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Créer des emplois forestiers pour stimuler l’économie et construire un avenir vert

C.T.S. Nair et R. Rutt

C.T.S. Nair est économiste principal et Rebecca Rutt consultante, Division de l’économie et des politiques forestières, Département des forêts, FAO, Rome.

Cet article a été tiré d’un document d’information préparé pour l’événement spécial «Impacts de la turbulence économique mondiale sur le secteur forestier» organisé le 20 mars 2009 à Rome pendant la dix-neuvième session du Comité des forêts de la FAO.

L’investissement public ciblé dans le secteur forestier pourrait générer environ 10 millions de nouveaux emplois dans le monde.

Depuis le début de l’année 2008, le monde connaît l’une des crises économiques les plus graves depuis la grande crise des années 1930. Les pertes dans les marchés financiers de billions de dollars EU se sont propagées dans toutes les économies du monde, provoquant des réductions dans la production, l’emploi, les revenus et la demande des consommateurs. Les taux de croissance de toutes les économies ont été révisés à la baisse (ONU, 2009). Bien que depuis l’été de 2009 le recul se soit ralenti et que quelques-unes des économies émergentes donnent des signes de reprise, grâce aux mesures adoptées par les gouvernements et les banques centrales, des incertitudes considérables demeurent quant à la durabilité de cette reprise. Dans le plus optimiste des scénarios, un redressement de la situation dans de nombreux pays pourrait commencer en 2010 ou 2011, mais on ne peut pas totalement écarter la possibilité d’un nouveau déclin économique et d’une reprise anémique prolongée.

Parmi les principales conséquences du marasme économique figure la fermeture d’usines à une échelle sans précédent, avec les pertes d’emploi et la hausse rapide du chômage qui en résultent (figure 1). Au niveau mondial, on prévoit que le chômage, estimé à 180 millions de personnes sans travail en 2007, atteindra près de 210 millions en 2009, et même 239 millions dans le scénario le plus pessimiste (OIT, 2009). Les pertes d’emploi par des travailleurs migrants venus de pays en développement, qui sont particulièrement vulnérables, entraînent une inversion de migration de ces travailleurs qui retournent dans leur pays d’origine (souvent dans des zones rurales), une diminution des envois de fonds, la perte de moyens d’existence et l’accroissement de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire. Au niveau national, l’exode des travailleurs urbains au chômage qui retournent dans leurs villages aggrave le sous-emploi et le chômage ruraux dans de nombreux pays.

Dans le secteur forestier, la récession économique présente des défis particuliers (FAO, 2009). Le marasme économique dans le secteur de la construction, notamment dans de nombreux pays développés (par exemple aux États-Unis, où les mises en chantier annuelles ont baissé d’environ 80 pour cent entre janvier 2006 et janvier 2009), a provoqué une réduction drastique de la demande de produits ligneux. La production, le commerce et l’emploi ont baissé suite au recul de la demande. Du fait que le secteur de la construction est l’un des principaux employeurs (y compris pour les travailleurs migrants), son déclin a contribué considérablement à la hausse du chômage. Le chômage rural croissant risque d’accroître la pression sur les forêts et les terres boisées, ce qui conduit à la déforestation et à la dégradation. La baisse de la demande de bois et de produits à base de bois pourrait aussi inciter les gouvernements, les industries et les petits propriétaires à réduire les investissements dans la gestion durable des forêts, nuisant ainsi aux approvisionnements en bois et aux services environnementaux futurs.

Pour affronter la crise économique, de nombreux gouvernements ont mis au point des initiatives de relance économique, afin de renflouer les caisses des institutions financières et de stimuler la production et la consommation. Au début de l’année 2009, la valeur totale des différentes initiatives de relance s’élevait à plus de 3 billions de dollars EU (Gallagher, 2009). La génération d’emplois par le biais de travaux publics est un élément important de nombreux programmes de relance économique. Une augmentation du nombre d’emplois devrait permettre d’accroître les revenus et la consommation et, partant, de stimuler la production et les futurs emplois, aidant ainsi à briser la spirale descendante.

