Previous PageTable Of ContentsNext Page


3.2.16 Rwanda

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

Rapport national du Rwanda

Ecrit par
Habimana Claudien
Directeur des forêts
Ministère des terres, de l’environnement, des forêts, de l’eau et des ressources naturelles
BP 3502; Kigali; Rwanda
Tel. : (250) 510.559/08530036
Mél.: [email protected]

POUR

L'ATELIER FAO / AC LNV/ GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l'UICN, ICRAF et CIFOR
Douala, Cameroun, 17 - 21 novembre 2003

RESUME

L’étendue et l'importance des forêts secondaires commandent l'exploration des outils de leur gestion durable, chaque pays apportant sa contribution.

Ce rapport participe de cette démarche. Il rassemble les informations sur ces ressources au Rwanda. A part quelques formations forestières originelles et artificielles, toutes les forêts rwandaises sont secondaires. Ces forêts sont notamment des réserves de plantes médicinales et une source de revenus à travers le tourisme ; elles assurent également des fonctions éducatives, de stabilisation des sols sur les collines et de régulation du climat.

Mais leur étendue diminue sous l’effet, entre autres, des défrichements pour l’agriculture, de l'exploitation abusive des produits forestiers, des feux criminels, de la méconnaissance et du non respect de la réglementation forestière ainsi que des guerres civiles.

Les conséquences de ce phénomène sont considérables. Par exemple, on estime que l'érosion arrache chaque année 557 tonnes de sol aux terres rwandaises et diminue « leur capacité de nourrir 40.000 personnes ». La même cause provoque la perte de 945.200 tonnes de matières organiques, 41.210 tonnes d'azote, 280 tonnes de phosphore et 3.055 tonnes de potasse par an.

Face à cette situation, l'administration forestière promeut à la fois l’amélioration de la production forestière et la pérennisation du patrimoine forestier. Mais les ressources financières et humaines nationales étant très limitées, ces objectifs ne pourront être atteints qu’avec la contribution de la communauté internationale.

INTRODUCTION

Ce rapport a été écrit à l'initiative de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l ’Agriculture (FAO). Il répond aux questions ci-après : Quels sont les différents types de forêts secondaires au Rwanda? Où se trouvent-ils? Quelle est leur importance socioéconomique et écologique ? Comment sont-ils gérés? Et comment améliorer leur gestion?

1. SITUATION SOCIOECONOMIQUE GENERALE DE LA FORESTERIE ET DE L'UTILISATION DES TERRES

Le Rwanda est un pays de 26.338 km² et d'environ 8,2 millions d'habitants, dont 95,1% de ruraux. Son PIB s'élevait à US$ 2.024 millions en 1998, loin devant celui du Burundi (US$ 885 millions), un de ses voisins. Le pays a vécu une crise sociopolitique très grave entre les années de 1990 à 1994 et de 1996 à 1998. Celle-ci n'est pas sans conséquences sur l'équilibre entre la société rwandaise et les ressources forestières.

1.1 Changement des superficies forestières et conséquences

Depuis 1925, la plupart des forêts naturelles du Rwanda sont classées soit en réserves forestières, soit en parcs nationaux. Le tableau 1 fournit les informations sur les noms des forêts naturelles, leur date de classement, leur localisation et les objectifs de leur classement.

Tableau N°1: Noms, dates de classement des forêts naturelles rwandaises et les objectifs de leur classement

Aires protégées

Année de classement

Localisation

Objectif de classement

Parc National des Volcans

1925

Nord-ouest

Parc touristique

Forêts de Nyungwe

1933

Sud-ouest, ouest

Réserve forestière

Parc national de l'Akagera (PNA)

1934

Est

Parc touristique

Domaine de chasse du Mutara

1934

Est

Domaine de chasse

Forêt de Gishwati

1951

Nord ouest

Réserve forestière

Forêt de Mukura

1951

Ouest

Réserve forestière

Si en 1960, il y avait 634.000 ha de forêts naturelles. Il n'en restait en 2000 que 221.200 ha soit une baisse de 64 % en 40 ans. Quant à l'étendue de toutes les forêts (forêts naturelles et plantations), elle était estimée à 503.763 ha en 2000 soit 19.13% de la superficie totale du pays (Direction des Forêts, 2001).

