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3.2.18 Togo

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

Rapport national du Togo

Ecrit par
Folly Yao Djiwonu
Directeur de la protection et
du contrôle de l’exploitation de la flore
Ministère de l’environnement et des ressources forestières
Lomé, Togo
Tél.: 228 221 46 04/ 901 68 08
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, ICRAF et CIFOR

Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

RESUME

Le présent rapport donne un aperçu sur les forêts secondaires au Togo. Il tient compte des conclusions des travaux de préparation de la monographie nationale sur la biodiversité. Conformément à cette monographie, toutes les forêts togolaises sont, à des degrés divers, dégradées, sous l’effet notamment du développement d’une agriculture extensive pratiquant encore largement les techniques d’abattis-brûlis, d’une forte croissance démographique, des feux de brousse, de la demande en bois énergie et des dynamiques économiques imprimées par les trois plans quinquennaux de développement du pays (1966-1970, 1971-1975, 1976-1980).

De plus, le cadre institutionnel et juridique de gestion de ces forêts est peu performant. Des actions sont entreprises pour améliorer cette situation. Mais elles ne disposent d’aucun mécanisme de coordination adéquat ; ce qui entraîne une mauvaise circulation de l’information, des difficultés pour harmoniser les interventions et, quelquefois, une confusion dans celles-ci du fait de leur fréquence, de la multiplicité des intervenants et des intérêts en jeu.

En outre, le manque de données fiables sur l’état des ressources forestières, la mauvaise organisation de l’exploitation forestière, la complexité du régime foncier et la situation économique très difficile que traverse le pays depuis plus d’une décennie, sont autant des contraintes à la viabilité des forêts.

Néanmoins les pouvoirs publics œuvrent pour un mieux-être des populations et une gestion durable des ressources naturelles en général et forestières en particulier. En témoignent le processus de décentralisation en cours et la prise en compte, désormais obligatoire, de la dimension « environnement » dans la définition des stratégies et politiques de développement du pays. Mais l’amélioration de la gestion des forêts secondaires postule aussi le renforcement des capacités de gestion des différents acteurs, la mobilisation des ressources financières et l’adaptation du cadre juridique au contexte.

INTRODUCTION

La configuration géographique du Togo lui confère une grande variété floristique. Les études géomorphologiques et climatiques ont permis de diviser le pays en cinq zones écologiques63 (Zone I, constituée de savanes soudanaises ; Zone II, constituée de savanes, de forêts denses sèches et de forêts claires ; Zone III, dominée par la savane avec quelques forêts semi-décidues et des galeries forestières ; Zone IV, constituée de forêts denses semi-décidues et la Zone V, composée d’une mosaïque d’îlots forestiers, de reliques de forêts galeries, des savanes très anthropisées et des mangroves).

Comme dans la plupart des pays ouest-africains, ces ressources végétales constituent la principale source de nourriture, de médicaments et de matériaux divers pour les populations. La pression anthropique qu’elles subissent est à un niveau de préoccupation tel qu’il n’existe aujourd’hui que des mosaïques de forêts secondaires au Togo.

Ce rapport répond aux questions suivantes : Quelles sont les caractéristiques des forêts secondaires au Togo? Où se trouvent-elles? Quelle est leur importance? Quelles sont les connaissances en matière de leur gestion? Y-a-t-il des politiques, des questions institutionnelles spécifiques à leur conservation et à leur exploitation?

Les réponses à ces questions sont basées sur les travaux antérieurs et actuels : le Plan d’action forestier national (PAFN), le Plan national d’action pour l’environnement (PNAE), la monographie de la Convention sur la diversité biologique, le Programme d’action national sur la lutte contre la désertification (PAN), les programmes et les projets financés par l’OIBT ainsi que les études et les rapports nationaux relatifs à l’environnement.

Ce rapport est structuré en six parties. Dans un premier chapitre, on exposera les contextes socio-économique et forestier togolais. On suivra ensuite la gestion de ces forêts au cours de quatre chapitres suivants. Puis, dans un sixième chapitre, on examinera la politique et les questions institutionnelles liées à leur gestion. On en exposera les éléments les plus marquants avant de tenter une conclusion provisoire que pourra poursuivre l’atelier de Douala.

