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3.2.17 Sénégal

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

Rapport de Sénégal

Écrit par
M. Tanor Fall
Chef de la Division aménamenet et productions forestières
Direction des eaux, forêts, chasses et de la conservation des sols
Dakar, Sénégal
Tél.: 221-832-06-28
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec IUCN, ICRAF et CIFOR
Douala, Cameroun ; 17 – 21 novembre 2003

INTRODUCTION

Au Sénégal, presque toutes les forêts peuvent être considérées comme secondaires. Cette situation est liée aux perturbations d’origines naturelle et anthropique. Le boom démographique, conjugué notamment à une croissance économique instable et des performances timides des secteurs tels que les services et les biens, accroît la demande sociale en produits forestiers, accélère la conversion des forêts notamment en terres agricoles, alors que les modes de gestion forestière sont inefficaces (PAFS, 1993). En plus, les sécheresses successives et les feux dégradent les écosystèmes forestiers de l’ensemble des zones sahélienne et soudanienne (FOSA, 2003).

Faire face aux besoins des populations tout en préservant les forêts secondaires paraît donc essentiel. Malheureusement, les données sur la situation de ces forêts ne sont pas fiables. Issu de l’atelier de Douala (17-21 novembre 2003), ce rapport traite des forêts secondaires du Sénégal. Il voudrait en rassembler les éléments disponibles.

Cependant, il n’a pas paru possible de donner un aperçu sérieux des forêts secondaires sans, au préalable, en connaître les facteurs qui influencent les écosystèmes forestiers. C’est pourquoi, ce rapport s’est efforcé d’exposer dans un premier chapitre la situation socioéconomique générale de la foresterie et de l’utilisation des terres.

Ainsi pourrions-nous mieux comprendre les caractéristiques et l’importance des forêts secondaires ainsi que les questions liées à leur gestion au cours des chapitres subséquents. Mieux connues, il devient alors possible de tirer les leçons de l’exploitation et de la conservation des forêts secondaires et de suggérer des recommandations pour en assurer une gestion durable.

1. SITUATION GENERALE SOCIOECONOMIQUE DE LA FORESTERIE ET DE L’UTILISATION DES TERRES

Le Sénégal a une superficie de 196.722 km². Sa population, qui était en 1960 de trois millions d’habitants, atteint aujourd’hui 10 millions d’habitants. En 43 ans, la population a plus que triplé. Et depuis 1965, les données montrent une accélération de l’urbanisation (27% en 1965 et plus de 39% actuellement) ainsi qu’une forte concentration de la population à l’ouest du pays, notamment Diourbel (plus de 141 hab/km2), Thiès (plus de 142 hab/km2) et Dakar (plus de 2.728 hab/km2).

Cette évolution de la population a des répercussions sur les ressources forestières : perturbation des formations forestières ouvertes à dominance de Acacia senegal, Acacia senegal, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca et Comnifora africana au nord, dans le domaine sahélien ; perturbation des forêts sèches à dominance elles de Anogeissus leiocarpus, Sterculia setigera, Cordyla pinnata, Acacia sieberiana et Combretum spp. au centre, dans le domaine soudanien et dégradation des forêts demi-sèches denses caractérisées par Parkia biglobosa, Prosopis africana, Parinari excelsa, Détarium senegalensis et Afzelia africana au sud, dans le domaine guinéen.

Ces perturbations touchent également la frange maritime constituée, au sud du pays en particulier autour de l'estuaire de la Casamance, par des mangroves à Rhizophora et Avicennia (100.000 ha). Au cours des trois dernières décennies, le couvert forestier a ainsi reculé au rythme moyen de 0,7% par an soit 45.000 ha par an (FAO, 2000). Les ressources les plus touchées sont les espèces ligneuses les moins résistantes suivies des plantes herbacées, mais on note des différences significatives qui sont fonction de la zone écogéographique (PAFS, 1993).

