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2.2.4 Les aspects politiques et institutionnels de la gestion des forêts tropicales secondaires en Afrique francophone

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

DOCUMENT THEMATIQUE #3:

Sur les aspects politico-institutionnels des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone

Par
M. Kanu Mbizi
République démocratique du Congo

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, l’ICRAF et le CIFOR
Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

RESUME

Ce rapport traite de la gestion des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone dans ses aspects politique et institutionnel. Il est une contribution dans le cadre du dialogue sur la gestion de ces forêts dans ces sous-régions. Dans les pays concernés, les politiques forestières prennent corps autour de trois convergences. D’abord, une adhésion à l’idée que la biodiversité forestière doit être conservée. Ensuite, les ressources forestières doivent contribuer au développement économique des pays. Enfin, depuis quelques années, les différentes parties prenantes devraient participer au processus de prise de décision et de mise en œuvre des opérations d’aménagement ainsi que de mise en valeur de ces ressources.

Quant aux institutions forestières, elles présentent trois niveaux d’organisation: centrale, intermédiaire et locale (de base) et sont éventuellement complétées par des agences. Généralement, elles comprennent plusieurs sous-systèmes, pour les orientations politiques et stratégiques, l’identification des ressources, les opérations forestières, la collecte financière, la budgétisation des opérations forestières et l’information.

Les politiques et les institutions forestières peuvent constituer de puissants facteurs pour une gestion durable des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone. Mais il faudrait encore qu’elles aient les ressources humaines et financières nécessaires.

1. INTRODUCTION

L’Afrique centrale et occidentale francophone est constituée de deux sous-régions dotées de vastes massifs forestiers. Des facteurs anthropiques et naturels les perturbent, ce qui favorise le développement de forêts secondaires. Actuellement, la FAO (1985) estime l’étendue de celles-ci à 34 841 milliers d’ha (20 pour cent des forêts denses humides des pays concernés).

L’extension des forêts secondaires est spectaculaire, de sorte qu’il est impératif de connaître leur dynamique ainsi que leur contexte socioéconomique et environnemental. C’est dans ce contexte que la FAO, en collaboration avec le CIFOR et l’UICN, a entrepris une série de rapports nationaux et d’études thématiques. Parmi ces dernières, le travail présenté ici concerne les aspects politiques et institutionnels des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone. Ce document présente tout d’abord un aperçu des politiques et des institutions forestières, et suggère ensuite quelques idées pour améliorer la gestion des forêts secondaires.

2. CONTEXTE SOCIOECONOMIQUE GENERAL DE LA FORESTERIE

L’Afrique centrale et occidentale francophone présentent une superficie de 9 001 330 km² (environ le tiers du continent) et une population de 159 millions d’habitants, s’accroissant à un taux annuel supérieur à 2,5pour cent. En 1996, le revenu moyen annuel par habitant était de 563 dollars EU. Cependant, cette moyenne occulte les grandes disparités de développement économique entre les pays. En effet, les valeurs extrêmes sont par exemple de 133 dollars EU pour la République démocratique du Congo et de 3 950 dollars EU pour le Gabon (FAO, 1997).

Depuis 1960, la population a triplé, la population urbaine a sextuplé et de fortes instabilités (y compris les changements climaciques et l’instabilité politique) ont conduit à la paupérisation et à l’accroissement de la dépendance des populations envers les ressources forestières.

Malgré ces convergences, les pays concernés sont toutefois contrastés. On peut ainsi distinguer six grands ensembles:

- les zones les mieux pourvues en forêts avec une couverture forestière égale ou supérieure à 20 millions d’hectares (Cameroun, Congo, Gabon et République démocratique du Congo);

- les zones forestières ouest-africaines (Côte d’Ivoire, Guinée et Guinée-Bissau);

- les zones ouest-africaines constitutives du «Dahomean Gap» (Bénin et Togo);

- les zones humides densément peuplées (Burundi et Rwanda);

- les zones sahéliennes (Burkina Faso, Cap-Vert, Mali, Niger et Sénégal);

- une zone insulaire (Madagascar).