Les causes de la réduction de la surface forestière sont nombreuses : entre autres, les défrichements pour l’agriculture, l'exploitation abusive des produits forestiers, les feux criminels, la méconnaissance et le non respect de la réglementation forestière ainsi que la guerre de 1990–1994. A titre d'illustration, avant la guerre, les forêts de la Crête Congo-Nil, les Parcs Nationaux de l'Akagera et des Volcans et le domaine de chasse du Mutara couvraient 450.000 ha (environ 17% du territoire). Entre 1990 et 2000, des grandes étendues de ces forêts ont été détruites et les efforts de reboisement n'ont pas pu compenser ces pertes.

Ce phénomène a des conséquences écologiques considérables : érosion des sols, inondations des marais et des bas-fonds (cas des provinces de Byumba, de Ruhengeri et de Gisenyi, particulièrement autour l'ex-forêt naturelle de Gishwati), glissements de terrains (les glissement de terrains à Nyamutera en 1989, Gishwati en 2001 et Bweyeye en 2002 ont fait de nombreuses victimes et causé d'importants dégâts matériels), etc. Actuellement, on estime que l'érosion arrache chaque année 557 tonnes de sol aux terres rwandaises et diminue « leur capacité de nourrir 40.000 personnes ». La même cause provoque la perte de 945.200 tonnes de matières organiques, 41.210 tonnes d'azote, 280 tonnes de phosphore et 3.055 tonnes de potasse par an.

1.2 Utilisation des terres

Conformément au droit foncier, l’Etat est le propriétaire unique des terres au Rwanda. Les populations sont des usufruitières. Cependant, ces dispositions n’ont qu’un impact marginal sur la conservation forestière, car la majorité de la population les ignore et appréhende le problème foncier en référence au droit coutumier. A cet égard, les propriétaires de terres sont la famille, le village ou la collectivité de la chefferie traditionnelle.

Comme dans nombre de pays africains, la dépendance à l’égard de la terre au Rwanda est forte. Le tableau 2 donne une idée de l’occupation des terres et l’on note que 50% environ des terres sont allouées à l’agriculture. Au rythme actuel d’utilisation des ressources foncières et si des stratégies appropriées ne sont pas mises en œuvre, on prédit que la superficie des terres agricoles augmentera au détriment des forêts et des terres considérées comme non encore utilisées telles que les aires protégées. D’ores et déjà, la forêt naturelle de Gishwati (au nord du pays), le domaine de chasse du Mutara et le Parc national de l’Akagera (à l’est du pays) ont été considérablement réduits.

2. CARACTERISTIQUES ET ETENDUE DES FORETS SECONDAIRES

On peut distinguer trois grands types de forêts secondaires au Rwanda.

2.1 Les forêts secondaires après incendie

A de rares nuances près, elles correspondent à la forêt afromontagnarde de Nyungwe et à celle du Parc national de l’Akagera.

2.1.1 Forêt afromontagnarde de Nyungwe

D’une superficie de 92.400 hectares, la forêt de Nyungwe abrite environ 1.500 espèces dont 400 espèces ligneuses, une certaine d’orchidées et plus de 200 espèces de mousses et de lichens ; plus 70% de ces espèces sont endémiques et environ 20% distribuées uniquement dans le rift occidental. La forêt de Nyungwe abrite également de nombreuses espèces fauniques : plus de 276 espèces aviennes (dont 32 sont endémiques du rift occidental), 126 espèces de lépidoptères, 25 à 30 espèces de grands mammifères incluant le chimpanzé (Pan troglodytes scweinfurtii) et les cercopithèques de hamlgn (Cercopithecus ascanius schmidti, Cercopithecus mitis doggetti, Cercopithecus mona denti, Cercopithecus albigena johnostonii et Cercopithecus aethiops (connus seulement de trois localités en Afrique).

Cette forêt présente quatre zones écologiques:

1. la partie occidentale (1750–2300 m) : cette zone, communément appelée zone A, est dominée par une forêt ombrophile dense, hétérogène avec des essences caractéristiques : entre autres, Albizzia gummifera, Syzygium parvifoliumm, Entandrophragma excelsum, Newtonia buchananii, Symphonia globulifera , Carapa grandiflora, Lobelia giberroa, Faurea saligna et Maesa lanceolata ;

Tableau N°2 : Evolution de l’occupation des terres

Utilisation

Années

 

1970

1980

1986

2000

Superficie totale des terres (ha)