Des actions sont entreprises pour enrayer cette dynamique : division du domaine forestier en domaine classé et domaine protégé, inventaires forestiers, contrôle de l’exploitation forestière, décentralisation de la gestion forestière, reboisement communautaire et villageois, restauration et protection des réserves forestières, etc. Mais ces actions sont insuffisantes. Par exemple, les forêts continuent de se dégrader, la connaissance des ressources forestières est insuffisante, les systèmes de gestion agricole et d’élevage, consommateurs d’espaces, ne se préoccupent pas toujours de la préservation de ces ressources et la demande sociale en terres et en produits forestiers croît avec l’augmentation de la population.

2. CARACTERISTIQUES ET ETENDUE DES FORETS SECONDAIRES

Pour définir les « forêts secondaires», cette définition suggérée par la FAO a été retenue : « les forêts secondaires sont des forêts se régénérant dans une large mesure par des processus naturels après une importante perturbation d’origine humaine et/ou naturelle de la végétation forestière originelle à un moment donné ou sur une longue période de temps et, dénotant des différences marquées dans la structure de la forêt et/ou de la composition des espèces du couvert par rapport aux forêts primaires voisines sur des sites similaires ».

Conformément à cette définition, toutes les forêts sénégalaises, mises à part les formations particulières telles que la mangrove, peuvent être considérées comme des forêts secondaires. Parce que les forêts originelles sont soumises à des actions anthropiques (exploitation forestière, exploitations agricoles ou feux de brousse) et à des conditions climaciques sévères.

Les données sur l’étendue de ces forêts ne sont pas disponibles. L'analyse ci-après de leurs caractéristiques tient compte des facteurs qui ont influencé leur évolution. Il s'agit notamment de l'exploitation forestière, de l'expansion du front agricole et des feux de brousse.

2.1 Forêts secondaires après exploitation

Comme dans la plupart des pays d'Afrique tropicale, le bois représente au Sénégal 90% de l’énergie consommée par les ménages (Ministère chargé de l’Energie, 1994).

Avant l’indépendance, la satisfaction des besoins énergétiques et ligneux du colonisateur se faisait suivant un plan simple d’aménagement, avec un régime de taillis lui aussi simple. Suivant la rotation fixée, la forêt était soumise à un parcellaire et, à la faveur des conditions climaciques favorables de même que de l’application stricte d'un plan simple de gestion, la forêt se régénérait de façon satisfaisante.

A partir de 1960, date de l’indépendance, cette pratique a été perturbée notamment par un prélèvement des ressources forestières qui n’était pas compatible avec l’état et la dynamique des forêts. Loin de s’améliorer avec l’expérience, cette situation s'est aggravée actuellement avec l'accroissement de la population, l’exploitation forestière, les feux de brousse et le passage du bétail. La strate arborée des forêts secondaires après exploitation se compose principalement d'essences qui ont un faible pouvoir calorifique et d'essences protégées qui ont échappé à l'exploitation clandestine. Il s'agit d'essences telles que Pterocarpus erinaceus et Sterculia setigera à l’ouest et au sud du pays, de Bombax costatum et Daniella oliveri particulièrement dans les régions du sud. La strate arbustive est dominée elle par les combrétacées (Combretum glutinosum, Combretum micrantum, Guiera senegalensis) et par certains acacia (Acacia seyal, Acacia macrostachya).

Dans ces forêts, la régénération se fait par rejet de souches ou par drageonnage, les feux de brousse limitant la régénération naturelle par semis.

Quant à leur étendue, l'absence de plans simples de gestion et le fait que l’Etat fixe les quantités à exploiter sur la base du produit fini, et non par volume ou par contenance, ne permettent pas de maîtriser les surfaces exploitées ; en conséquence, la superficie des forêts secondaires après exploitation n’est pas connue.

2.2 Forêts secondaires dans des jachères laissées par l’agriculture itinérante

La jachère fait partie du système traditionnel d’utilisation des sols, dans l'exploitation agricole. C'est une phase d'abandon du sol durant laquelle celui-ci ne fait l'objet d’aucune exploitation agricole. Elle intervient quand le rendement agricole et la fertilité du sol ont baissé ou quand celui-ci est envahi par des mauvaises herbes ou des parasites.

