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2.2.3 Les aspects socioéconomiques de la gestion des forêts tropicales secondaires en Afrique francophone

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

DOCUMENT THEMATIQUE #2:

Sur les aspects socioéconomiques des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone

Écrit par
Dr Léonie Bonnéhin
Corridor Manager
Programme Afrique de l’Ouest Conservation International
22 B. P. 842 ; Abidjan, Côte d’Ivoire 
Tel.: 225-22 41 24 67/68 Télécopie: 225-05 05 63 78
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, l’ICRAF et le CIFOR
Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

RESUME

Depuis le début de la deuxième moitié du XXe siècle, on assiste presque impuissant à la «secondarisation» des forêts tropicales africaines sous l’effet conjugué de divers facteurs à un rythme vertigineux. Des efforts ont été mis en œuvre pour juguler la disparition des forêts primaires. Cependant, les résultats demeurent en deçà des attentes des gouvernements et des gestionnaires des forêts. De nouvelles voies sont explorées afin de réduire les pressions anthropiques sur les ressources des forêts primaires.

Dans cette perspective, l'aménagement durable des forêts secondaires constitue une solution nouvelle. En effet, les forêts secondaires offrent d’immenses biens et services qui, aménagés et gérés durablement, pourraient subvenir aux besoins du développement économique, social et culturel des populations rurales et ainsi les détourner de l’exploitation des forêts primaires.

Diverses stratégies d’aménagement des forêts secondaires existent et ont été expérimentées dans différents pays, notamment en Asie. Cependant, ces stratégies doivent être adaptées aux contextes sociaux, économiques et écologiques des forêts africaines notamment dans l’espace francophone. De même, elles doivent répondre à des objectifs spécifiques et aux besoins des différents acteurs impliqués dans l’aménagement de ces sites.

Mots clés: durabilité, forêt secondaire, aménagement, diversité biologique, préservation.

1 INTRODUCTION GENERALE

La FAO définit les forêts secondaires comme des formations ligneuses se régénérant dans une large mesure par des processus naturels après une longue perturbation d’origine humaine et/ou naturelle de la végétation forestière originelle à un moment donné ou sur une longue période de temps, et dénotant des différences marquées dans la structure de la forêt et /ou de la composition des espèces du couvert par rapport aux forêts voisines sur des sites similaires.

En Afrique, et particulièrement en Afrique tropicale, c’est à partir de la deuxième moitié du XXe siècle que des massifs forestiers jusqu’alors faisant l’objet d'interventions humaines localisées et modérées (agriculture itinérante, cueillette, prélèvement limité de bois précieux, etc.), ont commencé à connaître des modifications, voire de profonds bouleversements tant au niveau de leur structure que de leur étendue. Des causes directes et des causes sous-jacentes sont généralement évoquées.

Parmi les causes directes, les plus importantes sont les variations climaciques, les cultures itinérantes, l'exploitation de bois, la conversion pour l'agriculture et l'élevage, le développement des infrastructures, etc. Certaines de ces causes ont des répercussions séquentielles. Par exemple, le développement des routes facilite l'accès et encourage l'exploitation des bois ainsi que l'ouverture de la forêt à l'agriculture.

Les causes sous-jacentes des problèmes forestiers sont complexes, imbriquées entre elles et dans beaucoup de cas, sont à rechercher en dehors du secteur forestier. Elles incluent les subventions accordées pour la conversion des forêts, la colonisation, les routes, l'ajustement structurel, la pauvreté, l'insécurité foncière, la démographie, l'instabilité politique mais aussi les échecs institutionnels ou l'incohérence des politiques sectorielles.

Selon les spécialistes des questions forestières, les chiffres actuellement disponibles concernant les forêts secondaires sont peu fiables et il est presque certain que ces types de forêt se multiplient : les évaluations, pour l’ensemble des régions tropicales, se situent entre 340 millions et 530 millions d’hectares. En dépit de leur prolifération, les forêts secondaires ont été, dans une large mesure, négligées par les décideurs et les forestiers dans de nombreux pays tropicaux quant à la mise en œuvre de véritables plans d’aménagement.

Cette « invisibilité » résulte en partie du manque de définition précise de l’expression « forêt secondaire » employée pour décrire toutes sortes d’états de la forêt. De plus, les forêts secondaires, en particulier lorsqu’elles sont jeunes et dominées par des arbustes et des essences pionnières, sont fréquemment considérées comme indésirables, sans valeur économique, et par conséquent éliminées pour faire place à d’autres utilisations des sols plus « productives ». D’autre part, quelques 250 à 500 millions de cultivateurs, dans un cinquième des zones de forêts tropicales du monde, apprécient le rôle que jouent les forêts secondaires en tant que jachère végétale dans des systèmes d’agriculture itinérante.

Indépendamment du problème de définition et de perception, on manque d’informations sur l’ampleur et sur la valeur actuelle et potentielle des ressources des forêts secondaires et sur les options d’aménagement qui leur conviendraient. Ainsi, les politiques forestières ne leur accordent que peu d’importance dans la définition des priorités en matière de développement, recherche, formation et de diffusion des techniques de gestion.

La présente communication a pour objectifs de (i) fournir des informations relatives à la situation des forêts secondaires en Afrique francophone, (ii) présenter leurs valeurs socioéconomiques et (iii) suggérer des pistes afin d’accroître leur capacité de produire, sur une base durable, des services économiques, sociaux et environnementaux pour un éventail de bénéficiaires.

2 PROCESSUS DE «SECONDARISATION» DES FORETS TROPICALES ET LA NECESSITE D’UN AMENAGEMENT POUR UNE GESTION DURABLE

2.1 Généralités sur le processus de formation des forêts secondaires tropicales

Sous les tropiques, la dégradation des forêts a pris d’importantes proportions: près de 350 millions d’hectares de terres forestières tropicales ont été si gravement endommagées que les forêts ne se rétabliront pas spontanément. De plus, le couvert forestier, sur une surface de 500 millions d’hectares, a été dégradé ou bien s’est reconstitué après le déboisement initial. Ce processus de "secondarisation" des forêts tropicales se déroule à une vitesse considérable et aujourd’hui, les forêts secondaires tendent à dépasser, en termes de superficie, les forêts primaires.