Tous les facteurs dégagés interagissent de façon à provoquer parfois la formation de forêts secondaires. Ainsi, par exemple, dans les zones les mieux pourvues en forêts (zones forestières ouest-africaines et île de Madagascar), les forêts secondaires se sont développées principalement le long des axes routiers, dans les anciens villages et dans les zones forestières après exploitation ou l’abandon des autres utilisations des terres. Dans les autres régions, mis à part des formations particulières telles que les mangroves, toutes les forêts peuvent être considérées comme secondaires à cause de la forte influence des actions anthropiques et des conditions climaciques sur les forêts originelles.

Afin de gérer les forêts, qu’elles soient primaires ou secondaires, des politiques et des institutions forestières ont été et sont conçues.

3. POLITIQUES ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA GESTION ACTUELLE DES FORETS SECONDAIRES

En Afrique centrale et occidentale francophone, les politiques et les institutions forestières sont générales.

3.1 Politiques forestières

Malgré leur diversité normative et les différences de leurs acteurs (Etats, secteur privé, populations, ONG, etc.), les politiques forestières des pays d’Afrique centrale et occidentale francophone prennent corps autour de trois convergences. D’abord, une adhésion à l’idée que la biodiversité forestière doit être conservée. Ensuite, les ressources forestières doivent contribuer au développement économique des pays. Enfin, depuis quelques années, les différentes parties prenantes devraient participer au processus de prise de décisions et de mise en œuvre des opérations d’aménagement ainsi que de mise en valeur de ces ressources.

Ainsi, par exemple, la politique forestière vise la conservation de la diversité biologique, la valorisation des ressources forestières pour le développement économique du pays, l’amélioration des conditions de vie des populations, la création d’emplois et la génération des revenus au profit des populations ainsi que la participation et la responsabilisation des populations dans le développement forestier à travers une gestion décentralisée des ressources naturelles. Celle de la Guinée a pour objectifs l’élaboration de plans d’action forestiers préfectoraux, l’aménagement intégré des bassins versants, la mise en œuvre d’opérations de conservation de la biodiversité, de protection des écosystèmes fragiles et de production forestière, la foresterie participative dans le cadre d’une gestion rationnelle des terroirs et le renforcement institutionnel.

Par ailleurs, des concepts tels que le domaine forestier permanent et non permanent, l’aménagement durable, la gestion participative, la conservation de la biodiversité, la certification des bois tropicaux, etc., même s’ils restent encore très peu explicites quant à leur contenu technique, constituent néanmoins aujourd’hui la toile de fond des politiques forestières des pays concernés (Koyo, 2000).

Cependant, dans la pratique, quatre faits majeurs caractérisent les politiques des pays d’Afrique centrale et occidentale francophone:

- une intégration insuffisante du développement forestier à celui du développement rural dans son ensemble;

- une implication et une responsabilisation quasi nulles des acteurs du développement rural (populations rurales, ONG, secteur privé, etc.) à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques forestières;

- un financement insignifiant et aléatoire des programmes de régénération, d’aménagement et de conservation des forêts;

- des pressions parfois pernicieuses et négatives de la coopération internationale et des ONG.

Plus préoccupant, le processus d’élaboration de ces politiques se déroule pratiquement sur le même schéma dans tous les pays concernés. Les projets de politiques sont d’abord préparés par un comité composé de cadres techniques du ministère chargé des forêts qui consulte ou non les autres services techniques de l’Etat impliqués dans la gestion des forêts. Le texte est ensuite soumis au Gouvernement, puis au Parlement avant d’être promulgué par le Président de la République.

Ce processus n’appelle aucunement la participation des principaux acteurs du développement rural qui sont aussi, dans la plupart des cas, les destructeurs des forêts (populations rurales, sociétés industrielles forestières et agricoles, ONG, etc., [Koyo, 2000]).

Il est à noter également que les forêts secondaires qui font l’objet d’une exploitation industrielle, sont gérées conformément au droit « moderne »; les autres le sont selon les règles du droit coutumier.

