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ÉTUDE DE CAS SUR LE SÉNÉGAL

Préparé par O.K. N'Diaye et S. Diémé

Résumé

Le document ci-après présente une étude de cas sur le Sénégal, menée dans le cadre d'une investigation sur la situation et l'évolution des systèmes de V/A forestière, en Afrique sahélienne.

Pays côtier de la zone soudano-sahélienne, le Sénégal a une population estimée à 8 347 000 habitants (1995) dont 52 pour cent sont des femmes. L'économie nationale est dominée par le secteur rural qui occupe 60 pour cent de la population. Peu moderne et fortement soumise aux aléas climatiques, l'agriculture connaît une tendance marquée à la baisse de productivité.

Inexistante au sens strict avant la colonisation, la V/A a été initiée au cours de la période coloniale afin de produire massivement les matières premières nécessaires à l'économie métropolitaine. La période post-coloniale (1960-80) a connu diverses approches d'encadrement du monde rural, dont une très progressiste, datant 1960-62. A la suite des années de sécheresse et de leur répercussion désastreuse sur l'environnement, la vulgarisation forestière, jusque là contraignante et directive, a évolué aux niveaux politique, conceptuel et légal. C'est donc au cours de la période récente (après 1980) que la nécessité de faire participer les populations à la gestion des ressources naturelles locales, a été mise en œuvre.

La perception des activités forestières comme sources de revenu est récente de sorte que la V/A forestière a été marquée par des repères autres que ceux de la V/A agricole. A l'indépendance, les services forestiers sont restés dans la logique coloniale. Au cours des années 80, les projets communautaires ont permis de mûrir la démarche participative qui a abouti à partir des années 90, à la révision du Code forestier et à la mise en œuvre du Plan d'action forestier du Sénégal.

L'évolution de la V/A a été accélérée par la révolution subie par les technologies de communication et d'information (TCI). L'expérience sénégalaise dans ce domaine a fait l'objet d'une enquête auprès de 10 institutions. Ceci a permis de dégager les missions et les principaux domaines d'activité des organismes ciblés, les principales activités de la V/A ainsi que leurs bénéficiaires. L'investigation a également révélé que les approches participative, la formation et visites et le développement des systèmes de production sont les plus utilisés. Quant aux TCI les mieux connues et les plus utilisées, ce sont la PAO, suivie de la communication électronique et des bases de données informatisées. Les TCI jugées efficaces et rapides favorisent la communication verticale et horizontale ainsi que la prise de conscience collective des enjeux du développement durable. Cependant, les niveaux d'équipement et de formation requis en limitent l'utilisation.

La fréquence d'utilisation des TCI peut être journalière (dossiers/livrets de V/A, communication et courrier électroniques, etc.), régulière (PAO, bases de données informatisées, etc.) ou occasionnelles (TCI spécifiques). Les raisons majeures justifiant l'utilisation des TCI sont la mise au même niveau d'information et d'expression des populations rurales, un meilleur engagement vis-à-vis du développement participatif et durable, le transfert rapide et qualitatif de l'information scientifique et technique et la possibilité de négocier en temps réel. Les TCI sont perçues comme moyen de diffusion et d'échange de connaissances, d'information et d'expériences. Elles contribuent largement à la résolution des contraintes majeures de la vulgarisation que sont la coordination/liaison, la gestion, la durabilité et le taux de couverture. Les TCI sont jugées très utiles à la résolution des contraintes du contenu, adéquation, financement et coordination/liaison, utiles face aux contraintes de personnel, de taux de couverture, de responsabilité et de durabilité. L'impact des TCI dans la réalisation des objectifs de la V/A est jugé globalement positif. Les changements positifs portent sur la qualité/efficacité de la V/A et de l'information, la conscientisation des populations à l'égard du développement participatif/durable des ressources naturelles, le renforcement de leurs capacités d'intervention, etc. Le comportement «d'intégristes de l'animation rurale» adopté par certains, constitue un développement négatif de la V/A. Les conséquences de ces changements résident dans la meilleure réceptivité et la plus grande implication des ruraux dans la gestion des ressources locales, la meilleure présentation des outils et kits techniques à vulgariser, etc. Cependant, de l'avis général, l'impact des TCI demeure limité du fait de leur non-accessibilité à tous découlant des faibles niveaux d'équipement et de formation.

Les acquis de la V/A rurale ont trait à l'évolution en cours du service forestier qui se positionne en partenaire engagé du développement forestier participatif. Ils concernent également les réformes législatives et administratives ainsi que la création de conditions favorables à l'éclosion des TCI (télé-centres, etc.). L'analphabétisme constitue, avec le coût élevé des équipements informatiques, une contrainte majeure au développement des TCI.

Les recommandations portent sur la consolidation de l'option de responsabilisation des populations à travers la démarche participative ainsi que sur le renforcement des ressources du service «traditionnel» en vue de prendre en charge la V/A à son niveau. Elles portent aussi sur la mise en place des facilitations d'ordre réglementaire, législatif, éthique, etc. pour assurer le développement des TCI et la mise à disposition d'une masse critique de ressources humaines formées.

En conclusion, le rapport rappelle que la vulgarisation forestière a connu des mutations significatives rendues possibles par un contexte politique, économique et social qui les exigeait. Il rappelle également que l'information transmise ne devient utile à son bénéficiaire que si elle se transforme en connaissance.

CASE-STUDY FROM SENEGAL

Prepared by O.K. N'Diaye and S. Diémé

Summary

The following document presents a case study specific to Senegal, which was undertaken within the framework of a broader investigation about the situation and development of extension/communication (E/C) in the Sahelian region.