Les stratégies de nombreux pays recommandent une orientation vers un avenir vert, dans le but de stimuler les secteurs qui créeront des biens réels, amélioreront l’efficacité énergétique, encourageront l’utilisation des ressources renouvelables et combattront le changement climatique. La foresterie pourrait jouer un rôle positif dans les efforts visant la stabilisation économique, notamment par la création d’emplois et la reconstitution de la base du capital naturel.

1
Tendances du chômage mondial (en millions)

LA FORESTERIE DANS LES PROGRAMMES DE RELANCE ÉCONOMIQUE

Génération d’emplois

La création d’emplois reste la préoccupation principale de la plupart des pays à mesure que les économies se contractent et que le chômage augmente. Tant que le resserrement du crédit réduira la disponibilité de fonds, l’accent portera surtout sur la création d’emplois dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. Les possibilités de créer des emplois forestiers naissent de plusieurs facteurs:

L’histoire de la génération d’emplois dans le secteur forestier grâce aux investissements publics est longue (encadré 1). Bien que la situation actuelle diffère des récessions économiques du passé, un certain nombre de pays ont incorporé la création d’emplois forestiers dans leurs plans de relance économique – comme le Canada, le Chili, la Chine (voir l’article de Ma, Liu et Du dans ce numéro), l’Inde (voir l’article de Matta), la République de Corée et les États-Unis d’Amérique (voir l’article de Kimbell et Brown).

Reconstituer les biens naturels

Même avant la crise économique, la dépendance accrue vis-à-vis des secteurs de l’industrie et des services pour le revenu et l’emploi avait, dans une certaine mesure, réduit les investissements dans les secteurs primaires, y compris les forêts. Dans le secteur de la foresterie, la transformation du bois et l’exploitation forestière avaient reçu la plus grande part des investissements en raison du haut niveau de revenus et des courtes périodes de récupération des fonds, alors que la gestion des forêts avait reçu beaucoup moins d’attention; cela s’applique notamment aux forêts tropicales, en particulier lorsqu’il existe des possibilités plus rentables d’utilisation des terres. Le boom économique qui avait caractérisé ces quelques dernières années avait accru la demande de bois et de produits à base de bois, ce qui a conduit à l’essor de la transformation du bois (et dans une certaine mesure à l’exploitation forestière illégale), mais il n’y a pas eu d’augmentation concomitante des investissements dans la gestion forestière, notamment dans les pays en développement.

Quand l’industrie se contracte et que la demande de bois reste apathique, les investissements accrus dans la reconstitution de la base des biens forestiers se justifient mieux. Même si les propriétaires forestiers (gouvernements, propriétaires privés, entreprises et communautés) ont tendance à réduire leurs investissements en réponse à la demande décroissante de bois, il devient très important d’encourager les investissements dans la gestion des forêts, notamment pour assurer que l’approvisionnement futur en produits et services reste stable.

Atténuation du changement climatique et adaptation à ses effets

La création d’emplois grâce aux activités forestières primaires – boisement, reboisement, gestion améliorée des forêts naturelles, conservation, protection des bassins versants, agroforesterie, foresterie urbaine, etc. – contribue directement à atténuer le changement climatique et à s’adapter à ses effets. Le piégeage du carbone par les arbres nouvellement plantés dans les exploitations et les forêts aiderait à compenser les émissions résultant de la déforestation et de la dégradation. La fourniture d’emplois dans des activités forestières aurait deux avantages, à savoir:

Une meilleure gestion des combustibles réduirait la fréquence et l’intensité des incendies de forêt et les émissions de carbone qui en sont la conséquence. Reconstituer la base des ressources naturelles est une importante étape sur la voie d’une «économie verte».