1. SITUATION SOCIOECONOMIQUE GENERALE DE LA FORESTERIE ET DE L’UTILISATION DES TERRES

Situé au cœur du Golfe de guinée, le Togo s’étire en longueur entre l’océan atlantique au sud et le Burkina Faso au nord. Il est limité à l’est par le Bénin et à l’ouest par le Ghana. Il a une superficie de 56.600 km2, environ 4.648.000 d’habitants dont 63,62 % de ruraux et 51,3% de femmes (Direction de la Statistique Générale, 1998) ; 48 % de la population a moins de 15 ans et, en 2000, le taux annuel de croissance démographique était de 2,4 %.

Son PIB s’élevait à US$ 1,510 milliard en 1998. Le Togo est également l’un des pays les plus endettés de l’Afrique de l’Ouest (la dette extérieure représentait 79% du PIB en 1996). Une bonne partie des ressources budgétaires du pays est ainsi consacrée au paiement du service de la dette. En outre, le pays vit une crise économique depuis 1985 et le taux de croissance de son PNB par habitant a été négatif entre 1991 et 1997 (-0,9%).

Comme dans la plupart des pays africains, cette crise, associée à une forte croissance démographique et à la pauvreté, impose la surexploitation des ressources naturelles en général et des forêts en particulier. En effet ces dernières, divisées, comme dit plus haut, en cinq zones écologiques, fournissent des produits extrêmement variés et utiles aux populations et à l’économie togolaise : aliments, médicaments, matériaux divers, etc. Le tableau 1 donne des informations sur la contribution du secteur forestier au PIB.

Tableau No 1: Valeur ajoutée des produits forestiers et contribution du secteur forestier au PIB

Valeur ajoutée du secteur

forestier - Définition

Eléments de définition

Valeur ajoutée du secteur comme défini

Contribution du secteur au PIB

1. Valeur ajoutée conventionnelle du secteur

Produits forestiers ligneux commercialisés et contrôlés

8 milliards de FCFA

2 %

2. Valeur ajoutée conventionnelle modifiée (Thiam, 1991)

Produits forestiers ligneux commercialisés autoconsommés

26 milliards de FCFA

6,5 %

3. Valeur ajoutée Conventionnelle modifiée : 2ème degré

Produits forestiers ligneux et non ligneux commercialisés et autoconsommés

104 milliards de FCFA

22 %

4. Valeur ajoutée conventionnelle modifiée : 3ème degré

Produits forestiers ligneux et non ligneux plus services écologiques et environnementaux de la forêt

5. Valeur Ajoutée Conventionnelle modifiée : 4ème degré

Produits ligneux et non ligneux plus services écologiques et environnementaux ; plus valeurs d'existence et d'héritage des forêts

 

Source : Yapi et Sessi, 1997.

Mais ce recours aux ressources forestières a un coût environnemental important : le Togo n’a plus de forêts primaires et les forêts secondaires se réduisent (elles sont passées de 449.000 ha en 1970 à 287.000 ha en 1980 puis à 140.000 ha en 1990) sous l’effet des facteurs cités plus haut, mais aussi de l’agriculture itinérante, des feux de brousse, de la consommation massive de combustibles ligneux, de l’exploitation abusive de bois d’œuvre et des dynamiques économiques apparues lors de la réalisation de trois plans quinquennaux de développement du pays (1966-1970, 1971-1975, 1976-1980).

En ce qui concerne l’utilisation des terres, le Togo possède 36.300 km2 de terres arables (64 % du territoire national), comprenant 10.200 km2 de forêts dont 4.167 km2 de forêts classées, 2.000 km2 de pâturages, 15.000 km2 de jachères et 9.100 km2 de terres cultivées. Un aperçu sur l’occupation du territoire national est donné dans le tableau 2.

Signalons que l’ordonnance n°12 du 6 février 1974 définissant le régime foncier national divise le territoire national en trois catégories : les terres détenues par les collectivités et les individus, les terres constituant le domaine public et privé de l’Etat et le domaine foncier national. Cette ordonnance consacre aussi la reconnaissance des droits coutumiers et de ceux issus de la diffusion du droit français dans le pays.

