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3.2 Textes des rapports des pays24

3.2.1 Bénin

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

Rapport national du Bénin

Ecrit par
Ibrahima Gomina Mahazou
Ingénieur des eaux et forêts
Directeur adjoint des forêts et des ressources naturelles
B.P.: 393, Cotonou
Bénin
Tel.: 229-33-06-62; Fax: 229-33-21-92/33-04-21
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, ICRAF et CIFOR

Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

RESUME

Le présent document fait partie des rapports nationaux écrits dans la perspective de l’atelier sur la gestion des forêts secondaires tropicales en Afrique subsaharienne francophone (Douala, Cameroun, 17-21 novembre 2003). Il donne un aperçu sur les forêts secondaires en République du Bénin.

Les principales formations secondaires au Bénin sont : les forêts secondaires après exploitation, les forêts secondaires après incendie, les forêts secondaires dans les jachères laissées par l’agriculture itinérante et les forêts secondaires remises en état. 

Ces forêts protègent les bassins versants et fournissent aux populations (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, chasseurs, bûcherons, artisans, femmes transformatrices et commerçantes, tradi-praticiens, religieux/gardiens de cultes, féticheurs, transhumants transfrontaliers, paysans migrants étrangers, exploitants, commerçants-transporteurs, etc.) des produits extrêmement nombreux et variés : protéines animales, terres agricoles, bois d'œuvre, bois de service, bois énergie, etc.

Mais, comme ailleurs en Afrique, ces ressources subissent diverses agressions. L’état a entrepris des actions pour réduire l’impact de celles-ci et plusieurs expériences de gestion participative sont menées dans le pays. Celles-ci ont doté nombre de forêts (tant du domaine classé que du domaine protégé) de « plans d'aménagement forestiers participatifs ». Elles montrent également que les populations sont capables d'assurer une bonne gestion des forêts secondaires, si elles sont responsabilisées dans la réalisation de cette activité, si les compétences requises leur sont transférées et leurs besoins satisfaits.

Pour renforcer ces acquis, en 2003, le cadre institutionnel s'est enrichi d'un nouvel acteur : la collectivité territoriale décentralisée dotée de compétences en matière de gestion des ressources forestières. Malgré des problèmes (conflits de compétences, textes équivoques, insuffisance de ressources humaines, etc.), cette structure offre des opportunités pour une gestion durable des forêts secondaires : gestion de proximité, mobilisation des populations, etc.

Ces opportunités peuvent être renforcées grâce à:

- une volonté politique manifeste,

- la capitalisation des expériences acquises,

- une bonne coordination et une bonne synergie des actions entre le secteur forestier et les autres secteurs qui influencent le développement forestier,

- des mesures incitatives à l'adhésion des populations aux actions de gestion durable des forêts secondaires,

- l’effectivité du transfert des compétences des structures centrales aux entités décentralisées et du partage de celles-ci entre ces institutions ainsi que

- la mise en œuvre des mesures d’accompagnement (investissement dans l'organisation, la formation et le développement des structures locales de gestion des ressources naturelles ainsi que la reconnaissance légale de ces structures).

INTRODUCTION

Il ne reste guère de forêts primaires au Bénin. Néanmoins, comparé à ses voisins sahéliens, le pays possède d’importantes ressources en forêts secondaires. Jusqu’à l’initiation du projet de gestion des ressources naturelles en 1992, leur exploitation et leur conservation s’exécutaient dans le cadre d’une politique répressive. Depuis cette date, l’Etat a entrepris des actions aboutissant à la responsabilisation des populations riveraines dans leur gestion. Ainsi des forêts des domaines classés et protégés disposent de « plans d'aménagement forestiers participatifs » susceptibles d’en assurer une gestion durable.

Ce rapport, écrit à l'initiative de la FAO, présente:

- la situation générale socioéconomique de la foresterie et de l'utilisation des terres au Bénin ;

- les caractéristiques et les étendues des forêts secondaires béninoises ;

- l'importance socioéconomique et écologique des différents types de forêts secondaires ;

- les pratiques courantes et les expériences en matière de gestion des forêts secondaires ;

- les politiques et les questions institutionnelles ;

- les principales leçons tirées des chapitres qui précèdent et

- les recommandations pour des actions présentes et futures.

