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2.1.1 Forêts secondaires: stades de succession écologique et multiples chemins

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

FORETS SECONDAIRES: STADES DE SUCCESSION ECOLOGIQUE ET MULTIPLES CHEMINS2

Ecrit par
Frans Bongers et Erik Blokland
Wageningen University
Center for Ecosystem Studies
Group for Forest Ecology and Management
PO Box 47, 6700 AA ; Wageningen, Pays-Bas
Tél: 31-317-478029/007
Fax: 31-317-478078
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:
Réalité et perspectives
En collaboration avec l’UICN, l’ICRAF et le CIFOR
Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

Frans Bongers et Erik Blokland3

Résumé

La plupart des classifications des forêts secondaires partent d’un point de vue statique, dans lequel le développement forestier tend de façon unidirectionnelle vers une forêt mâture (« primaire »). Dans cet article, nous mettons en évidence les points forts et faibles de la classification actuellement adoptée par la FAO, et passons en revue les classifications existantes de la végétation ainsi que la façon dont les forêts secondaires y sont insérées. Nous proposons que les forêts secondaires soient intégrées dans ces classifications existantes de la végétation en tant que dimension supplémentaire en plus des autres critères de classification. Spécifiquement, nous caractérisons les forêts secondaires comme des systèmes forestiers hautement dynamiques. Ces forêts font partie, en fait, de multiples voies de développement en continuel changement. Ces dernières sont déterminées par divers facteurs tels que le climat, le sol, l’histoire, l’influence passée et actuelle de l’homme, ainsi que la durée du développement. Pour être en mesure de gérer ces systèmes, il est nécessaire d’analyser leurs voies de développement. Ainsi, nous introduisons un cadre de travail analytique pour l’étude et la conduite de la succession secondaire. Et enfin, nous présentons également un cadre de travail conceptuel pour l’impact des divers facteurs anthropiques sur le développement forestier.

1. Introduction

La surface forestière tropicale a diminué de façon drastique au cours des dernières décennies. Plusieurs pays d’Afrique francophone présentent des taux de déforestation extrêmement élevés, notamment la Côte d’Ivoire et Madagascar (Achard et al., 2002). La déforestation de la forêt mâture mène, en partie, au développement de la forêt secondaire. Ces changements ont été beaucoup documentés par de récents et importants travaux (FAO, 2001; WRI, 2000; Achard et al., 2002; ISPRA carte d’Afrique).

La forte augmentation des forêts secondaires, en termes de surface et d’importance, justifie des politiques et des directives de gestion pour une utilisation et un aménagement appropriés de ces forêts et de leurs ressources. Dans leur rapport sur l’importance de l’exploitation des forêts secondaires dans le développement, Emrich et al. (2000) listent 15 classifications différentes de forêts secondaires, dont la majorité datent d’après 1990.

Au cours des réunions régionales concernant ce sujet (Pucallpa 1997, Samarinda 2000, Nairobi 20024), de nombreuses discussions ont concerné les définitions des forêts secondaires. Comme ces forêts sont variées, il existe diverses façons de les définir en fonction de critères principaux de classification.

Au cours de ces mêmes réunions, les participants ont adopté la définition de Chokkalingam et de Jong (2001) basée sur trois critères majeurs: (1) Est-ce que les forêts secondaires apparaissent à la suite d’une perturbation d’origine naturelle ou seules les perturbations d’origine anthropique comptent? (2) Est-ce que l’intensité de la perturbation est importante dans la définition des forêts secondaires? (3) Est-ce que les successions végétales constituent un pré-requis, ou est-ce que les espèces dominantes après perturbation peuvent être similaires à celles de la canopée originelle?

Ces arguments ont constitué la base de la définition des forêts secondaires proposée par Chokkalingam et de Jong (2001): « Les forêts secondaires sont des forêts se régénérant dans une large mesure par des processus naturels après une importante perturbation d’origine naturelle ou anthropique de la végétation forestière originelle à un moment donné ou sur une longue période de temps, et dénotant des différences marquées dans la structure forestière et/ou de la composition spécifique de la canopée par rapport aux forêts primaires voisines sur des sites similaires ».