Coastal territory of the Sudano-sahelian zone, Senegal counts 8 347 000 inhabitants (1995), of whom, 52 percent are women. The national economy is dominated by the rural sector, which employs, 60 percent of the population. Scarcely modem, agriculture, which is exposed, to climatic hazards, has experienced a marked trend towards decreasing productivity.

There existed no formal E/C in the pre-colonial times. E/C Systems were introduced in the midst of the colonial period, to sustain massive raw materials' production for the benefit of the metropolitan economy. The post-colonial period has promoted various approaches to supervise and organize the rural scene. Following the recurrent droughts and their disastrous impact on the environment, forestry extension, which was performed in a constraining and directive way, evolved significantly in its political, conceptual and legal aspects. From 1980 onwards, people's participation in the management of natural resources was felt as a necessity. This has lead to the introduction of the participatory approach in forestry.

The perception of sylvicultural activities as a potential source of revenue is rather recent, which explains why, forestry extension has been implemented under a different set of indicators, than agricultural extension. After independence, the forest services' vision of forestry remained within the colonial logic. In the 1980s, community forestry projects succeeded in developing and maturing the participatory approach. This process resulted, in the amendment of the forest legislation and in launching the Senegalese forestry action plan in the 1990s.

The development of E/C owes much to the revolution that has affected the communication and information technologies (CITs). Senegal's experience in this field has been investigated within 17 institutions. The survey made it possible to identify the missions and the main fields of activity of the selected organizations, the main E/C activities and their beneficiares. The investigation has indicated that the participatory, the training and visits, and the production Systems' development approaches are the most utilized. The best known and most employed, CITs are the following: Computer assisted publication, Electronic communication, and Computerized databases. CITs which, are considered to be rapid and effective, facilitate vertical/horizontal communication and make it possible to attain collective awareness over what is at stake in sustainable development. However, the levels of equipment and training required hold their utilization back.

The frequency of utilization of CITs may be daily (extension files/booklets, communication, electronic mail, etc.), regular (computer assisted publication, computerized databases etc.) or occasional (specific CITs). The main reasons that justify the use of CITs are: offering rural populations equal opportunities in terms of information and expression, Achieving a better involvement of beneficiaries towards participatory and sustainable development, bringing about a rapid qualitative transfer of technical and scientific information and enabling to negotiate and operate in "real time". CITs are viewed as a means of dissemination and exchange of information, knowledge and experience. They contribute largely in the resolution of the following main constraints facing E/C: coordination/liaison, management, sustainability and taux de couverture. CITs are considered to be very useful in resolving the constraints of adéquation, contents, funding and coordination/liaison. They are useful in solving the personnel, taux de couverture, responsibility, sustainability and etc. constraints. Their impact on the implementation of E/C s objectives and programmes is perceived as beneficial. The positive changes identified are related to the quality and effectiveness of the extension and information functions, people's awareness improvement with regard to sustainable and participatory development of natural resources, strengthening operation capacities etc. Negative changes result mainly from the tendency exhibited by some, to behave as "extremists" in the field of E/C. The consequences of these transformations rest in the greater involvement of people in the management of their natural resources, improvement in the presentation of the tools and technical packages to be extended etc. It is however, generally admitted that CITs' impact remains restricted, due to the present levels of equipment and training available, which reduce their accessibility to the most.

E/C s achievements are related to the present development trend, of the forest service which positions itself as a partner fully engaged in sustainable and participatory forestry development. They also concern the legislative and administrative reforms underway, as well as the creation of favorable conditions for the emergence of CITs. The low degree of literacy and the high computer equipment costs, represent an obstacle to the full development of modem CITs.

Recommendations are made to consolidate people's responsibility in participatory development. It is further recommended to provide the forest service with increased resources to take over E/C activities at its level. Recommendations also point out to the necessity to meet ail regulatory, legal, material requirements to help develop CITs and to the necessity of putting together a critical mass of well-trained human resources. In concluding, it may be said that forestry E/C has undergone a significant metamorphosis, made possible thanks to the political, economical and social contexts prevailing. One must keep in mind that the conveyed information will only be useful when it transforms into knowledge.

INTRODUCTION

Le présent document présente une étude de cas spécifique au Sénégal, menée dans le cadre d'une investigation plus globale relative à la situation et à l'évolution des systèmes de V/A forestière en Afrique sahélienne. L'étude commanditée par le Département des forêts 1 de la FAO, concerne quatre pays (Mali, Burkina Faso, Sénégal et Bénin).

La justification de l'étude est liée à la «révolution» dans les techniques de communication et d'information constatée suite au développement fulgurant de technologies, comme Internet, les publications électroniques, les publications assistées d'ordinateurs, les bases de données, les systèmes d'aide à la décision, etc. Si le potentiel dont disposent ces technologies ne fait aucun doute, leur rôle et impact éventuels méritent d'être étudiés avec soin. II paraît donc opportun de s'interroger sur la place qu'elles détiennent dans les systèmes de V/A et sur le rôle qu'elles pourraient jouer dans la réorganisation de ces derniers, là où leur utilisation est possible.

Pour mieux présenter le contexte de l'étude, il convient de faire la distinction entre les trois termes du jargon de la vulgarisation que sont l'animation, la vulgarisation et l'encadrement. L'animation est l'utilisation de techniques appropriées pour informer, favoriser la prise de conscience, recevoir des informations et instaurer les conditions adéquates pour l'identification des problèmes et des solutions à y apporter. La vulgarisation est la diffusion de techniques identifiées comme des réponses valables à des problèmes recensés dans les activités de production. L'encadrement est le dispositif mis en place pour permettre à une institution d'apporter une expertise aux populations et par extension, mettre à leur disposition les ressources humaines de l'institution en question. Au Sénégal ces termes ont été utilisés dans différents contextes historiques avec des significations parfois différentes de celles recensées ci-dessus.

