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Du papier «propre»

John E.G. Sikes

John E.G. Sikes est «senior process engineer» chez Beak Consultants Ltd., Vancouver, Canada. Le présent article a été communiqué au groupe d'étude sur l'industrie de la pâte et du papier et l'environnement du PNUE, qui s'est réuni à Paris en mars 1974.

L'auteur passe en revue les faits nouveaux intervenus au cours de la dernière décennie en matière de lutte contre la pollution par les usines de pâte et de papier, et relève des tendances encourageantes telles que la mise au point, dans un avenir prévisible, de circuits d'eaux fermés qui permettront de supprimer pratiquement les déversements d'effluents.

Il est probable que, dans le passé, l'industrie de la pâte et du papier se souciait assez peu, si même elle en avait conscience, des répercussions de ses activités sur l'environnement; la rentabilité était l'argument suprême. Récemment, elle a fait des progrès rapides dans la lutte contre la pollution, sous la pression des législateurs, de la société, ou simplement de la nécessité d'accroître son efficacité.

Pour entreprendre des programmes de lutte contre la pollution, il faut logiquement commencer par s'attaquer au procédé de fabrication lui-même. On a, par exemple, estimé que dans une usine moyenne un tiers des déchets allant à l'égout sont dus à des fuites et des écoulements. Dans bien des usines, cette proportion est certainement plus grande encore. L'eau, les fibres, l'énergie et les produits chimiques devenant de plus en plus précieux, on s'efforce plus particulièrement d'accroître l'efficacité des procédés de fabrication ainsi que le taux de récupération des matériaux et des produits chimiques.

Nombre des mesures mises en œuvre dans les usines existantes visent à modifier les procédés. En voici quelques exemples: substitution à l'écorçage humide d'un écorçage en sec, meilleur lavage de la pâte et récupération des produits chimiques de la cuisson, utilisation plus complète des fibres rejetées, modification des phases du blanchiment et développement du lavage à contre-courant dans les installations de blanchiment, amélioration des opérations d'évaporation et de récupération, entraînement des produits de condensation en vue de leur réutilisation, dispositifs d'eau pour machine à papier en circuit fermé, cuves à précipitation et épurateurs améliorés, installation de dispositifs de contrôle des écoulements, amélioration du contrôle et des instruments. L'innovation majeure dans ce domaine est peut-être l'introduction de programmes éducatifs qui visent à motiver davantage les opérateurs.

Ces mesures sont légion. Au cours des dix dernières années la quantité d'eau utilisée par les nouvelles usines de pâte et de papier a diminué de moitié et plus. Des réductions du même ordre sont possibles en ce qui concerne les pertes totales de produits chimiques et de fibres. Les émissions dans l'atmosphère des usines construites aujourd'hui sont infimes à côté de ce qu'elles étaient il y a dix ans.

Dans les usines existantes, il est souvent difficile d'entreprendre en une fois des modifications de grande ampleur en raison de l'interdépendance de nombreux facteurs de la production. Il faut normalement procéder à ces modifications selon un programme progressif.

Il est probable que, dans les pays industriels, on ne construit plus désormais d'usine de pâte et de papier et on n'envisage même plus de le faire, sans tenir compte des problèmes de l'environnement, ce dont, il y a dix ans, on ne se serait guère préoccupé.

Traitement

Les méthodes utilisées pour le traitement externe de l'industrie dérivent en général de techniques urbaines: sédimentation, parfois accompagnée d'addition de produits chimiques pour en améliorer le résultat, traitements biologiques divers et dilution efficace dans les eaux des collecteurs. Dans les régions où se pratique l'irrigation, on s'attache toujours plus à examiner si les affluents peuvent servir à cette fin. Certains pays accordent une attention particulière au problème de l'eutrophisation, ainsi qu'à la couleur des affluents, notamment ceux qui proviennent des usines de pâte au sulfate blanchie. Actuellement, les méthodes employées pour enlever la couleur et les substances nutritives comportent en général une coagulation et une précipitation chimiques.

L'équipement utilisé pour lutter contre la pollution de l'air comprend des cuves à précipitation à haute efficacité, des épurateurs, des filtres en tissu, des séparateurs inertes et des incinérateurs.

L'industrie de la pâte et du papier passe en ce moment par une évolution rapide dans l'application des mesures de lutte contre la pollution.