Tableau No 2: Occupation du territoire national

Terres et formations Végétales

Superficies

(en milliers ha)

Superficie en % de la superficie totale du pays

1

2

3

4

5

6

Superficie totale des terres

Superficie totale des eaux continentales

Forêts et terres boisées productives

Forêts et terres boisées non productives

Aires protégées

Jachères et formations arbustives

5.404

255

403

1.281

793,288*

3.720

95

5

7

23

14

66

* Contient une partie des rubriques (3) et (4) 

Source : Landry/FAO; 1981.

2. CARACTERISTIQUES ET ETENDUE DES FORETS SECONDAIRES

Le pays possède une mosaïque de forêts secondaires. On distingue principalement les forêts denses semi-décidues de la zone écofloristique IV et ses variations. En outre, près des villages, il y a des îlots forestiers semi-décidus, de petites étendues, qui sont généralement sacrés ; le long des cours d’eau qui traversent les savanes et les régions forestières, des forêts galeries, et sur les flancs des collines dans les zones écologiques II et III, des forêts claires avec une strate graminéenne qui occupe les sous-bois. Au-delà de ces collines, il existe des forêts denses sèches dont la plupart des arbres perdent leurs feuilles en saison sèche.

Structurellement, ces forêts présentent une mosaïque de cultures sous-bois (principalement du café et du cacao) et de recrus forestiers ; une mosaïque de palmiers et de recrus forestiers ; une mosaïque de forêts de fonds de vallées boisées et des flancs de collines (il s’agit généralement des forêts se régénérant à la faveur de la diminution des feux de brousse) ; une mosaïque de cultures denses et de grands arbres (forestiers ou savanicoles) et une mosaïque de cultures, de friches et de fonds de vallées boisées. Ces forêts sont à dominance d’essences forestières (Antiaris africana, Khaya grandifoliola, Triplochiton scleroxylon, Celtis milbraedii, Sterculia traganantha, Cola gigantea, Ricinodendron heudelotii, Marungana barteri, Berlinia grandiflora, Pseudospondias microcarpa, Breonadia salicina, Cassipourea congensis, Diospyros mespiliformis, Anogeissus leiocarpus, Isoberlinia doka, etc.) et d’essences savanicoles (Lophira lanceolata, Terminalia macroptera, Pterocarpus erinaceus, Borassus spp., Parkia biglobosa et Vitellaria paradoxa).

Toutes les forêts togolaises, à l’exception de celles qui se trouvent dans certaines réserves, sont dégradées et régulièrement parcourues par des feux de brousse. Les terres cultivables étant de moins en moins disponibles - du fait de la pression démographique et de la « tenure »-, les forêts secondaires après exploitation, les forêts secondaires dans des jachères laissées par l’agriculture itinérante et celles après l’abandon d’autres utilisations des terres sont rares. Le tableau 3 ci-après fournit des données sur l’évolution de la superficie des formations végétales.

Tableau No3: Evolution de la superficie des formations végétales du Togo de 1979-1991.

Formations végétales

Superficie (en km2)

Variations en %

des superficies

1979

1991

- Forêts denses

- Forêts de montagne

- Forêts denses sèches

- Recrû forestier

- Savanes arborées

- Savanes arbustives

- Zones de cultures et autres

2.931

863

677

1.159

12.922

5.138

1.840

1.264

525

315

615

6.048

2.720

1.944

-56

-39

-53

-47

-53

-47

+5,6

Source : Togo, 1991.

Si les rapports sur les forêts au Togo indiquent un taux de déboisement annuel de 15.000 ha/an, il est très difficile, en revanche, de fournir des indications sur le rythme d’extension des forêts secondaires. En plus, aucun périmètre test n’est disponible pour suivre les différents aspects de l’évolution de ces forêts. Toutefois, on espère que la publication des résultats des travaux en cours à l’Université de Lomé sur la connaissance de la ressource forestière permettra de disposer de données fiables.

3. IMPORTANCE SOCIOECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE DES FORETS SECONDAIRES

"La vocation forestière du Togo n'est pas évidente en ce qui concerne la production de bois d’œuvre. Par contre, le bois, en tant que facteur écologique et source d'énergie, constitue une nécessité vitale pour le pays" (MPI, 1985 ; Banque mondiale et Gouvernement de la République du Togo, 2002). Telle est la perception que le Gouvernement togolais a de l’importance socioéconomique et écologique de ses forêts.