Toutefois, il n’existe pas de raisons, a priori, pour lesquelles la situation en Afrique devrait être différente de celle des autres continents, à moins que des facteurs climatiques, des critères écologiques, le type d’exploitation forestière, etc., ne soient pas comparables. Ces facteurs et leurs effets sur le développement des forêts secondaires, devraient en effet différer dans leur étendue et non dans leur nature.

L’intérêt porté à la classification a été démesuré et trop éloigné des principaux objectifs et problèmes auxquels les forêts secondaires sont confrontées. En termes d’aménagement forestier, la principale question devrait être la suivante: comment s’immiscer dans la succession secondaire forestière afin d’être capable d’orienter ce développement dans une direction plutôt qu’une autre? Selon nous, c’est le processus qui compte, et la classification n’est intéressante que lorsqu’elle fournit des indices pour le processus.

Dans cet article, nous passerons en revue la classification des forêts secondaires actuellement adoptée par la FAO (Chokkalingam et de Jong, 2001 et Rapport d'atelier de la FAO à Nairobi) et mettrons en relief ses points forts et faibles. Nous passerons également en revue les classifications existantes de la végétation et la façon dont les forêts secondaires en font partie. Il sera suggéré que les forêts secondaires soient intégrées dans ces classifications comme dimension supplémentaire en plus des autres critères de classification, et les forêts secondaires seront caractérisées en tant que systèmes à multiples étapes en continuel changement. Un cadre analytique pour l’étude et la direction de la succession secondaire sera présenté, et finalement, un cadre conceptuel de l’impact des divers facteurs anthropiques sur le développement forestier sera également exposé.

2. Classification des forêts secondaires et des perturbations

Chokkalingam et de Jong (2001) ont classifié les forêts secondaires en six groupes principaux (mais ils ont également reconnu que beaucoup d’autres groupes étaient également possibles). Ce sont: les forêts secondaires post-catastrophe, les forêts secondaires post-exploitation, les jachères forestières sur brûlis, les jardins forestiers secondaires, les forêts secondaires après abandon et les forêts réhabilitées.

En premier lieu, cette classification a certains mérites. Elle est basée sur les activités à l’origine de la «secondairisation» des forêts. Elle est également pratique et utilisable (même localement par des non-spécialistes). De plus, cette classification est exploitable pour les gestionnaires affectés à ces activités. Un des inconvénients de cette classification est la façon peu claire dont sont combinés le « zéro événement » et les interactions post zéro. La Figure 1 montre que les six classes de forêt secondaires prennent leurs origines dans trois types différents de perturbations.

Les deux premiers types de forêt, post-catastrophe et post-exploitation, sont le résultat de catastrophes et d’extraction. Dans cette classification, aucun aménagement ou perturbation n’est supposé apparaître après ces événements. Les jachères forestières sur brûlis et les jardins forestiers secondaires sont le résultat de l’agriculture, mais ces types sont différents en fonction de l’aménagement pratiqué. Les deux dernières classes de forêt secondaire peuvent être issues de quasiment tous les types de perturbations mentionnés ci-dessus. Ces types, les forêts secondaires après abandon et celles réhabilités, diffèrent dans la façon dont ces forêts sont laissées après la perturbation. La forêt secondaire après abandon est laissée à elle-même, non aménagée, alors que celle réhabilitée est aménagée et réhabilitée après perturbation.

Dans cet article, les classes de perturbation sont réduites au nombre de trois: catastrophe, exploitation et agriculture. En outre, la présence ou l’absence d’interventions humaines ainsi que la séquence des différentes perturbations devraient, selon nous, être incorporées dans un ‘nouveau’ système de classification.

Un autre point faible important de la classification de Chokkalingam et de Jong (2001) est dû à la non-prise en compte de critères écologiques principaux de classification comme le climat, la température/altitude, les sols, et la géographie. Ainsi, aucune distinction n’est faite entre les différentes formations végétales principales et aucun lien n’existe avec les classifications forestières existantes. Une classification plus écologique semble nécessaire. Ceci nous amène à s’intéresser aux forêts secondaires dans les classifications basées sur des critères climatiques, géographiques et écologiques.