1. SITUATION GENERALE SOCIOECONOMIQUE DE LA FORESTERIE ET DE L'UTILISATION DES TERRES

Situé en Afrique occidentale dans la zone inter tropicale, le Bénin est limité au nord par le Niger et le Burkina Faso, à l’est par le Nigeria et à l’ouest par le Togo25 ; au sud, le pays est limité par l’Océan Atlantique. Il a une superficie de 114.763 km², une population de 6.700.000 habitants (recensement de la population de 2002) s’accroissant à un taux de 3,2% par an. Sa population rurale représente 60% de la population totale. Cotonou, la capitale économique, compte 658.572 habitants.

Le Bénin n'est pas un pays "forestier" comme la Côte d'Ivoire, le Ghana ou le Nigeria, ses voisins26. C’est plutôt un pays agricole. L’agriculture utilise encore largement les techniques d’abattis-brûlis, engendrant la dégradation des ressources forestières. Celle-ci s’accélère sous l’effet de la culture attelée, du développement de la culture cotonnière, de l'élevage, des feux et de l'exploitation forestière. De sorte que des arbres nourriciers (notamment Vitellaria paradoxa et Parkia biglobosa), autrefois jalousement conservés, ne le sont plus.

Bien que l'élevage soulève des controverses, des indices de surpâturage existent : la capacité de charge des forêts classées de la région septentrionale est régulièrement dépassée (Laboratoire d'Ecologie Appliquée de la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi) et l’on note également une absence anormale d’arbres de 5 à 25 ans27.

Il existe un problème majeur : l'élevage local est un élevage de prestige et d'épargne. Dans les zones de production du coton, l’augmentation du cheptel va de pair avec le revenu du paysan. De surcroît, l’augmentation de la population bovine dans les pays sahéliens frontaliers (notamment Niger, Burkina Faso et nord du Nigeria) s’accompagne, notamment en saison sèche, de mouvements des bergers vers le Bénin (c’est la transhumance transfrontalière). Ainsi les troupeaux, qui comptent plusieurs centaines à plusieurs milliers de têtes, perturbent la régénération forestière naturelle et les graminées vivaces.

En outre, plusieurs activités nécessitent l’utilisation des feux de brousse parmi lesquelles on peut citer la chasse traditionnelle, l'agriculture itinérante sur brûlis, la récolte traditionnelle du miel et l'élevage extensif. La plupart de ces activités ont lieu en saison sèche et les feux tardifs causent des dégâts considérables aux ressources forestières.

A ces facteurs, s’ajoutent le chômage et la pauvreté. Ces facteurs favorisent l'exploitation forestière anarchique et frauduleuse. Les déflatés de la fonction publique, les diplômés sans emploi, les retraités et même certains élus, s’adonnent à cette activité qui constitue en même temps un domaine de trafic d'influences, au détriment d'une gestion durable des ressources forestières.

2. CARACTERISTIQUES ET ETENDUE DES FORETS SECONDAIRES

Les principales formations secondaires sont les forêts secondaires après exploitation, les forêts secondaires après incendie, les forêts secondaires dans les jachères laissées par l’agriculture itinérante et les forêts secondaires remises en état. 

2.1 Les forêts secondaires après exploitation 

Elles sont constituées de galeries forestières, de forêts denses semi-décidues et décidues.

Les galeries forestières qui se rencontrent le long des cours d’eau couvrent 272 804 ha (2,37% du territoire). Elles se dégradent sous l’effet, principalement, des prélèvements de bois d’œuvre et de l’agriculture itinérante sur brûlis. Les principales espèces sont Vitex spp., Ficus spp, Elaeis guineensis, Cola spp, Mitragyna inermis, Anogeissus leiocarpus, Diospyros mespiliformis, Celtis intergrifolia, Khaya senegalensis et Syzigium guineensis.

D’une superficie de 120.335 ha (1,05% du territoire national), les forêts denses semi-décidues et décidues sont soit en îlots protégés sous forme de forêts sacrées, soit en plages plus ou moins grandes au sein des formations de savanes et des forêts claires. Elles abondent dans les régions de Bassila et de Bori (N’Dali). Les espèces végétales dominantes sont Isoberlinia doka, Afzelia africana, Khaya senegalensis, Anogeissus leiocarpus, Pterocarpus erinaceus, Cola spp., Chlorophora excelsa, Antiaris africana et Celtis spp. Parfois, on rencontre des forêts denses à Anogeissus ou à Isoberlinia doka.