Dans le cadre de cette étude on entend par V/A la fonction d'appui/conseil au sens le plus large pour encourager le monde rural à développer des activités de foresterie, gestion des ressources naturelles et lutte contre la désertification. Les acteurs possibles sont variés: associations paysannes, organisations non gouvernementales (ONG), services techniques2 et secteur privé.

Les approches et dispositifs de vulgarisation utilisés au Sénégal selon les étapes historiques ont été fortement influencés par les différents contextes socioculturels du pays. A titre d'illustration, on peu se référer aux principales zones écogéographiques du Sénégal où les dispositifs de vulgarisation mis en place ont eu à tenir compte des particularités des ethnies dominantes. C'est ainsi que:

Les termes de référence de l'étude de cas mettent l'accent sur la description et l'analyse de la situation et de l'évolution des systèmes de vulgarisation forestière. Ils prévoient également le recueil d'informations pertinentes sur les techniques ainsi que sur les méthodes et approches institutionnelles qui ont eu le plus de succès. Cependant, même si la vulgarisation forestière en est le centre d'intérêt, les termes de référence mentionnent comme objectif spécifique une étude détaillée sur l'évolution des systèmes de V/A rurale, ce qui implique l'extension du champ d'investigation à la vulgarisation agricole.

Un élément également important pour le cadre de cette étude de cas réside dans la compréhension des TCI. Pour une harmonisation de la compréhension, les signes distinctifs des TCI retenus par la stratégie ACACIA au Sénégal peuvent être adoptés. On retiendra donc que les TCI sont caractérisées par le fait qu'elles donnent à ceux qui les utilisent une très forte ubiquité qui rend possible la communauté de l'espace:

Pour les besoins de la rédaction de cette étude, nous avons eu recours aux méthodes de recueil de données suivantes:

 Les résultats des investigations dans plusieurs pays sahéliens pourraient servir de matériau lors d'un atelier de réflexion sur le sujet, qui devrait permettre de mieux cerner les possibilités réelles d'utilisation optimale des TCI pour les besoins de la V/A.

I. PRÉSENTATION DU CONTEXTE

Le Sénégal, pays côtier de la zone soudano-sahélienne a une superficie de 197 000 km2. La population constituée pour 52 pour cent de femmes était estimée à 8 347 000 habitants en 1995.

 L'économie nationale est dominée par le secteur agricole (culture, élevage, exploitation forestière, pêche) qui occupe plus de 60 pour cent de la population. Peu moderne et fortement soumise aux aléas climatiques, l'agriculture sénégalaise connaît depuis une vingtaine d'années, une tendance marquée à la baisse de productivité qui s'accompagne d'une pression sans cesse accrue sur les ressources naturelles. Les difficultés économiques du pays l'ont conduit à se soumettre aux politiques d'ajustement structurel visant une relance de la croissance, notamment par une amélioration des conditions agro-écologiques. La politique nationale de développement économique et social et tous les efforts de planification qui en découlent mettent donc aujourd'hui l'accent sur une utilisation durable des ressources.

La participation de l'ensemble des acteurs au processus de planification du développement rural en utilisant des stratégies participatives fait aujourd'hui l'unanimité. Le secteur forestier a joué un rôle d'avant garde dans l'évolution qui a conduit à cet état de fait. Depuis 1990, le service des Eaux et Forêts, capitalisant l'expérience de projets de terrain sur une quinzaine d'années, a introduit au niveau institutionnel des innovations qui créent les conditions favorables à l'application de l'approche participative.

II. ÉVOLUTION DE LA V/A

Les relations entre acteurs du développement et l'évolution des approches dans la V/A au Sénégal ont été étroitement associées aux contextes politiques et aux conditions économiques. Cinq articulations majeures ont été recensées dans l'histoire de la V/A au Sénégal. Ce sont les périodes: précoloniale; coloniale; celle comprise entre 19603 et 19624 ; celle des Sociétés de développement rural; et en fin des années d'ajustement structurel.

La période précoloniale

II serait inexact de parler de système de vulgarisation dans la période précoloniale, dans la mesure où cette notion n'existait pas dans les sociétés traditionnelles. Par contre, chaque ethnie du Sénégal avait ses méthodes de gestion de la production agricole et de l'utilisation des ressources forestières. Ces méthodes de gestion découlaient d'une organisation politique particulière et étaient associées à une répartition des rôles et responsabilités dans la société5.

Le transfert des responsabilités d'une génération à l'autre allait de pair avec la transmission de connaissances d'ordinaire jalousement gardées par les initiés. Certains secrets n'étaient divulgués que lors de cérémonies spécialement organisées à cet effet. Par delà cette diffusion de connaissances en direction des membres non initiés de la communauté, les canaux traditionnels de la communication interpersonnelle, de village à village et de contrée à contrée, fonctionnaient pour permettre la propagation de pratiques ayant donné des résultats probants. Les instruments acoustiques6 dont le roulement peut être déchiffré selon un code connu des communautés, servaient couramment de support à la diffusion à distance de certaines informations. Dans le système de production des populations transhumantes de la zone sylvo- pastorale, la circulation de l'information était possible lors des rassemblements pour les besoins des échanges (marchés), aux points d'eau ou lors de rencontres au cours de la transhumance. Les griots, véritable mémoire des communautés, assuraient la garde et la transmission d'informations relayées de générations en génération.