Tableau N°1: Estimation des forêts dégradées et secondaires par catégorie en Asie tropicale, Amérique tropicale et Afrique tropicale en 2000 (en millions d’hectares)

 

Asie

17 pays

Amérique

23 pays

Afrique

37 pays

Total

Forêts primaires dégradées et forêts secondaires

145

180

175

500

Terres forestières dégradées

125

155

70

350

Total

270

335

245

850

Source: OIBT, 2002

Les forêts secondaires tropicales se développent par un processus de succession naturelle, passant par plusieurs stades qui peuvent être différenciés par la dominance d’un groupe donné de plantes. Dans le modèle de base, le premier stade est dominé par des herbes, des arbustes et des lianes, qui s’établissent rapidement après des perturbations soit d’origine anthropique soit naturelle. Ces plantes se raréfient par la suite à cause de l’ombre engendrée par d’autres espèces qui se développent très vite afin d’atteindre le couvert pour dominer le deuxième stade pendant 10 à 20 ans.

Au fur et à mesure que ces plantes meurent, d’autres espèces de lumière déjà établies sur place profitent alors de conditions de croissance améliorées et deviennent progressivement dominantes. C’est le troisième stade de succession, qui peut durer 75 à 100 ans. L’occupation progressive du site par des espèces tolérant mieux l’ombre se produira probablement de façon continue durant ce stade et les suivants. Les différents taux de survie et de croissance entre les espèces à divers stades jouent un rôle important dans la succession, déterminant le mélange des espèces présentes à un stade donné.

Le rythme auquel s’opère la succession dépend d’une série de facteurs: intensité et durée de la perturbation originelle, distance à laquelle se trouve la forêt primaire, présence des disperseurs de graines, autres conditions du site telles que la topographie locale, le climat, les caractéristiques du sol et la lumière.

L’existence de différents mécanismes de régénération joue un rôle crucial dans la vitesse et l’évolution de la succession secondaire. Les rejets de souches et drageons racinaires des arbres forment une composante importante de la végétation qui se régénère, tant dans les forêts sèches que dans les forêts humides. La régénération par voie de semis reste cependant le principal mécanisme de régénération des espèces pionnières largement dispersées, particulièrement après des cycles répétés de récolte et de jachère pendant de longues périodes.

La productivité des forêts secondaires peut varier en fonction de facteurs tels que l’état du site, le temps écoulé depuis l’établissement humain et, plus spécifiquement, le nombre de cycles de récolte et de jachère dans un site particulier. Le type et l’intensité d’utilisation des sols durant les périodes de culture et la fréquence des perturbations telles que le brûlage accidentel en période de jachère, sont autant de facteurs qui influeront la productivité. A mesure que la succession avance, la densité totale des tiges tend à diminuer tandis que la hauteur, la surface terrière et le volume du peuplement augmentent.

Une des caractéristiques les plus typiques des forêts secondaires est leur forte hétérogénéité floristique, à la fois de l’étage dominant et du sous-étage, entre peuplements très peu éloignés les uns des autres. Ce phénomène est dû principalement aux variations phénologiques des espèces colonisatrices au moment de l’abandon des terres, au type de régénération et à la présence des différentes espèces d’arbres encore sur pied, ces facteurs pouvant influer sur la composition en espèces.

Les forêts secondaires font partie intégrante des paysages tropicaux. Cela signifie que leur formation et leur dynamique sont non seulement influencées par des facteurs au niveau de leur site mais également par un ensemble de facteurs biologiques et sociaux liés les uns aux autres et qui agissent à une plus grande échelle. Réciproquement, l’ampleur et la configuration des forêts secondaires à travers un paysage jouent un rôle important en déterminant la fonctionnalité de ce paysage particulier, c’est-à-dire une mesure qualitative et quantitative des biens, services, processus écologiques et futures options offerts par les paysages.

Les forêts secondaires sont généralement situées dans des zones accessibles, près des établissements humains et sont, de ce fait, desservies par une infrastructure relativement bonne. Elles représentent une composante de plus en plus importante des ressources forestières dans les régions tropicales et, si elles sont entretenues et gérées correctement, elles peuvent fournir tout un éventail de biens et de services aux niveaux locaux, nationaux et internationaux.

2.2 Aménagement des forêts secondaires tropicales

L'aménagement durable des forêts secondaires paraît important pour deux raisons fondamentales: pour la préservation de la diversité biologique, dans la mesure où il permet de réduire les diverses contraintes qui pèsent sur les forêts tropicales ombrophiles, et pour la fourniture de biens et services aux populations par ces écosystèmes. En effet, les forêts secondaires sont précieuses pour les communautés locales en offrant de nombreuses ressources économiques.

Plusieurs systèmes sylvicoles ayant pour objet d'augmenter la productivité des forêts secondaires, ont été mis en place avec succès. Il a été de plus démontré que l’aménagement de ces forêts dans une perspective durable était techniquement et économiquement viable. La superficie des forêts secondaires a sensiblement augmenté, ces dernières années, en raison de l'exploitation des forêts primaires. Gómez-Pompa et Vasquez-Yanes (1974) définissent notre époque comme "l'ère des forêts secondaires" dans la mesure où, à quelques exceptions près, dans plusieurs pays tropicaux, les statistiques montrent que la superficie des forêts secondaires tend à dépasser celle des forêts primaires (Finegan, 1992).

La grande importance des forêts secondaires et l'attention qu'il convient de leur accorder apparaissent clairement. Il est par conséquent important d’étudier davantage leurs caractéristiques écologiques, leurs biens et services, ainsi que leur aménagement, afin d'assurer le développement durable des ressources forestières et de préserver le patrimoine naturel dans l'intérêt des générations à venir.

Les forêts tropicales ombrophiles primaires, en particulier si elles sont situées à basse altitude, sont et seront à l’avenir une source substantielle de biens et de services. C'est pourquoi l'intervention de l'homme dans ces écosystèmes n'est pas seulement nécessaire, mais dans certains cas, paraît inévitable. Par conséquent, leur superficie au niveau mondial pourrait continuer de diminuer, à moins d’utiliser des techniques d'aménagement de ces ressources qui soient durables. Ces zones boisées sont actuellement exploitées de façon irrationnelle, sans véritable plan d'aménagement durable. Elles sont ainsi transformées notamment en espaces cultivables ou en pâturages, au rythme de 70 000 à 200 000 km2 par an. Si cette tendance se poursuit, la productivité des sols diminuera de façon alarmante, entraînant des rendements très bas, voire trop bas pour maintenir une subsistance minimale.