En effet, du point de la loi, toutes les forêts appartiennent à l’Etat, mais, en réalité, le statut des forêts secondaires est beaucoup plus compliqué que ne le laissent entendre les textes officiels. On peut distinguer notamment les forêts du domaine de l’Etat, les forêts du domaine public du village, les forêts du domaine familial et les forêts des particuliers11.

Les forêts secondaires après exploitation et les forêts secondaires remises en état sont généralement inclues dans le domaine de l’Etat( cas de la République du Congo, du Cameroun et de Madagascar). Dans les forêts du domaine villageois, celui-ci ou la collectivité de la chefferie traditionnelle, ont des droits sur ces forêts et les personnes étrangères doivent être autorisées à y accéder. Tel est le cas des forêts secondaires à Madagascar.

Dans le modèle de base de l’organisation de la forêt du domaine familial, les membres d’une famille ont, de façon presque exclusive, des droits sur cette ressource. Toutefois, il n’y a pas de propriété à la romaine, usus, fructus, abusus, c’est-à-dire l’usage, le fruit et la propriété affectée à une seule personne jusqu’à l’abus. L’autorisation d’accès à la forêt du domaine familial s’obtient auprès du chef de famille, pas du chef de village. Tel est le cas dans le nord de la République du Congo.

Les forêts des particuliers proviennent principalement soit de la répartition des biens successoraux, soit de dons, soit encore de l’antériorité dans le défrichement de la forêt primaire (cas de la Côte d’Ivoire et de Madagascar).

Les méthodes d’exploitation forestière traditionnelle favorisent la pérennité de la ressource forestière pour autant qu’elles ne visent que la satisfaction des besoins familiers. Les autres facteurs favorisant la durabilité des ressources forestières sont les tabous et la sacralisation des forêts.

Mais ces facteurs sont aujourd’hui de plus en plus transgressés et les produits forestiers surexploités, sous l’effet notamment de la croissance démographique, de la réduction de la fertilité des sols, de l’urbanisation et de la pauvreté.

En outre, les politiques de développement rural, à l’échelle nationale, ne sont pas toujours cohérentes. Si la politique forestière vise la pérennisation des forêts secondaires, les politiques agricoles et d’élevage ne s’en accommodent pas toujours. Grands consommateurs d’espaces, les agriculteurs et les éleveurs convertissent en terres agricoles ou en pâturages des étendues importantes de forêts secondaires au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Bénin et au Togo.

Signalons que certains pays d’Afrique centrale et occidentale francophone utilisent une fraction des redevances forestières pour le financement direct ou indirect de collectivités territoriales décentralisées et de communautés (villages ou hameaux). Ces initiatives, même si elles sont intéressantes dans leur principe, dans la mesure où elles correspondent à un souci de redistribution des revenus de l’exploitation de bois d’œuvre à des populations qui sont souvent exclues du partage des bénéfices, elles sont malheureusement aussi perçues comme un «droit de tirage» sur la rente forestière, sans changement des pratiques, voire même en intéressant les populations à une accélération et à une intensification de l’exploitation pour bénéficier du maximum de recettes possibles.

3.2 Questions institutionnelles

Afin de gérer les forêts, plusieurs institutions forestières ont été ou sont créées. Quelles que soient leurs structurations, celles-ci présentent trois niveaux d’organisation : centrale, intermédiaire et locale (de base) et sont éventuellement complétées par des agences. Par exemple, l’administration forestière congolaise (République du Congo) comprend une direction générale, cinq (5) directions centrales, douze (12) directions départementales et cinquante-six (56) brigades forestières qui contrôlent les activités forestières sur le terrain. Dépendent du Ministère des eaux et forêts, un Service national de reboisement (SNR), un Centre national d’inventaire et d’aménagement des ressources forestières et fauniques (CNIAF) et le Service de contrôle des produits forestiers à l’exportation.

Les services forestiers des pays d’Afrique francophone, tels qu’ils fonctionnent, comprennent plusieurs sous-systèmes, pour les orientations politiques et stratégiques, l’identification des ressources, les opérations forestières, la collecte financière, la budgétisation des opérations forestières et l’information. Un aperçu du système des administrations forestières de ces pays est donné dans le tableau 1.