En effet, les forêts togolaises produisent entre 22.476 m3 (1990) et 34.000 m3 (1994) de sciages d'iroko, d'acajou, de samba et de fraké par an (37,5% de la consommation nationale), alors que la demande annuelle en bois énergie et la demande en charbon de bois sont estimées respectivement à 1.660.000 et 280.000 tonnes (Banque Mondiale, 2002). Néanmoins, elles fournissent des quantités importantes de produits variés et utiles aux populations togolaises : cure-dents (Garcinia epuntata et Garcinia ovalifolii), perches, « coquaires » (899.300 unités d'environ 5 mètres de long et 8 cm de diamètre en 1991 ; Thiam, 1991), pieds de bambou (700.000 ; Thiam, 1991), plantes médicinales, éponges, nattes, plantes fourragères, kapok, gommes, résines, tanins, miel, escargots, terres agricoles, terres pastorales -même pour des animaux en provenance du Burkina Faso, du Niger, du Mali, du nord du Nigeria et du Bénin.

Au plan écologique, les zones forestières sont les plus arrosées du pays. Dans la zone écologique IV, les précipitations annuelles atteignent 1500 mm, voire plus, contre 500 à 800 mm dans les zones savanicoles et côtières. Les forêts jouent également un rôle important dans la fixation du CO2 (Togo, 2001), la lutte contre l’érosion du sol, la durabilité des espèces animales sauvages (approximativement 3491 espèces terrestres et 261 espèces aquatiques ; MERF, 2003).

4. CONNAISSANCE ET EXPERIENCES EFFECTIVES EN MATIERE DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Les forêts togolaises sont mal connues. La plupart des études réalisées sur ces écosystèmes sont, en terme d’espace, très localisées et limitées à un type de végétation (MERF, 2003). Plus grave, bien que les forêts soient déjà secondarisées et bien que certaines d’entre elles soient dégradées, des enquêtes sur la régénération forestière dans le passé, ne serait-ce que pour déterminer le taux de réussite de la régénération des principales essences forestières après la coupe, ne sont pas entreprises ; il n’y a pas non plus d’étude qui permette de suivre aujourd’hui la dynamique de croissance des forêts et la remise en état de celles qui sont exploitées.

Toutefois, des programmes ont été ou sont exécutés en gestion participative avec les populations dans le triple objectif de produire du bois d’œuvre, du bois d’industrie et du bois énergie (Ministère de l’environnement et des ressources forestières, 2002). Parmi ces programmes, on peut citer:

- la formule de vulgarisation traditionnelle : elle est encore utilisée. On sensibilise les populations concernées sur la valeur économique de la forêt, leur fournit des plants et une assistance technique. Cette démarche a permis de réaliser plusieurs plantations de bois d’œuvre et de bois énergie individuelles, communautaires et scolaires. Ses effets sont cependant limités puisqu’elle n’a touché qu’un nombre marginal de paysans qui ont réalisé des plantations de petites tailles (ces plantations se limitaient à quelques pieds d’arbres);

- la formule du projet OIBT de Haho-Baloé : elle a consisté d’abord à regrouper les populations dans des enclaves et à délimiter des zones de cultures et une zone de forêts à aménager par et pour les populations, ensuite à signer un contrat de sous-traitance entre l’office des forêts et les populations concernées avec l’appui de INADES Formation, une ONG, enfin, à verser des ristournes aux populations pour effectuer des œuvres communautaires (écoles, points d’eau, dispensaires, etc.). Cette formule a permis de réaliser près de 2.500 ha de plantations forestières et de restaurer des galeries forestières;

- la formule du projet OIBT de Yoto (sud du Togo) : cette formule s’est distinguée des autres formules par le renforcement de la collaboration entre les populations concernées, une Société d’Etat (l’Office des forêts), et une ONG (ALTERNATIVE), dans le développement de la foresterie villageoise et la réalisation des plantations forestières privées. Elle a permis de planter un millier d’ha de forêts et des pépinières privées;