3. Les forêts secondaires et les classifications classiques de végétation

Depuis le début de ce siècle, de nombreuses classifications ont été réalisées de la végétation mondiale (ou d’une partie de celle-ci). Différents termes existent pour désigner le même type forestier. Par exemple, Rollet (1974) inventorie environ 50 termes pour désigner les forêts denses humides de basse altitude. Cain et De Olieveira Castro (1959) citent une douzaine de termes différents, tous utilisés avant 1950, pour caractériser un seul type de forêt de montagne en Tanzanie (UNESCO, 1978, p. 105).

En ce qui concerne la terminologie utilisée pour les types principaux de végétation africaine (sud du Sahara), les anglais et les français ont tenté de trouver un accord au cours de la conférence tenue à Yangambi (Zaire) en 1956 (UNESCO, 1978, p. 105). Ils ont défini un cadre de travail utile pour les définitions et les études complémentaires. Toutefois, cet accord n’a pas permis d’aboutir à des classifications bien déterminées. De nombreux commentaires et critiques ont ainsi été formulés par la suite. Des tentatives de combinaison des formations forestières de différents continents ont soulevé de nombreux problèmes. Actuellement, de nombreuses classifications et beaucoup de noms existent toujours.

Plusieurs classifications prennent en compte la végétation d’Afrique francophone. Il peut s’agir de classifications traitant de la végétation au niveau mondial, des tropiques, de l’Afrique, de l’Afrique de l’Ouest ou de pays spécifiques. Des exemples de classification à ces différentes échelles sont montrées dans le tableau 1.

Certaines sont largement connues au niveau mondial comme par exemple, les classifications de Walter (1973), White (1983), Hall et Swaine (1981). D’autres sont plutôt connues à l’échelle régionale ou dans le monde francophone, comme celles de Schnell (1970), Guillaumet et Adjanohun (1971), Lebrun et Gilbert (1954). La plupart de ces classifications sont basées sur le climat, l’altitude, les sols et les précipitations. Ces facteurs constituent généralement la base de la physionomie de la végétation. Certaines classifications sont totalement basées sur la physionomie de la végétation ou sur une combinaison avec les caractéristiques des espèces.

De nombreuses classifications mentionnent le processus de secondarisation et les principaux facteurs à son origine: culture itinérante, érosion, brûlis, exploitation forestière et densité de population. Le rôle de l’homme est régulièrement mentionné, toutefois, cela ne fait pas partie des classifications, uniquement basées sur les facteurs environnementaux/biologiques.

Bien que la majorité des textes accompagnant ces classifications mentionnent les forêts secondaires ou la secondarisation d’une façon ou d’une autre, et bien que ce type de forêt soit important de façon claire dans la plupart des régions, nous ne savons pas pourquoi ces végétations secondaires ne sont pas considérées comme faisant partie du système. Ceci est peut être dû au fait que toutes les forêts secondaires constituent, d’une façon ou d’une autre, une végétation de remplacement (système dérivé) d’une végétation naturelle potentielle, et que la plupart des scientifiques impliqués dans les études de végétation ne considèrent pas ces systèmes secondaires comme assez importants. Toutefois, ces systèmes prennent actuellement de plus en plus d’importance, et ces classifications ne peuvent pas être conservées sans prendre pleinement en compte les situations secondaires.

Les études qui s’intéressent le plus aux forêts secondaires dans les classifications sont celles de Lebrun et Gilbert (1954), Trochain (1980) ainsi que celle de Guillamet et Adjonhoun (1982). La première étude présente les forêts secondaires comme une classe de forêt séparée, sans toutefois distinguer des types différents au sein de cette classe. Les deux autres études incluent des exemples d’un type forestier et décrivent la succession de stades évolutifs après perturbation. Aucun de ces exemples ne s’intéresse aux autres types de forêt, aux types de perturbation ou aux interventions humaines après perturbation.

L’importante classification de White (1983) inclut un type de forêt secondaire ainsi qu’un sous-type, uniquement pour la région guinéo-congolaise. Une distinction est également faite entre les forêts secondaires jeunes et âgées. Pour les autres régions, cette sous-classification n’est malheureusement pas fournie.

