Page précédente Table des matières Page suivante


Des services forestiers adaptés aux exigences de chaque pays

Louis Henri Velay

Louis Henri Velay est inspecteur général de l'agriculture au ministère français de l'agriculture. Il a été chef de l'administration et des finances de ce ministère et, auparavant, chef du service des forêts.

Le moment est venu pour les pays en développement qui ont construit leurs services forestiers sur les modèles européens de faire le bilan de leurs ressources et de déterminer leurs besoins en matière de sylviculture et de développement. L'auteur propose plusieurs structures possibles.

Première partie: L'organisation administrative forestière

Bâtir une administration moderne capable de promouvoir le développement forestier n'est pas chose facile pour nombre de pays en développement.

Gouvernements et opinions publiques n'ont pas toujours pris conscience assez tôt que la forêt constituait une richesse majeure, qu'il convenait d'aménager pour le plus grand profit de la communauté nationale. L'Etat n'a pas fait sentir son autorité pour défendre les espaces boisés contre les pressions de toutes sortes. Les autorités, n'apercevant pas tous les bénéfices d'une politique forestière à long terme, ne consentent pas l'effort d'investissement et de planification nécessaire pour une utilisation plus poussée des richesses forestières, leur transformation, et l'ouverture de nouveaux marchés pour des produits plus élaborés. Une administration forestière squelettique, insuffisamment diversifiée et trop rassemblée dans la capitale ne contrôle pas d'assez près les exploitations, et la ressource est gaspillée.

Le moment est sans doute venu, pour de nombreux pays en développement, de s'interroger sur la valeur de l'organisation de leurs services forestiers, souvent très marquée encore par le «modèle» européen Répond-elle vraiment aux possibilités et aux besoins de développement de la nation?

En effet, les pays en développement ont de plus en plus conscience de la valeur que représentent leurs propres ressources naturelles pour l'ensemble du monde moderne, et en particulier pour leurs partenaires des pays industrialisés. Le mouvement général qui a intéressé le pétrole, les minerais, les autres matières premières, concerne aussi le bois, matériau de plus en plus recherché, mais aussi matière première d'une industrie lourde inquiète pour ses approvisionnements.

Cette prise de conscience des pays en développement, jointe à l'intérêt croissant des pays industrialisés pour les ressources forestières tropicales, devrait amener les uns et les autres à établir sur des bases améliorées leur coopération dans le domaine du développement forestier: ainsi les nations qui le peuvent devraient aider plus largement à la mise en place des capitaux, des équipements, des formateurs, favorisant ainsi le renouvellement des services forestiers.

Deux éléments sont de nature à justifier un nouveau départ pour les forestiers des pays en développement: l'accroissement marqué des revenus de la forêt au cours de ces dernières années; la possibilité, pour le secteur de la forêt et des industries situées à son aval, d'offrir des emplois stables en milieu rural.

On peut d'ailleurs souhaiter que les forestiers ne limitent pas leur mission à la protection et à la mise en valeur des forêts. Dans certaines zones où la forêt constitue le cadre de vie ou le centre d'activité principal des populations, où le pâturage et l'agriculture sont directement dépendants de son bon état, une responsabilité globale du développement ne devrait-elle pas leur être confiée?

Ainsi, l'évolution de la conjoncture économique ainsi que l'importance croissante de la forêt pour la récréation et le tourisme et l'impact du développement forestier sur le développement socio-économique général de la nation devraient rendre les gouvernants favorables à un renforcement et à une amélioration des structures administratives forestières. Dans le même temps, les conditions dans lesquelles de nombreux pays peuvent désormais recruter, former et mettre au travail les cadres nécessaires (forestiers, administrateurs, ingénieurs, techniciens), sans être encore pleinement satisfaisantes, se sont améliorées. Le moment est donc venu de se demander comment remodeler, développer, étoffer.