- la formule du projet OIBT de Missahoé ; cette formule se caractérise par deux types d’actions:

a) le premier type, celui concernant les ayant droits des terres de la forêt classée. Ils sont entièrement impliqués dans la restauration de cette forêt, chacun plantant des arbres dans son champ (la parcelle qu’il occupait) et toutes les formes de reforestation sont pratiquées, notamment l’agroforesterie et les plantations sur des layons préalablement ouverts. Ensuite, dans le cadre d’un programme de reboisement villageois, les propriétaires de terres contiguës à la forêt classée reboisent leurs champs et leurs lopins;

b) le deuxième type d’actions se caractérise par une décentralisation administrative partielle qui assure la supervision, l’assistance technique, administrative et financière ainsi que le suivi des opérations du projet, à travers une unité technique de gestion du projet, appelé PRAP-FM (Projet de Reboisement et d’Aménagement Participatif de la Forêt de Missahoé). Il se caractérise également par une implication des populations dans la mise en œuvre du projet par l’exécution des programmes de reboisement, un transfert de la responsabilité de l’encadrement du projet à un comité local de gestion et de protection de Missahoé (CLGPM), une union des comités de onze villages qui entourent la forêt classée de Missahoé, l’élaboration d’un règlement intérieur (ce règlement est traduit en langue locale et adopté par les onze villages et leur union), la définition d’un cadre de collaboration entre le projet et l’administration forestière, l’ouverture des comptes auprès de la FUCEC, une agence de micro finances, pour la gestion de cette forêt par ces comités, et le développement des projets générateurs de revenus tels la culture des champignons, la capture et la culture des papillons et l’écotourisme.

Au-delà, le Togo possède une expérience particulière de gestion des ressources des forêts secondaires, s’inscrivant notamment dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du Plan d’action forestier national (PAFN) et du Plan national d’action pour l’environnement (PNAE) aves les objectifs principaux:

- de sensibiliser et de susciter les engagements, à tous les niveaux, à la nécessité de préserver les ressources forestières et de promouvoir leur développement durable;

- de mobiliser les ressources nationales et internationales et de catalyser les forces pour une mise en œuvre coordonnée de ses programmes;

- de favoriser le partenariat local, national et international dans la gestion durable des forêts.

Quant au PNAE, il constitue un cadre stratégique global de réflexion, de concertation, de conception et de programmation des actions qui permettent de hiérarchiser les priorités environnementales dans la perspective d’un développement durable.

Outre le PNAE et le PAFN, il existe d’autres cadres stratégiques : la Convention sur la diversité biologique, la Convention sur les changements climatiques, la Convention sur la lutte contre la désertification et la Convention sur l’atténuation des effets de la sécheresse.

5. PRATIQUES COURANTES DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Le système traditionnel des cultures vivrières pratique encore largement les techniques d’abattis-brûlis. Autrefois, lorsque les temps de jachère étaient longs, on pouvait laisser la terre se reconstituer après trois années d’exploitation. Actuellement, la croissance démographique, la récurrence des feux de brousse, la pénurie de terres agricoles et la forte demande en produits forestiers ont réduit considérablement les temps de jachères : dans les zones écologiques IV, par exemple, ils sont passés d’une vingtaine d’années autrefois à moins d’une année aujourd’hui. Il en est résulté notamment la réduction du couvert forestier, la perte de la fertilité et l’érosion des sols.

Depuis des décennies, on assiste au développement des cultures de rente (notamment café et cacao) et de l’élevage des animaux domestiques dans les régions forestières qui constituent également – comme dit plus haut- des zones de transhumance des animaux en provenance des pays de la sous-région (Burkina Faso, Niger, Mali, Nigeria et Bénin). Ces activités ont un impact environnemental négatif du fait du déboisement, du surpâturage et feux incontrôlés.