Outre ces forêts, les forêts marécageuses présentes dans les régions du sud du Bénin (basse vallée de l’Ouémé et plaine côtière sud de la vallée de Couffo) couvrent 82.799 ha (0,72% du territoire). Elles sont riches en Tipha australis, Raphia spp., Rizophora racemosa et Avicenia africana.

2.2 Les forêts secondaires après incendie 

Elles correspondent principalement aux forêts claires et aux reliques des forêts inondables. Les premières couvrent 1,931.968 ha (16,83% du pays) et abondent dans les régions sud du Parc National de la Pendjari (nord-ouest), des forêts classées de l’Alibori Supérieur, de l’Ouémé Supérieur, de Wari-Maro, des Monts Kouffé, des Trois Rivières et dans les régions du sud-est de Savè et de Binassi. Elles sont dominées par Isoberlinia doka, Afzelia africana, Khaya senegalensis, Daniellia oliveri, Anogeissus leiocarpus et Pterocarpus erinaceus.

Les secondes se trouvent dans les vallées inondées de l’Ouémé, de la Pendjari et du Niger. Leur superficie est de 125.003 ha (1,09% du pays). Leur végétation se compose principalement de Mitragyna spp., Acacia sieberiana, Terminalia ivoirensis, Borassus aethiopium, Triplochiton scleroxylon, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca et Tamarindus indica.

2.3 Les forêts secondaires dans les jachères laissées par l’agriculture itinérante

Elles se développent dans les zones d’aménagement récent, le long du réseau routier et se caractérisent par une mosaïque de cultures (coton, maïs, riz, manioc, igname, mil, sorgho, patate, fonio, niébé, arachide, palmiers, etc.), d’essences forestières et savanicoles (entre autres, Parkia biglobosa, Vitellaria paradoxa, Tamarindus indica, Isoberlinia doka, Adansonia digitata et Afzelia africana). Leur superficie totale est estimée à 4357053 ha (environ 37,94% du pays). Elles se rencontrent dans toutes les régions du pays.

2.4 Les forêts secondaires remises en état 

Elles correspondent aux plantations domaniales et à quelques rares plantations villageoises. Les plantations forestières sont destinées à la production du bois d’œuvre, du bois de service ou du bois de feu. Elles comprennent les plantations de cocotiers dans la région côtière, de palmiers à huile dans les plateaux du sud, d’anacardiers dans les régions du centre et du nord ainsi que les plantations forestières, entre autres, à Sèmè, Pahou, Lama, Djigbé, Agrimey, Atchérigbé, Logozohè et Savalou. Ces plantations occupent une superficie de 71 385 ha (0,62% du pays). Les essences les plus cultivées sont Tectona grandis, Acacia auriculiformis, Cacia siamea, Eucaplyptus spp. et Cedrela odorata.

3. IMPORTANCE SOCIOECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE DES DIFFERENTS TYPES DE FORETS SECONDAIRES

Les forêts classées de la Sota et de Gougoun protègent les bassins versants de la rivière Sota et fournissent aux populations (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, chasseurs, bûcherons, artisans, femmes transformatrices et commerçantes, tradi-praticiens, religieux/gardiens de cultes, féticheurs, transhumants transfrontaliers, paysans migrants étrangers, exploitants, commerçants-transporteurs, etc.) des produits extrêmement nombreux et variés : protéines animales, terres agricoles, bois d'œuvre28, bois de service (certaines essences utilisé dans la construction des Tata Somba29 telles Anogeussus leiocarpus se raréfient ), bois énergie30, ressources halieutiques, fourrages31, hypocotyle de rônier (bouilli, il fait l'objet d'un commerce dynamique tant dans les campagnes que dans les villes et constitue la principale source de revenus pour de nombreuses femmes), beurre de karité (même si la filière n'est pas organisée, il fait l'objet d’échanges internationaux), fruits de Parkia biglobosa (comme le beurre de karité, il se commercialise à l’échelle nationale, sous-régionale et internationale), feuilles et fruits de baobab (Adansonia digitata) et des essences telles que Vitex doniana et Lannea spp.