4. Les forêts secondaires comme dimension supplémentaire en plus d’autres critères

Les forêts secondaires diffèrent entre elles selon le type de perturbation, mais également selon le type de végétation antérieure, elle-même basée sur des critères environnementaux et biologiques.

Pour chaque type de forêt originelle, des gammes d’écosystèmes dérivés (forestiers) existent. Si par exemple cinq types forestiers sont distingués dans un système, il y aura ainsi au moins cinq séries de forêts secondaires, une pour chaque type forestier.

Selon nous, pour arriver à un système complet de classification, il faut prendre en compte différents types de perturbation. De cette façon, les facteurs biologiques tels que les perturbations d’origine naturelle ou anthropique, sont également utilisées comme critères. Les perturbations utilisées dans cet article proviennent de Chokkalingam et de Jong (2001). Comme cela est montré dans l’exemple de la forêt humide (Figure 2A), une perturbation peut causer un déséquilibre du système originel, ce qui mènera alors à une forêt secondaire. En fonction de la force de la perturbation, le système secondaire ne sera pas, non plus, un système en équilibre. Une perturbation très importante, ou une perturbation particulière qui déséquilibrerait totalement le système, pourrait entraîner un système particulier à ne plus être capable de retourner à son état d’origine. Ce changement d’écosystème vers un autre état plus ou moins stable, résultant d’un événement catastrophique, est montré pour différents écosystèmes dans le monde (Scheffer et al. 2002).

La figure montre également que selon le type forestier, les diverses perturbations auront des impacts différents. Par exemple, les incendies font partie du système d’une forêt sèche, alors que dans une forêt humide, les feux d’origine naturelle n’apparaissent que rarement (des feux peuvent néanmoins survenir régulièrement dans les forêts humides, Laurence, 2003). Si toutefois, des incendies survenaient dans une forêt humide, l’impact serait alors important (Laurance, 2003).

Un autre facteur, qui doit être pris en compte dans la réalisation d’un système de classification, est la possibilité que différentes perturbations peuvent être consécutives (Figure 2B). Les effets combinés des différentes perturbations peuvent alors être particulièrement désastreux pour le système. Actuellement, il n’existe qu’une connaissance limitée des directions et des amplitudes des effets issus de combinaisons et de séries de perturbations. De telles informations peuvent être alors utilisées pour interagir avec le système forestier et ainsi orienter le développement forestier, c’est-à-dire des activités de restauration forestière comme les traitements sylviculturaux et les plantations d’enrichissement (Fimbel et Fimbel, 1996; Duncan et Chapman, 2003a, b).

5. Les forêts secondaires sont des systèmes à multiples voies en continuel changement

Comme les forêts secondaires sont des systèmes très dynamiques, évoluant vers des forêts plus âgées et moins dynamiques, elles peuvent de ce fait être caractérisées par leur nature dynamique. Les forêts secondaires font toujours partie d’une série évolutive. Comme ces développements peuvent aller dans différentes directions, ils sont appelés des voies de développement. Comme une perturbation supplémentaire, due à des interventions, peut amener le système vers un stade de développement plus jeune, des voies cycliques peuvent être distinguées.

Etudier la dimension cyclique de forêts spécifiques (par exemple, des forêts humides sempervirentes sur sols riches, et leurs séries de remplacement) fournirait de nouvelles connaissances sur la façon de s’attaquer aux évolutions forestières non désirées. Pour les principaux types forestiers d’Afrique, il est suggéré que les séries évolutives et substitutives soient identifiées et étudiées. Seules des informations détaillées sur quelques types forestiers existent. Ces informations sont nécessaires afin que les interventions désirées soient assez spécifiques pour être utiles et réussies dans une série évolutive particulière. Nous donnerons ici quelques exemples:

- Les forêts humides de basse altitude du Sud Cameroun (van Gemerden et al., 2003; Zapfack et al., 2002), où l’agriculture est le facteur le plus important. Ici, l’intensité et la durée d’utilisation déterminent en grande partie le système et la qualité des forêts secondaires dérivées.