2.559.500

2.559.500

2.559.500

2.559.500

Terres non utilisables

726.959

718.201

713.001

657.995

Terres couvertes par les Eaux

135.038

135.038

135.038

153.045

Vallées et marécages

83.840

81.000

77.000

32.000

Réserves naturelles

1.398.100

1.398.100

1.392.900

1.392.900

Domaines de chasse

64.273

53.663

53.663

20.000

Domaines militaires

12.700

12.700

12.700

5.000

Routes

6.208

7.400

8.500

10.000

Villes et Industries

5.000

8.500

11.400

20.250

Terres théoriquement pour l’agriculture

1.832.541

1.841.300

1.840.500

1.801.605

Terres impropres à l’agriculture

525.400

520.000

510.000

480.000

Stations expérimentales

18.121

18.121

18.121

5.00016.3

Terres concédées

16.320

16.320

16.320

16.320

Plantations forestières

27.156

80.000

232.500

282.563

Terres théoriquement disponibles

1.245.544

1.229.600

1.202.560

1.300.285

Superficies occupées par des EAF

835.935

1.078.650

1.321.494

1.765.125

Superficies occupées par les enclos

30.000

43.200

53.700

60.000

Superficies de terres pour les cultures de subsistance

463.560

616.200

699.000

757.785

Superficie de terres pour les cultures de rente

34.200

45.500

62.200

75.000

Superficies de terres pour les cultures de jardinage

29.900

48.700

65.300

67.500

Terres en jachères et protégées contre l’érosion

200.000

154.000

123.300

75.000

Superficies des pâturages

487.884

322.60

199.360

150.000

Superficies de cultures fourragères

-

-

-

15.000

Moyenne de superficie disponible pour une EAF (ha)

1.49

1.14

0.91

0.68

Source : Ministère du Plan, 1983.

2. la partie orientale au niveau de la crête (2100–2600 m) : cette partie, appelée aussi zone B, est caractérisée par de vastes étendues de forêts dominées notamment par Macaranga neomildbraediana, Syzygium parvifoliumm, Podocarpus usambarensis , Hagenia abyssinica, Philipia benguelensis et Polyscias fulva ;

3. le sud du centre de la forêt (2.350–2.600 m), appelé aussi zone C, comprend des Podocarpus et une bande de forêt ouverte dominée par Syzygium parvifoliumm, Neoboutonia buchananii et Dombea goetzenii; on rencontre également une bambousaie à Arundinaria alpina ;

4. le sud de la pointe du massif (2.300–2500 m), désigné aussi sous le nom de zone D, se caractérise par une grande « bambousaie » qui entoure des îlots de forêts ou arbres isolés où dominent Ficalhoa laurifolia, Faurea saligna, Prunus africana et Chrysophyllum gorugosanum.

Parmi les espèces caractérisant les horizons d’altitude de la forêt de Nyungwe, on identifie 13 espèces d’orchidées (espèces protégées à l’échelle internationale). Il s’agit notamment de : Disa eminii, Disa robusta, Satyruni crassicaule, Cynorle, Disperis anthoceros, Calanthe syvatica et Stolzia cupulgha.

2.1.2 Le Parc national de l’Akagera

Le Parc national de l’Akagera se trouve dans l’extrême nord-ouest du Rwanda, à la frontière de la Tanzanie et de l’Uganda. Son altitude varie entre 1280 m et 1825 m et il fait partie de la région des savanes de l’est du pays. A l’origine, le PNA se composait d’une réserve intégrale de 179.000 ha et d’un territoire annexe de 71.000 ha où étaient installées les populations. Entre 1969 et 1970, ces populations ont été délogées et installées entre autres dans la région de Kiburara qui fut ainsi détachée du Parc. Le PNA était contiguë au domaine de chasse de Mutara qui couvrait 85.000 ha ; celui-ci a été ramené à 34.000 ha entre 1985 et 1992, perdant ainsi plus de la moitié de sa superficie initiale (Mineto, 1996; Vande weghe et al. 1990).

Après la guerre de 1990-1994, comme évoqué plus haut, le PNA a été réduit au tiers de sa surface, le domaine de chasse de Mutara déclassé complètement pour installer une partie de la population et pour favoriser le développement, notamment de l’élevage et de l’agriculture.

La végétation du PNA se compose de savanes arbustives ou arborescentes (2 à 20% de la couverture ligneuse) et de forêts. Les savanes sont entrecoupées de vastes étendues herbeuses couvrant environ 10% du parc. Les formations forestières n’occupent que 1% de la superficie du parc ; elles se limitent à d’étroites galeries forestières le long des rivières de Kagitumba, Muvumba et Akagera et à des reliques de forêts sèches dans la zone de collines.