On exige des nouvelles usines, en tout cas dans les pays industrialisés, qu'elles s'en tiennent à des critères rigoureux en matière d'effluents et d'emissions, en recourant généralement à une technologie éprouvée et moderne. Les critères imposés sont tels qu'elles doivent non seulement installer des systèmes de traitement appropriés, mais veiller à ce que les procédés fondamentaux permettent de réutiliser eau et de récupérer au maximum les produits chimiques et les fibres. Au cours des quelques dernières années on a progressé à pas de géant vers l'objectif ultime des usines de pâte et papier, à savoir l'élimination totale des déversements d'effluents.

L'impact sur l'environnement

Dans les pays en développement, les nouvelles usines sont généralement étudiées sous l'angle de leur impact sur l'environnement, compte tenu des schémas de fabrication, de traitement et d'évacuation adaptés à leurs propres besoins. Tout en étant peut-être moins avancée que dans les pays industrialisés, l'approche est analogue. Les pays en développement peuvent décider qu'il est préférable de se passer d'innovations techniques entraînant quelque risque, au bénéfice d'une plus grande fiabilité.

En ce qui concerne les usines déjà en fonctionnement dans tous les pays, mais plus spécialement dans les pays industrialisés, où le législateur réagit plus vite aux exigences du public et où l'on dispose des compétences techniques les plus poussées, la situation évolue rapidement.

RÉDUCTION PRÉVUE DES ÉLÉMENTS POLLUANTS ENTRE 1970 ET 1975 (Tableau 1)

Pays

Eléments solides en suspension

DBO5

Pourcentage

Canada

55

24

Finlande

57

16

France

47

16

Allemagne Rép. féd. d'

13

17

Japon

47

37

Norvège

18

10

Suède

51

50

Suisse

55

77

Royaume-Uni

33

17

Etats-Unis

47

66

SOURCE: La pollution due à l'industrie des pâtes et papiers - Situation actuelle et tendances; Organisation de coopération et de développement économiques, Paris, 1973.

A quelques exceptions près, toutes les usines ont, au cours de ces dernières années, entrepris des programmes destinés à économiser l'eau et à contrôler les pertes apparentes de fibres et de produits chimiques. Ces programmes, normalement formulés et mis en œuvre par le personnel de l'usine, sont d'ordinaire avantageux sur le plan économique.

De nombreuses usines font aussi appel à des techniques modernes et éprouvées pour améliorer l'efficacité du lavage, fermer les systèmes de tamisage, réduire la consommation d'eau de l'unité de blanchiment, entraîner les produits de condensation, et installent un équipement permettant de réduire les émissions dans l'atmosphère ainsi que des stations de traitement externe.

Les firmes les plus avancées abordent un troisième stade en recourant à des techniques non encore éprouvées à l'échelle commerciale et, entre autres, à de nouveaux procédés de fabrication de la pâte et de blanchiment à des équipements entièrement nouveaux et à des méthodes de traitement radicalement différentes. Certains de ces dispositifs entrent dans la phase de l'installation pilote ou de démonstration. Ils sont encouragés par des subventions du gouvernement ou de l'industrie, le souci de l'environnement, l'amélioration de la qualité des produits, les avantages économiques ou simplement l'impulsion inventive.

On ne saurait ignorer d'autres grands facteurs de l'environnement liés à l'industrie. C'est ainsi, par exemple, que l'on fait beaucoup pour améliorer la gestion des forêts, et que l'on porte une attention croissante à la santé et au bien-être du personnel, et à la coopération avec le secteur public.

L'analyse des tendances quantitatives en matière de déversement de polluants par l'industrie se heurte à une difficulté majeure qui est la pauvreté des données statistiques de nombreux pays, et l'absence de mécanisme permettant une comparaison au niveau national, voire international. Ce problème tient à la variété des méthodes de contrôle d'analyse utilisées.

Polluants déversés

Il n'y a pas de doute que la quantité de polluants déversés par l'industrie, ramenée à l'unité de production, a été réduite progressivement au fil des ans. On peut désormais construire des usines de pâte et papier n'utilisant qu'un cinquième à un dixième de l'eau qui aurait été nécessaire autrefois, réduisant ainsi la quantité de polluants.