La baisse de la demande de bois et de produits à base de bois pourrait inciter les gouvernements, les industries et les petits propriétaires à réduire les investissements dans la gestion durable des forêts, compromettant ainsi les approvisionnements en bois et les services environnementaux futurs (chaland de billes, Indonésie)
FAO/FO-5709/P. Durst

Investissements publics pour la génération d’emplois en foresterie

Le Civilian Conservation Corps (CCC), établi aux États-Unis d’Amérique en 1933, a été l’un des programmes du New Deal qui ont eu le plus de succès, fournissant des secours et permettant une reprise après la grande crise. Le CCC a reboisé des terres forestières, lutté contre des incendies de forêt, construit des routes publiques et entretenu des parcs publics. Les biens établis pendant cette époque ont fourni une base solide à la conservation et à la gestion des ressources naturelles aux États-Unis. Plusieurs autres pays, par exemple la Nouvelle-Zélande, ont adopté le boisement et le reboisement comme stratégie de lutte contre un niveau élevé de chômage pendant la même période.

La plupart des forêts du Japon ont été établies dans le cadre du programme de reconstruction consécutif à la Seconde Guerre mondiale. Pendant la guerre, les forêts ont été intensément exploitées. Les investissements d’après-guerre dans les plantations ont aidé à améliorer le couvert forestier du pays et ont, en même temps, fourni un grand nombre d’emplois aux communautés locales.

En Inde, les travaux forestiers sont l’un des objectifs de la loi nationale pour la garantie de l’emploi rural (voir l’article de Matta dans ce numéro), lancée en 2005. La loi assure 100 journées de travail à tous les membres adultes d’une famille qui sont au chômage. Le boisement et la protection contre la sécheresse en sont les éléments fondamentaux. Entre 2006 et 2008, cette loi a fourni 2,3 milliards de jours-personnes de travail aux ménages ruraux dans diverses activités créatrices de biens ruraux, dont le coût s’est élevé à 6 milliards de dollars EU. Ayant reconnu son incidence positive, le gouvernement a augmenté la dépense pour 2009-2010, la faisant passer à environ 8 milliards de dollars.

DAVANTAGE D’EMPLOIS DANS LE SECTEUR FORESTIER

Actuellement, on estime à environ 18,2 millions (équivalent plein-temps) le nombre total d’emplois dans le secteur forestier structuré (chiffres communiqués officiellement pour la production de bois, la transformation du bois, l’industrie de la pâte et du papier et la production de meubles) (figure 2). Bien qu’une part considérable des emplois forestiers, notamment dans les pays en développement, appartienne au secteur informel, aucune estimation fiable n’est disponible sur l’ampleur de l’emploi dans ce secteur. L’Organisation internationale du travail (OIT, 2001) a estimé qu’environ 63 pour cent de l’emploi forestier total se trouvent dans le «secteur invisible», y compris la production de combustibles ligneux, pour laquelle on ne dispose pas de données détaillées sur la production structurée et la production informelle. On n’a pas non plus de données précises sur les nombreuses entreprises forestières informelles. Sur cette base, le nombre total d’emplois dans le secteur forestier pourrait bien atteindre environ 49 millions (FAO, 2008).

Des données précises sur l’emploi dans la gestion des forêts ne sont pas disponibles non plus. Sur les 3,9 millions d’emplois estimés dans la production de bois, la plupart concernent l’exploitation forestière, c’est-à-dire la production de bois rond industriel et l’extraction de bois de feu, par le biais d’arrangements officiels. Il est probable qu’un quart ou la moitié au maximum des emplois dans la production comprennent la plantation et la gestion de forêts et de terres boisées.

Bien que cette estimation de l’emploi ne soit pas précise, elle indique tout de même le faible niveau des efforts déployés pour gérer durablement les forêts, laissant entendre qu’il y a une grande marge de possibilités d’augmenter les activités. Suivant les conditions particulières aux niveaux national et local, une panoplie de programmes et de projets de création d’emplois pourrait réduire le problème actuel du chômage et, en même temps, améliorer la gestion des ressources en terres et en forêts, y compris la création de nouveaux biens (tableau). Du fait que nombre de ces activités sont saisonnières et entreprises pendant de courtes périodes, l’emploi à plein-temps exige une combinaison d’activités. Les propriétaires fonciers disposent souvent d’une gamme diversifiée de sources de revenus, et la foresterie pourrait augmenter les revenus tirés d’autres sources, notamment lorsque ces dernières sont touchées par la récession économique. Pour certains ménages ruraux, même quelques jours de travail forestier aideraient à augmenter les revenus et à réduire la pauvreté.