- La mosaïque forêts sèches/savanes dans le Sud Bénin (Nansen et al., 2001) a montré deux successions de stades évolutifs, une basée sur une forêt antérieurement perturbée, l’autre basé sur des terres agricoles précédemment cultivées.

- La série de la forêt miombo. Le miombo est un type de forêt dense sèche d’Afrique de l’Est. Il s’agit en fait d’un pyroclimax. Le climax climatique de la région est une forêt dense sèche appelée muhulu (Malaisse, 1978). Ce type de végétation présente différents niveaux de forêts secondaires en fonction des perturbations dues au feu (une série importante, Abbot et Homewood, 1999).

Un autre aspect intéressant est la possibilité que les voies s’entrelacent (une voie va dans une autre, comme résultat, peut être, d’une combinaison de changements ou d’interactions humaines). Est-ce que des forêts denses humides peuvent se transformer en un système forestier humide ouvert et ensuite en un système de savanes? Pour des types forestiers plus secs, c’est certainement le cas. Les forêts miombo, par exemple, semblent « naturelles » mais constituent en fait un système dérivé de forêts plus denses appelées muhulu. Il s’agit d’un pyroclimax (Malaisse, 1978), en plus du pastoralisme et des utilisations traditionnelles faites de la forêt (par exemple la collecte de bois et de produits non ligneux). Il est clair que de plus amples recherches sont nécessaires pour décrire et définir ces systèmes.

6. Un cadre analytique pour l’étude et la direction des voies de succession secondaire

Que faut-il savoir pour être capable d’aménager les forêts ou les végétations secondaires de façon plus globale? Il est nécessaire de connaître les processus secondaires qui engendrent les changements observés sur le terrain. Du fait que de nombreux facteurs et processus sont impliqués, il est nécessaire d’utiliser un modèle intégratif dans lequel ces facteurs et processus peuvent être étudiés de façon systématique. Le modèle proposé par Pickett et al. (1987, 1994) analyse le changement de végétation comme résultant d’une interaction de trois principaux facteurs: la disponibilité des sites ouverts, la disponibilité différentielle des espèces et la performance différentielle des espèces (Figure 3). Les trouées apparaissent après une perturbation, quand l’entière végétation, ou une partie de celle-ci, a disparu. L’espace créé permet aux nouvelles espèces et individus de s’implanter et de commencer leur développement. Néanmoins, les espèces ne sont pas toutes disponibles à tout moment. Certaines se reproduisent tôt dans le cycle biologique et de façon continue, comme de nombreuses espèces pionnières (par exemple les espèces du genre Musanga).

D’autres espèces se reproduisent tardivement et de façon irrégulière, comme de nombreuses espèces des forêts mâtures (par exemple, Khaya spp.). Les graines, et autre matériel de reproduction végétative des espèces, sont alors disponibles de façon différentielle. En même temps, les espèces se comportent différemment et ont des cycles biologiques divers. La germination est différente ainsi que les stratégies de croissance. Les espèces végétales réagissent différemment aux dynamiques de l’écosystème. La connaissance des cycles biologiques végétales est alors très importante pour comprendre les effets des terrains dénudées sur les espèces individuelles. Un arbre adulte (mais aussi un arbuste ou une liane) fleurit et produit des graines. Les fruits sont dispersés, les graines germent et les plants s’établissent. Ces derniers se développent jusqu’à devenir un petit arbre et plus tard un arbre adulte. Avec la floraison, le cycle est alors fermé. A tous les stades de développement, des individus meurent, et les processus qui sont impliqués ici, comme la dispersion, la germination, la croissance, la pollinisation, la germination, sont fortement influencés par des facteurs internes et externes.

Les différences dans les réponses des espèces constituent des éléments importants dans le changement de la végétation. La succession est le processus de changement dans la végétation et elle est intéressante pour l‘écologie forestière et l’aménagement forestier. Cet intérêt est mérité, car ce processus permet de donner un aperçu de la raison, du lieu, et du type de végétation existante, de la façon et la direction vers laquelle celle-ci se développe, ainsi que des facteurs moteurs les plus importants. C’est à ce niveau qu’un accord peut être trouvé et un rôle joué afin d’orienter le développement de la végétation dans la direction désirée.