Jadis, la jachère durait de quinze à vingt ans, ce qui correspond à la rotation d’un taillis. Durant cette période, la végétation colonisait le milieu et assurait la restauration de la fertilité du sol, grâce à un retour de la savane arbustive et arborée62. Dans ce contexte, la structure des peuplements ligneux dans les forêts secondaires après jachères dépend du mode de gestion de la jachère.

Aujourd’hui, ce processus de formation des forêts secondaires est perturbé du fait notamment de la pression démographique et de l’extension des cultures de rente. Le temps d'abandon de cultures a été ainsi écourté et les jachères se raréfient, changent de natures et de type d’exploitation.

Toutefois, beaucoup de travaux (Kaire, 1999) sont consacrés à la régénération forestière dans les jachères. Ils montrent que les semis de ligneux n’apparaissent de manière importante que 10 ans après le début de la jachère quand les conditions sont favorables (bonne qualité de graines, lit de germination plus réceptif, bonnes conditions édapho-climatiques, etc.). Les premiers stades des forêts secondaires sont occupés presque exclusivement par les rejets de souches ligneuses. L’abondance de jeunes pouces peut être attribuée à la coupe régulière du taillis et à l'importance du recrû après le feu. Cette coupe est liée à l’exploitation de bois de feu par les populations rurales. Les feux et les coupes répétées participent à l'accroissement du nombre de rejets annuels en faisant disparaître, à chaque passage, la partie aérienne des jeunes tiges.

2.3 Forêts secondaires après incendie

Les feux de brousse qui parcourent chaque année des milliers d’hectares, perturbent considérablement la végétation originelle et induisent une « secondarisation » des formations forestières par la sélection des espèces pyrophiles. Ils limitent également la régénération forestière par semis. En complément, les espaces brûlés qui se recouvrent d’herbes attirent les éleveurs à cause du manque de pâturage herbacé. Même si les animaux favorisent la dissémination de certaines espèces (Acacia, Ziziphus, etc. Préciser les espèces) et la constitution de certains parcs à gommiers dans le Ferlo, le broutage des semis et des rejets entrave, comme les feux, la régénération forestière.

Cet émondage excessif entraîne une transformation de la structure des arbres et des arbustes, tels Cordyla, Adonsonia, Celtis et Pterocarpus, notamment en période de soudure lorsqu’ils fleurissent ou donnent des fruits.

Les forêts secondaires après incendie se caractérisent par une "combrétinisation" du peuplement. Dans la zone soudanienne, par exemple, les combrétacées sont en effet les premières à émettre de nouvelles feuilles après le passage des feux de brousse. Elles se développent abondamment au détriment de la végétation initiale.

3. IMPORTANCE SOCIOECONOMIQUE DES FORETS SECONDAIRES

Les forêts secondaires, et particulièrement celles qui se développent dans les jachères laissées par l’agriculture itinérante, occupent une place importante dans la vie des populations rurales à cause de nombreux produits et services qu’elles leur procurent : combustibles, aliments, plantes médicinales, résines, matériaux pour couvrir les toits, tresser des seccos ou confectionner les cases, production de fourrages, protection des sols de l’érosion, brise-vent, restauration de la fertilité des sols, etc. Elles sont également des refuges de la faune sauvage.

Mais, pour les populations rurales, l'intérêt économique des forêts secondaires se situe au niveau des revenus qu’elles leur fournissent. En effet, le commerce des produits forestiers non ligneux, notamment des fruits forestiers, même si l’on ne dispose pas de données chiffrées, il constitue néanmoins une source de revenus considérables pour ces populations. Seulement, il convient de gérer les risques d’une activité qui ne repose pas sur une bonne connaissance des ressources et de leur dynamique.