Le PNA héberge plus de 900 espèces de plantes vasculaires - parmi les plus riches de l’Afrique. On y trouve des essences xérophiles (Boscia angustifolia, Aloe moerosuphan, Sanse viera cylindrica, Commiphora madagascarensis, Fagara chalyboea, Ziziphus mucro nota, Lanea humilis, Markhamia abtusifolia et Aloe volkensii).

Les principales essences rencontrées dans les galeries forestières sont : Acacia kwikü, Acacia polycantha, Albizia petersiana, Sapuin ellepticum et Phenix reclinata. Ces essences sont associées à Piére de ficies thonnerigie, Fucus cyathistipula et Fucus vallis-choudae. La flore herbacée est dominée par des herbages pâturés par des herbivores. Il s’agit des:

- herbages des sols noirs dans les plaines alluviales associés à Batriochloa insculpta, Themeda triandra et Sporobolus pyramidalis;

- herbages des plateaux associés à Themeda triondra, Hyparrheria spp., Cymbopagon afronardus, Setariat sphacelata, Panicum malimon et Chloris gayana;

- herbages des sols rocailleux ou peu profonds des crêtes associés à Loudetia simplex, Andropogon duenmerie, Hypomhenia lecomtéé et Eragrostis racenosa.

Signalons que nombre d’essences comme Acacia kwikü, Acacia siberiana var. vermoesenii, Albizia adantifolia, Croton macrostachys et Marckhamia Lutea sont devenues rares sous l’effet de l’exploitation de bois.

2.2 Forêts secondaires remises en état

Ces forêts correspondent à celles de Gishwati qui se trouvent dans la province de Gisenyi (nord-ouest du pays). Situées à une altitude variant entre 2000 et 2980 m, ces forêts, qui couvraient 8.800 hectares ha en 1990, sont aujourd’hui très dégradées du fait notamment de l’élevage et de l’agriculture. Il ne reste guère plus de 700 ha de forêts et un projet d’appui à l’aménagement des forêts (PAFOR), financé par la Banque africaine de développement (BAD), a commencé les travaux de leur restauration en avril 2003.

Avec l’appui des populations riveraines regroupées en associations, le projet compte utiliser les essences locales pour reconstituer les espaces dégradés et stimuler la régénération naturelle des parties peu dégradées.

2.3 Forêts secondaires après exploitation

2.3.1 La Forêt de Mukura

La forêt naturelle de Mukura est le prolongement du massif de Gishwati. Elle se trouve à des altitudes comprises entre 2.000 et 2.990 m. Cette forêt est dégradée sous l’effet de l’abattage illicite des arbres, de l’élevage, de l’agriculture et de l’exploitation minière. Sa superficie actuelle est estimée à 2.000 ha.

Bien qu’elle soit en grande partie secondarisée (comme en atteste la présence notamment de Neoboutonia), la forêt de Mukura possède des peuplement denses (67% de la forêt) et des peuplements où alternent, de façon irrégulière, de hautes futaies, des clairières et d’espaces vides (33%). Les peuplements denses sont localisés dans les vallons où l’on peut reconnaître des Parinari excelsa, Symphonia globulifera et Podocarpus spp. qui rappellent la forêt originelle. Par endroit, cette forêt se régénère.

2.3.2 La forêt de Sanza

D’une superficie de 20 ha, cette forêt a l’aspect d’une forêt de montagne très dégradée puisque toutes, ou presque, les activités humaines s’y mènent : notamment la coupe de bois, l’élevage et l’agriculture. La strate arborescente est dominée par Macaranga neomildraena; près des cours d’eau, on trouve Syzygium parvifolium, Polyscias fulva, Albizzia gummifera, Rhus vulgaris, Hagenia abysssinica, Dodonea viscosa et Myrical kandtiana.

La strate herbacée est à dominance de graminées acidophiles (Eragrostis bohenii, Mellinis minuta, etc). D’autres espèces, telles que Maesa laneolata, Xymalos monospora et Anona sengalensis, sont présentes et témoignent de la « secondarisation » de la forêt. Il n’existe aucune espèce animale, sauf quelques oiseaux communs (Colombidae, Hirudinadae et Nectarinidae).

2.3.3 La forêt de Busaga

La forêt de Busaga occupe 151 ha. De loin, elle donne l’impression d’une forêt dense dont la voûte couvre entièrement le sol mais, en réalité, elle est en partie très dégradée et se compose de : Chrysophiium gorugonsanum, Albizzia gummifera, Macaranga neomildbraediana et Myrianthus holstii. Néanmoins, elle se régénère (la régénération est évaluée à 10% du couvert végétal).