Les influences anthropiques peuvent être traduites directement en facteurs plus environnementaux ou biologiques (Figure 4). De cette façon, l’influence de l’homme sur le développement de la végétation peut être directement étudiée.

7. Développement complémentaire

La façon systématique, décrite dans cet article, de considérer le changement de la végétation, ainsi que les facteurs impliqués, pourrait constituer un cadre de travail pour des analyses plus détaillées et la description de la succession secondaire et des forêts secondaires. Cette façon systématique d’analyser est plus importante que la classification per se. La classification ne devrait pas être un but mais un moyen. L’objectif devrait être l’analyse de situations spécifiques ou de groupes de situations: quelle est la situation actuelle, quels sont les problèmes, que pouvons-nous faire? Nous devrons chercher les goulots d’étranglement en matière de développement. Que se passe t’il, comment pouvons-nous faire une évaluation rapide de la situation actuelle et de la situation passée? Pouvons-nous prédire ce qui se passe?

Les principaux aspects actuels sont constitués par la description et la compréhension des séries de remplacement, basées sur la végétation potentielle. Comment la végétation secondaire se développe, à quelle vitesse et dans quelle direction? Combien de temps faut-il pour recouvrir les valeurs de forêts mâtures? Quel est le déterminant de la quantité et de la qualité du remplacement? Quelle est l’importance relative des facteurs moteurs? Par exemple, comment se passe la germination comparée à la reproduction générative? Et comment ces aspects diffèrent en fonction des types forestiers?

Il est important que nous commencions à considérer les forêts secondaires comme diverses, autant que des forêts mâtures, et qui présente des trajectoires de développement variées. Ces trajectoires peuvent être influencées par des actions spécifiques anthropiques.

En Afrique de l’Ouest, de nouveaux points de vue sont en train d’émerger à partir d’études récentes, par exemple au Cameroun (Van Gemerden et al., 2003; Zapfack et al., 2002), et au Bénin (Nansen et al., 2001). Une nouvelle emphase sur l’écologie de la restauration est nécessaire qui s’accorderait aux schémas de développement mentionnés ci-dessus et qui donnerait de l’espoir dans l’avenir (Dobson et al., 1997).

8. Remerciements

Nous voudrions remercier d’une part l’organisation de la réunion de Douala pour nous avoir invités à l’atelier de travail, et d’autre part, tous les participants pour les discussions stimulantes. Nous voudrions également remercier Herman Savenije, Froylán Castañeda, Mirjam Kuzee et Unna Chokkalingam pour les commentaires apportés à la précédente version du manuscrit et pour des discussions sur le thème. EC-LNV a aimablement appuyé la participation de FB à l’atelier de travail.

9. Références bibliographiques

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Tableau No1: Importance accordée aux forêts secondaires (FS) dans les classifications des forêts tropicales à l’échelle mondiale, de l'Afrique et nationale.

Les raisons de la dégradation forestière et les critères de classification sont donnés :

Auteurs

Echelle

 

Raisons de la dégradation

Critères des classifications

Schnell, 1971

Monde

X*

agriculture, destruction, feux

climat, sol, physionomonie

Holdridge et al., 1971

Monde

   

climat, latitude, altitude, évapotranspiration.

UNESCO, 1978

Monde

X

culture itinérante, brûlis, exploitation, érosion

physionomie, structure, écologique

Trochain, 1980

Monde

X, Y**

 

climat (micro), altitude, sols, physionomonie

Borota, 1991

Monde

   

climat, sol, altitude, physionomonie

Sayer et al., 1992

Monde

   

climat, utilisation historique des terres

Hamilton, 1989

Monde

   

climat, altitude, sol

FAO, 1993

Monde

   

climat, physionomie, distribution géographique

FAO, 2001

Monde

   

climat, physionomie, distribution géographique

Walter, 1973

Monde

   

climat, sol, physionomie

Aubreville, 1938

Afrique

X

 

climat, sol, facteurs biologiques

Knapp, 1973

Afrique

 