L'héritage de la confiance accordée depuis des temps immémoriaux à ce que l'on a appris du voisin ou.du village attenant persiste toujours. C'est ainsi que lors d'enquêtes entreprises en 1998 au niveau d'une centaine de villages de la région de Kolda, Communauté rurale de Médina Yoro Foulah, les personnes interrogées citant leurs sources courantes d'informations (techniques, juridiques, etc.) relatives à la gestion des ressources naturelles désignaient:

La période coloniale

Pendant cette période, la satisfaction des besoins de la métropole justifiait de manière exclusive la politique agricole. Le paysan interdit d'opinion avait un statut comparable à celui de serf. II représentait un simple pion de l'économie de traite dont les représentants locaux étaient les maisons de commerce et les traitants sénégalais ou libano-syriens. Les Sociétés de prévoyance (SP), véritables machines administratives chargées d'assurer l'exploitation maîtrisaient le système contraignant dont les paysans étaient victimes. La résignation de ces derniers aux pratiques de l'usure et de l'endettement témoignait de leur désarroi. Afin de perpétuer cet état de fait, le système colonial avait délibérément choisi d'exclure les paysans de toute formation pour ne pas éveiller en eux le sens de la responsabilité.

A la fin de la deuxième guerre mondiale, du fait de la participation des peuples africains à l'effort de libération, mais aussi en raison de l'action des élus de l'époque, une tentative timide avait été amorcée pour améliorer le sort des paysans. Il y avait eu des procès contre les SP au sein des Assemblées locales ainsi que dans la presse. C'est alors que se sont constituées les premières coopératives en remplacement des SP, surtout dans le bassin arachidier. Ces dernières restaient cependant toujours dans la logique de l'économie de traite totalement extravertie. Elles ont été rapidement confisquées par des «traitants» ou leaders traditionnels soucieux de tirer le plus grand profit de la situation. Ce mouvement coopératif n'a donc servi qu'à déposséder les vrais coopérateurs.

La mise en place des Sociétés mutuelles du développement rural (SMDR) en remplacement des SP constitue une autre étape importante de l'histoire de l'animation rurale au Sénégal. A partir de 1957, des mesures hardies furent prises en vue de la promotion du monde rural avec la création de structures de mobilisation et d'éducation (animation rurale, centre d'expansion rurale), mais aussi d'assistance au développement (Centres régionaux d'assistance au développement, CRAD, en remplacement des SMDR) et de commercialisation (Office pour la commercialisation de l'arachide, OCA).

La période 1960-1962

Cette période a été fortement marquée par la personnalité de Mamadou Dia7, dont la vision du développement rural pouvait paraître par trop avant-gardiste. Les mesures progressistes de la fin de l'époque coloniale ont été consolidées, entre autres, par la Circulaire 32 qui constituait un texte de référence visant la mise en place d'une organisation coopérative du développement. Celle-ci devait garantir, particulièrement pour le secteur primaire, la maîtrise du circuit de production agricole jusqu'à la commercialisation. L'objectif recherché était de parvenir à une meilleure répartition des richesses nationales et des produits du travail.

L'OCA servant de relais à l'intervention de l'État dans la commercialisation des grands produits agricoles devait permettre d'améliorer les conditions d'importation et de distribution des produits et équipements nécessaires au développement de l'agriculture. Cela constituait une véritable rupture avec les pratiques du temps colonial. Quant au CRAD, il devait assurer de façon provisoire la gestion comptable des coopératives en attendant que celles-ci disposent des ressources humaines à cet effet. Il était également chargé de la formation des responsables coopérateurs ainsi que de la mise en place du matériel de production nécessaire à l'exécution des programmes ruraux de développement. Le CRAD avait par ailleurs la responsabilité d'assurer le relais entre l'OCA et la Banque Sénégalaise de Développement (BSD). La création d'organismes de crédit agricole tels la BSD et le Fonds Mutualiste de Développement Rural (FMDR) était conçue comme une mesure d'accompagnement indispensable à cette véritable révolution en milieu rural.

L'animation rurale de cette époque avait pour objectifs, de:

Une telle démarche posait comme principe de base, la nécessité pour les populations de jouer un rôle moteur dans le développement. Selon le témoignage de Ben Mady Cissé, une des figures emblématiques des beaux jours de l'animation rurale, l'approche devait faire découvrir, adapter et préparer les populations de quelque niveau que ce soit, à la nouvelle situation politique du pays et au comportement politique et individuel de chaque citoyen. Il s'agissait d'un travail de communication, de découverte, de discussion, en bref, la partie civique de l'animation.

Le premier plan de développement du Sénégal était sous-tendu par une organisation de la participation de la population qui devait être suscitée à partir de la formation, par une alternance entre réflexion et action. Pour atteindre ces objectifs, il était nécessaire de fournir aux paysans un encadrement approprié dans leurs communautés naturelles de façon à favoriser la création de nouveaux espaces de solidarité dépassant le cadre des communautés traditionnelles susceptibles de consolider le sentiment de l'unité de la Nation.

Le schéma organisationnel qui devait accompagner cette démarche avait prévu une structuration horizontale et verticale du monde rural. Horizontalement, le monde rural était structuré autour de la «cellule de base de développement» impulsée par un groupe d'animateurs. Cette cellule regroupait plusieurs villages autour d'un village pivot. La coopérative unique, mais à fonctions multiples polarisait 4 000 à 5 000 individus. Verticalement, les «communes rurales» faisaient le trait d'union entre les structures populaires et les structures administratives.

Le Centre d'expansion rural (CER), créé en 1960, avait un triple rôle: Aider les populations dans la conception et l'exécution des programmes agricoles correspondant aux orientations du Plan.