La partie de la forêt de Busaga située près de la rivière Sumo est relativement bien conservée et l ’on y trouve de gros arbres (Chrysophyllum gorugonsanum, Myrianthus holstii, Tabernanontana johstonii, Dracaena afronontana, Syzygium parvifoliumm, Entandrophragma excelsum, Neoboutonia macrocalyx, Anona senegalensis, Strombosia scheffleri, etc.). Le sous bois possède des espèces comme Sercostachys scandens, Mimulopsis violacea subochreata et Acacia montigena.

2.3.4 La forêt de Cyamudongo

Cette forêt couvre 300 ha. Elle est située non loin de la forêt de Nyungwe (10 km à vol d’oiseau). C’est ainsi que ces deux forêts ont les mêmes espèces : Chytsophyllum gorungosanum, Croton macrostachys, Newtonia buchananii et Entandrophragma excelsum, Neoboutonia macrocalyx, Bersama abyssinica, Myrianthus holstii, Clerodendron jonstonii et Polyscia fulva. La forêt de Cyamudongo abrite 45 espèces de grands arbres, 27 espèces d’arbustes dont Piper umbellatum (une espèce endémique) et 15 espèces de lianes dont Strychmos lucens (qui est une espèce endémique aussi).

La situation de la forêt de Cyamudongo - en basse altitude comparée aux autres forêts décrites précédemment - lui permet d’abriter des espèces végétales rares et endémiques, les dernières que l’on ne retrouve plus dans les autres forêts du rift Albertin. Tel est le cas du «Bequaertiodendron natalense », une sapotacée qui a été récoltée pour la première fois en janvier 1990. Tel est également le cas de « Thoningia Sanguinea et de Harveya alba.

En ce qui concerne la faune, la forêt de Cyamudongo possède des Primates (Papio anubis et Pan troglodytes), des Rodentia (Dendromus spp. et Funisciurus) et des Carnivores (Felis aurata et Felis sylvestris).

3. MPORTANCE SOCIOECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE DES FORETS SECONDAIRES

3.1 Importance socioéconomique

Les riverains des forêts de Nyungwe et de Mukura (notamment ceux des provinces de Gikongoro, de Kibuye et de Cyangugu) prélèvent dans celles-ci une multitude de végétaux pour des utilisations diverses: médicinales, culinaires, ornementales, des utilisations liées à la recherche scientifique, etc. A titre indicatif, le miel produit dans ces forêts est très prisé à l’échelle nationale. Depuis 1980, le Centre universitaire de recherches en pharmacopée traditionnelle (CURPHAMETRA) conduit des travaux sur les plantes médicinales. Des laboratoires étrangers sont demandeurs d’échantillons végétaux en provenance des forêts de Nyungwe et de Mukura, ce qui fournit des revenus considérables au pays.

Les forêts rwandaises (primaires et secondaires) contribuent également au développement économique du pays à travers le tourisme et la chasse sportive qui sont pratiqués surtout, de juin à septembre (plus de 70% des activités touristiques au Rwanda sont liées aux forêts naturelles, en l’occurrence le Parc national de l’Akagera, le Parc National des Volcans et la forêt naturelle de Nyungwe). Elles jouent également un rôle culturel de première importance : les animaux et les végétaux possèdent des noms vernaculaires et font, pour la plupart, partie des personnages dans les contes. Autrefois, dit une légende, les rois avaient des plantes et des animaux fétiches qui fortifiaient leur pouvoir et leurs armées.

3.2 Importance écologique

Les forêts secondaires rwandaises (Mukura, Gishwati, Nyungwe et du Parc national de l’Akagera) jouent un rôle fondamental dans la stabilisation des sols, la régulation du climat et du régime des eaux, notamment dans les provinces de Kibuye et Gikongoro. Ce rôle est d’autant plus important que le pays est constitué de collines et de montagnes à très fortes pentes.

Signalons que le PNA est un écosystème représentatif d’une région biogéographique particulière, la région « interbacustre d’affinité orientale ». Même s’il couvre la région la plus aride du pays, il est néanmoins moins sèche que la plupart des grands parcs de l’Afrique de l’Est.

4. PRATIQUES COURANTES DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Les Rwandais réalisent plusieurs activités dans les forêts secondaires; les plus importantes sont liées à l’agriculture et à l’élevage.