2
Emploi dans le secteur forestier structuré

Boisement et reboisement

Le boisement et le reboisement, y compris la remise en état des terres dégradées ou désertifiées, offrent les meilleures possibilités de création d’emplois, notamment lorsque le chômage rural, ou le sous-emploi rural, est élevé et que de grands espaces de terres dégradées sont disponibles. La préparation du sol, la production de matériel végétal, la plantation et l’entretien, adaptés aux conditions, connaissances et compétences locales, pourraient représenter d’importantes sources d’emploi. La plupart des pays ont une excellente expérience en matière de boisement et de reboisement et pourraient multiplier ces activités. L’établissement chaque année de plantations (hormis la régénération assistée dans les forêts semi-naturelles) occupe environ 2,5 millions d’hectares (FAO, 2006). En tenant compte de la disponibilité de terres et des capacités institutionnelles, le taux d’établissement de plantations de production et de protection pourrait doubler ou tripler chaque année.

Entretien et amélioration de forêts plantées existantes

La superficie totale des forêts plantées en 2006 était estimée à 271 millions d’hectares (divisés de façon plus ou moins égale entre plantations et forêts semi-naturelles établies grâce à la régénération naturelle assistée). Dans de nombreux pays, de vastes étendues de forêts plantées n’ont pas été entretenues correctement, et l’investissement dans leur entretien est allé en diminuant. Même des opérations d’entretien courantes – sarclage, nettoyage, éclaircies et émondage – sont souvent négligées, ce qui a des conséquences préjudiciables pour la productivité. Bien que la faible productivité soit souvent en partie imputable à la mauvaise qualité du matériel végétal, des opérations régulières d’entretien peuvent améliorer la productivité (ou du moins éviter la dégradation ultérieure) et offrir d’innombrables possibilités de créer des emplois. La productivité accrue diminuera aussi la pression exercée pour étendre les plantations afin de satisfaire la future croissance de la demande en bois.

Nouveaux emplois potentiels dans la gestion durable de forêts et niveau d’investissement nécessaire (objectifs annuels pour une période initiale de cinq ans)
Activité

Nouveaux emplois (millions, équivalent plein- temps)

Zone cible annuelle
(millions d’ha)

Dépense annuelle approximative
(milliards de $EU)

Boisement, reboisement et lutte contre la désertification

4–5

5

8

Amélioration de la productivité des forêts plantées existantes

0.5–1.0

10

1

Amélioration des bassins versants

1–3

1

6

Gestion des forêts indigènes

1–2

4

5

Conservation des forêts

2–3

20

7

Agroforesterie

0.5–0.75

2

1

Gestion des incendies

1.0–1.25

10

5

Foresterie urbaine et
périurbaine

0.1–0.5

0.1

2

Perfectionnement des compétences des travailleurs forestiers et des ouvriers des industries forestières

0.05

1

Total

10.1–16.5

36

Amélioration des bassins versants

En raison de la forte dégradation de nombreux bassins versants et de l’inquiétude croissante due à une baisse de l’approvisionnement en eau et de sa qualité, l’amélioration des bassins versants sera dans la plupart des pays un domaine important d’investissement dans la création d’emplois, à l’aide de techniques adaptées aux conditions écologiques, sociales et économiques propres au lieu. Outre le boisement, l’amélioration des bassins versants pourrait prévoir la construction de structures de conservation de l’eau et des sols, comme des barrages de retenue, des fossés de niveau et des terrasses, ouvrages à forte intensité de main-d’œuvre. Ces activités contribueront aussi à améliorer la base des biens naturels tout en générant des emplois.

Gestion des forêts naturelles

Les forêts naturelles sont importantes pour les services environnementaux qu’elles procurent – protection des bassins versants, conservation de la biodiversité, piégeage du carbone – et pour la production de bois (notamment dans les pays tropicaux), bien que leur rôle dans cette production diminue à cause de l’expansion des approvisionnements en bois provenant des forêts plantées. Toutefois, l’investissement dans la gestion des forêts naturelles a été négligeable. De grandes étendues de forêts secondaires surexploitées demeurent privées de gestion et se dégradent, en particulier à cause de pressions humaines croissantes. Dans de nombreux pays, l’état de ces forêts et de leurs services environnementaux pourrait s’améliorer grâce à la régénération assistée et à une gestion forestière «près de la nature» fondée sur une meilleure compréhension des processus écosystémiques. Les forêts secondaires gérées de façon durable pourraient produire également du bois de haute qualité pour certains créneaux commerciaux. Dans ce cas aussi, il est possible de faire appel au savoir traditionnel des communautés locales et d’adopter des technologies adaptées aux conditions locales.