La période 1962-1980

Après 1962, l'orientation politique allant dans le sens de la disparition progressive des séquelles de la colonisation est demeurée valable, mais la stratégie pour y parvenir a été modifiée. L'animation rurale du début de l'indépendance était désormais considérée comme subversive et dangereuse par certaines autorités religieuses et politiques. Un puissant lobby contre l'animation qui percevait cette dynamique comme un facteur d'anarchie s'est mobilisé pour remettre en cause l'encadrement, arrêter l'animation rurale et par la même occasion, stopper le mouvement coopératif tel qu'il avait été conçu en 1960. D'autres formules ont été adoptées telles que la mise en place des Maisons familiales rurales sur le modèle existant en France, la promotion de l'enseignement moyen pratique, etc.

Durant cette période, le discours selon lequel la vulgarisation agricole n'était pas un simple transfert de technologies demeure d'actualité. Cette dernière englobe en effet des actions d'éducation, de formation, d'animation, d'incitation, de motivations et d'organisation qui visent à:

Néanmoins, le problème majeur demeure l'harmonisation entre les objectifs nationaux et les visées individuelles. En terme de stratégie, le Sénégal a opté pour la création de sociétés de développement agricole autonomes, dotées de moyens très importants pour assurer la vulgarisation agricole en lieu et place des structures «traditionnelles». C'est ainsi que voient le jour la Société d'aménagement et d'exploitation du Delta (SAED), la Société d'assistance technique et de coopération (SATEC), la Société de développement et de vulgarisation agricole (SODEVA)8, alors que l'Office national de commercialisation de l'arachide et de développement (ONCAD), prend la place de l'OCA et du CRAD. Les thèmes de vulgarisation de l'opération arachide/mil sont fournis par la recherche. Les paysans performants sont ciblés pour les thèmes «lourds» (qui nécessitent des investissements consistants) et les autres paysans s'en tiennent aux thèmes légers.

En 1972, l'entrée en vigueur de la réforme de l'administration locale et territoriale constitue un signal fort vers une plus grande responsabilisation des populations à la base, mais la politique agricole n'en est pas pour autant modifiée. En effet, entre 1974 et 1980, la création des sociétés d'intervention poursuit son extension géographique jusqu'à couvrir l'ensemble des zones écogéographiques et à s'intéresser à de nouvelles spéculations agricoles. La Société de développement des fibres textiles (SODEFTTEX), la Société de mise en valeur de la Casamance (SOMIVAC), la Société de développement de la zone sylvopastorale (SODESP), la Société des terres neuves (STN) et la SODAGRI se substituent aux services de la vulgarisation.

Les méthodes d'intervention des sociétés de développement privilégient trois axes, à savoir:

Les sociétés de développement présentent l'avantage d'être très opérationnelles grâce à la souplesse qui préside à leur gestion et du fait qu'ils possèdent des moyens de déplacement. Cependant, elles mettent rapidement en évidence des inconvénients majeurs puisqu'elles se révèlent très coûteuses, tandis que les cas de mauvaise gestion se multiplient. Ces mauvais exemples font tâche d'huile chez les paysans et au niveau des coopératives de sorte que les producteurs ne remboursent plus les dettes. De plus, en terme de relations avec les populations, l'on se rend compte que les ruraux sont sous l'emprise du fonctionnariat.

A partir de 1980, les années d'ajustement structurel

A partir de 1980, les pressions politiques et sociales internes, la détérioration de la situation économique et surtout, la pression des bailleurs de fonds, se conjuguent pour dénoncer la politique de développement rural avec les Sociétés de développement comme intervenants principaux. La suppression de l'ONCAD en 1980, constituera la première étape d'une nouvelle ère du développement rural et donc de la V/A. La SONAR, créée sur les cendres de l'ONCAD, s'occupe uniquement de l'approvisionnement des coopératives en facteurs de production.

La Nouvelle politique agricole (NPA) assiste au dépérissement des sociétés de développement rural. Elle voit en effet la commercialisation de l'arachide retirée aux coopératives tandis que les véritables prix de l'engrais sont appliqués et que le crédit matériel et engrais est réduit. Le nouveau discours préconise la dispense de conseils de gestion aux producteurs, associée à une formation technique et à une alphabétisation fonctionnelle s'appuyant sur les moyens audiovisuels. L'objectif visé est l'allégement des charges d'encadrement et l'augmentation de la responsabilisation des ruraux. Les divers supports de communication utilisés pour les besoins de la V/A sont constitués de bandes dessinées, fiches, affiches, livrets, flanellographes, tableaux en papier, diapositives, bandes sonores, films 16 mm ou vidéo, saynètes, théâtre, jeux de rôle.

Durant la même période, on observe une multiplication des petits projets de développement à la base accompagnée du renforcement du rôle des ONG. Au niveau des Centres d'expansion rurale polyvalents (CERP) qui comptent une centaine d'unités disséminées à travers le pays, se trouvent des équipes polyvalentes où l'on recense des ingénieurs de la planification. Les coopératives sont restructurées en sections villageoises avec les coopératives mères logées au niveau des communes rurales. Des efforts sont déployés pour parvenir à une appropriation de la gestion par les coopérateurs ainsi qu'à une harmonisation des niveaux d'organisation administrative, économique et technique. La trame de l'administration locale est tissée par 318 communautés rurales au niveau des terroirs communautaires. Les ONG dont l'importance croît sensiblement, les services gouvernementaux et les organisations de coopération spécialisées dans les petits projets injectent une masse de moyens de formation, techniques et financiers dans les communautés de base.

Toujours en réponse aux lenteurs des structures administratives traditionnelles, on observe un essor des structures de développement aussi bien locales, qu'étatiques ou populaires et des ONG en raison de leur souplesse et rapidité d'intervention. De plus, l'émergence d'organisations paysannes structurées et organisées autour d'objectifs clairs, traduit une volonté de la population de prendre en charge son développement en comptant d'abord sur ses propres forces. La loi sur la régionalisation9 entrée en vigueur à partir de janvier 1997, laisse croire que l'option d'une prise en main du développement rural par les populations est désormais irréversible et que ces dernières sont en situation de créer un ordre nouveau de la V/A. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui encore, le niveau de formation et les capacités de négociation des populations bien que sensiblement amélioré, reste insuffisant pour qu'elles se positionnent en interlocuteurs qualifiés et autonomes par rapport à leurs partenaires à tous les niveaux.