exploitation forestière, densité de population, bétail, taillis

climat, sol, physionomie

FAO, 1981

Afrique

X

agriculture, extraction de bois

climat, physionomie, distribution géographique

White, 1983

Afrique

X

culture itinérante, surpâturage, agriculture, feux

climat, physionomie, distribution géographique

Tailfer, 1989

Afrique centrale

X

 

climat, géographie, sol

Lebrun et Gilbert, 1954

Congo

X

 

climat

Guillaumet et Adjanohoun, 1971

Côte d’Ivoire

X

 

physionomie, climat

Heitz, 1943

Gabon

   

espèces seulement

Saint Aubin, 1963

Gabon

   

climat, géologie, relief

Reitsma, 1988

Gabon

X

culture itinérante, déforestation

physionomie, climat, sol

Taylor, 1960

Ghana

 

exploitation agricole et forestière, chasse, zones habitées, guerres, activités minières

climat, sol, topographie, physionomie

Hall et Swaine, 1976

Ghana

 

essartage, feux

climat, géologie, sols

Hall et Swaine, 1981

Ghana

 

essartage, feux

climat, géologie, sols

Voorhoeve, 1979

Libéria

   

géographie, climat, sols

* X = Les forêts secondaires (FS) sont explicitement mentionnées dans le document.

** Y= Les FS incluses dans la classification: formations arbustives secondaires, forêts secondaires jeunes et âgées

Figure 1. Les six types de forêts secondaires (Chokkalingam et de Jong, 2001) et les principales perturbations.

Figure 2: Différentes perturbations ont des impacts différents sur une forêt; plus forte est la perturbation, plus différent est le système forestier qui en résulte. Le cercle au centre al indique une vieille futaie, les cercles autour montrent des communautés dérivées qui peuvent constituer une forêt dégradée ou secondaire (A). Au fur et à mesure que le cercle s'éloigne du cercle central, le système de forêt est plus perturbé, et est plus difficile de revenir à la forêt d'origine. Un facteur de perturbation peut déplacer la forêt plus loin du centre et encore plus loin quand la perturbation augmente. Des perturbations différentes peuvent mener à des systèmes différents. La conjugaison de différentes perturbations peut conduire à un écosystème totalement différent (B).

Figure 3: Ce schéma représente la hiérarchie à trois niveaux de Picket, un outil conceptuel pour comprendre les facteurs et processus impliqués dans le changement de la végétation

Figure 4A: Un schéma conceptuel pour l’étude du développement forestier dans une matrice du paysage (A). Le schéma de Pickett (Figure 3) est au centre. Les influences anthropiques affectent le processus impliqué dans ce schéma, tout autant que les facteurs climatiques, la flore et la faune. Les influences anthropiques, à leur tour, sont largement déterminés par les impacts et les constructions sociales et culturelles.

Figure 4B: Les actions anthropiques sont décrites ainsi que l’endroit où ces actions et mesures sont incluses dans le schéma central de Pickett.

 


2 Article présenté à l’Atelier FAO/EC LNV/GTZ sur la gestion des forêts tropicales secondaires en Afrique: Réalité et perspectives; en collaboration avec l’UICN/Cameroun, le CIRAF et le CIFOR et l’appui des Gouvernements des Pays-Bas (EC LNV) et d’Allemagne (GTZ); Douala, Cameroun; 17 – 21 novembre 2003.

3 Université de Wageningen, Centre pour l’étude des écosystèmes, Groupe sur l’écologie forestière et l’aménagement forestier, PO Box 47, 6700 AA Wageningen, Pays-Bas.

4 (a) “International Workshop on the Current and Potential State of Management and Development of Secondary Tropical Forests in Latin America”, par Organisation for the Amazon Cooperation Treaty (OTCA), et le “Central American Commission on Forests” (CCAB), GTZ, et EC-LNV. Pucallpa, Peru. Juin 1997; (b) “International Workshop on Tropical Secondary Forests in Asia - Reality and Perspectives”, par CIFOR, GTZ, et EC-LNV. Samarinda, Indonésie. Avril 2000 ; (c) “ International workshop on Tropical Secondary Forest Management in Anglophone Africa: reality and perspectives” par FAO, GTZ et EC-LNV en collaboration avec ICRAF et CIFOR. Nairobi, Kenya. Décembre 2002.

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