

Recettes par animal abattu

Nombre d'animaux abattus par chasseur

Succès des chasseurs


Rands




Rands


%

Tribale1

5337

96300

37240

3428

0,14

10,86

39

Sur terrain domanial1

3826

22375

8030

1287

0,48

6,24

36

Récréative

375224

19253

5822

1099

64,45

5,30

30

Totaux

384387

137928

51092

5814

-

-

-

1 Chiffres extrapolés à partir de données incomplètes.

TABLEAU 2. - CHIFFRES RÉCAPITULATIFS CONCERNANT LA CHASSE SPORTIVE (1965-73): RECETTES ESTIMÉES, LICENCES VENDUES, POURCENTAGE DE SUCCÈS DES CHASSEURS

Année

Recettes totales de la chasse

Nombre de chasseurs

Recettes par chasseur

Recettes par animal abattu

Nombre d'animaux vendus au chasseur

Nombre d'animaux abattus par chasseur

Succès des chasseurs


Rands


...Rands...



%

1965

73836

300

246,12

-

-

-

-

1966

67078

439

152,80

-

-

-

-

1967

64590

538

120,06

-

16,14

-

-

1968

158415

614

258,00

42,64

18,92

6,05

32

1969

216503

929

233,04

35,96

18,00

6,48

36

1970

286725

1024

280,00

40,58

18,65

6,90

37

1971

325600

879

370,44

63,33

16,69

5,81

35

1972

375224

1099

341,42

64,45

17,53

5,30

30

1973

312000

868

359,45

63,63

14,11

5,65

40

La préparation et la vente des trophées - bois et cornes, défenses, peaux - représentent maintenant une source importante de revenus (von Richter, 1969). Les marchands de trophées sont titulaires d'une licence; ils sont tenus de tenir des registres précis au jour le jour, et doivent soumettre tous les deux mois des rapports complets au département de la faune sauvage et des parcs nationaux. Ces rapports montrent qu'en 1967, pour 12000 peaux, le revenu a été de 47000 rands (69000 dollars), tandis qu'en 1973 le nombre total de peaux s'est élevé à 52000 pour une valeur de 465000 rands (688000 dollars).

Une étude des chiffres de croissance du commerce des trophées au cours des récentes années donne des aperçus utiles mais inquiétants sur les tendances générales.

Le guépard, Acinonis jubatus (aujourd'hui sur la liste des espèces menacées et totalement protégé au Botswana) avait rapporté 8 rands (11,85 dollars) par peau en 1965. Entre 1964 et 1967, quelque 200 peaux ont quitté le pays et, en 1967, le prix d'une peau de qualité était de 20 rands (29,60 dollars).

Dans le passé, la chasse de subsistance partout pratiquée ne causait pas de dommage appréciable à la faune sauvage. Mais elle tend à faire place à la chasse pour le commerce des trophées. L'augmentation spectaculaire des prix des peaux pendant la dernière décennie a provoqué une commercialisation sans précédent et inquiétante de la faune sauvage.

Le braconnage sur les frontières, autrefois pratiqué par des groupes bien équipés opérant à une échelle commerciale, en provenance de l'Afrique du Sud en particulier, ne pose plus de problèmes sérieux. Des sanctions sévères, y compris la confiscation des camions, du matériel et des armes, ont été très efficaces contre cette forme de braconnage.

Des droits élevés ont été imposés sur toute exportation de gibier à l'état brut. Cela a eu pour effet de créer des emplois à la campagne, de conserver les revenus dans le pays et d'encourager la transformation locale du gibier, qui donne entre autres le «biltong» - lanières de viande de gibier séchées à l'air - mets populaire dans toute l'Afrique méridionale.

Les formes d'exploitation de la faune les plus rentables sont actuellement la chasse récréative et la chasse de subsistance. En 1973, le gouvernement central a encaissé 244650 rands (362126 dollars) et les gouvernements locaux 67320 rands (99634 dollars) par la vente des licences de chasse et des permis de CHA. En 1973, un questionnaire adressé aux chasseurs sportifs, retourné par 16 pour cent des chasseurs qui l'avaient reçu, faisait apparaître que l'ensemble des chasseurs de cette catégorie avaient dépensé approximativement 1,1 million de rands (1,6 million de dollars) au Botswana en 1973, non compris les droits de licence et de permis de CHA. On peut en conclure que la somme totale dépensée par les chasseurs sportifs étrangers a atteint 1,5 million de rands (2,2 millions de dollars).

Des abris simples et peu coûteux conviennent aux chasseurs et aux touristes. Les compagnies de safari leur louent des tentes et des bungalows installés dans différentes parties du pays, contribuant ainsi à accroître considérablement les recettes qu'il tire de sa faune sauvage. (1)

Des abris simples et peu coûteux conviennent aux chasseurs et aux touristes. Les compagnies de safari leur louent des tentes et des bungalows installés dans différentes parties du pays, contribuant ainsi à accroître considérablement les recettes qu'il tire de sa faune sauvage. (2)

Le gouvernement se préoccupe cependant de devoir compter à ce point sur la chasse récréative pour se procurer des revenus, et la politique actuelle est de diversifier l'exploitation de la faune sauvage en réduisant en conséquence la part qui vient directement de la chasse.