Outre ces produits, les populations récoltent des champignons, des légumes, des feuilles (pour les emballages et le traitement de diverses maladies), des cordages, des teintures, de la gomme de diverses essences telles que Acacia spp. et Daniellia oliveri. Des instruments aratoires (manches de houe et de coupe-coupe, etc.), des objets d'art et des ustensiles sont également fabriqués à partir des produits forestiers.

Au plan socio culturel, les forêts constituent de hauts lieux de cultes religieux et de conservation des dépouilles mortelles.

4. CONNAISSANCE ET EXPERIENCES EN MATIERE DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Dans le système africain précolonial, la gestion des forêts est collective et repose sur les tabous, les mythes, mais aussi le bon sens. La colonisation a créé le domaine forestier de l'Etat, organisé sa gestion en régie (Décret du 04 juillet 1935 portant régime forestier de l’Afrique Occidentale Française) et fragilisé le pouvoir traditionnel, puisque les interventions des populations sont réduites à des emplois subalternes dans le cadre de la mise en valeur du domaine forestier.

L’indépendance du pays en 1960 n’a rien changé à ce système. Les changements sont amorcés en 1981 avec la foresterie participative dans le cadre des projets de reboisement villageois. En 1989, cette dynamique a été renforcée à l’issue de l'évaluation d'un de ces projets. Celle-ci a recommandé une meilleure gestion des ressources forestières naturelles disponibles32. Dans la même année, une nouvelle orientation politique et économique a réduit le rôle de l'Etat dans le secteur de la production et encouragé le développement du secteur privé et la protection de l'environnement. Cependant, il a fallu attendre 1992 pour qu’une amélioration de la gestion des forêts, basée sur la participation des populations riveraines à cette activité, apparaisse.

L’amélioration de la gestion des forêts à été rendue possible grâce à l'appui de la communauté internationale (l’aide bilatérale et multilatérale), à travers différents projets dont le premier fut le « Projet de gestion des ressources naturelles (PGRN) ». Dans la conception de base de ces projets, les ressources forestières sont bien gérées si leur utilisation est planifiée dans le temps et dans l'espace et si cette exploitation obéit à des règles et à des normes de prélèvement précises. C’est dire qu’il faut doter les forêts de plans d'aménagement. Cependant, à la différence des plans d’aménagement forestier classiques, ceux de ces projets sont participatifs.

Les principes de base de l’élaboration de ces plans peuvent être résumés ainsi qu’il suit:

- l'écosystème management : on ne remplace pas la végétation naturelle par une monoculture (plantation d'essence exotique) même si elle est fortement dégradée et appauvrie, mais on développe des approches technico-sociales qui permettent de la restaurer et de l'utiliser de façon durable ;

- l’approche de développement rural intégré : les expériences passées enseignent que le développement isolé d'un secteur du monde rural ne produit pas des résultats durables du fait d'une faible prise en compte de l'interdépendance entre les différents secteurs. Ainsi, des pratiques inadéquates dans un secteur anéantissent les tentatives d'amélioration dans l'autre. Il convient dès lors d'agir simultanément sur tous les secteurs (agriculture, foresterie et élevage) et de tirer profit de leur complémentarité. On parle ainsi d’équilibre agro-sylvo-pastoral ;

- l’approche gestion des terroirs : une gestion rationnelle des ressources des forêts du domaine classé commence par la prise de mesures qui garantissent une utilisation durable des ressources disponibles au niveau des terroirs des villages riverains. Cette exploitation dépend elle-même d'une bonne gestion des différentes unités de terres existantes, c'est-à-dire de leur affectation aux exploitations auxquelles elles se prêtent le mieux. Les priorités des populations ne sont pas toujours d'ordre environnemental. C'est pourquoi, parallèlement aux actions visant directement une meilleure exploitation des ressources forestières, il convient d’entreprendre des actions qui satisfassent les besoins prioritaires exprimés par les populations à l'occasion des diagnostics participatifs.

Il est à noter que les forêts du domaine classé demeurent une propriété de l'Etat. Le fait d'autoriser la présence d'usagers réguliers en forêt ne signifie pas une reconnaissance de droit de propriété à ses usagers.