Si l’exploitation de bois énergie, de bois de service, de « coquaires », de bambous et de produits forestiers non ligneux se pratiquent également dans les zones forestières depuis plusieurs décennies, la carbonisation et l’exploitation de bois de cure-dents (Garcinia epuntata et Garcinia ovalifolii) et de bois d’œuvre elles sont relativement récentes et se développent de manière spectaculaire. Même les hommes s’investissent dans l’exploitation de bois de cure-dents, activité considérée jadis comme réservée aux femmes. En ce qui concerne l’exploitation de bois d’œuvre, des espèces telles Daniellia oliveri, Afzelia africana, Diospyros mespiliformis, Khaya grandifolia, Khaya senegalensis, Antiaris africana et Chlorophora excelsa sont surexploitées. Les paysans emploient des scieurs professionnels qui coupent les essences de valeur ou les achètent sur pied. Cette activité est à la fois très lucrative et très destructrice de l’environnement : elle fait intervenir des tronçonneuses et des forêts galeries disparaissent du fait non seulement de la coupe incontrôlée des espèces précieuses, mais aussi des cultures qui suivent la coupe de bois jusqu’à la berge des cours d’eau.

6. POLITIQUE ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA GESTION DES FORETS SECONDAIRES

L’ordonnance n° 12 du 6 février 1974 définit le régime foncier national. Elle procède à la classification des terres du territoire national en trois catégories (Ahadzi-Nonou et Tchakei, 2002), à savoir:

- les terres détenues par les collectivités et les individus,

- les terres constituant le domaine public et privé de l’Etat, et

- le domaine foncier national.

Cette loi consacre l’institution d’un régime foncier très complexe où coexistent des règles du droit coutumier et du droit moderne. Conformément à cette loi, la structure de la propriété foncière est publique, privée et coutumière.

D’autre part, les ressources forestières étant très limitées, depuis l’époque coloniale, les pouvoirs publics donnent la priorité à la protection des ressources disponibles. C’est pourquoi le Code forestier a été promulgué en 1938 ; c’est également pourquoi les textes afférents à ce Code ont été pris, des aires protégées et des périmètres de reboisement pour le compte de l’Etat (superficie initiale 800.000 ha), créés et la Journée de l’Arbre instituée en 1977.

Une loi relativement récente renforce ces décisions : la loi sur la décentralisation. Elle s’inscrit dans le cadre de l’application des dispositions de l’article 141 de la Constitution du 14 octobre 1992 ; elle transforme les communes, les préfectures et les régions en collectivités territoriales et permet à celles-ci de jouer un rôle fondamental dans la gestion du système foncier national, donc la tenure des terres et, par voie de conséquence, le secteur forestier.

Sur le plan des institutions, on distingue des structures nationales et des structures locales d’efficacité variable:

- parmi les institutions nationales, il y a l’Assemblée Nationale, qui contrôle l’action du gouvernement, et le gouvernement qui gère les ressources forestières à travers le Ministère de l’environnement et des ressources forestières, mais aussi plusieurs autres ministères sectoriels qui disposent d’une ou plusieurs directions techniques dont les activités ont un impact sur l’environnement en général et les forêts en particulier;

- parmi les institutions locales, il y a les collectivités territoriales (communes, préfectures et régions) et les comités locaux de protection et de gestion de l’environnement (chargés, entre autres, de l’organisation des campagnes d’information, d’éducation et de sensibilisation des populations à la gestion de l’environnement, particulièrement à la lutte contre les feux de brousse).

A ces structures, s’ajoutent:

- les organisations professionnelles (syndicats des travailleurs, Conseil National du Patronat, Chambre de Commerce et d’Industrie, Chambre Nationale d’Agriculture, organisations religieuses chrétiennes et musulmanes);

- les ONG (environ 200) qui interviennent dans divers secteurs : agriculture, santé communautaire, éducation, formation, développement communautaire, épargne et crédit. Dans le secteur forestier, leurs actions portent entre autres sur le reboisement, la protection de la faune et la flore, la restauration des sols, la sensibilisation et l’éducation, le bien être social et l’utilisation rationnelle de l’énergie domestique. Celles qui interviennent dans le domaine de l’environnement sont regroupés en consortium (COMET), en fédérations régionales ou en réseaux.

PRINCIPALES LEÇONS ET CONCLUSIONS

Il n’y a plus de forêts primaires au Togo. Les causes en sont une forte croissance démographique, la pauvreté, l’agriculture itinérante, les feux de brousse, la consommation massive de combustibles ligneux, l’exploitation abusive de bois d’œuvre et les dynamiques économiques apparues lors de la réalisation de trois plans quinquennaux de développement du pays (1966-1970, 1971-1975, 1976-1980).