Dans les régions néo-tropicales, 21 millions d'hectares de terres agricoles désaffectées au Mexique, en Amérique centrale et dans les Caraïbes se sont régénérés à la fin des années 70 pour donner naissance à des forêts secondaires. En Amérique du Sud, 78 millions d'hectares de forêts secondaires d'origine comparable ont été recensés. Toujours d'après la même source, ces chiffres atteindraient en 1985 en Amérique centrale et dans les Caraïbes, d'une part, et en Amérique du Sud, d'autre part, respectivement 23 millions et 83 millions d'hectares.

On admet à l'heure actuelle la disparition de la forêt tropicale ombrophile, et en particulier de la forêt primaire, dans tous les milieux sociaux. Il est du ressort de la société en général, mais surtout de celui du sylviculteur ou du forestier, d'étudier attentivement les caractéristiques écologiques, biologiques, sociales, économiques et environnementales des forêts secondaires afin d'en tirer les conclusions nécessaires à la conception et à la mise en oeuvre de mesures d'aménagement durable qui permettent de préserver la diversité biologique et leurs autres atouts.

Il y a plusieurs bonnes raisons pour lesquelles les forêts secondaires sont fondamentales pour la préservation de la diversité biologique dans les régions tropicales. Tout d'abord, ces forêts sont le fruit d'une importante activité humaine et, dans la plupart des cas, elles sont très accessibles car situées à proximité de zones habitées. De nombreuses caractéristiques font que les espèces arborées des forêts secondaires une ressource précieuse et utile.

Il est possible de réduire les contraintes pesant sur les forêts primaires si d’une part la valeur des forêts secondaires est reconnue et si d’autre part, elles sont aménagées dans une perspective durable afin de répondre à certains des besoins humains à l'origine de la destruction des forêts primaires. En deuxième lieu, outre son rôle naturel, fondamental dans la régénération et la conservation de certains sols dégradés par suite du changement d'affectation des terrains, les forêts secondaires ont également leur importance dans la régulation naturelle des sources d'eau et de la diversité biologique par exemple.

Ainsi, grâce au potentiel et à la superficie des forêts secondaires, on peut espérer que l'humanité cessera d'avoir recours à d'importantes étendues de forêt primaire pour répondre à ses besoins (bois, faune sauvage, huiles, etc.) et contribuera ainsi à la préservation de la diversité biologique et génétique dans ces forêts.

3 LES FORETS SECONDAIRES EN AFRIQUE FRANCOPHONE

3.1 Aperçu sur les forêts secondaires tropicales de l’Afrique francophone

En Afrique tropicale francophone comme partout ailleurs en Afrique, le processus de «secondarisation» des forêts a véritablement commencé au début de la 2e moitié du XXe siècle avec deux facteurs principaux: le passage des sociétés traditionnelles africaines à une économie de profit et l'essor démographique. Avec les besoins croissants en matériaux de construction, l'augmentation de la production agricole, du besoin en terres de conversion, et surtout l'idée reçue d'étendues inépuisables de surfaces boisées, on assiste à une accélération du phénomène de déboisement.

Cependant, si l’émergence des méthodes d'observation spatiale et des possibilités de traitement informatique des données a permis dès les années 70 de faire les premières constatations du caractère limité des ressources forestières, c’est seulement à partir des années 80 que des actions d’aménagement des massifs forestiers en Afrique francophone soutenues par des plans d’aménagement ont été entreprises. Ces tentatives se sont d’ailleurs vite montrées inopérantes et illusoires.

Tableau No 2: Modification de la superficie forestière entre 1990 et 2000

Pays/superficie

Total forêts 1990
(milliers d'ha)

Total forêts 2000 (milliers d'ha)

Modification du couvert forestier
1990- 2000

   

Modification annuelle
(milliers d'ha)

Taux annuel de changement
(%)

Bénin

3 349

2 650

- 70

- 2.3

Burkina Faso

7 241

7 089

- 15

- 0.2

Burundi

241

94

- 15

- 9.0

Cameroun

26 076

23 858

- 222

- 0.9

Rép. Centrafricaine

23 207

22 907

- 30

- 0.1

Tchad

13 509

12 692

- 82

- 0.6

Comores

12

8

n.s.

- 4.3

Congo

22 235

22 060

- 17

- 0.1

Côte d'Ivoire

9 766

7 117

- 265

- 3.1

Congo, Rép. dém.

140 531

135 207

- 532

- 0.4

Djibouti

6

6

n.s.

n.s.

Gabon

21 927

21 826

- 10

n.s.

Guinée

7 276

6 929

- 35

- 0.5

Madagascar

12 901

11 727

- 117

- 0.9

Mali

14 179

13 186

- 99

- 0.7

Maurice

17

16

n.s.

- 0.6

Niger

1 945

1 328

- 62

- 3.7

Réunion

76

71

- 1

- 0.8

Rwanda

457

307

- 15

- 3.9

Sénégal

6 655

6 205

- 45

- 0.7

Seychelles

30

30

n.s.

n.s.

Togo

719

510

- 21

- 3.4

Source : Insee et Eurostat ; n.s. non significatif

3.2 Valeurs socioéconomiques des forêts secondaires tropicales de l’Afrique francophone

Les forêts secondaires fournissent de nombreux biens et services aux niveaux locaux, nationaux et internationaux que nous pouvons regrouper en six points principaux.

• Les forêts secondaires comme jachères

Les forêts secondaires sont utilisées comme jachère dans le cadre de l’agriculture itinérante et font souvent partie de systèmes agricoles des petits paysans qui s’en servent pour rétablir la fertilité des sols et lutter contre les ravageurs et les maladies.

• Les forêts secondaires, sources de bois de feu et de charbon de bois

Les bois de feu et le charbon de bois sont les principales sources d’énergie des populations rurales et une frange importante des populations urbaines des régions tropicales d’Afrique.