Le processus d'élaboration des plans d'aménagement participatifs comporte, quant à lui, plusieurs phases :

- l'information: les autorités politique-administratives et religieuses, les associations de développement et les sages sont renseignés sur les tenants et aboutissants de la loi 93-009 du 02 juillet 1993 notamment en ce qui concerne les possibilités offertes aux populations riveraines pour cogérer le domaine classé de l'Etat avec l'administration forestière ;

- les études de base : les enquêtes socio-économiques, le diagnostic rural, l'inventaire forestier participatif sont entrepris pour permettre aux populations de mieux apprécier les potentialités réelles des forêts aux fins des décisions d'aménagement à travers les réponses aux questions ci-après : que contiennent les forêts en terme de terres fertiles, de produits forestiers divers (végétaux et animaux)? A quoi les utilisons-nous? A quelles utilisations se prêtent-ils le mieux? Quelles mesures devrions-nous prendre pour une exploitation durable de ces produits ?

- l’organisation des populations : l'objectif ici est de les préparer à mettre le plan d'aménagement en œuvre une fois élaboré. Un dispositif d'animation est alors mis en place. Les animateurs contractuels, avec l'appui des agents d'agriculture et forestiers, ont pour mission d'amener les populations, à travers des séances d'animation et des sessions de formation, à s'organiser autour des activités qui se mènent en forêts et à prendre conscience du rôle qu'elles doivent jouer pour faire respecter les prescriptions du plan d'aménagement ;

- les tests : pour mesurer la faisabilité de certaines actions qui seront retenues dans le plan d'aménagement participatif et la disponibilité ainsi que la capacité des populations à les mettre en œuvre, une série d'action-tests est mise en route : techniques de production des plants, enrichissement des forêts dans les zones où les populations sont obligées d'assurer la production des plants contre la divagation des animaux domestiques et contre les feux de brousse ; essais sylvicoles et observations conduits par les populations, avec le concours des agents forestiers, dans des parcelles délimitées à cette fin ; essais d'amélioration des pratiques culturales ;

- l’élaboration proprement dite des plans d'aménagement : elle se fait de façon progressive, par consensus et sur une base pluridisciplinaire. Les activités en forêts sont retenues sous forme de thème et analysées en atelier regroupant les acteurs concernés (techniciens et groupes cibles concernés).

Par ailleurs, les forêts secondaires béninoises sont dominées par les formations savanicoles. Leur régénération se faisant en grande partie par voie végétative (les rejets de souche, les drageons et les marcottes remplacent les semis au fur et à mesure que l'on va du sud vers le nord33) et le bois d'œuvre étant représenté par des essences de faible diamètre (entre 20 et 40 cm) dont l'exploitation demande du temps, l’aménagement forestier obéit aux principes ci-après:

• avant ou après chaque coupe, la surface entière de coupe est mise en régénération même si le nombre de pieds coupés est faible;

• quel que soit l'objectif de la coupe (exploitation ou amélioration), la quantité de bois prélevée ne doit pas dépasser la possibilité annuelle nécessaire à préserver l'équilibre du peuplement;

• chaque parcelle exploitée et enrichie est mise en défens (protégée contre les feux et les animaux) pendant deux ans au moins;

• les savanes arborées et boisées sont aménagées en taillis-sous-futaie irréguliers. L'exploitation des taillis est projetée pour chaque dix ans et la futaie en coupes successives, après quinze ans. Au niveau de la forêt classée de Toui-Kilibo, seuls les arbres d’un peuplement parvenus à maturité (au moins 140 cm de circonférence) sont prélevés à chaque passage. Pour la production de perches et de poteaux, on sélectionne dans les cépées les meilleures tiges des essences, telles que Anogeissus leocarpus, dont on suit l’évolution pendant 12 à 14 ans;

• les savanes arbustives sont aménagées en taillis furetés qui consistent à ne prélever que des tiges de circonférence comprise entre 20 et 25 cm au moins, pour les combretacées ; et supérieure à 35 cm pour les essences telles que Prosopis africana. Après chaque coupe, la superficie entière de coupe est soumise en régénération même si le nombre de pieds coupés est faible;

• dans les galeries forestières, toute activité susceptible d'engendrer la dégradation des berges, notamment les activités agricoles, est interdite à moins de 25 m de ces berges (Article 28 de la loi 93-009). Les 25 m sont définis à partir du niveau le plus élevé des crues vers l'extérieur des galeries. Dans cette zone, certaines activités (par exemple, l'enrichissement et l'apiculture moderne) peuvent être tolérées. Au-delà de la bande des 25 m ainsi définie, l'exploitation de bois est autorisée pour les arbres de circonférence supérieure à 20 cm;

• en outre et de façon générale, pour apaiser l'attente des populations en raison du délai qu’elles doivent observer avant de jouir des fruits de l'exploitation forestière classique, l'api-sylviculture, l'élevage de gibier et des plantations de rapport à cycle court (anacardier et teck) sont promus.