Un modèle idéal

Bien entendu, il n'existe pas de modèle de structuration idéal s'imposant à tous. Diverses considérations guideront les responsables:

- La pression plus ou moins forte des populations sur la forêt: la même organisation ne pourra convenir a un pays aux ressources forestières abondantes et à la population modeste, à un pays aux ressources limitées, ou à un pays où la densité de population dans les zones forestières est très élevée.

- L'importance relative de la forêt dans l'équilibre du territoire, le produit national, le commerce extérieur; les priorités respectivement attribuées à la production, à l'emploi, à l'environnement.

- Les moyens disponibles ou mobilisables à court terme, pour l'application de la politique forestière, et surtout les moyens en personnel qualifié, etc.

DES FORESTIERS DU HONDURAS CALCULENT LE VOLUME D'UN PEUPLEMENT les services forestiers ont été créés pour des travaux de ce genre

Des facteurs déterminants

Dans tous les cas, le réalisme et le souci d'efficacité doivent inspirer les choix et les structures et non les préférences doctrinales ou les attitudes de prestige. L'organisation administrative est l'instrument d'une politique forestière nationale; elle doit évoluer avec ses priorités et avec les moyens mobilisés pour la mener à bien. Evoquons d'abord quelques aspects généraux du problème.

Le rattachement du service forestier aux structures gouvernementales ne devrait pas être la conséquence de traditions ou du simple désir d'équilibrer les charges de différents ministres; il devrait traduire, comme le poids relatif à donner aux diverses composantes du service, les priorités données soit aux objectifs de production, soit à ceux liés à l'environnement.

Le choix des investissements et celui du personnel à recruter ne seront pas arrêtés de la même façon par un ministre «économique» et par un ministre responsable de l'environnement ou des ressources naturelles. La manière dont les actions du service forestier seront appréciées par l'opinion, les agriculteurs, les chasseurs, les professionnels du bois, les touristes et les naturalistes, sera influencée par le rattachement choisi. La mode et lit conjoncture économique peuvent rendre les autorités politiques et financières plus OU moins ouvertes à une approche «économique» ou à une justification «environnementiste».

On peut penser que, dans le cas du rattachement à un ministère des ressources naturelles, le service sera moins directement jugé sur ses, résultats financiers ou, si l'on préfère, que les bénéfices autres que de production seront mieux pris en considération; ou encore que les forestiers auront davantage «l'oreille» du ministre que s'ils étaient rattachés à un grand ministère économique, l'agriculture par exemple, trop préoccupé du court terme.

Cependant, dans de nombreux pays en développement, l'étroite imbrication des problèmes de la forêt avec ceux de l'agriculture et de l'élevage, les arbitrages à rendre pour l'utilisation des terres et de l'eau, la nécessité de rechercher de judicieux équilibres «agro-sylvo-pastoraux» peuvent conduire à préférer une insertion au sein du ministère - et parfois même des structures régionales et locales - responsable de l'aménagement et du développement ruraux. Le rattachement au ministère du développement industriel, qui a été parfois choisi, souligne la priorité donnée à l'obtention de produits élaborés et à leur commercialisation.

Enfin, dans les pays où la forêt constitue une ressource majeure de l'économie, un ministère uniquement chargé du développement forestier sous toutes ses formes peut se justifier.

Dans tous les cas, il convient de peser les facilités que le rattachement retenu est susceptible d'offrir aux forestiers, pour leurs relations sociales, au sein même des structures gouvernementales et administratives, comme avec les professionnels et les populations.

La décentralisation

Un autre choix se présente à propos de la décentralisation. La dévolution de pouvoirs aux autorités régionales ou locales, ou à celles des Etats fédérés, présente des avantages indiscutables dans certains domaines, tels que l'hygiène publique, l'enseignement, les adductions d'eau, les services sociaux. En va-t-il de même pour la politique forestière? Ce n'est pas toujours évident: dans certains pays où il n'existe pas de tradition forestière bien établie, la pleine autorité de la nation - la loi fédérale par exemple - est nécessaire pour imposer les contraintes entraînées par la protection des ressources forestières. Un niveau de planification nationale convient mieux pour leur mise en valeur, en raison du rôle joué par la forêt dans l'équilibre général de la nation et de son économie; l'approvisionnement des usines de transformation du bois déborde le plus souvent les limites régionales. En fait, les forêts, quelle que soit leur situation, constituent un bien commun à toute la collectivité nationale.