Tableau No 3: Part du bois de feu dans l'approvisionnement énergétique de quelques pays tropicaux

Pays

1978 (%)

1982 (%)

1990 (%)

Sénégal

60

82

54

Mauritanie

69

94

nd

Mali

93

90

80

Burkina Faso

94

94

91

Niger

88

95

80

Tchad

89

nd

80

Côte d'Ivoire

65

60

72

• Les forêts secondaires, sources de produits forestiers non ligneux (PFNL)

Les produits forestiers non ligneux sont récoltés dans les forêts secondaires car elles sont généralement accessibles. Plusieurs PFNL sont aujourd’hui importés de l'Afrique subsaharienne et vendus dans plusieurs pays d'Europe (voir en annexe). Bien que destinés principalement à la diaspora africaine, ces produits n'ont pas tous la même importance. Les importateurs et les détaillants rencontrés distinguent les PFNL principaux et les PFNL secondaires.

Les PFNL principaux sont des PFNL importés en quantités importantes. Ils sont constitués aussi bien de PFNL issus d’espèces spontanées que cultivées. Certains sont importés toute l'année: c'est le cas du fumbua ou okasi (Gnetum spp.), de la mangue sauvage ou ogbono (Irvingia gabonensis) et du kwanga (Manihot esculenta). D'autres le sont en fonction de leur saisonnalité: c'est le cas du safou (Dacryodes edulis).

Les PFNL secondaires sont ceux dont les volumes importés sont faibles voire très faibles. Leur vente est limitée, notamment à Paris et à Londres, dans les épiceries tenues par des africains. Certains sont issus de la flore spontanée: c'est le cas du matongué (Landolphia ovariensis), du tondolo (Aframomum giganteum), du mundongo (Aframomum melegueta), du bulukutu ou efirin (Lippia multiflora), du nététou (Parkia biglobosa), des feuilles d’Amaranthaceae et de l'éponge végétale (Luffa cylindrica).

D'autres PFNL sont issus de cultures: c'est le cas de la pomme cythère (Spondias cytherea) et le lumba lumba (Ocimum gratisimum), le pumpkin (Telfaira occidentalis), le soko (Celosia argentea) et le vin de palme (Elaeis guineensis). On y trouve aussi des PFNL animaux: le mpossé (Rhyncophorus phoenicis), les chenilles et les escargots.

Tableau No4: Liste des principaux PFNL importés en Europe

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

Attiéké CI

Manihot eculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercules*

Bissap W ou ngai ngai Li

Hibiscus sabdariffa L.

Malvaceae

cultivé

feuilles

Biteku téku Li ou Epinard
Fr

Amaranthus hybridus L.

Amaranthaceae

cultivé

feuilles

Caroub CMR

Tetrapleura tetraptera Tauba

Mimosaceae

spontané

fruits

Ekolabuab CMR

Xylopia aethiopica A. Rich

Annonaceae

spontané

fruits

Escargots frais Fr

Achatina spp.

Achatinaceae

faune sauvage

escargot entier

Fumbua sec Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Fumbua frais Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Igname Fr

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercules

Kwanga Li

Manihot esculenta L.

Euphorbiaceae

cultivé

tubercules*

Mangue Fr

Mangifera indica L.

Burseraceae

cultivé

fruits

Mangue sauvage CMR
ou Sioko CI

Irvingia gabonensis Baillon

Irvingiaceae

spontané

cotylédons

M'bika Li ou Graine de
courge Fr

Cucumeropsis spp.

Cucurbitaceae

cultivé

graines

Ndolé CMR

Vernonia spp.

Asteraceae

cultivé

feuilles

N'jansan CMR

Ricinodendron heudelotii (Baillon) Pax

Euphorbiaceae

spontané

graines

Noix de Kola

Cola nitida A. Chevalier

spontané

spontané

graines

Petit Kola Fr

Garcinia kola Haeckel

Clusiaceae

spontané

graines

Placali CI

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercules

Safou ki

Dacryodes edulis (G.Don)Lam

Burseraceae

cultivé

fruits

Saka saka en feuilles ki

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Saka saka surgelé ki

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

* transformé

Fr : français ki : kikongo ya léta CMR : Camerounais Li : lingala CI : Côte d'Ivoire W : wolof

Tableau N°4 (suite): Liste des PFNL principaux vendus en Europe

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

African pear ou safou Li

Dacryodes edulis (G.Don) Lam

Burseraceae

cultivé

fruits

Bitter leaf ANG

Vernonia spp.

Asteraceae

cultivé

feuilles

Bitter kola ANG

Garcinia kola Haeckel

Sterculiacea

spontané

graines

Cassava leaves ANG ou
pondu Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Gari**

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercule s

Egusi** Li

Cumeropsis spp.

Cucurbitaceae

cultivé

graines

Kwanga Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

tubercules*

Noix de kola ou kola nut
ANG

Cola nitida A. Chevalier

Sterculiaceae

spontané

graines

Ogbono NGR

Irvingia gabonensis Baill

Irvingiaceae

spontané

cotylédons

Okasi NGR ou fumbua Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles

Pepper soup

Xylopia aethiopica A. Rich

Annonaceae

spontané

fruits secs

Potato leaves ou
matembele Li

Ipomoea batatas (Lam)L.

Convolvulaceae

cultivé

feuilles

Prekesse GH

Tetrapleura tetraptera Tauba

Mimosaceae

spontané

fruits secs

Punder d'Iyan ANG

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercules*

Ugu NGR

Telfairea occidentalis Hook f.

Cucurbitaceae

cultivé

feuilles

Uziza NGR

Piper spp.

Piperaceae

cultivé

feuilles

Yam ANG

Dioscorea spp.

Dioscoreaceae

cultivé

tubercule

*transformé ** n'est pas pris en compte dans l'évaluation ; NGR: Nigeria G : Ghana Li: lingala ANG: Anglais

Tableau N°4 (suite): Liste des PFNL principaux vendus en Europe

Nom commercial

Nom scientifique

Famille

Statut

Organe vendu

Baguitche Cr

Hibiscus sabadariffa L.

Malvaceae

cultivé

Cabacera Cr

Adansonia digitata L.

Bombacaceae

spontanée

graines séchées

Fodja de batata doce Cr

Ipomoea batatas (L.) Lam

Convolvulaceae

cultivé

feuilles séchées

Folio do mandioca Por

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles* séchées

Fumbua Li

Gnetum spp.

Gnetaceae

spontané

feuilles séchées

Kwanga Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

Lalo W

Adansonia digitata L.