Une description de l'évolution de la V/A au Sénégal serait incomplète sans une référence au Programme national de vulgarisation agricole (PNVA), mis en œuvre entre 1990 et 1998 avec l'assistance technique et financière de la Banque mondiale. La Direction de l'agriculture et la Direction de l'élevage, la SODEVA, la SODEFTTEX et la SAED ont bénéficié du programme alors que la Direction des Eaux et Forêts n'a pas été concernée. Le programme a également eu un important volet de renforcement institutionnel, notamment par l'appui à la création d'une unité de politique agricole (UPA), au sein du Ministère de l'agriculture. Le PNVA a été le laboratoire d'expérimentation de la méthode formation et visite que la Banque mondiale a supportée à bout de bras dans une soixantaine de pays pendant une dizaine d'années. Le postulat de base de cette méthode est que les problèmes à résoudre sont techniques et non politiques, socioéconomiques ou de pouvoir.

Le système «formation et visites» se fixe comme objectif de fournir à déjeunes vulgarisateurs un certain nombre de messages techniques par une formation d'un jour, renouvelée tous les 15 jours. Ensuite, une supervision stricte permet de s'assurer que ces vulgarisateurs font bien leur travail en communiquant ces messages à un certain nombre de paysans pour les contacts. Le système met l'accent sur l'amélioration des connaissances techniques des vulgarisateurs qui doivent ainsi être en mesure de donner des messages plus fiables, donc plus crédibles aux yeux des paysans et en même temps contrôlables par les techniciens de niveau supérieur. La méthode présuppose des liens étroits avec les structures de la recherche. Les essais de confirmation sont conduits sur les champs des paysans et préconisent une concentration sur trois à quatre innovations majeures pour lesquelles les paysans devraient être prêts à accepter des investissements importants.

Un autre objectif visé en utilisant la méthode Formation et visite est de rendre le travail des agents de terrain plus visible et plus crédible, Ils sont ainsi débarrassés de tâches du type collecte de données statistiques ou distribution d'intrants. Ils sont dotés de moyens de transport, bénéficient de primes, et sont tenus de subir une formation périodique. De l'aveu même d'experts de la Banque mondiale, le système cherche à obtenir un certain degré de discipline et une hiérarchie sans ambiguïté sur une zone géographiquement dispersée.

La transplantation de la méthode Formation et visite du contexte indien et asiatique où il est né, en zone sahélienne a été vivement critiquée au niveau international et national. Les préalables posés par la méthode sont en effet souvent difficiles à réunir dans les pays sahéliens. Les conditions à réunir portent sur l'existence d'un service de recherche performant ou d'un stock minimal d'innovations techniques qui peuvent alimenter la vulgarisation, l'approvisionnement satisfaisant en moyens de production ainsi que l'existence de crédit et de prix aux producteurs rémunérateurs.

Les modalités de sélection et d'utilisation des paysans de contact peuvent aussi être contestables. La préférence des vulgarisateurs peut constituer un biais dans la sélection vu que ce sont souvent les paysans d'élite qui sont choisis. La notion même de paysan de contact peut poser problème. Elle peut en effet être perçue comme une profonde injustice, un désir de privilégier certains individus au détriment du groupe. A la limite on peut se demander si le système est réellement en mesure de favoriser la participation des populations au processus de recherche et de vulgarisation. Une autre critique faite à la méthode concerne son coût. Le système ne possède pas de mécanismes propres pour récupérer ses coûts. Au contraire, il coûte de plus en plus cher au fur et à mesure que le nombre de paysans touchés augmente. De plus, la présence d'une assistance extérieure induit de lourdes charges récurrentes.

Au-delà de la particularité de l'approche, pour d'autres détracteurs de la méthode formation et visite, il faut voir plus globalement les problèmes de la vulgarisation en Afrique. Ceux-ci sont causés par des postulats erronés comme:

Les conclusions du rapport d'évaluation final du PNVA présenté en juin 1998 font ressortir des résultats nettement en dessous de ceux qui avaient été escomptés. Les raisons des performances mitigées du PNVA se situent à différents niveaux (évaluation des objectifs, montage institutionnel, méthodologie, déroulement du programme et gestion administrative et financière), mais les lacunes de la méthode T&V ont été clairement identifiées et il a été recommandé de l'adapter à la réalité sociale du monde rural sénégalais.

III. ÉVOLUTION DE LA VULGARISATION FORESTIÈRE

La vulgarisation forestière a connu une évolution un peu différente de la vulgarisation agricole comprise comme celle qui concerne les produits agricoles vivriers ou de rente. La perception de la sylviculture comme source de revenus en est encore aujourd'hui à ses débuts et les axes majeurs de la vulgarisation forestière ont été marqués par des repères autres que ceux de la vulgarisation agricole. Des sociétés de développement comme la SODEVA ou la SAED ont eu à gérer des activités forestières, mais l'essentiel de la vulgarisation forestière a été fait par le service des Eaux et Forêts. Des cas de contradiction entre les messages diffusés par ce service et ceux diffusés par les Sociétés de développement ont souvent été relevés.