De plus, le fait de laisser les autorités décentralisées, par exemple les Etats, légiférer et réglementer en matière forestière risque d'aboutir à des différences notables à l'intérieur d'une même nation, voire à des contradictions qui rendent difficile le respect des réglementations forestières par les exploitants. Une coordination et une harmonisation des politiques forestières et des législations par le pouvoir central s'imposent au minimum.

«Leurs» forêts

Cependant, il est vrai que les impératifs d'une saine gestion seront d'autant mieux acceptés par les populations locales, dont l'adhésion est indispensable, que celles-ci se sentiront concernées par la sauvegarde et la mise en valeur de «leurs» forêts. C'est dire l'intérêt qu'il peut y avoir à laisser la propriété d'une partie au moins des forêts (ou leur usufruit) aux collectivités locales et aux petits propriétaires ruraux. Une telle formule n'est pas incompatible avec l'existence d'un service forestier recruté, formé et structuré au plan national, à la condition que les populations retirent un profit direct des emplois et des bénéfices de la gestion.

Les services forestiers peuvent être chargés de deux groupes de tâches aux caractéristiques essentiellement différentes mais compatibles dans une certaine mesure. Ces groupes peuvent être:

- L'autorité administrative forestière (Forest Authority), instrument de la puissance publique au service de l'intérêt général et des populations. Comme autorité administrative, la mission du service forestier est d'aider les pouvoirs publics à définir la politique forestière et d'en assurer l'application à toutes les forêts et terrains à destination forestière (et éventuellement à d'autres espaces naturels). Son rôle est de définir, d'animer, de contrôler. Ses modalités d'action peuvent comprendre à la fois des incitations diverses et des pénalités.

- Une ou plusieurs entreprises nationales chargées d'un certain nombre d'actions de caractère technique, industriel et commercial, en particulier dans les forêts de l'Etat (mais aussi, le cas échéant, dans d'autres forêts) et dans les secteurs d'activité qui en utilisent les produits. Les activités de ces entreprises peuvent inclure:

a) L'entreprise de la gestion des forêts (de la garderie à la délivrance et au contrôle des coupes).

b) L'entreprise économique: exploitation, transformation, commercialisation et promotion des produits.

c) L'entreprise d'aménagement touristique et de chasse: aménagement et gestion des forêts et autres espaces naturels pour la récréation et le tourisme (y compris la mise en valeur de la faune sauvage).

Ainsi l'organisation des services forestiers est-elle a priori complexe en raison de la dualité de leurs missions. Nous esquisserons, dans la deuxième partie de cet article, les diverses formules qui s'offrent au choix des responsables.

Deuxième partie: Le remaniement des services forestiers peut se faire d'après divers modèles

Pendant longtemps, dans les pays en développement comme dans les pays développés qui leur avaient servi de modèles, le rôle essentiel des forestiers a été d'exercer l'autorité administrative forestière.

Les administrations mises en place ne portèrent qu'une attention réduite aux missions de l'«entreprise» exception faite de la gestion. Les forestiers semblaient considérer qu'ils avaient fait leur devoir quand ils avaient assuré la «conservation» du domaine forestier et, dans les pays plus avancés, l'a aménagement» des forêts en vue du «rendement soutenu». La suite des opérations, c'est-à-dire l'exploitation des produits, leur transport et, a fortiori, leur transformation et leur commercialisation, ne semblait pas les concerner.

De plus en plus, aujourd'hui, il est souhaitable qu'ils s'intéressent aux produits de leur gestion, et que toutes les opérations qui se situent «en aval» de la forêt soient activement contrôlées et promues pas pour autant évident que les deux fonctions, celle de l'autorité administrative et celle de l'entreprise, doivent être confiées, simultanément, aux mêmes structures administratives.