La durabilité des forêts existantes pose problème. Les informations sur leur régénération font défaut, les études sur la dynamique de croissance et sur la remise en état des zones exploitées ou dégradées ne sont pas entreprises, les cultures de rente (café, cacao et coton) se développent et les capacités d’intervention des Administrations (en ce compris les moyens financiers) sont faibles. A ces problèmes, s’ajoutent ceux liés à la diversité culturelle ou ethnique, à la complexité du régime foncier (juxtaposition de plusieurs droits sur le sol) et au nombre élevé d’institutions, indépendantes les unes des autres, qui sont responsables, à des niveaux différents, de la gestion des ressources forestières.

Malgré ces contraintes, le pays dispose des atouts pour s’ériger parmi les principaux acteurs d’un projet de société pour un développement durable : une population suffisamment sensibilisée aux problèmes de déforestation et à ses effets négatifs sur les rendements de leurs cultures (rente et vivriers), la décentralisation et la régionalisation comme une option pour le développement du pays et des expériences de projets qu’on peut diffuser à l’échelle nationale.

RECOMMANDATIONS

Tout ce qui précède indique que de nombreux faits devraient être pris en considération pour assurer la durabilité des ressources forestières et le bien-être des populations du Togo. Les recommandations suivantes peuvent être faites:

- concevoir le développement avec tous les acteurs (y compris les populations),

- replacer la forêt au centre du développement,

- associer les différents acteurs de l’encadrement traditionnel des activités rurales dans le pays à la conception et à la réalisation des programmes de gestion des forêts à court, moyen et long termes,

- développer les synergies des efforts et des moyens pour atteindre les objectifs communs,

- renforcer ou promouvoir une gestion décentralisée des forêts,

- mettre en place un cadre législatif et un environnement économique favorables au développement des forêts secondaires,

- sécuriser les propriétaires fonciers privés et prendre des mesures pour rendre plus simple et souple la gestion du patrimoine foncier,

- développer les capacités d’intervention de tous les acteurs (y compris les capacités techniques des ONG),

- renforcer la collaboration et le partenariat entre les ONG et les autres acteurs concernés,

- prendre des mesures incitatives pour reboiser les terres vacantes, restaurer les forêts dégradées,

- promouvoir un plan d’utilisation du territoire national à des fins agricoles, pastorales et forestières afin de freiner la dégradation des écosystèmes,

- affecter ou mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. Ahadzi-Nonou K.et Tchakei E., Revue du cadre juridique et institutionnel de la gestion de l’environnement au Togo, version préliminaire, novembre 2002.

2. Banque mondiale, Analyse, stratégie et programme d'action du sous-secteur des énergies traditionnelles, programme régional pour le secteur des énergies traditionnelles, novembre 2002.

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6. Lanly, 1981, FAO, Rome.

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8. Ministère de l’environnement et des ressources forestières, plan directeur de développement durable de la zone écofloristique IV du Togo, décembre 2002

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12. Ministère de l’environnement et des ressources forestières, deuxième rapport national de la mise en œuvre de la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, avril 2002.

13. Ministère de l’environnement et des ressources forestières, stratégie et plan d’actions pour la conservation de la diversité biologique, document provisoire, avril 2003.

14. Ministère de l’environnement et des ressources forestières, plan directeur de développement durable de la zone écoifloristique IV du Togo, décembre 2002.

15. Ministère de l'équipement, des mines, de l’énergie et des postes et télécommunications, analyse, stratégie et programme d’action du sous-secteur des énergies traditionnelles, rapport national, novembre 2002.

16. Ministère du développement rural, de l’environnement et du tourisme, 1993, Recueil des principaux textes relatifs à la protection de l’environnement au Togo, Direction de la protection et du contrôle de l’exploitation de la flore (DPCEF).

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18. TOGO, Rapport au Congrès forestier mondial, 1991.

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20. Togo, Deuxième rapport national de la mise en œuvre de la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification.

21. Togo, Programme d’action forestier national, 1994.

22. Yapi Atse et Sessi K., Etude économique du secteur forestier et étude de faisabilité pour la création d’un fonds de développement forestier au Togo, décembre 1997.


63 Carte des subdivisions écologiques du Togo.

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