Le secteur forestier n'a pas échappé à la logique coloniale de relations serviles entre l'administration coloniale et ses administrés. A partir de l'indépendance, le service national des Eaux et Forêts a pris la responsabilité des actions, en restant dans la logique d'un décret de l'époque coloniale, celui du 4 juillet 1935, qui met la priorité sur la surveillance du domaine forestier. Des travaux de reboisement d'envergure modeste étaient menés en régie, avec une main d'œuvre qui obéissait aux experts. La participation des populations se limitait à des distributions de plants.

Au début des années 70, la sécheresse, la désertification et l'accentuation des pratiques nocives marquent le début de la crise environnementale. Le patrimoine «surveillé» par le service forestier commence à s'effriter. En réponse à cette nouvelle situation, les projets de plantations massives d'arbres voient le jour. Leur coût exorbitant supporté par l'État rapidement permis de se rendre compte des limites de cette stratégie en terme de durabilité, face à l'importance des actions à mener.

A partir des années 80, la participation des populations apparaît comme incontournable. Des volets communautaires de grands projets voient le jour et prennent de plus en plus d'ampleur. Le Plan Directeur de développement forestier élaboré en 1981 confirme cette orientation et les premiers projets de foresterie communautaire démarrent.

La stimulation de la participation a d'abord été dirigiste, puisque la conception des programmes était du ressort des techniciens, qui venaient ensuite inviter les populations à participer à l'exécution des activités. Cela a développé chez elles le sentiment d'être de la main- d'œuvre bénévole d'un programme du service forestier, même lorsque la propriété des bois de village leur était assurée. Le Code forestier de l'époque ne donnait aucune garantie aux populations sur cet aspect. L'utilisation de mesures d'incitation diversifiées (primes, clôtures, vivres du Programme alimentaire mondial, PAM) a eu des effets positifs immédiats mais tout à fait éphémères. De plus tout comme les Sociétés de développement avaient affaibli les services de l'Agriculture, les projets autonomes forestiers, soutenus par des partenaires au développement aux approches très diverses, avaient vidé le service des Eaux et Forêts de sa substance. Une nette dichotomie était devenue perceptible entre le service dit traditionnel et les projets forestiers. Le point culminant était atteint avec la création de la Direction 10 de la conservation des sols et du reboisement, regroupant la quasi-totalité des projets. Cette dernière avait pour vis à vis la Direction des Eaux, Forêts et Chasses, dont les moyens de fonctionnement étaient particulièrement dérisoires.

L'évolution de ces projets forestiers communautaires ou villageois tout au long des années 80, ponctuée de remises en cause, de critiques et d'autocritiques, a permis de mûrir et d'améliorer la démarche et surtout d'affiner les techniques d'animation et de vulgarisation dans l'objectif d'une participation effective des populations aux programmes. Le résultat de cette dynamique a été perceptible à partir des années 90 avec deux changements importants:

Le Plan d'action forestier du Sénégal, adopté en 1993, consacre les nouvelles orientations de la politique forestière et énonce la responsabilisation des populations par une approche participative comme un de ses principes. On parle de moins en moins de projets forestiers mais plutôt de projets d’aménagement ou de gestion des terroirs. Cette marque de renouveau dans la politique forestière provoque des ajustements organisationnels en vue d'une durabilité de l'action. Les efforts de conceptualisation des leçons du terrain et l’enrichissement à partir d’expériences et de théories diversifiées permettent à la Direction des Eaux et Forêts de formaliser le cheminement de l’approche participative, en vue de son adoption par toute l’institution.

Dans le contexte du développement forestier, l’approche participative a comme objectif l’atteinte par les populations, d’un niveau d’autonomie, leur permettant d’assurer une gestion des ressources forestières de leur terroir à la fois durable et intégrée aux autres activités agricoles et pastorales. L'application de l'approche participative consiste à instaurer un partenariat entre populations et agents de terrain dans le cadre de la mise en œuvre d'une action globale basée sur un processus itératif dont les phases sont:

De plus, le service forestier n'est plus le seul acteur sur ce terrain. Il recherche la participation des «aménagistes paysans». L'image du forestier passe progressivement de celle de gendarme, à celle d'animateur conseiller. L'expérience paysanne en matière de communication et d'organisation est sollicitée. On constate également des initiatives en faveur d'un décloisonnement administratif. Une dynamique de coordination de l'intervention de différents acteurs sur le terrain 11 voit le jour. La législation forestière fait l'objet de modifications destinées à garantir aux populations des retombées conséquentes de leur responsabilisation dans la gestion des forêts.

La communication au sens large se positionne comme la clé de voûte de toute méthode participative. L'usage des communications apparaît à divers échelons comme un support indispensable à l'application des différentes méthodes, et particulièrement la mise en œuvre de méthodes participatives. Pour répondre à ces besoins, le service forestier met en œuvre un programme de communication soutenu par les différents projets forestiers en cours d'exécution.

Le Tableau 1 recense, outre quelques institutions qui ont développé des programmes de vulgarisation consistants, les caractéristiques de l'appareil utilisé ainsi que les approches développées.

Tableau 1: Lien entre appareil de vulgarisation et approches utilisées

Identification de l'Institution Caractéristiques de l'appareil de vulgarisation Approches utilisées
Services de l'animation /expansion rurale (années 60) Identification des problèmes des populations et recherche de solutions au sein de l'équipe technique multidisciplinaire du CERP Animateurs issus du milieu et servant de relais entre les populations et l'encadrement
SAED (période des sociétés d'intervention) Méthodes directives*
Existence cadres de concertation Programmes de formation Utilisation outils communication
Appui conseil
Approche filière
Approche par produit
SODEVA (périodes des sociétés d'intervention) Méthodes directives; le paysan doit exécuter les décisions techniques prises par les encadreurs Approche spécialisée par produits
Approche individuelle ou familiale
Formation en cascade
Rencontres d'échange à l'intention de
  l'encadrement
PNVA (années 80) Training and visits (messages renouvelés de façon systématique, supervision stricte, formation des agents de terrain) Approche privilégiant la recherche de
solutions aux problèmes techniques, la
formation et l'accent sur le lien entre la
recherche et la vulgarisation
Identification de paysans-contact,
interlocuteurs du PNVA
Service forestier (à partir des années 90) Avancées significatives de l'approche participative Persistance d'approches directives Formation des agents forestiers**
Recours aux services d'animateurs issus des
communautés par les projets
Développement d'activités en partenariat
avec divers intervenants dont les ONG

* Innovations proposées par l'encadrement aux paysans qui doivent les adopter si elles souhaitent collaborer avec la SAED.