On s'attache aussi à rendre la réglementation plus restrictive pour les chasseurs sportifs non-résidents, et ce pour des raisons à la fois sociologiques et politiques. Selon toute probabilité, le nombre des visiteurs autorisés à chasser réduit. Ainsi en 1974, à titre de mesure transitoire, seuls ont été autorisés à chasser les non-résidents qui s'adressaient à des compagnies de safari. Le nombre de chasseurs en provenance de l'Afrique du Sud, habitués, pour la plupart, à faire leurs propres arrangements et à louer les CHA individuellement a, de ce fait, diminué. Cependant, l'afflux des chasseurs d'outremer - principalement d'Amérique du Nord et d'Europe - n'a pas changé, la location se faisant normalement par l'intermédiaire des compagnies de safari, d'où une contribution beaucoup plus importante au revenu de chasse du pays (von Richter et Butynski, 1973). L'expansion des compagnies de safari est pourtant limitée par la rareté des animaux à trophées précieux. Les lions (Panthera leo), les antilopes sable (Hippotragus niger), les antilopes rouannes (Hippotragus equinus) et les élans (Taurotragus oryx) sont les animaux les plus recherchés par les clients d'outremer de ces fournisseurs professionnels.

LICENCE POUR LES CHASSEURS TRIBAUX. Avec cette licence, qui coûte un rand, les membres des tribus du Botswana identifient les espèces de gibier qu'ils peuvent chasser et savent pour chacune d'elles le nombre de prises autorisé. Le nom des animaux y figure aussi en tswana, le principal dialecte parlé dans le pays.

Contrairement aux chasseurs étrangers, ceux d'Afrique du Sud sont plus intéressés par la viande à biltong que par les trophées. Ils préfèrent chasser des animaux tels que le bubale (Alcelaphus buselaphus), l'impala (Aepycerus melampus), le springbok (Antidorcas marsupialis), le gnou (Connochaetes taurinus) et le buffle (Syncerus caffer).

Les membres des tribus, qui utilisent les méthodes traditionnelles, comptent pour environ 90 pour cent dans le nombre total d'animaux. tués chaque année (tableau 3). Comme on peut le voir au tableau 4, la valeur correspondante au point de vue de la production animale et de la trésorerie est importante dans une économie de subsistance.

On est arrivé, pour la viande, à une estimation prudente de 2,3 millions de rands (3,4 millions de dollars) par an uniquement en attribuant une valeur arbitraire de 0,15 rand (0,22 dollar) par livre aux chiffres tirés de toutes les sources disponibles. Cette estimation inclut la viande des espèces dont les peaux ont une valeur commerciale faible ou nulle, comme les lièvres (Lepus spp.) et les lièvres sauteurs (Pedetes capensis) dont Butynski (1973) évalue la viande à bien plus de 1,1 million de rands (1,6 million de dollars) annuellement. En outre, les peaux de bubales, de gnous, de buffles, de duikers (Sylvicapra grimmia), de raciphères (Racipherus campestris) et d'impalas n'arrivent pas jusqu'aux marchands de trophées, car elles sont souvent conservées pour l'usage domestique.

La plus grande partie de la viande consommée au Botswana est fournie, en fait, par le gibier. La proportion de viande sauvage par rapport à la viande d'élevage dans les régimes alimentaires des populations varie selon les régions. Par exemple, les Boschimans ne consomment que du gibier tandis que les tribus qui élèvent du bétail se nourrissent pour environ 20 pour cent de la viande de leurs troupeaux, et pour le reste de gibier. Les populations vivant à proximité ou dans des villages ont tendance à consommer un peu plus de viande de bovins, chèvres et moutons; cependant, elles s'alimentent essentiellement de viande d'animaux sauvages.

L'exemple du Botswana et de nombreux autres pays montre que la chasse strictement contrôlée ne porte pas préjudice aux populations de faune. C'est l'empiétement d'autres formes d'utilisation des terres sur leur habitat qui constitue le principal danger pour ce dernier et, par conséquent, pour toutes les créatures dont la vie en dépend, y compris, en dernière analyse, pour l'homme.