Bombacaceae

spontané

feuilles séchées

Njakatou Cr

Solanum spp.

Solanaceae

cultivé

fruits

Noix de kola Fr

Cola nitida A.Chevalier

Clusiaceae

spontanée

graines

Pondu Li

Manihot esculenta Grantz

Euphorbiaceae

cultivé

feuilles

Veludo Cr

Dialium guineense Willd

Caesalpiniaceae

spontané

graines séchées

Li : lingala Cr : Créole Fr : Français Por : Portugais W : Wolof

Tableau N°5: Estimation des PFNL exportés d’Afrique vers l’Europe

Pays

Royaume Uni

France

Belgique

Portugal

Espagne

Total

Volume

(Tonnes)

22 920

8 565

166

114

11

31 776

Valeur

($ US)

75 446 800

19 221 667

772 148

835 667

147 969

96 424 251

• Les forêts secondaires, sources de protéines animales et de plantes médicinales

L'importance de la viande de brousse dans l'alimentation des populations africaines est bien connue. Les mammifères sauvages de toutes espèces sont consommés (surtout les céphalophes et les rongeurs), mais également les roussettes et les primates, ainsi que certains reptiles et oiseaux (de même que leurs œufs, et oisillons) et les invertébrés (escargots et insectes).

La viande de brousse est consommée par toutes les classes de population, et elle est souvent préférée à la viande d'animaux domestiques. La demande dépasse de loin l'offre, et beaucoup ne peuvent s'en procurer en quantité suffisante. Elle rapporte des recettes tellement élevées que les chasseurs préfèrent vendre leur gibier et acheter du poisson (qui est bien moins cher) pour leur famille. Cette forte demande de viande de brousse a entraîné une surexploitation qui compromet gravement la conservation de plusieurs espèces animales.

La faune sauvage a de tout temps constitué une source de revenus, principalement par la vente de la viande de brousse et d'autres produits tels que les cornes, peaux et trophées. Asibey (1980) a constaté qu'un chasseur-paysan tire de la vente du gibier des recettes bien supérieures à celles de la culture du maïs. Le commerce de la viande de brousse est lucratif non seulement pour le chasseur, mais aussi pour les femmes qui la vendent au détail. Au marché du gibier de Yopougon (Abidjan), certaines marchandes se succèdent depuis quatre générations. La vente de gibier est leur principal moyen d'existence. En Afrique de l'Ouest, la forte demande de viande de brousse n'a pas favorisé le commerce d'animaux vivants, ni les safaris de chasse ou de tourisme, comme en Afrique orientale et australe

La plupart des populations africaines reconnaissent les vertus curatives des plantes pour guérir diverses maladies physiques ou mentales. Les plantes entrent également dans les soins apportés aux futures mères. Dans les zones rurales où l'accès à l'hôpital est difficile, voire impossible, les gens ont largement recours à la médecine traditionnelle, à base de produits végétaux et animaux. Keharo et Adam (1974) présentent une analyse scientifique des usages thérapeutiques et des propriétés chimiques de 550 espèces de plantes utilisées au Sénégal et dans les pays voisins. Sur les marchés dans la quasi-totalité des villes, grandes ou petites, d'Afrique de l'ouest, des parties de plantes ou d'animaux sont vendues pour un usage médicinal.

• Les forêts secondaires, sources de bois

Les forêts secondaires fournissent du bois pour satisfaire les besoins locaux en matière de construction de maisons et de poteaux ainsi que du bois destiné aux marchés.

• Les forêts secondaires et services environnementaux

Bien gérées, les forêts secondaires offrent d’importants services environnementaux. En effet, elles protègent les sols de l’érosion, régulent les régimes hydriques, favorisent le cycle hydrologique et réduisent les déperditions d’eau de surface par ruissellement le long des pentes. Elles fixent et piègent également de grandes quantités de carbone, ce qui contribue à l’atténuation du réchauffement de la terre. Elles servent de refuges de biodiversité et de couloirs biologiques dans des paysages morcelés/agricoles ainsi que de modèles pour la réhabilitation forestière. Les forêts secondaires contribuent à réduire les risques d’incendie et favorisent la conservation des ressources génétiques.

Tableau No 6: Consommation mondiale de produits forestiers en 1994

Produits

 

Bois de feu

et charbon

Bois rond industriel

Sciages

Panneaux et dérivés

Total

Consommation

(en millions de m3)

1,697

(76%)

406

(18%)

112

(5%)

30

(1%)

2,245

(100%)

FAO, 1994

• Les forêts secondaires pour atténuer la pression sur les forêts primaires

L’utilisation des forêts secondaires peut atténuer la pression anthropique sur les forêts primaires, réduisant ainsi les taux de déboisement. Pour cela, il faut que d’une part les produits des forêts secondaires conviennent aux mêmes usages que ceux tirés des forêts primaires, et que d’autre part les gains financiers soient comparables et que les conditions économiques n’encouragent pas l’utilisation simultanée des deux types de forêt.

7 AMENAGEMENT ET GESTION DES FORETS SECONDAIRES

4.1 Principes généraux pour l’aménagement et la gestion durable des forêts secondaires

Selon les objectifs de l’aménagement, plusieurs options peuvent être envisagées pour l’aménagement des forêts secondaires, notamment:

- les laisser repousser (par exemple comme terres réservées);

- les gérer en tant que végétation de jachère dans un cycle de culture;

- les gérer en tant qu’éléments d’un système agroforesterie pour produire un mélange d’arbres et /ou des arbres à usages multiples;

- les gérer en régime de futaie pour la production de bois ou à des fins multiples;

- les convertir en plantations d’arbres ou à une utilisation non forestière des sols.

Les plans d’aménagement doivent tenir compte de l’âge et de la composition de la forêt, ainsi que de l’historique du site et des conditions locales. Etant donné que les forêts secondaires sont parfois situées sur des terres appartenant à de petits propriétaires, il est nécessaire, pour déterminer les options d’aménagement, de connaître le rôle de cette ressource dans les systèmes de production agricole ainsi que les facteurs qui sous-tendent la prise de décision par les intéressés.