La loi n° 47/1988 du 5 décembre 1988 portant organisation du régime forestier distingue trois domaines forestiers : les forêts domaniales, les forêts des districts et les forêts privées. Bien qu’ils doivent obtenir un permis de coupe (la durée de ce permis est de trois mois) contre des frais de chancellerie - deux mille francs rwandais actuellement (3.60 US$) pour exploiter une superficie égale ou supérieure à deux hectares, les particuliers disposent de leurs propriétés forestières. Les forêts domaniales et les forêts des districts sont gérées en référence à leur emplacement, aux objectifs de leur création ou de leur classement.

Outre ces activités, le département de foresterie de l’Institut des sciences agronomiques du Rwanda (ISAR) mène, depuis plusieurs années, des activités de recherches forestières dans les forêts tant primaires que secondaires ou dans les plantations forestières.

5. POLITIQUE ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA GESTION DES FORETS SECONDAIRES

La politique forestière rwandaise vise à la fois l’amélioration de la production forestière et la pérennisation du patrimoine forestier. En ce qui concerne les questions institutionnelles, le service forestier national est sous la tutelle du Ministère des terres, de l’environnement, des forêts, de l’eau et des ressources naturelles (MINITERE) et dépend directement de la Direction des Forêts. Celle-ci est chargée de concevoir la politique et les programmes de développement du secteur forestier et d’en faire le suivi. L’administration forestière est représentée dans chaque province et dans chaque district.

Cependant, cette organisation souffre de l’insuffisance des ressources humaines et de moyens matériels et financiers. A titre d’illustration, le pays compte actuellement 3 ingénieurs forestiers sur 11 prévus dans l’organigramme de la Direction des Forêts. Dans les provinces et les districts, plusieurs postes forestiers sont vacants ou ils sont occupés par des agents non qualifiés. En outre, sur 11 provinces, une seule dispose d’un ingénieur forestier de haut niveau (Umutara), les autres provinces sont gérées par des techniciens. Cette situation se traduit sur le terrain par:

- la diminution du rythme de création des boisements;

- une régression des superficies boisées;

- la mauvaise gestion du patrimoine forestier;

- des difficultés d’application de la réglementation forestière;

- un faible développement des techniques de valorisation et d’économie du bois.

PRINCIPALES LECONS ET CONCLUSIONS

Au Rwanda, les forêts naturelles ont été converties en d’autres formes d’utilisations des terres ou sont très dégradées. En raison de l’étendue très faible du pays et de la forte démographie, il n’est pas facile d’augmenter les superficies forestières. C’est pourquoi, la protection des forêts naturelles restantes doit être renforcée. Les moyens financiers du pays étant limités, cette action passe par la réalisation d’un inventaire des ressources ligneuses nationales et la participation des populations à la gestion de ces ressources. Il faudrait également un appui de la coopération régionale et internationale à la réalisation de cet objectif.

BIBLIOGRAPHIE

1. FAO, Situation et tendances de l’aménagement forestier en Afrique centrale, novembre 2002.

2. Habiyambere Th., Etude des politiques et lois forestiers des pays d’Afrique centrale- cas du Rwanda, avril 1998.

3. Habiyambere Th., Etude pour l’élaboration d’un plan stratégique pour la conservation et la gestion de la biodiversité des écosystèmes – Cas du Rwanda, octobre 1999.

4. MINAGRI, Evaluation du plan d’action pour la conservation et l’aménagement des forêts naturelles de la crête Congo-Nil, décembre 1992.

5. MINAGRI, Direction générale des forêts, plan d’orientation de la politique forestière et agro-sylvo-pastorale pour la sauvegarde de l’équilibre écologique dans la région des savanes de l’est du Rwanda, décembre 1990.

6. Munyangabe T., Etude sur la participation dans la conservation et la gestion des aires protégées du Rwanda - Cas du parc national des Volcans. Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de licencié en sciences sociales, 2002.

7. Murererehe S., Etude sur les ressources forestières naturelles et les plantations forestières du Rwanda, septembre 1999.

8. Ndayambaje J.D., Identification et analyse des options pour la conservation de la biodiversité dans le parc national de l’Akagera, janvier 1999.

9. Nkusi I., Etude analytique des conflits liés à la conservation et à la protection intégrée du parc national des Volcans, octobre 2002.

10. Troupin G., Flore des plantes ligneuses du Rwanda, 1982.


Previous PageTop Of PageNext Page