Si l'on considère la quantité totale de polluants déversés, il est probable que ceux-ci n'ont pas cessé d'augmenter jusque vers 1970, en raison de l'accroissement de la production. Tous les grands pays producteurs de pâte et papier ont tendu à partir de 1970 à une réduction systématique, malgré l'augmentation de la capacité de production. Le tableau 1 résume les projections d'une étude réalisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur la réduction estimée de la demande biochimique en oxygène (DBO) et des solides en suspension entre 1970 et 1975, dans certains pays grands producteurs, en dépit de l'accroissement de la production.

Ces projections ont été établies en 1971, c'est-à-dire à une époque où les données de base étaient limitées, et où, fait plus important, la formulation des politiques nationales de l'environnement était en pleine évolution. Les données ne sont pas strictement comparables car, pendant l'année de référence (1970), les programmes étaient sensiblement plus avancés dans certains pays que dans d'autres. En outre, la définition des paramètres DBO et solides en suspension varie d'un pays à l'autre.

On dispose de peu de renseignements sur la mesure dans laquelle ces objectifs ont été atteints. Divers facteurs influent en effet sur la réalisation des programmes, dont les conditions du marché, le profit, l'attitude de l'administration, le financement et les progrès technologiques. A défaut de données statistiques solides, il semblerait que les projections de l'OCDE demeurent valables de façon générale, bien que, dans certains pays, l'objectif 1975 puisse avoir été reporté à plus

LAGUNE D'AÉRATION POUR LE TRAITEMENT DES EFFLUENTS DANS UNE USINE DE PÂTE SUÉDOISE ce n'est pas un luxe mais une nécessité

Le groupe de l'OCDE ne disposait pas de données de base suffisantes pour établir des prévisions concernant les émissions polluantes dans l'atmosphère, mais la même tendance à la diminution se fait jour.

Pour les pays en développement, la situation est encore moins claire. On peut supposer qu'en raison de la nécessité toujours plus ressentie d'une efficacité améliorée, les déversements et les émissions sont réduits en proportion.

En général, les mesures adoptées jusqu'à présent par l'industrie pour combattre la pollution reposent sur l'application d'une technologie confirmée. Ces méthodes ont été conçues progressivement et, une fois éprouvées, ont été de mieux en mieux acceptées. Et pourtant, certaines des techniques couramment pratiquées aujourd'hui auraient été jugées irréalisables il y a dix ans.

PROJECTION DES COÛTS DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DES EAUX MOYENNE POUR LES ÉTATS MEMBRES DE L'OCDE1 (Tableau 2)

Secteur industriel

Coûts estimés

1970

1975

Dollars U.S./tonne

Pâtes mi-chimiques

2,34

8,89

Pâtes au sulfite et papier

2,48

11,70

Pâtes au sulfate non intégrées

0,86

3,16

Pâtes au sulfate intégrées et papier

1,31

5,52

Papier journal

0,64

2,63

Papiers et cartons

1,08

3,04

Panneaux de fibres pour la construction

0,64

2,12

1 Les données de l'OCDE ont fait l'objet de projections pour les usines qui étaient en fonctionnement en 1970. Les coûts de la lutte contre la pollution de l'air ont été également établis pour quelques pays, et, bien que variant par type de production, se sont révélés significatifs. L'estimation a été faite sur la base des coûts de 1970.

Plusieurs usines, fabriquant pour la plupart des cartons, sont dotées de circuits d'eaux presque entièrement fermés. On peut donc s'attendre que, dans un avenir pas trop lointain, les papeteries fabriquant des produits de catégories inférieures auront un déversement d'affluents pratiquement nul.

Dans l'industrie des pâtes chimiques, les mêmes objectifs, jugés utopiques il y a quelques années seulement, sont maintenant, selon certains, à portée de la main. Quelques usines de pâte au sulfate sont pourvues de circuits d'eaux presque entièrement fermés pour le lavage et le tamisage, tandis que la technologie du blanchiment approche du moment où on pourra réduire l'eau à des quantités telles que l'affluent de l'unité de blanchiment puisse être renvoyé au cycle de récupération. Dans le même temps cependant, de nouveaux problèmes surgissent, tel celui de l'accumulation des impuretés dans les diverses liqueurs, auquel on cherche une solution.