Le boisement et le reboisement offrent les meilleures possibilités de création d’emplois, notamment lorsque le chômage rural est élevé et que de grands espaces de terres dégradées sont disponibles (arrosage de plants en pépinière pour la lutte contre la désertification, Sénégal)

FAO/FO-5186/L. Ferouki

Conservation des forêts

Malgré la demande croissante de services environnementaux, l’investissement dans la conservation des forêts a été limité (voir l’encadré 2). Les activités de conservation qui pourraient être accrues comprennent la délimitation des aires protégées, l’entretien des chemins et des pistes, le développement des lieux de loisirs, et l’établissement de centres d’éducation et d’information concernant la nature. Confier ces activités à des membres des communautés locales pourrait assurer la protection effective des aires de conservation. Étant donné que les aires protégées du monde occupent plus de 1,9 milliard d’hectares environ, un effort, aussi modeste soit-il, pour améliorer les zones accessibles fournirait des emplois à des milliers de personnes. À mesure que les économies se redresseront et que les revenus augmenteront, la demande de loisirs s’accroîtra, et les investissements dans l’amélioration des infrastructures et d’autres installations seront récupérés.

Agroforesterie

La production d’arbres a toujours fait partie intégrante de différents systèmes agricoles fournissant une panoplie de produits, comme les produits forestiers non ligneux. Dans de nombreux pays, les arbres plantés dans les exploitations sont devenus les plus importantes sources d’approvisionnement en bois. Avec un régime foncier assuré et une demande locale en expansion, l’agroforesterie pourrait se développer et les pratiques existantes tendre à s’améliorer. Ces activités ne généreront pas nécessairement des emplois à plein-temps, mais elles contribueront à réduire la pauvreté des ménages ruraux.

Bien que la demande de bois reste apathique, il serait intéressant d’examiner les possibilités qu’offrent l’entretien et l’amélioration des forêts plantées existantes (lutte contre les adventices dans une plantation forestière, Chili)

FAO/FO-5109/S. Bisoffi

Gestion des incendies

En raison de leur intensité et fréquence accrues, les incendies de forêt, attribués en partie au changement climatique mais aussi à l’absence de pratiques appropriées de gestion des combustibles, sont devenus des sources importantes d’émissions de carbone. La gestion des combustibles qui permet de réduire l’incidence et la gravité des incendies pourrait aussi accroître le nombre d’emplois, y compris au profit des communautés locales. Les activités dépendront des conditions locales, mais nombre d’entre elles prévoient l’utilisation d’une main-d’œuvre importante.

Espaces verts urbains et périurbains

Avec l’augmentation des populations urbaines, la demande d’espaces urbains verts s’accroît rapidement. De nombreuses municipalités créent des parcs et d’autres espaces verts pour améliorer l’environnement urbain, mais ces efforts pourraient être renforcés dans de nombreux endroits. La création d’emplois pour la planification, l’établissement et la gestion des espaces verts urbains et périurbains pourrait non seulement servir d’antidote au chômage urbain croissant, mais aussi améliorer la qualité de vie en milieu urbain.

En raison de l’inquiétude croissante concernant la qualité de l’eau et son approvisionnement, l’amélioration des bassins versants sera un domaine important d’investissement dans la création d’emplois (mesure de l’érosion du sol, Thaïlande)

FAO/FO-6417/M. Kashio

Perfectionnement des compétences des travailleurs forestiers et des ouvriers des industries forestières

Dans de nombreux pays, les travailleurs forestiers et les ouvriers des industries forestières ont peu ou n’ont pas de formation structurée, et leur niveau de compétences est faible. L’apathie de la demande de produits pourrait être le bon moment pour perfectionner les compétences et introduire de nouvelles technologies. Un programme systématique de perfectionnement des compétences exigerait des instructeurs et la création d’emplois pour des ouvriers compétents, qui autrement resteraient au chômage et risqueraient de perdre leurs connaissances. Un tel programme permettrait en outre d’économiser des ressources et de renforcer la sécurité des travailleurs, et d’accroître éventuellement leurs revenus.