On peul regrouper sous plusieurs grandes rubriques les tâches qui incombent à l'autorité administrative forestière:

- Politique forestière et planification du développement forestier.
- Conservation de la forêt et des autres ressources naturelles.
- Contrôle des exploitations.
- Encouragements au développement forestier.
- Information et vulgarisation forestières.
- Enseignement. - Recherche.

Quant à la gestion proprement dite, elle peut être confiée à l'autorité administrative forestière, mais cela n'est pas obligatoire comme nous le verrons.

Evolution

Les structures de l'administration forestière doivent rester fonction, tout au long du développement, des grandes orientations de la politique forestière, mais évoluer avec les moyens dont dispose le pays pour son application. C'est que l'importance relative des diverses tâches varie au fur et à mesure du développement général, économique et social, et de la mise en place d'une politique forestière.

On peut schématiser l'évolution du développement forestier en trois phases successives:

- Mise en place progressive d'un «régime forestier».
- Pleine application du régime.
- Sylviculture avancée.

La première correspond à la prise de conscience des «valeurs forestières» au niveau des responsables politiques, de l'opinion, des populations locales. Elle s'accompagne en général d'une disproportion criante entre l'ampleur des tâches à entreprendre et les moyens disponibles, surtout en personnel qualifie.. Elle devrait donc comporter une sélection très stricte des actions à entreprendre, avec une structure administrative peu ambitieuse et aussi efficiente que possible.

La deuxième phase est atteinte lorsque la législation et la réglementation ont été précisées et complétées et que le service forestier dispose des moyens nécessaires, non seulement pour équiper les services centraux; mais aussi pour assurer un quadrillage complet du territoire par des agents forestiers qualifiés.

Enfin, le stade de la sylviculture avancée doit permettre le plein développement des structures forestières, leur diversification et l'équilibre des différentes cellules responsables, au plan central, au plan régional et sur le terrain, en fonction des objectifs finalement retenus pour la politique forestière.

Aux stades successifs du développement, les priorités définies dans le contexte économique et social conduisent à étoffer plus ou moins les équipes responsables des différentes actions à mener et, le cas échéant, à en adapter ou modifier l'articulation.

Voici deux exemples de cette adaptation progressive. Le premier concerne le contrôle des exploitations. Au stade de la mise en place du régime forestier, et surtout tant que la ressource est considérable par rapport aux moyens en personnel, le permis d'exploiter ou «concession» apparaît comme la seule méthode permettant une mise en valeur rapide et étendue du domaine. Cependant, l'Etat se prive, par ce système, d'une partie importante du revenu de l'exploitation, se bornant à percevoir des taxes aux différents stades de l'exploitation et de la vente. La concession reste un instrument de politique forestière imprécis et parfois inadapté. Sa pratique prolongée peut aboutir à un appauvrissement dommageable de la forêt: la liberté laissée aux concessionnaires de choisir eux-mêmes les lieux, les époques, le contenu et l'intensité des coupes n'est évidemment pas compatible avec l'application progressive d'une sylviculture plus fine. Certaines régions sont surexploitées, d'autres ne sont pas mises en valeur; les exploitations sont mal contrôlées par un personnel insuffisant.

Ainsi, au fur et à mesure que le développement de l'administration et celui des voies d'accès et de pénétration le permettent, il convient de:

- Rationaliser le système (délimitation préalable des superficies par le service, plus grande exigence dans la définition du prélèvement, surveillance et contrôle renforcés des exploitations, réservation des permis à long terme aux sociétés transformant dans le pays même une partie importante des produits et offrant des emplois permanents à la population).

- Mettre en place, dès que possible, un système de ventes de coupes à partir d'aménagements réguliers.

Lorsque les moyens en personnel qualifié le permettront, le développement d'un secteur d'exploitations en régie, soit par le service lui-même, soit par des agences autonomes sous le contrôle de l'Etat, pourra être envisagé avec profit.