On s'efforce également d'élaborer des techniques de fabrication de la pâte et de blanchiment moins polluantes. Certaines nouvelles méthodes de fabrication de la pâte écartent l'emploi du soufre et, en ce qui concerne la pâte mécanique, utilisée d'ordinaire dans la fabrication du papier journal, on essaie de nouveaux procédés destinés à améliorer les, caractéristiques de résistance de la pâte chimique actuellement indispensable pour des raisons de qualité.

En matière de technologie du blanchiment, on cherche à réduire ou éliminer les produits chimiques traditionnellement employés pour blanchir, tout en améliorant la qualité de l'effluent.

On s'intéresse aussi au blanchiment par gaz et à diverses formes de blanchiment dynamique.

Les techniques à l'étude pour combattre la pollution de l'air comprennent diverses modifications des procédés de fabrication, ainsi que des cuves à précipitation et des épurateur, améliorés.

Pour ce qui est du traitement des eaux usées, les méthodes en cours d'élaboration comprennent le traitement chimique des effluents, divers moyens d'assèchement des boues, des traitements biologiques variés, l'absorption, l'osmose inverse et l'échange d'ions.

Tandis que ces efforts sont consentis pour la recherche et la mise au point de méthodes de lutte contre la pollution, il est vraiment regrettable qu'il n'existe aucun dispositif d'échange d'informations entre les pays, ce qui ne peut qu'entraîner un chevauchement des efforts et une certaine inefficacité dans l'application.

COÛTS CARACTÉRISTIQUES DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DES EAUX1 (Tableau 3)


Produit


Quantité

Réduction de DBO5

60%

85%

90%

98%

t/jour

Dollars U.S./tonne

Pâte au sulfate blanchie

300

3,6

5,0

9,2

14,6

Pâte au sulfate blanchie

750

3,1

3,6

7,4

12,0

Pâte au sulfate non blanchie et de sacs papier

750

2,5

3,4

5,8

8,4

Papier fin couché

300

1,5

2,6

7,3

6,5

Pâte au sulfate blanchie et de papier fin couché

300

4,2

5,2

10,0

16,2

Pâte mécanique-papier journal

350

1,9

3,6

5,6

7,7

SOURCE: Etude du traitement des effluents de l'industrie de la pâte et du papier, préparée par EKONO Consulting Engineers, pour le Comité consultatif FAO de la pâte et du papier, 13e session, Rome, 15-16 mai 1972 (disponible à la FAO).

¹ Les coûts sont basés sur la référence 1971. Le rapport EKONO souligne que les estimations de coût ne concernent que quelques nouvelles usines typiques. Il est probable que la réalisation du même degré de traitement dans des pays différents entraînerait des coûts quelque peu différents. Dans certains cas, la différence serait importante.

Le coût de la lutte contre la pollution

Il faut bien reconnaître qu'il est de plus en plus difficile d'évaluer les coûts des moyens de lutte contre la pollution. Traditionnellement:, les dépenses à cet effet venaient «en sus» de celles nécessaires au fonctionnement normal d'une usine. Aujourd'hui, les mesures de lutte s'intégrant de plus en plus aux opérations de production, la distinction entre les postes de dépenses s'estompe.

Il n'en reste pas moins que les frais relatifs à la protection de l'environne ment grèvent de plus en plus lourdement l'industrie. Outre les dépenses afférentes à la lutte contre la pollution des eaux et de l'air, il y a celles que l'on doit engager pour modifier les méthodes d'aménagement des forêts, les conditions de travail, etc. Le rapport de l'OCDE a donné des estimations de coûts pour 1970 et 1975, exprimées sur la base des prix de revient de 1970, pour la lutte contre la pollution des eaux. Ces estimations représentaient la moyenne des pays où l'on disposait de projections raisonnables pour divers secteurs de l'industrie.

Les capitaux à investir par l'industrie pour installer des dispositifs de protection sont considérables. Selon le rapport de l'OCDE, il faudrait, pendant la période 1971-75, environ 3000 millions de dollars U.S., sur la base des coûts de 1970, à l'industrie de la pâte et du papier des pays membres de l'OCDE, pour financer les dispositifs de lutte contre la pollution dans les usines déjà en fonctionnement en 1970. Les informations, lorsqu'elles sont disponibles, montrent qu'il faudrait à peu près les mêmes sommes pour la seconde moitié de la décennie.