4. CONNAISSANCES ET EXPERIENCES EFFECTIVES EN MATIERE DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Comme évoqué plus haut, la fiabilité des informations sur les ressources forestières au Sénégal devrait être améliorée. De plus, si on fait abstraction des empiétements, des contrats de cultures, des installations minières et d’autres facteurs qui réduisent les superficies forestières, on peut considérer que l’étendue du domaine classé est relativement bien connue. Par contre, celle du domaine protégé ne l’est pas à cause, entre autres, de la méconnaissance de l’itinéraire des cultures.

En matière de gestion des forêts secondaires, les programmes d’actions mis en œuvre jusqu’à présent permettent de dégager les enseignements suivants :

- la gestion centralisée des ressources forestières est inefficace eu égard aux résultats obtenus (poursuite de la dégradation des ressources forestières, exploitation forestière illégale, méconnaissance de la ressource forestière, etc.),

- les actions d’information-sensibilisation doivent être poursuivies afin d’améliorer la participation des populations à la gestion forestière,

- les préoccupations des populations locales doivent être prises en compte dans les programmes forestiers,

- les programmes forestiers doivent être mis en œuvre sur des bases contractuelles afin de créer des relations de partenariat et de responsabiliser les parties prenantes.

Ainsi et bien qu’elles soient timides, les activités forestières actuelles s’appuient sur ces enseignements. Sur le plan organisationnel, la gestion des ressources forestières est assurée d’abord au niveau familial et du village, puis au niveau inter-villageois. Les activités menées à ces niveaux s’intègrent dans celles entreprises au niveau de la communauté rurale.

L’effet de cette démarche a été la prise de conscience par les populations rurales de l’importance de la forêt et de la nécessité de la préserver. Cette démarche a permis également la mise en place des instruments de contractualisation des rapports entre les acteurs dans la gestion et l’exploitation des ressources naturelles (conventions locales). En termes pratiques, la gestion de certaines forêts secondaires a été améliorée, grâce à des opérations de mise en défens et d’enrichissement (plantations sur des layons ouverts, semis à la volée, etc.). Et des taillis se sont développés parce qu’ils ont bénéficié d’une meilleure protection contre les feux de brousse.

Au-delà, afin de rassembler des informations fiables sur les différents types de forêts forestières et d’améliorer le suivi de leur gestion, un système d'information cartographique est mis en place dans les régions de Tambacounda et de Kolda (zone soudanienne). Il s’inscrit dans le cadre d'un programme de gestion durable et participative des énergies traditionnelles et de substitution (PROGEDE).

En complément, même si les résultats escomptés n’ont pas été atteints, des actions de reboisement avec des essences exotiques (Eucalyptus spp., Prosopis juliflora, Azadirecta indica) ont été entreprises à l'ouest et au centre du pays (zone sahélo-soudanienne). Elles ont eu pour objectif de restaurer des forêts qui furent dégradées du fait de l’exploitation pour la production de charbon de bois. Malheureusement, ces forêts sont toujours dégradées et l’Acacia seyal, essence dominante autrefois, disparaît et est remplacée par des essences exotiques.

En outre, de nombreux projets participent à la gestion des forêts secondaires. Il s’agit notamment du projet sénégalo-allemand de combustibles domestiques qui intervient dans la zone Centre-Ouest (Kaolack), du projet de gestion communautaire des ressources naturelles (Tambacounda, Kolda et Kaolack), du projet d’appui à l’entrepreneuriat paysan dans la zone des Niayes. Tous ces programmes s’appuient sur l’organisation et la responsabilisation des populations riveraines, des collectivités locales et des partenaires au développement dans la conservation et l’exploitation des ressources forestières.

5. PRATIQUES COURANTES DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Le domaine forestier sénégalais est divisé en deux parties : le domaine classé et le domaine non classé ou domaine protégé. Conformément à la loi sur la décentralisation (loi n° 96-07 du 22 mars 1996 et son décret d’application), la gestion du domaine classé (forêts classées, périmètres de reboisement et de restauration, réserves naturelles, parcs nationaux et réserves spéciales) est assurée par l’Etat, tandis que celle du domaine protégé relève des collectivités locales.