La stratégie de gestion variera selon les objectifs de l’aménagement, la disponibilité des terrains, la main d’œuvre, les moyens financiers, les caractéristiques biophysiques, les marchés, les coûts d’opportunité, etc. La gestion de la végétation de la jachère, en tant qu’élément du système d’agriculture itinérante, exigera des techniques permettant de courtes périodes de jachère qui ne compromettent pas la productivité agricole. Par exemple, l’incorporation d’espèces régénératrices telles que des essences légumineuses fournissant du bois d’œuvre, contribuera au rétablissement accéléré des nutriments du sol pendant la période de jachère.

Si les forêts sont gérées dans le cadre d’un système de culture ayant pour objet d’obtenir des produits forestiers à des fins de subsistance ou de vente, il y aura lieu d’encourager des pratiques sylvicoles qui favorisent l’établissement et optimisent la croissance d’espèces d’arbres localement désirables en semant ou en plantant les espèces visées au moment de la phase de récolte du cycle agricole. Les caractéristiques des espèces qui facilitent la gestion dans de telles conditions sont, entre autres:

- la capacité de repousser après les coupes et le feu;

- la compatibilité des espèces avec le cycle agricole;

- la tolérance de l’ombre dans le cas des plantes autres que des arbres.

S’il s’agit d’un régime de gestion visant à assurer la production durable de bois et/ou de PFNL, les propriétaires fonciers et/ou les usagers de la forêt devront sans doute ne pas inclure certaines terres dans le cycle de récolte et de jachère. Les usages multiples d’un grand nombre d’espèces qui poussent dans les forêts secondaires constituent l’élément le plus important à prendre en considération pour la gestion de ces forêts.

Les interventions sylvicoles opérées en vue de stimuler la production d’espèces des forêts primaires tropicales produisant du bois marchand (par exemple éclaircie, nettoiement) peuvent également être applicables dans les forêts secondaires. L’expérience a prouvé que les jeunes forêts secondaires réagissent mieux aux traitements sylvicoles que les forêts primaires en raison des dimensions plus faibles des arbres et de leur croissance rapide.

Lorsque l’objectif sylvicole principal est d’obtenir une productivité élevée de bois, la meilleure méthode consiste à adopter un système monocyclique fondé sur la création d’un peuplement futur équienne en pratiquant des ouvertures, peu avant la récolte, au niveau des étages intermédiaire et dominant du couvert. Cette stratégie est indispensable dans le cas d’espèces pionnières de lumière qui nécessitent l’élimination quasi totale du couvert pour stimuler la germination de leurs graines et favoriser la croissance et la survie des jeunes plants.

Il convient néanmoins d'appliquer ces critères d'aménagement avec de grandes précautions (Finegan, 1992). En effet, les différences dans la composition de la flore entre la forêt secondaire et la forêt primaire, impliquent des techniques d'aménagement sensiblement différentes par rapport à celles traditionnellement appliquées dans l'aménagement d'autres types de forêt.

Concernant l’utilisation des biens et services des forêts secondaires tropicales, les recherches doivent s'orienter vers le développement de techniques rationnelles d’exploitation qui soient efficaces et respectueuses de l'environnement, ainsi que vers la définition de nouveaux produits de qualité. Ces études doivent ainsi permettre de mettre en valeur d'autres essences traditionnellement non commercialisées, mais très présentes dans les forêts secondaires.

Selon les conclusions des études (voir les références bibliographiques) portant sur l'aménagement des forêts secondaires tropicales, il apparaît que cet aménagement peut être réalisé par le biais de deux systèmes de régénération naturelle : grâce à des graines provenant d'arbres situés à proximité de la forêt ou bien provenant d'arbres (semenciers) restés sur pied. Dans les deux cas, si la régénération naturelle est faible et/ou insuffisante, des mesures d'aménagement telles que la plantation artificielle supplémentaire de jeunes arbres ou plantation d'enrichissement, peuvent contribuer à assurer la présence d'un peuplement forestier destiné à une exploitation future. Des exemples du premier type de régénération ont été décrits par Finegan (1992).

Au Costa Rica, le "Système d'étage protecteur de Trinidad" a été modifié pour l'aménagement des forêts secondaires. Il a permis de bons résultats uniquement dans des zones où les essences souhaitées se sont suffisamment régénérées. Martínez (1979) a également appliqué les techniques de régénération naturelle dans le sud de Florencia, Turrialba au Costa Rica, avec les mêmes objectifs.

Dans plusieurs pays tropicaux, a été appliqué avec succès un procédé consistant à stimuler la création de forêts secondaires par la plantation d'arbres en rangées dans les clairières. Des ouvrages décrivent également le système "Recru-method" utilisé pour enrichir les forêts récemment exploitées au Gabon et qui a été modifié pour être appliqué dans les forêts secondaires d'Amazonie au Brésil.

Les expériences les plus remarquables menées dans les régions tropicales (Trinidad, Malaisie, Costa Rica, Colombie, Pérou et Brésil), démontrent qu'il est techniquement possible d'aménager les forêts secondaires tropicales ombrophiles de basse altitude (Finegan, 1992). Comme l'affirme ce document, il existe des preuves tangibles de la durabilité de l'aménagement des forêts secondaires qui peuvent alors fournir des biens et services divers sans qu'en pâtisse l'environnement ni la diversité biologique.

4.2 Contraintes en matière d’aménagement des forêts secondaires

Comme pour les forêts primaires, l’aménagement des forêts secondaires doit faire face à diverses contraintes, tant au niveau technique, scientifique, socioéconomique, politique que socioculturel.

• Les contraintes techniques et scientifiques.

Les données d'inventaires, préalable à tout projet d'aménagement, sont trop souvent peu fiables ou inaccessibles par manque de moyens et/ou d'informations concernant la production, la croissance des espèces intéressantes et le rendement à long terme. En effet, la constitution de bases de données (numériques, cartographiques, bibliographiques) rassemblant l'acquis disponible (climat, sol, topographie, flore, faune...) fait souvent cruellement défaut tant au niveau régional que national ou local. L'archivage et la mobilisation des acquis est une source d'économie et d'efficacité. Ces bases de données doivent être actualisées grâce à un flux permanent de données de terrain.