Recherche

L'autre exemple concerne la recherche: les pays en développement ne doivent-ils pas pratiquer en la matière une politique prudente, aussi longtemps que le développement général du pays (de son économie, de ses industries, de ses universités, de ses activités de recherche dans d'autres domaines) ne lui permettra pas d'étoffer un secteur suffisamment puissant et diversifié de recherche forestière.

En attendant, pour assurer convenablement le progrès des techniques forestières, on pourra tirer parti des recherches menées à bien ailleurs. Une partie des résultats acquis dans les pays développés peuvent être transférés, à condition d'être soigneusement adaptés aux conditions écologiques, sociales et économiques locales. Un tel transfert est particulièrement avantageux pour les recherches de haute technicité et de prix de revient élevé.

Pour adapter les résultats (ou ceux d'instituts régionaux, plus proches des conditions locales), il n'est pas nécessaire de créer prématurément des unités nouvelles et coûteuses. Il est plus indiqué de disposer au plus tôt d'un «centre technique forestier», dont la mission sera essentiellement de:

- Collecter, bien définir, et sélectionner les besoins en informations scientifiques et techniques.

- Se tenir informé des résultats de recherches au plan international, dans les pays voisins, dans les pays développés, et dans les disciplines apparentées (écologie, sols, agronomie, etc.).

- En tirer, à l'usage du service forestier national, et en particulier des équipes opérant sur le terrain, des «recettes» pratiques pour l'action.

Plus tard, le pays disposera d'une recherche forestière autonome. Il aura intérêt à concentrer ses activités sur les problèmes spécifiques du pays tels que technologie des essences indigènes, amélioration génétique des arbres forestiers, insectes et maladies, techniques de régénération. Même alors, l'intérêt du centre technique, se situant entre la recherche et les échelons opérationnels, capable de «digérer» et de présenter les acquits des chercheurs, demeurera un instrument efficace de progrès.

Dès qu'on aborde la gestion des massifs forestiers, et plus encore l'exploitation, la transformation et la commercialisation de leurs produits, toutes fonctions dont le caractère industriel et commercial est de plus en plus marqué, la question se pose de savoir si une administration est bien douce pour assurer ces missions d'entreprise.

On a fait remarquer qu'il pouvait être décevant de confier à des fonctionnaires d'une administration de type classique des tâches présentant un tel caractère, et cela en raison même des qualités et des défauts généralement inhérents à la fonction publique: un grand désintéressement et une objectivé certaine, un grand souci du droit et des textes, mais aussi une réticence à prendre des initiatives, à sortir des pratiques traditionnelles et à explorer des domaines nouveaux, à assumer des risques. On peut penser que les agents de l'entreprise publique ou privée recrutés en fonction de leur formation professionnelle spécialisée se sentiront plus directement intéressés, pour leur promotion même, au succès technique et financier de leurs activités et qu'ils feront donc preuve d'un meilleur esprit d'entreprise et d'un plus grand dynamisme que des fonctionnaires pleinement assurés du déroulement de leur carrière.

Ces arguments peuvent certes être contestés et il ne manque pas d'administrations qui ont assumé longtemps avec succès leurs missions de gestion par exemple. Mais, par ailleurs, on peut craindre qu'en raison des règles de recrutement assez rigides qui la caractérisent, une administration rencontre certaines difficultés à se procurer les spécialistes dont toute entreprise a besoin dans des domaines très variés: mécanique, ingénierie, informatique, management, marketing, etc.