5. PRATIQUES COURANTES DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Outre les droits d'usage sur les forêts, les usagers paient des contributions à l’Etat au titre de l'exploitation des ressources forestières. Le montant de la contribution varie avec la destination de celle-ci et l’activité. Les destinations des contributions sont:

• le fonds d'aménagement forestier pour financer les actions récurrentes d'aménagement;

• le fonds forestier national pour le renforcement des capacités d'intervention de l'administration forestière;

• l’indemnité des collecteurs de contributions auprès des usagers de la forêt;

• le fonds villageois de développement comme contribution au développement de la localité;

Les populations, lorsqu’elles sont organisées, mettent en œuvre les plans d'aménagement, gèrent le fonds d'aménagement forestier et s'auto-administrent. L'administration forestière veille à l'application des normes retenues dans le plan, à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires et apporte aux populations, de concert avec les autres structures techniques, l'encadrement dont elles ont besoin.

POLITIQUE ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES EN MATIERE DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Au Bénin, le domaine forestier de l'Etat se compose du domaine protégé/libre et du domaine classé. Les forêts du domaine classé sont la propriété exclusive de l'Etat même si elles peuvent être cogérées avec les populations riveraines. Les droits d’usage des riverains sont limités au ramassage du bois mort et à la cueillette des produits forestiers tels que les fruits et la gomme. Dans le domaine protégé, les populations exploitent les ressources forestières, à l’exception des essences protégées ; celles-ci ne pouvant faire l'objet d'une exploitation que sous certaines conditions et après l'accord de l'administration forestière.

Depuis 1993, les populations interviennent dans la gestion des ressources forestières (Plan d'Action Environnemental, 1993 ; Loi 93-009 portant régime des forêts, 1993 ; Nouvelle politique forestière, 1994).

Au plan institutionnel, la gestion des forêts et des ressources naturelles est assurée par la Direction des forêts et des ressources naturelles, l'Office national du bois et le Centre national de gestion des réserves de faune (CENAGREF). Ces structures relèvent du Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche (MAEP). Cependant les différentes conventions internationales (sur la désertification, la biodiversité, les changements climaciques, etc.) et la politique environnementale globale sont gérées par le Ministère de l'environnement, de l'habitat et de l'urbanisme (MEHU). Ce qui pose problème du fait de la duplication des efforts, des difficultés liées à la coordination des actions, des conflits de compétences et, parfois, de l’insuffisance de ressources humaines (le MEHU ne dispose pas des ressources humaines requises).

Sur le plan juridique, la loi 93-009 portant régime des forêts en République du Bénin, notamment les articles 40, 44, 49 de la loi 93-009 et les articles 26, 30 et 31 du décret d’application de celle-ci (décret 96-271 portant application de la loi 93-009) favorisent la gestion participative des ressources forestières des domaine classé et protégé.

Malgré ces dispositions, des contraintes liées particulièrement à la décentralisation pèsent sur la gestion de ces ressources:

- au plan institutionnel et administratif, les rôles des différents ministères concernés ne sont pas clairs, les ressources humaines manquent et les efforts pour recruter 800 agents - toutes catégories confondues sur 10 ans-, doivent être soutenus;

- aux plans juridique et législatif, l'étendue des compétences transférées ou partagées avec les collectivités territoriales est diversement interprétée, favorise toutes sortes d'abus et compromet une gestion durable des ressources forestières. Par exemple, certaines communes mues par le souci de renflouer leurs caisses ne se préoccupent pas des prélèvements irrationnels des ressources forestières ; d’autres, à peine installées, demandent le départ des agents forestiers de leurs communes. Il est alors nécessaire d’adapter la loi 93-009 au contexte marqué par l'arrivée des communes dans la gestion des ressources forestières34.