10 millions de dollars

Compte tenu de la hausse des coûts, et des pays non membres de l'OCDE, on peut supposer que l'industrie mondiale de la pâte et du papier aura besoin, pour financer les installations de lutte contre la pollution au cours de la présente décennie, de 10 millions de dollars environ.

D'après une estimation bien fondée de l'OCDE en ce qui concerne ses pays membres, l'industrie de la pâte nécessiterait, pour financer la lutte contre la pollution, 40 pour cent de capitaux de plus que ce qu'il lui a fallu pour accroître sa capacité de production entre 1970 et 1980. Pour le papier journal, le pourcentage correspondant était de 20 pour cent et, pour les papiers et cartons, de 10 pour cent.

De nombreux gouvernements ont adopté des mesures en vue d'aider l'industrie à faire face au coût des programmes destinés à protéger l'environnement, au moins pendant la phase de transition. Ces mesures comprennent:

- Primes ou subventions directes.
- Exemptions fiscales, principalement sous la forme d'amortissements accélérés.
- Prêts sur fonds publics, généralement assortis d'un taux d'intérêt favorable.

Le rapport de l'OCDE soulignait que les avantages procurés par les subventions variaient largement selon les pays.

Leur effet peut être accru par le fait qu'elles libèrent des fonds supplémentaires pour les investissements dans la production.

La structure de l'industrie de la pâte et du papier est telle que les forces normales du marché agissent puissamment sur les perspectives à court terme. Cette industrie mobilisant de gros capitaux, il est difficile d'en ajuster la production en période de faible demande. Quand celle-ci dépasse la capacité, on peut par contre relever sensiblement les prix, par suite de la faible élasticité des prix de la demande de produits papetiers. Ainsi, à moins que la demande et la capacité de production s'équilibrent, on peut s'attendre à des oscillations dans les prix des produits.

PRÉPARATION DE LA PÂTE LIQUIDE il ne faut pas en perdre une goutte!

Certains secteurs de l'industrie sont plus vulnérables que d'autres aux conditions défavorables du marché. Si ce dernier est ralenti, les vieilles usines moins efficaces ont d'énormes difficultés à soutenir la concurrence. Tel est le cas notamment de l'industrie de la pâte au sulfite, qui peut, dans une large mesure, se voir supplantée par la pâte au sulfate. Les exigences de la protection de l'environnement ne font qu'ajouter à ces difficultés, et peuvent contribuer à accélérer la fermeture des usines de mauvais rendement. Dans les régions où l'usine constitue la seule source d'emploi, les conséquences sociales sont immenses.

Des coûts significatifs

Les coûts afférents à la protection de l'environnement variant de pays à pays, et même d'usine à usine, il est difficile de déterminer le point à partir duquel les disparités de coût et, finalement, de prix deviennent significatives en termes économiques ou sociaux.

Il semble y avoir un large désaccord sur la question de savoir si ces coûts sont significatifs pour l'industrie, comme en témoignent les arguments ci-après.

- Puisque l'industrie de la pâte et du papier est si vulnérable aux forces du marché, et que certains secteurs de l'industrie sont moins stables que d'autres, les dépenses lices à l'environnement ne peuvent qu'aggraver des situations déjà difficiles, surtout à court terme.

- L'industrie a déjà beaucoup de mal à se procurer des capitaux de l'extérieur pour investir dans la production, sans parler des dépenses pour l'environnement. Les exigences de la lutte contre la pollution ont ainsi prélevé des capitaux internes à des fins autres que de production, d'où une diminution des nouvelles capacités de production et, par conséquent, de meilleures conditions de marché et de plus grands profits.

- Les augmentations de coûts sont relativement faibles et s'étalent sur une longue période, et les dépenses relatives à l'environnement ne doivent pas en tout cas, être considérées de façon isolée: il y a beaucoup d'autres facteurs, dont certains sont souples, qui entrent dans la formation du prix de vente - matières premières et produits chimiques, transports, énergie, main-d'œuvre, taux de l'argent, impôts, droits, etc. - plusieurs de ces éléments variant largement selon les pays et à l'intérieur de chacun d'eux. Les coûts de la pollution ne font que s'ajouter à ceux de la fabrication, et leur impact ne peut être déterminé.