CONSTRUCTION D'UNE SCIERIE EN MALAISIE la création d'industries incombe aussi aux services forestiers

Financement

Le financement des activités forestières peut constituer une gêne pour la gestion. Le financement des activités de l'Etat et des entreprises qui ont reçu de lui délégation pour les réaliser appelle des solutions originales. Les procédures budgétaires et comptables appliquées en général aux actions administratives conviennent mal à la foresterie. En premier lieu, celle-ci se distingue - comme on l'a déjà dit - des administrations dont le rôle est uniquement de fournir un service public. En outre, elle doit s'organiser sur la base de plans et de programmes à très long terme, dont les bénéfices, au plan financier, ne se feront pleinement sentir que dans des délais très importants. Il n'est pas étonnant que gouvernements et parlements, assaillis par des besoins immédiats de crédits pour des actions indispensables à court terme, aient tendance à sacrifier des objectifs à très long terme, tels ceux de la foresterie.

L'effort des services forestiers devrait tendre à obtenir que des engagements financiers de longue durée soient consentis par les pouvoirs publics, à la mesure des investissements nécessités par la politique forestière, le minimum, qui n'est pas toujours réalisé, étant qu'un pourcentage suffisant du revenu des forêts y soit réinvesti.

Pour atteindre un tel objectif, il est évident que la procédure budgétaire classique de l'Etat sera, la plupart du temps, décevante pour les forestiers. Ceux-ci devront favoriser la mise en place d'autres mécanismes d'alimentation du financement de leurs activités, financement généralement assuré par:

- Des ressources provenant du budget général de l'Etat.

- L'affectation de taxes spécifiques.

- L'affectation de tout ou partie des recettes procurées par la vente des produits du domaine forestier de l'Etat et le revenu des droits concédés sur ce domaine.

Ces trois sources de financement peuvent soit se combiner pour alimenter, complémentairement, un budget global du service forestier, soit financer de façon distincte les différentes actions du service.

Le financement par le budget général convient particulièrement aux actions d'intérêt général, profitant à la collectivité, mais non génératrices de revenus directs: protection de l'environnement, création de facilités de récréation et de tourisme, par exemple.

Taxes

L'affectation de taxes spécifiques, fiscales ou parafiscales, assises sur les ventes de bois et d'autres produits forestiers, est bien adaptée aux besoins des actions de développement de la production: équipement de la forêt, reboisement, etc. Cependant, l'assiette et la manipulation de telles taxes peuvent s'avérer délicates, au point d'avoir certains effets négatifs. Conçues et utilisées avec sagesse, elles constituent un instrument souple et efficace à la disposition des forestiers, surtout si leur produit est bien individualisé au sein d'un fonds spécial, entièrement reversé aux actions de développement forestier, à l'image du Fonds forestier national français.

L'affectation de tout ou partie des recettes procurées par la vente des produits du domaine peut alimenter l'actif de budgets forestiers annexes ou d'établissements publics chargés de gérer le domaine forestier.

Taxes ou recettes affectées ont le mérite de mieux assurer la continuité et la régularité du financement des actions forestières, en les soustrayant aux fluctuations du budget général et, dans une certaine mesure, aux aléas politiques. Elles conduisent aussi, mieux que la formule budgétaire traditionnelle, les services forestiers à s'intéresser davantage à l'économie des produits, et à porter attention aux industries se situant en aval de la forêt et à leurs débouchés.

Certains gouvernements ont reconnu que l'entreprise forestière devait recourir à des méthodes ne différant pas fondamentalement de celles d'autres entreprises publiques et même privées. Ils ont donc créé des organismes de types divers, dont ils ont limité l'objet aux tâches d'entreprise, ou auxquels ils ont même parfois rattaché les fonctions relevant de la mission d'autorité administrative.

Cette dernière formule est celle des «commissions le, dont le prototype est la Forestry Commission britannique. Dirigée par un «board» (conseil d'administration comprenant, outre des fonctionnaires, des personnalités publiques ou privées), elle encaisse les produits de son activité, reçoit des subventions ou des prêts du Trésor, acquiert les terres nécessaires à l'extension du domaine forestier de l'Etat exerce toutes les actions de l'autorité forestière, y compris le contrôle des forêts privées.