PRINCIPALES LEÇONS ET CONCLUSIONS

Les leçons suivantes peuvent être tirées de tout ce qui précède et de la littérature:

• le processus d'élaboration d’un plan d'aménagement participatif est long (au moins 3 ans) alors qu’un projet dure généralement 5 ans ; rarement, 6 ans.

• la « durée de vie » d’un plan d'aménagement est fixée à 15 ans ; mais après la fin d’un projet, le suivi de sa mise en œuvre est difficile : l'administration forestière n'a ni les moyens humains ni les moyens financiers pour le faire.

• généralement, les structures villageoises de gestion mises en place par le projet comprennent des « déscolarisés » et des diplômés sans emploi qui commettent des malversations financières ; ce qui entrave le fonctionnement de ces structures. L'indélicatesse de certains agents forestiers corrompus n'arrange pas non plus la situation de ces structures.

• En plus, le faible potentiel ligneux (faible possibilité) de certaines forêts béninoises ne favorise pas l'adhésion des populations à la mise en œuvre des plans d’aménagement. D'autant plus que les avantages qu'elles peuvent en tirer ne sont pas immédiats et que les coûts récurrents de gestion sont très importants. Le développement d'activités connexes génératrices de revenus, à court terme, est donc nécessaire pour obtenir l'adhésion des populations à la réalisation des plans d’aménagement.

• Dans le domaine protégé, la clarification des droits fonciers sur les ressources est aussi nécessaire pour garantir une gestion durable de celles-ci.

• De même, il convient de lier l'investissement dans le secteur forestier à la réalisation des objectifs en matière de réduction de la pauvreté, de sécurité alimentaire et de développement rural en général.

• On a constaté également que l'implication des autorités communales (le Maire par exemple) dans la gestion des ressources forestières renforce le respect des règles décidées et retenues au niveau des villages.

• Une autre leçon qui découle de la précédente est qu'il faut se concentrer moins sur la protection des ressources forestières, la réduction de leur dégradation que sur comment mobiliser les parties prenantes dans la poursuite des opportunités pour améliorer la gestion des ressources de façon à contribuer directement à l'accroissement des revenus des ménages, à la sécurisation des revenus, au développement des entreprises et à l'amélioration du bien-être socio-économique des usagers des forêts.

Ces opportunités peuvent être renforcées grâce à:

• une volonté politique manifeste,

• la capitalisation des expériences acquises,

• une bonne coordination et une bonne synergie des actions entre le secteur forestier et les autres secteurs qui influencent le développement forestier,

• des mesures incitatives à la participation des populations aux actions de gestion durable des forêts secondaires,

• l’effectivité du transfert des compétences des structures centrales aux entités décentralisées et du partage de compétences entre ces institutions, et

• la mise en œuvre des mesures d’accompagnement (investissement dans l'organisation, la formation et le développement des structures locales de gestion des ressources naturelles ainsi que la reconnaissance légale de ces structures).

Recommandations

Aux plans politique, institutionnel et législatif:

• renforcer les droits, les capacités et la gouvernance locale en assurant un transfert effectif des responsabilités et des compétences aux collectivités/organisations locales,

• instaurer une plate-forme de concertation permanente et fonctionnelle entre tous les acteurs du secteur forestier,

• réviser la loi 93-009 du 2 juillet 1993 pour tenir compte de l'avènement de la décentralisation qui confère le transfert d'un certain nombre de compétences aux collectivités territoriales. Ceci permet d'éviter des interprétations équivoques qui sont nuisibles à une gestion durable des ressources forestières,

• promouvoir l'intensification agricole et l'approche systémique au niveau de l'exploitation agricole,

• appuyer les communes pour une gestion décentralisée des ressources forestières du domaine protégé notamment par l'intégration de la dimension relative à la gestion des ressources naturelles dans leur plan de développement local.

En matière de recherche :

• la recherche doit travailler davantage sur les aspects sociologiques de la foresterie qui sont au cœur même de la gestion participative,

• elle doit également savoir anticiper afin de mettre à la disposition de l'administration forestière des produits et des outils qui lui éviteront d'être prise de court par rapport à la satisfaction des besoins des usagers. Par exemple, les essences "de valeur" disparaissent (Iroko, Khaya, etc.) et l'administration forestière ne peut constater, de façon passive, que les usagers exploitent des essences autrefois dépourvues de valeur.