Toutefois, l'exercice des compétences ainsi que les obligations qui en découlent sont précisées dans le plan d'aménagement de la forêt concernée (loi n° 98-03 du 08-02-98 portant Code forestier). Dans la pratique, l’exploitation forestière continue d’être gérée par l’Etat, à travers le service forestier. Parce que les collectivités locales ne disposent pas de services compétents et parce qu’aux termes de la loi, elles peuvent bénéficier des services des structures techniques de l’Etat pour une bonne gestion des ressources naturelles de leurs terroirs.

Mais la gestion des forêts secondaires dans des jachères laissées par l’agriculture itinérante est particulière. Les populations exploitent constamment ces forêts pour faire face à leurs besoins en combustibles domestiques, ce qui entraîne des coupes répétées du taillis et la formation de rejets de souches vivaces.

Par ailleurs, afin d’assurer une meilleure gestion des produits forestiers, ceux-ci sont répartis en deux catégories : les produits forestiers contingentés (charbon de bois, bois de service, bois d’œuvre) et les produits non contingentés (fruits forestiers, huile de palme, feuilles, racines, écorces et gommes diverses, bois de chauffe). Les modalités d’exploitation des produits de la première catégorie sont fixées chaque année par arrêté ministériel, et les produits répartis entre des exploitants forestiers agréés. L’exploitation des produits de la deuxième catégorie est ouverte à toute personne morale ou physique qui se serait au préalable acquittée de la redevance prévue à cet effet.

6. POLITIQUES ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Dans le système foncier traditionnel, la terre appartient à celui qui a défriché la forêt originelle. La propriété foncière est acquise lors du défrichement effectué par le lignage à la fondation du village, c'est le droit de hache. Après culture – en ce compris la jachère-, ce droit est maintenu. Ainsi, ce système est susceptible de permettre à un groupe d’hommes de posséder de grandes étendues de terres, entravant ainsi la participation des populations à la gestion des ressources forestières.

Soucieux de favoriser une exploitation rationnelle des ressources dans la perspective d’un développement durable, le Sénégal a promulgué des textes (lois n°64-46 du 17 juin 1964 et 72-25 du 19 avril 1972, portant respectivement sur le domaine national et la réforme administrative, ainsi que la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 sur la décentralisation et son décret d’application) qui visent la décentralisation des décisions concernant les ressources foncières et une plus grande participation des collectivités locales à leur gestion. Par exemple, aux termes des lois n°64-46 du 17 juin 1964 et 72-25 du 19 avril 1972, la terre est attribuée à celui qui la met en valeur. Elle revient au domaine si l’usufruitier ne peut pas assurer, durant trois ans de suite ou plus, sa mise en valeur. Cette notion de mise en valeur ainsi introduite, privilégie les seules actions agricoles et limite la mise en jachère.

Mais les textes législatifs sont en inadéquation avec les réalités sociales et sont par conséquent d’application difficile. La terre continue d’être gérée selon les us et coutumes.

Par ailleurs, dans les forêts secondaires, les droits des riverains se limitent aux droits d’usage. En d’autres termes, les populations des forêts riveraines peuvent se procurer, gratuitement, certains produits de la forêt pour leurs besoins familiaux : ramassage de bois mort et de paille, récolte de fruits, de plantes alimentaires ou médicinales, de gomme, de résines et de miel, de parcours de bétail et de bois de service destiné à la réparation des habitations. Ces dispositions n'entraînent aucun droit de disposer des lieux. Elles ne s'appliquent pas aux parcs nationaux, aux forêts privées, aux réserves naturelles intégrales et aux périmètres de restauration.