Le choix d'une technique dépendra d'une part des objectifs de l'aménagement et d'autre part des contraintes inhérentes aux peuplements (potentiel sur pied, sensibilité aux incendies). Cette approche sylvicole se traduit par trois impératifs techniques élémentaires:

- avoir un taux de prélèvement compatible avec le potentiel de production des sites;

- faire en sorte que les modalités de prélèvement des ressources ligneuses ou non soient planifiées correctement et acceptées par les différents utilisateurs locaux des ressources;

- stimuler la croissance des ressources tout en s'assurant du maintien de la biodiversité.

Il est difficile de coordonner d’un point de vue pratique les différentes actions à mener: évaluation des biens et services disponibles et/ou potentiels, détermination du taux de prélèvement, stimulation de l’accroissement des biens et services et préservation de la biodiversité. En pratique, dans la plupart des pays tropicaux africains, les services forestiers ne s’intéressent pas aux forêts secondaires. Les efforts en matière d’aménagement réalisés par le personnel forestier ne se concentrent que sur les forêts primaires.

Le dernier aspect des contraintes techniques et scientifiques à l’aménagement des forêts secondaires tropicales se situe au niveau des déficiences dont souffrent les administrations forestières et les organismes en jeu pour élaborer et mettre en application de manière efficiente les plans d’aménagement.

• Les contraintes socioéconomiques et politiques.

L'environnement aussi bien politique que social ou économique évolue rapidement durant la période pour laquelle le plan d’aménagement a été conçu. Leur manque de souplesse peut aboutir à la remise en question et finalement à l'abandon du plan. Celui-ci devrait pouvoir tenir compte des changements de contexte et de situation. Ni la stabilité, ni la prévision à long terme ne peuvent être assurées dans la plupart des pays en développement. Trop de facteurs peuvent créer des conditions d'imprévisibilité incompatibles avec un aménagement durable (expansion de l'agriculture, construction d'infrastructures, crise économique, etc.).

Dans un contexte externe en évolution rapide et permanente, la négociation et l'adaptation périodique des moyens d'application des plans d'aménagement doivent exister dans le respect des objectifs à long terme. De plus, les consultations à caractère politique au sujet des objectifs d'un plan sont souvent négligées, aboutissant à des remises en cause de dernière minute par les administrateurs de haut niveau non consultés. Une attention accrue devrait être portée au cadre institutionnel et social permettant la mise en œuvre des préconisations techniques.

En général, ce sont les communautés locales qui vivent le plus des forêts. Il est alors important de les faire participer et d'entretenir un dialogue avec elles pendant toute la période de formulation et d'exécution. En effet, la divergence des objectifs des différents partenaires aboutit souvent à des conflits d'intérêt. Il faut aussi mettre en avant la difficulté de faire comprendre les bénéfices à long terme aux utilisateurs directement concernés par le plan d'aménagement. Le problème est d'élargir "l'horizon temporel et spatial" des personnes intéressées. En effet, les pays tropicaux sont dominés par des contraintes de développement agricole et industriel souvent peu compatibles avec les standards de la durabilité. D'une manière générale les ressources des forêts secondaires sont peu valorisées au profit de celles issues des forêts naturelles surexploitées.

• Les contraintes socioculturelles.

Le concept d'aménagement des forêts secondaires est récent, voire encore inexistant en Afrique tropicale et aucun plan d'aménagement n'a encore été élaboré et mis en œuvre de manière véritable. Cette situation résulte de plusieurs faits:

- Infaisabilité des plans d’aménagement des forêts primaires élaborés dans la plupart des pays tropicaux bien que ces forêts fassent l’objet d’attention soutenue des décideurs politiques, économiques et des conservateurs;

- Perception peu valorisante des forêts secondaires aussi bien chez les populations rurales enclines à délaisser ces forêts au profit de l’exploitation des forêts primaires, que chez les gestionnaires des forêts tropicales africaines;

- Méconnaissance de la valeur réelle et potentielle des forêts secondaires par les populations rurales et les responsables de la gestion des forêts.

7 RECOMMANDATIONS

Les stratégies d’aménagement des forêts secondaires tropicales doivent viser un objectif principal: Recouvrir l’intégrité de l’écosystème, c’est-à-dire maintenir le potentiel de fournir des biens et des services tout en maintenant la diversité biologique, les processus et la structure écologique, et mettre en place des pratiques culturales durables. Il convient de ce fait de différencier trois stratégies principales d’aménagement.

• La restauration forestière

Le but de la restauration forestière est de faciliter les processus de rétablissement de la forêt, de sorte que la composition des espèces, la structure du peuplement, la biodiversité, les fonctions et les processus de la forêt restaurée, correspondent d’aussi près que possible à ceux de la forêt originelle d’un site particulier.

• L’aménagement des forêts secondaires

Le but de l’aménagement des forêts secondaires est d’augmenter leur capacité à produire, sur une base durable, des services environnementaux et sociaux importants pour un éventail de bénéficiaires.

• La réhabilitation des terres forestières dégradées

Elle cherche à rétablir la productivité et les fonctions protectrices des sites ainsi qu’un nombre de services assurés par une forêt ou un écosystème boisé fonctionnel.

Pour parvenir à un aménagement durable des forêts secondaires indépendamment de la stratégie adoptée, plusieurs conditions fondamentales doivent être satisfaites. Aussi, est-il recommandé, dans le cadre des projets d’aménagement des forêts secondaires, de:

- S’assurer de l’adhésion effective des parties prenantes locales et de leur participation à la planification, à l’exécution et au suivi des activités d’aménagement des forêts secondaires. Les droits et les charges de propriétés, y compris les revendications et les droits coutumiers, doivent être clairement définis et mutuellement convenus.

- Opter pour des règles de sylviculture minimisant l'impact des interventions sur les sols, la qualité des eaux, la dynamique des populations animales et la diversité biologique.

- Inclure dans les équipes chargées de la conception de l’aménagement, des experts ayant des compétences dans le domaine socioculturel et de l’analyse des sexospécificités, si le projet d’aménagement des forêts secondaires nécessite des changements sociaux et culturels au niveau local.

- Mettre l’accent sur le lancement ou le renforcement du processus de développement local.

- Viser les communautés rurales et responsabiliser certains groupes sociologiquement plus faibles.

- Encourager le partenariat avec les ONG locales en matière d’exécution des projets d’aménagement des forêts secondaires.

- Renforcer les capacités techniques des acteurs locaux (ONG, populations rurales) en matière d’aménagement des forêts secondaires.