Les zones les plus propices à l'élevage au Botswana sont occupées par l'homme et pâturées par le bétail depuis un siècle et demi, avec des résultats dévastateurs. Aujourd'hui, ce sont les terres marginales qui sont consacrées au développement de l'élevage. Ces écosystèmes fragiles peuvent supporter la vie sauvage en permanence et même parfois s'améliorer s'ils sont réservés à la seule faune. Mais le creusement de puits et l'introduction de bétail sur des terres de cette nature les amènent toujours et irréversiblement à l'état désertique. Le clôturage, la concurrence avec le bétail pour la nourriture et pour l'eau, ainsi que la dégradation générale de l'habitat, et plus spécialement l'envahissement des formations buissonnantes et la mise à nu du sol, conduisent à la disparition de la faune sauvage et, finalement, à celle du bétail et de la population.

Jusqu'à une date récente, il n'y avait pas de politique gouvernementale ferme pour empêcher l'expansion des activités humaines. Le département de la faune sauvage a appelé à de nombreuses reprises l'attention sur l'instabilité de l'environnement du Kalahari, et le gouvernement a maintenant instauré une législation en vue d'arrêter l'expansion non contrôlée du bétail sur les terres marginales clairsemées de cette vaste région du pays.

Pour répondre au dilemme de l'utilisation des terres, des efforts réalistes doivent être entrepris afin de concilier les différents intérêts existant dans le pays, d'aboutir à des plans d'aménagement du territoire qui tiennent compte des limitations de l'environnement, et d'instituer des pratiques d'utilisation des terres compatibles avec les intérêts à long terme du pays. Ce n'est pas une tâche facile pour un gouvernement, même pour celui du Botswana, pourtant animé du désir de le faire.

TABLEAU 3. - LA CHASSE TRIBALE AU BOTSWANA (1972)

Espèces

Nombre d'animaux vendus par licence

Animaux tués

Coût par animal vendu




Rands

Buffles

656

420

4,00

Eléphants

230

190

19,56

Lechwes

21

20

2,00

Gemsboks

190

150

3,36

Koudous

126

100

3,56

Léopards

43

30

15,00

Lions

61

40

13,77

Autruches

1419

523

0,13

Sitatungas

3

2

1,50

Antilopes des roseaux

6

4

1,00

Duikers

8124

1381

0,02

Bubales

5330

2132

0,03

Impalas

25453

10181

0,02

Antilopes sauteuses

9929

1986

0,02

Raphicères

8758

1839

0,02

Tsessebes

30

25

2,00

Phacochères

18757

9352

0,02

Gnous

16345

8172

0,06

Zèbres

681

592

10,00

Elans

132

95

7,61

Antilopes sable

6

6

7,00

Totaux

96300

37240


TABLEAU 4. - VALEUR DE LA FAUNE SAUVAGE POUR L'ÉCONOMIE DU BOTSWANA (1972)

Recettes directes



Rands

Droits d'exportation sur les trophées de chasse

57000

Droits sur les licences et concessions de chasse

294000

Droits d'entrée dans les parcs

11500

Ventes d'ivoire et de trophées

28000

Recettes totales du gouvernement central

390500

Recettes des conseils de district

86898

Total

477398

Recettes indirectes


Valeur de la viande obtenue par la population de la chasse de subsistance et de la chasse sous licence estimée à 15 cents la livre

2360000

Valeur à l'exportation des trophées provenant de la chasse sous licence vendus par la population

730000

Estimation des dépenses effectuées par les chasseurs sportifs, principalement en devises, à l'exclusion des licences et des permis pour territoires de chasse contrôlés

900000

Estimation des dépenses des touristes non-chasseurs venus voir et photographier les animaux sauvages

450000

Valeur des peaux conservées pour l'usage domestique

300000

Estimation des dépenses effectuées par les safaris, les propriétaires de pavillons de chasse et les commerçants en trophées

658000

Total

5398000

Estimation de la valeur totale de la faune sauvage pour l'économie du Botswana

5875398

Références

BUTYNSKI, T.M., 1973, Life history and economic value of the springhare (Pedetes capensis) in Botswana. Botswana Notes and Records 5:209-213.

CAMPBELL, A.C., 1972, Traditional utilization of wildlife in the Kalahari. Botswana Notes and Records Special ed., 1: 108-113.

CAMPBELL, A.C., 1973, The National Park and reserve system in Botswana. Biol. Conserv. 5:7-14.

CAMPBELL, A.C. & VON RICHTER, W. Planning and policy making - wildlife conservation in Botswana. Johannesburg, South African Institute of International Affairs. (sous presse.)

CHILD, G., 1970, Wildlife utilization and management in Botswana. Biol. Conserv. 3:18-22.

VON RICHTER, W., 1969, Report to the Government of Botswana on the survey of the wild animal hide and skin industry. Rome, FAO. UNDP Report TA 2637. 51 p.

VON RICHTER, W. & BUTYNSKI, T., 1973, A review and evaluation of hunter returns as a source of administrative and biological data. Symposium on Wildlife Management and Utilization in Africa. (sous presse.)

VON RICHTER, W. & BUTYNSKI, T., 1973, Hunting in Botswana. Botswana Notes and Records 5: 191-208.


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