Mesures immédiates à prendre pour une gestion durable des forêts secondaires:

• adapter les textes forestiers au nouveau contexte de décentralisation pour lever toute équivoque et clarifier les compétences transférées et partagées,

• renforcer les capacités des collectivités décentralisées et prendre des mesures afin de faire jouer aux agents forestiers le rôle de conseiller technique, de formateur, de contrôleur des normes techniques et de la réglementation en vigueur. La police forestière est nécessaire mais doit rester le dernier recours. Elle a été jusqu'ici prépondérante mais n'a pas comblé les attentes.

Références bibliographiques

1. CILSS/USAID, Investir dans la forêt de demain : vers un programme d'action pour la revitalisation de la foresterie en Afrique de l'Ouest, 2002.

2. Direction des forêts et des ressources naturelles, politique forestière du Bénin, 1994.

3. Direction des forêts et des ressources naturelles, diagnostic du cadre institutionnel du sous-secteur forestier, 2000.

4. Programme de gestion des ressources naturelles, plan d'aménagement forestier participatif des forêts classées, de Toui-KiliBo-Tchaourou, 1996.

5. Projet aménagement participatif des forêts naturelles pour la réduction du carbone, plan d'aménagement forestier participatif des forêts classées de la Sota, de Goungoun et de la Rôneraie de Goroubi, 1997.

6. Projet restauration des ressources forestières de Bassila, plan d'aménagement forestier participatif de la forêt classée de Pénessoulou, 1998.


24 Le contenu des rapports des pays n'engage que la responsabilité des auteurs.

25 Le pays est subdivisé du sud au nord en trois grandes zones climaciques:

- une zone sub-équatoriale s’étendant de la côte Atlantique à une ligne transversale passant par Savè (centre du pays) où la pluviométrie varie entre 900 et 1.400 mm/an, qui a deux saisons de pluies et deux saisons sèches par an ;

- une zone soudano-guinéenne, partant de la latitude de Savè jusqu’à la transversale de Bembéréké (nord-est), qui a des amplitudes thermiques bien marquées, une pluviométrie annuelle se situant entre 1.000 et 1.200 mm et deux saisons bien distinctes : l’une sèche et l’autre pluvieuse;

- Une zone soudanienne sèche de type semi-aride dans le nord, avec 900 à 1.100 mm de pluies par an et deux saisons bien marquées.

L’évapo-transpiration dans ces deux dernières zones est très élevée, elle varie entre 1.500 et 1.800 mm.

26 Ce "vide forestier", alors que la plupart des pays côtiers ouest-africains de la Guinée jusqu'au Nigeria sont dotés de forêts denses sempervirentes, est désigné sous l’expression de Dahomean Gap par les phytogéographes.

27 En tenant compte du fait qu'en savanes les feux existent toujours et n'entravent pas la régénération forestière naturelle, on conclut que le surpâturage est la cause principale de ce phénomène.

28 Plusieurs essences pourvoyeuses de bois d’œuvre, telles Khaya senegalensis, Khaya grandifolia et Milicia excelsa, sont menacées de disparition.

29 Il s’agit de forteresses traditionnelles de l'ethnie Ottamari du Nord Ouest du Bénin, qui constituent un des attraits des touristes.

30 Une étude du Projet Plantations de Bois de Feu au sud du Bénin fait ressortir sur deux ans un chiffre d'affaires de plus de 4 milliards de FCFA pour le commerce de bois énergie dans les seules villes de Porto-Novo et de Cotonou ; la distance entre les lieux d'approvisionnement de ces bois et les centres urbains ne cesse de s’allonger.

31 Les fourrages de Khaya senegalensis, de Pterocarpus erinaceus et de Afzelia africana sont vendus à prix d'or en saison sèche dans les régions septentrionales du pays.

32 Désignées sous le terme de l’existant.

33 Cette observation avait déjà été faite par René Catinot en 1994.

34 Beaucoup de maires pensent par exemple qu'ils n'ont plus besoin d’agents forestiers et qu'ils peuvent disposer des ressources forestières de leur ressort territorial comme bon leur semble. Dans le même temps, il y a des dispositions contenues dans les lois sur la décentralisation qui indiquent les limites des compétences des communes décentralisées mais de façon diffuse, autorisant des possibilités d'interprétation divergentes.

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