- Mettre en œuvre des mesures de sylviculture et d’agroforesterie appropriées afin de maintenir les biens et services offerts par les forêts secondaires à un niveau souhaitable du point de vue économique, écologique, social et culturel.

- Valoriser les biens et services des forêts secondaires de manière à réduire les pressions anthropiques sur les forêts primaires voisines.

- Faire bénéficier, dans le cadre des projets d’aménagement des forêts secondaires, les usagers locaux de ces sites de certains avantages économiques à court terme, en supplément de tous les futurs avantages potentiels.

- Développer en milieu rural toutes les technologies appropriées pour la transformations des produits forestiers non ligneux (les codes forestiers étant souvent très rigides).

- Baser les projets d’aménagement des forêts secondaires sur une connaissance profonde des complexités et de la dynamique de l’écosystème forestier et de l’interaction avec les systèmes socio-économiques et politiques locaux et nationaux.

- Adopter une approche adaptative et holistique de l’aménagement forestier en mettant l’accent sur les valeurs environnementales et sociales.

- Garantir le suivi et l’évaluation participatifs comme base de l’aménagement adaptatif.

Au niveau institutionnel, de la recherche et des politiques forestières, il faut:

- Constituer des bases de connaissance sur les aspects politiques, socio-économiques, juridictionnels, institutionnels, écologiques et sylvicoles, essentielles pour la planification et la mise en œuvre de stratégies adaptées et d’options viables pour l’aménagement des forêts secondaires.

- Encourager les planificateurs à intégrer l’aménagement des forêts secondaires dans les stratégies nationales de conservation de la biodiversité et de gestion durable des forêts primaires.

- Constituer des dossiers d’expériences utiles en matière d’aménagement des forêts secondaires.

CONCLUSIONS

Le déboisement et la dégradation des forêts ont modifié les paysages des forêts tropicales à un degré tel que sous les tropiques, selon le rapport de Bryant et al ; (N. D.), les massifs continus et ininterrompus ne représentent plus que 42 pour cent du couvert forestier restant ou 18 pour cent du couvert originel. Les forêts secondaires prennent ainsi le pas sur les forêts primaires et méritent alors d’être aménagées et valorisées pour au moins deux raisons: la préservation de la biodiversité et le développement socioéconomique des populations riveraines de ces sites.

L'aménagement des forêts secondaires pourrait favoriser cette préservation en allégeant les contraintes pesant sur les forêts primaires, en particulier l'exploitation attribuable aux populations en quête de biens et de services utiles issus de ces forêts. En effet, le bois (en particulier le bois de chauffage) et les nombreux produits forestiers non ligneux issus des forêts secondaires, sont des ressources de grande valeur dans les zones tropicales.

La majeure partie du bois abattu dans les pays en développement est destinée au chauffage. La première cause de déboisement dans les régions tropicales est l'agriculture. Bien que la consommation de bois de chauffage par habitant soit élevée, une grande partie de ce bois peut être coupée sur des terres en jachère ou dans des forêts secondaires avoisinantes. L'aménagement durable des forêts secondaires représente alors une solution satisfaisante pour la production de bois de chauffage et permet de réduire, voire d'éliminer, la pression due à la collecte de ce produit sur la forêt primaire.

La biodiversité des forêts tropicales dépasse de loin celle de tous les autres écosystèmes terrestres de la planète. Ces forêts abritent en effet au moins 50 pour cent de toutes les espèces végétales et animales du monde, dont seule une infime partie a été décrite et, à ce jour, pratiquement pas étudiée. Elles jouent aussi un rôle essentiel dans la régulation du climat, localement et à l'échelle planétaire, en maintenant les équilibres biophysiques et en régularisant notamment les cycles de l'eau et du carbone.

L'aménagement durable des forêts secondaires constitue une solution nouvelle à encourager dans l’optique de la préservation de la diversité biologique. En effet, il permettra de réduire les contraintes pesant sur les forêts tropicales ombrophiles. Les forêts secondaires présentent également certaines caractéristiques écologiques distinctes de celles des forêts primaires, qui les rendent précieuses pour les communautés locales. Elles offrent de nombreuses ressources économiques, comme les produits forestiers non ligneux. Plusieurs systèmes sylvicoles ayant pour objet d'augmenter la productivité des forêts secondaires, ont été mis en place avec succès. Il a été démontré que l’aménagement des forêts secondaires dans une perspective durable était techniquement et économiquement viable.

Toutefois, pour être durable, l’aménagement des forêts secondaires tropicales d’Afrique doit tenir compte des impératifs économiques, socioculturels et écologiques locaux:

- Au niveau économique, l’aménagement doit tenir compte des compétitions et des conflits de plus en plus nombreux que l’accès aux ressources forestières génère dans le milieu rural et offrir aux populations, à partir des forêts secondaires, des alternatives à l’exploitation des forêts primaires.

- Il ne peut y avoir d’aménagement durable des forêts secondaires si les populations locales ne sont pas pleinement informées et responsabilisées à divers niveaux des activités à entreprendre et si elles ne sont conscientes des enjeux environnementaux et économiques de ces forêts. Les démarches «top-down» doivent être limitées au profit d'actions de concertation et de conception «bottom-up». Il faut éduquer, instruire, sensibiliser de telle manière que chaque acteur puisse intégrer les objectifs de gestion durable des forêts secondaires dans ses actes. Pour ce faire, il est fondamental de reconnaître les droits et rôles de chaque intervenant ou opérateur. L'instauration d'un dialogue constructif et ouvert est une nécessité pour trouver des solutions adaptées à la complexité des problèmes rencontrés.

- Au plan écologique, l’aménagement des forêts secondaires doit contribuer non seulement à accroître les services et bien offerts par ces sites, mais doit permettre une meilleure conservation de la biodiversité.

Comme la conservation de la biodiversité, l’aménagement des forêts secondaires ne peut avoir son sens, c’est-à-dire être durable, que s’il concilie les objectifs de conservation des ressources naturelles et ceux de développement social, économique et culturel des populations riveraines de ces écosystèmes.

ANNEXE

Photographies des PFNL exportés d’Afrique vers l’Europe

Planche N° 1: le «Fumbua»

Photo 1 

Photo 2

Planche N° 2: le «SAKA SAKA»

Photo 3 

Photo 4

Photo 5: le Kola 

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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