Chacun de ces arguments a apparemment quelque poids, le premier, en soutenant que les dépenses pour l'environnement font du tort à l'industrie; le second, en affirmant qu'elles lui rendent service, et le troisième, en prétendant qu'elles ne changent rien à la situation.

On peut alléguer que les pays ou les usines qui ont des programmes antipollution moins rigoureux ou qui reçoivent des subventions plus élevées bénéficient d'un avantage économique relatif, sous la forme soit d'un profit accru, soit d'une plus grande disponibilité de fonds pour les dépenses de production.

Mais on peut aussi arguer que ces pays se trouveront dans une position moins avantageuse s'il leur faut intensifier leurs programmes. Inversement, les pays ayant les exigences les plus sévères entreprennent peut-être davantage ce que nécessite strictement un environnement harmonieux.

Combattre la pollution

Dans les pays en développement, où la production des usines de pâte et papier est en général destinée au marché intérieur, le problème de la protection de l'environnement est principalement une question interne, et il s'agit surtout de combattre l'excès de pollution. Cependant ces pays étant en principe importateurs nets de pâte chimique, ils doivent supporter les coûts additionnels de lutte contre la pollution incorporés aux prix des produits.

Il est probable que l'industrie de la pâte et du papier des pays en développement finira par voir ses produits entrer dans le commerce international. En l'absence de législation spécifique, une évaluation de l'impact sur l'environnement peut être entreprise pour chaque complexe industriel, et les mesures de lutte les plus appropriées mises au point. C'est pourquoi les coûts de la lutte antipollution devraient être inférieurs à ceux des pays de la plupart des pays développés, où il existe une législation de lutte contre la pollution pour toute l'industrie.

Un sacrifice financier

Les coûts de cette lutte deviennent de plus en plus lourds tant pour le consommateur que pour l'industrie, dans la mesure où ils se répercutent finalement sur le prix du produit. Devant cette hausse des prix, le consommateur peut ou bien les accepter et consentir à un certain sacrifice financier, ou bien réduire sa consommation du produit. Dans l'un et l'autre cas, il doit consentir quelque sacrifice. Les avantages, à la fois directs et indirects, de l'application des mesures de protection de l'environnement sont encore mal compris.

Les problèmes de l'environnement en ce qui concerne l'industrie de la pâte et du papier sont, de toute évidence, abordés de façon très différente selon les pays. Nombre d'entre eux en étant encore au stade de l'élaboration d'une méthodologie législative et de techniques de lutte, et d'autres commençant à peine à les envisager, il faudrait se pencher sur la possibilité de resserrer la coopération internationale. Les points suivants pourraient constituer une base utile de réflexion: - Les techniques de contrôle et les procédures d'analyse varient beaucoup selon les pays. Un grand nombre de ces pays ayant encore à établir des procédures uniformes, il serait souhaitable de concevoir des méthode, d'essais normalisées.

- Il n'existe pour le moment aucun mécanisme formel pour les échanges internationaux de données statistiques sur l'environnement pour l'industrie. La plupart des pays commencent à peine à élaborer une méthodologie pour le rassemblement des données. S'il est souhaitable d'échanger davantage de renseignements statistiques, il peut être utile de mettre au point des procédures cohérentes.

- Les techniques de lutte contre la pollution varient, et il semble y avoir un certain double emploi dans les efforts de recherche et de développement. Il serait donc pratique de disposer d'un moyen organisé de partager les informations techniques.

- Il serait utile que les pays non encore pourvus d'une législation spécifique sur l'environnement connaissent mieux les justifications sur lesquelles s'appuient les diverses lois promulguées dans les autres pays.

- L'impact sur la société de l'accroissement des coûts du à la lutte contre la pollution est encore mal compris, et on peut se demander si le public est bien conscient des incidences de certains programmes d'environnement. Il pourrait donc y avoir avantage à l'en informer.

Il est un aspect de l'industrie de la pâte et du papier auquel on prête peu d'attention, à savoir le caractère hautement moderne de ses techniques sous l'angle de l'environnement. D'ordinaire, lorsque les pays rédigent une législation spécifique sur l'environnement, cette industrie est de celles à qui on s'intéresse en premier lieu. On doit donc lui reconnaître un certain mérite dans la promotion de la technologie antipollution et encourager le dialogue avec elle.


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