Des possibilités d’emploi existent aussi dans la recherche et le développement – par exemple dans des techniques «vertes» permettant des économies d’énergie et de matériel, et dans la gestion organisationnelle – qui consentiraient l’application de pratiques forestières améliorées et assureraient un avantage compétitif. L’investissement dans la recherche et le développement pourrait altérer la nature des emplois forestiers à l’avenir.

L’investissement dans la gestion des aires protégées

Les fonds annuels affectés à la gestion des aires protégées pendant la décennie allant de 2000 à 2010 sont estimés à environ 6,5 milliards de dollars EU au niveau mondial, et ces activités se déroulent dans une très large mesure dans des pays développés. Dans de nombreux pays, les sommes destinées à la gestion des aires protégées ont baissé. En Afrique de l’Est, la dépense en faveur des aires protégées est inférieure à 3 dollars par hectare. D’après une estimation du financement nécessaire pour la gestion des aires protégées, il faudrait 45 milliards de dollars EU par an pour assurer un réseau étendu d’aires protégées terrestres et marines. Selon une autre estimation, la gestion des aires protégées dans les pays en développement nécessitera, à elle seule, de 12 à 13 milliards de dollars EU par an au cours de la prochaine décennie.

Source: IUCN, 2006.

APERÇU DES COÛTS ANNUELS

En résumé, les dépenses annuelles nécessaires pour reconstituer la base des biens forestiers en mettant en œuvre les activités décrites plus haut s’élèveraient à environ 36 milliards de dollars EU, répartis entre les activités indiquées dans le tableau page 6. Ces dépenses pourraient générer de 10 à 16 millions d’emplois, en fonction surtout des conditions locales, notamment du coût des intrants. Davantage d’emplois pourraient être créés dans les pays en développement où les salaires sont relativement bas.

Tomaselli (2006) a estimé que les investissements annuels dans le secteur forestier s’élevaient à environ 64 milliards de dollars EU, dont 46 milliards allaient aux secteurs industriel et commercial d’aval, alors que les 18 milliards restants servaient à la gestion forestière d’amont, à l’établissement de plantations et à la récolte – l’exploitation représentant souvent la majorité de l’investissement d’amont. On ne dispose d’aucune donnée précise sur la part investie dans la gestion forestière, ni d’estimations fiables des coûts de la gestion forestière durable. D’après Tomaselli, la gestion forestière durable exigerait un investissement d’environ 31 milliards de dollars EU par an. La mise en œuvre des initiatives visant la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD) pourrait faire plus que doubler ce chiffre (voir l’encadré).

Coûts de la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD)

Les coûts estimés de la mise en œuvre de la REDD dépendent du niveau voulu de réduction des émissions et du coût unitaire du CO2. Le coût annuel d’une réduction de 50 pour cent des émissions résultant de la déforestation pourrait atteindre de 17 à 33 milliards de dollars EU pour la période 2005-2030. Ce chiffre comprend les coûts initiaux, les coûts d’opportunité et les coûts de protection. La rentabilité d’autres modes d’utilisation des terres sera un facteur déterminant pour établir le loyer qui sera dû aux fournisseurs de crédits de carbone au titre de la REDD.

Source: Eliasch, 2008.

CONCLUSIONS

Le chômage en hausse vertigineuse et ses répercussions sociales et économiques suscitent de fortes préoccupations dans les pays qui se débattent pour surmonter la crise économique actuelle. La gestion durable des forêts pourrait être un élément déterminant dans les efforts de génération d’emplois, et elle offre des possibilités énormes de réaliser un grand nombre d’objectifs économiques, sociaux et environnementaux.