En ce qui concerne les questions institutionnelles, la tutelle administrative sur les services chargés des ressources forestières est assurée par le Ministère de l’Environnement et de l’Assainissement. Dans ce ministère, la Direction des Eaux, Forêts, Chasses et de la Conservation des Sols exécute toutes, ou presque, les opérations forestières à l’extérieur des aires protégées. Chaque région forestière composant le territoire national a un Inspecteur régional des Eaux et Forêts à sa tête, qui exerce dans sa circonscription les mêmes attributions que celles du Directeur des Eaux et Forêts. Ces régions forestières sont divisées en secteurs des Eaux et Forêts dont les chefs sont chargés de remplir, auprès des préfets de leurs départements, les fonctions de chef de secteur des Eaux et Forêts. Ces secteurs sont, à leur tour, divisés en brigades forestières dont les chefs accomplissent les fonctions de chef de brigades forestières au niveau des arrondissements. Enfin, ces brigades comprennent des triages, dont l’étendue correspond à celle de grands villages.

Au-delà de ces institutions, de nombreux projets et de nombreuses organisations non gouvernementales participent à la gestion des ressources forestières.

PRINCIPALES LEÇONS ET CONCLUSIONS

Globalement, les forêts sénégalaises résultent de l’influence des populations sur les forêts primitives. Elles contribuent à la satisfaction de leurs besoins en produits forestiers. Cependant, l'absence de plans simples de gestion pouvant en assurer une exploitation rationnelle entraîne leur dégradation. La participation des populations concernées aux activités forestières apparaît comme une des solutions à ce problème. Toutefois, la mise en œuvre d’une stratégie efficace de gestion des ressources des forêts secondaires passe par la valorisation des connaissances traditionnelles. Cette action est confrontée à un certain nombre de contraintes, à savoir:

- une connaissance insuffisante de la superficie des différents types de forêts,

- des cartes thématiques rares et généralement vieilles,

- un développement trop lent et peu coordonné d’une base de données géoréférencées,

- l’impossibilité d’évaluer, en termes d’impact environnemental, les modifications importantes du couvert forestier et de l’occupation des terres consécutives au déboisement et à la dégradation des forêts.

RECOMMANDATIONS

La gestion durable des formations forestières secondaires passe par la définition d’une vision globale des ressources naturelles du territoire (zone éco-géographique ou région administrative), incluant les secteurs tels que la foresterie, l’élevage et l’agriculture.

Cette approche demande de clarifier la difficile question foncière qui constitue un goulot d’étranglement à l’aménagement et à la gestion des terres. D’autant que la notion de conservation postule la sécurité des investissements dans les aménagements fonciers.

Dans le même ordre d’idées, le renforcement des capacités locales de gestion des ressources forestières devrait faire partie des priorités.

La gestion des forêts du domaine protégé a été transférée aux collectivités locales, mais les capacités de gestion de celles-ci sont faibles : budget insignifiant, difficultés d’accès au crédit, etc. Il est recommandé de trouver des solutions à ce problème. Il en est de même de la faible fiabilité des informations sur les ressources forestières. A ce propos, le développement à l’échelle nationale d’un système d’information géographique pourrait être envisagé.

Les contraintes liées à l’exploitation, à la transformation, à la conservation et à la commercialisation des produits forestiers non ligneux devront être mieux cernées et les mesures nécessaires prises pour les lever.

Au plan de la recherche, la mise en place d’un réseau de parcelles de référence permanentes est nécessaire, pour une meilleure compréhension de la dynamique de croissance des espèces et une meilleure gestion des contraintes pesant sur la multiplication de ces dernières.

Pour valoriser les produits forestiers, une étude de la fiscalité forestière constituerait une base importante pour dégager une stratégie de gestion forestière assurant l'amélioration des conditions de vie des populations locales et la pérennité de la ressource.

Enfin, la loi n° 72-25 du 19 avril 1972 sur la réforme administrative devrait être réécrite dans le but d’assurer la sécurité des exploitants et des investisseurs et de renforcer les jalons pour la sauvegarde du potentiel foncier.

BIBLIOGRAPHIE

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14. PAFS, Programme d’action forestier du Sénégal, Dakar, 1993.


62 Les plantes de jachères commencent à croître à partir de l’ouverture du couvert forestier ; leur évolution vers des formations forestières secondaires varie avec des différences qui sont fonction de l’intensité des opérations de sarclage ou de recépage.

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