Les corporations (des pays anglosaxons) et les «corporaciones» (des pays hispanisants) sont des entreprises publiques à but industriel ou commercial, généralement tenues de verser leurs excédents en espèces au budget général de l'Etat. Elles se font payer en fonction de l'importance des services qu'elles rendent et couvrent tout ou partie de leurs frais avec le produit de leurs ventes, ne recourant éventuellement aux fonds publics que pour le complément indispensable. Soumises aux lois du marché, leurs activités sont contrôlées par les organes législatif et exécutif; ce contrôle peut avoir à s'exercer en particulier en ce qui concerne les prix auxquels l'entreprise facture ses produits ou ses services, pour les rendre compatibles avec la politique économique générale de l'Etat leur comptabilité est du type commercial. Ces entreprises peuvent recevoir et consentir des crédits commerciaux et conserver des liquidités assez importantes dans les banques ordinaires.

Créées par le pouvoir politique, c'est-à-dire par la loi, pour être un instrument d'application de la politique de l'Etat elles doivent utiliser l'indépendance qui leur est consentie, notamment en matière financière, aux fins que le pouvoir politique a définies avec précision.

On peut aussi concevoir que certaines activités forestières, notamment dans le domaine de l'exploitation et de la transformation des produits, soient confiées à des organismes publics ou parapublics autonomes; créés, eux aussi, à la suite d'une décision officielle, ils sont tenus d'orienter leurs activités vers certains objectifs qui leur sont assignés au moment de leur création et de rendre compte de ce qu'ils ont accompli. Ils reçoivent certaines directives de l'Etat ce qui les distingue des entreprises d'Etat, c'est qu'ils sont exemptés d'un contrôle détaillé.

Toute différente est: la possibilité pour l'Etat de s'associer à des capitalistes privés, soit en prenant des participations dans le capital de certaines entreprises privées, soit en créant des sociétés d'économie mixte au sein desquelles il détient en général la majorité des parts, les autres étant souscrites par des groupements publics ou privés ou par des particuliers.

Les deux sortes de missions (autorité forestière, entreprise) peuvent être assumées par une organisation forestière unique, soit une administration, soit un établissement public, juridiquement distinct de l'Etat. Elles peuvent, au contraire, être confiées à des organismes distincts: un service forestier, un ou plusieurs organismes publics ou parapublics plus spécialement chargés des fonctions d'entreprise.

Ailleurs, la séparation n'est pas aussi nette, mais l'administration peut, en cas de nécessité, se décharger de certaines taches pour les confier à des agences semi-autonomes agissant sous le contrôle du ministre en liaison étroite avec le service forestier. Ou bien le service peut s'associer à des producteurs et à des industriels pour constituer avec eux des «sociétés mixtes».

Pas de réponse universelle

La question peut se poser de savoir s'il est plus indiqué pour un pays d'adopter une structure simple, du type «service forestier unique» ou des structures plus diversifiées.

Il n'y a évidemment pas de réponse universelle à cette question. La formule consistant à confier à une administration forestière toutes les taches «d'autorité» et en même temps la gestion du domaine forestier de l'Etat est toujours valable et présente des avantages de simplicité et d'unité. Les taches d'exploitation, de transformation, de commercialisation ou de promotion des produits de la forêt sont alors exécutées par l'entreprise privée. Il est très souhaitable, dans cette conception, que cette entreprise soit étroitement contrôlée par le service de l'Etat pour que soient sauvegardés les intérêts forestiers à long terme du pays, et même parfois ses intérêts écologiques généraux.

Même lorsque l'essentiel des tâches d'exploitation est laissé au secteur privé, il peut y avoir des avantages à ce que l'administration crée, en son sein, un secteur d'exploitation «en régie». Ce secteur fonctionnera en concurrence avec les sociétés privées, et permettra aux forestiers officiels de mieux connaître les contraintes et les coûts réels de l'exploitation, et donc de mieux asseoir leur contrôle sur les coupes effectuées par les professionnels. En outre, cette «régie d'exploitation» peut s'attacher une main-d'œuvre permanente, la former et contribuer, de la sorte, à l'amélioration de l'emploi dans le secteur rural.