Des investissements publics ciblés permettraient de créer environ 10 millions de nouveaux emplois dans le boisement, le reboisement, la gestion des forêts naturelles, l’établissement et la gestion des espaces verts urbains et périurbains, l’amélioration des bassins versants, la protection des forêts contre les incendies, la construction de routes et de pistes, et l’établissement de lieux de récréation.

Grâce à ces investissements, les travailleurs au chômage ou ceux qui viennent de perdre leur emploi pourraient retrouver du travail, ce qui permettrait d’augmenter leurs revenus et leur consommation, et contribuerait à mettre fin à la récession économique. La plupart de ces emplois concerneraient les zones rurales, où ils aideraient à relever les niveaux de vie.

Ces investissements permettraient notamment d’aider à reconstituer des biens naturels fortement décimés dans le passé. Le chômage et le manque de revenus ont représenté des facteurs importants de déforestation et de dégradation des forêts dans la plupart des pays. L’emploi dans la gestion durable des forêts aurait ainsi un double avantage; tout en reconstituant la base des biens naturels, il réduirait aussi la déforestation et la dégradation qui se produisent souvent quand d’autres activités rémunératrices viennent à manquer. Sur la base des coûts actuels des activités de gestion durable des forêts, 10 millions d’emplois permettraient d’établir, restaurer ou améliorer de 8 à 10 millions d’hectares environ de forêts et de terres boisées, et d’inverser les processus de déforestation et de dégradation. Ces emplois serviraient aussi à renforcer la gestion des aires protégées, à améliorer les bassins versants, à créer de nouveaux espaces verts urbains et périurbains et à réduire la fréquence des incendies.

L’établissement de nouvelles forêts et terres boisées et la gestion améliorée des forêts existantes contribueraient directement à atténuer le changement climatique et à s’adapter à ses effets. Tant la réduction de la déforestation que l’établissement de nouvelles forêts plantées et de bosquets de village amélioreraient le piégeage et le stockage du carbone. Une gestion plus rationnelle des combustibles réduirait l’incidence et la gravité des incendies de forêt, aidant en outre à diminuer les émissions de carbone.

L’emploi dans des activités forestières peut fournir des solutions simples vraiment nécessaires. En reconstituant la base des ressources naturelles et en renforçant l’approvisionnement en biens et services, les investissements initiaux pourront aussi préparer la voie à des emplois à long terme. De nombreux pays ont déjà fait de la foresterie un élément important de leurs programmes actuels de relance économique, en mettant l’accent sur la création d’emplois. Le renforcement de ces efforts dans tous les pays pourrait avoir des effets positifs sur le plan économique, social et environnemental. Les nouveaux emplois seront adaptés aux conditions propres à chaque pays, afin de tirer pleinement profit des ressources et des capacités institutionnelles locales.

Les activités de gestion des combustibles contribuent à réduire l’incidence et la gravité des incendies de forêt, diminuant ainsi les émissions de carbone (brûlage dirigé visant à établir une ligne d’extinction à l’aide d’un pare-feu, États-Unis)

Bugwood.Org/0016350/J.H. Miller, US Forest Service

Bibliographie

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FAO. 2008. Contribution of the forestry sector to national economies, 1990–2006, par A. Lebedys. Forest Finance Working Paper FSFM/ACC/08. Rome.

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Gallagher, K.P. 2009. A global survey of stimulus plans. Post to online Global Crisis Debate, Macroeconomics theme. Disponible sur: www.VoxEU.org/index.php?q=node/3156

OIT. 2001. Globalization and sustainability: the forest and wood industries on the move. Genève, Suisse, Organisation internationale du travail.

OIT. 2009. Global employment trends update, May 2009. Genève, Suisse. Disponible sur: www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/documents/publication/wcms_106504.pdf

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Tomaselli, I. 2006. Brief study on funding and finance for forestry and forest-based sector – final report. Préparé pour le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF). Curitiba, Brésil.

UICN. 2006. Sustainable financing of protected areas: a global review of challenges and options. Gland, Suisse, Alliance mondiale pour la nature (actuellement Union internationale pour la conservation de la nature). Disponible sur: app.iucn.org/dbtw-wpd/edocs/PAG-013.pdf

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