Des séquences (orientations, conceptions, analyses, opérations et contrôles) sont représentées au sommet du tableau 1. Chaque séquence désigne la nature des activités menées par les éléments du système des administrations forestières; ces activités sont placées dans la colonne sous cette séquence. Par convention, le sous-système d’information correspond aux lignes et aux flèches.

Les agences mettent en œuvre des programmes forestiers particuliers tels que les inventaires forestiers, l’aménagement, le reboisement, la promotion et la commercialisation du bois. Ce sont, par exemple, la Société de développement forestier (SODEFOR) en Côte d’Ivoire, l’Office guinéen du bois (OGUIB) et l’Office pour le développement des plantations forestières (ODEF) en Guinée, la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) et le SNR en République du Congo.

Il est à noter que, dans le cadre de la coopération régionale ou internationale, plusieurs structures forestières sont apparues en Afrique francophone. Leur diversité et leur organisation reflètent la diversité de l’offre internationale des projets et la qualité de la coopération. Certaines structures forestières sont ainsi sous tutelle du Ministère en charge des forêts. D’autres sont liées à des programmes existants de l’aide internationale, à l’insu de ce ministère. D’autres encore sont sous tutelle du Ministère de la recherche scientifique ou bien ils n’ont aucun d’ancrage (sans cadre de coopération avec le pays censé bénéficier des prestations).

Au-delà des administrations forestières nationales, il y a une multitude de structures sous-régionales ou régionales. Tel est le cas de la Conférence sur les écosystèmes de forêts denses et humides d’Afrique centrale (CEFDHAC), de la Conférence des Ministres des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), en Afrique centrale  et de l’Organisation africaine du bois (OAB).

Ces institutions peuvent constituer de puissants facteurs pour une gestion durable des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone. Mais elles ne disposent pas toujours de ressources humaines et financières nécessaires (Mahazou, 2003; Essima, 2003; Doumbia, 2003; Kanwé et al., 2003).

4. CONCLUSIONS

L’Afrique centrale et occidentale francophone sont deux sous-régions dotées de vastes massifs forestiers qui sont quelquefois transformés en forêts secondaires sous l’effet de facteurs anthropiques et naturels. Malgré leurs superficies, ces forêts ne font pas l’objet d’une gestion particulière. Les politiques et les institutions forestières actuelles peuvent constituer de puissants facteurs pour une gestion durable et adaptée à ces forêts, grâce notamment à une plus grande cohérence des politiques de développement rural et à la mobilisation des ressources humaines et financières nécessaires.

5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1). Doumbia, Y. 2003. La gestion des forêts tropicales secondaires: réalité et perspectives. Rapport national du Mali.

2). Essima, N.N. 2003. La gestion des forêts tropicales secondaires: réalité et perspectives. Rapport national du Gabon.

3). FAO. 1985, cité par Lubini C. A. 2003. Aspects écologiques des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophones. La gestion des forêts tropicales secondaires: réalité et perspectives.

4). FAO. 1997. Stratégie d’assistance dans le Bassin du Congo. Analyse des causes de la dégradation des ressources forestières dans le Bassin du Congo. Division du centre d’investissement. Programme de Coopération FAO/Banque mondiale.

5). Kanwé, J., Ngoya-Kessy, A.M., Koubouana, F., Boungou, G., Mpati, B. et Lembe, G. 2003. La gestion des forêts tropicales secondaires: réalité et perspectives. Rapport national du Congo.

6). Koyo J. Bases pour la mise en cohérence des politiques et lois forestières des pays d’Afrique centrale. CEFDHAC-UICN, 2000.

7). Mahazou, I.G. 2003. La gestion des forêts tropicales secondaires: réalité et perspectives. Rapport national du Bénin.

8). Ndinga, A. 2003. Fonctions des administrations forestières publiques des pays d’Afrique francophone. Rapport, Dakar.


11 Cette division des forêts secondaires est voulue et est fidèle à la réalité.

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