PLANTATION DE TECK EN THAÏLANDE un qui croit.

Cependant, une étude exhaustive des aspects de la politique forestière qu'il sera nécessaire de maîtriser dans l'avenir peut conduire les responsables à préférer disposer, dès le départ, de l'organisation capable de répondre à tous les besoins de la politique forestière jusqu'au stade ultime de son développement. En faisant choix de telles structures diversifiées, ils peuvent compter sur les avantages que procure une bonne spécialisation des services et des hommes. Cela permet de donner immédiatement toute l'importance qu'elles méritent à certaines actions que l'administration elle-même ne pourrait mener à bien, on peut penser, par exemple, que l'exploitation des produits et leur commercialisation seront mieux réalisées par un établissement public dont les méthodes et la gestion se rapprochent davantage de l'entreprise privée que d'un service administratif.

Une telle organisation peut être recommandable lorsque l'entreprise privée est insuffisante, ou trop difficile à contrôler, ou trop accoutumée à des pratiques contestables, dangereuses pour l'avenir des forêts. L'Etat peut, dans ce cas, soit créer des entreprises publiques concurrentes du secteur privé, soit assurer à une grande entreprise publique le monopole de l'exploitation des ressources. Il se donne ainsi les moyens de réanimer, ou d'assainir les activités «économiques» liées à la forêt. Parallèlement, il peut créer progressivement des entreprises spécialisées dans la transformation plus ou moins poussée des bois, et la vente de produits semi-finis (scieries) ou même finis.

La mise en valeur des ressources touristiques et récréationnelles de la forêt, chasse comprise, qui peut présenter un très grand intérêt économique pour certains pays, peut justifier elle aussi, le cas échéant, la création d'entreprises publiques spécialisées, si l'on estime que l'administration chargée de la gestion doit concentrer ses efforts sur d'autres objectifs (conservation, aménagement en vue de la production ligneuse, etc.).

On aboutit ainsi à la conception d'une administration forestière chargée seulement des tâches d'autorité, ou cumulant ces tâches avec la gestion du domaine, et d'une ou plusieurs entreprises publiques assumant «l'industriel et le commercial» et, le cas échéant, le «touristique».

Toutefois, le choix d'une organisation complexe présente divers inconvénients: en premier lieu, la dispersion des responsabilités dans le domaine de la politique forestière peut nuire à la bonne coordination des actions et diluer l'autorité dont peut espérer disposer pleinement une administration forestière omnicompétente.

En outre, et surtout, une organisation complexe risque d'être décevante si les effectifs de personnel qualifié que le pays peut mobiliser ne suffisent pas à remplir rapidement des structures aussi élaborées. En pareil cas, on peut être conduit à ne pourvoir, pendant de trop longues années, que les emplois de l'administration centrale ou ceux des grandes villes. Or, des actions forestières efficaces ne sont concevables qu'autant que les cadres techniques régionaux et locaux, ainsi que la main-d'œuvre qualifiée nécessaire aux entreprises forestières, qu'elles soient d'Etat ou privées, sont effectivement à pied d'œuvre.

Trop souvent, il est vrai, la répartition du personnel sur le terrain est plus la conséquence de circonstances passées qui n'ont plus leur raison d'être aujourd'hui, que le résultat d'une analyse rationnelle des besoins réels des opérations forestières. Par exemple, leur implantation a été maintenue alors que de profondes modifications sont survenues dans les moyens de communication ou le développement de certains centres urbains. Dans de nombreux cas, un «redéploiement» des moyens en personnel sur le terrain apparaîtra donc comme une tâche urgente et importante quelle que soit la structure adoptée.

Les réflexions qui précèdent aideront peut-être les responsables, dans les pays en développement - et, qui sait, dans d'autres pays - à s'interroger afin d'établir un diagnostic les structures administratives de leur pays sont-elles capables:

a) De faire face aux besoins de la collectivité nationale?

b) De tirer le meilleur parti des possibilités de développement forestier?


Page précédente Début de page Page suivante