** Aux méthodes participatives et aux techniques de communication.

CONTENU DU PROGRAMME DE COMMUNICATION DE LA DEFCCS

Le programme de communication de la DEFCCS s'articule autour de trois axes:

La communication institutionnelle

Elle a pour objet d’alimenter et de réguler les flux d’information interactifs entre les différents protagonistes institutionnels du secteur de l'environnement que sont les structures de recherche, formation et intervention, les autorités administratives, les bailleurs de fonds, les agences d’exécution de programmes de développement et les interlocuteurs à l'extérieur. Les supports de cette communication institutionnelle sont principalement l'audiovisuel (vidéo), les supports imprimés (bulletins, rapports, notes) et les espaces formels de concertation (réunions, séminaires, journées de réflexion).

La communication sociale

Cette forme de communication située aux niveaux national et régional est conçue à l'intention d'un large public, sur des thèmes d'intérêt général. Elle permet de renforcer la réflexion et la prise de conscience des populations urbaines et rurales sur les problèmes de l'environnement et sur les actions concrètes mises en œuvre. Les mass-média sont les supports de ce type de communication et leur action est nécessairement combinée pour espérer toucher les diverses cibles concernées. Leurs cibles principales sont les suivantes:

On peut y ajouter les affiches, panneaux, expositions, autocollants, calendriers, agenda, etc.

La communication éducative ou de proximité

Il s'agit de la communication dite de proximité dans laquelle l'interaction entre l'animateur et ses partenaires est directe et localisée, dans le cadre d'un cheminement participatif où chaque étape est réalisée en utilisant le support de communication adéquat. Ce support permet d'induire un dialogue et un apport de connaissance dans le contexte d'actions concrètes identifiées comme réponses à un problème environnemental identifié par les populations et les techniciens. L'utilisation de la richesse culturelle et du savoir endogène des populations, exprimés à travers les moyens de communication traditionnels est également une préoccupation dans la communication éducative. Cependant, l'efficacité des supports dépend moins de leurs qualités techniques intrinsèques que de l'usage qu'en font les acteurs de la démarche participative et leur adaptation aux conditions socioculturelles du milieu. L'éventail des supports de la communication éducative est très large, dans la mesure où les différentes situations demandent des réponses à des besoins de communication spécifiques. La nécessité de prendre en compte des conditions parfois ardues de terrain, fait que l'on recherche des supports adaptables et simples. De plus, la démarche participative visant la capacité des partenaires à prendre en charge les activités initiées avec l'appui des services techniques, la reproductibilité des outils devient un impératif.

SITUATION ACTUELLE DU PROGRAMME DE COMMUNICATION AU NIVEAU DE LA DEFCCS

Après une expérience d'environ 10 années, les acquis de la DEFCCS sont intéressants mais les écueils subsistent, comme le montrent les tableaux ci-dessous qui résument la situation pour chaque type de communication ainsi que les perspectives.

Communication institutionnelle

Tableau 2: Résumé de la situation de la communication institutionnelle

ACTIVITÉS CONTRAINTES MAJEURES IMPACT
Publication de «Sénésylva», bulletin de liaison trimestriel Difficulté de respecter la périodicité12; Prise en charge par un seul projet qui arrive à son terme Meilleure perception des activités du service forestier; Intérêt des agents de terrain à faire connaître leur expérience; Construction d'une expertise en communication*
Publication de l'Observatoire des combustibles domestiques Blocages divers au niveau de la cellule conjointe DEFCCS/ Direction de l'énergie Meilleure information sur les questions d'énergie; Constitution d'un esprit d'équipe13
Utilisation du créneau de l'émission Nature et Développement de la RTS***** Contacts à prendre entre le ministère de tutelle et la RTS Intérêt du grand public**** pour les questions d'environnement et de foresterie accru
Activités précises aux principales occasions de l'agenda annuel de laDEFCCS14 La RTS (TV et radio) ne couvre pas le territoire national Nécessité d'impliquer les radios indépendantes Intérêt du grand public**** pour les questions d'environnement et de foresterie accru; les programmes de radio rurale renforcent participation et échange d'expérience au niveau des populations rurales.

* Chez les techniciens forestiers (techniques d'écriture, PAO).

****Des zones couvertes par la télévision et la radio.

***** RTS= Radio télévision sénégalaise.

Communication sociale

Tableau 3: Résumé de la situation de la communication sociale

ACTIVITÉS CONTRAINTES MAJEURES IMPACTS
Mise en œuvre du protocole signé avec la RTS pour la production d'émissions de Radio rurale à l'échelle nationale Ressources financières insuffisantes, forte dépendance vis- à-vis des projets Intérêt du grand public**** pour les questions d'environnement et de foresterie accru; Les programmes de radio rurale renforcent la participation et l'échange d'expérience au niveau des populations rurales; Initiations d'activités par des associations culturelles, sportives, les regroupements de jeunes.
Production affiches, agendas et panneaux Forte dépendance vis-à-vis des projets et faible implication des IREF Messages relatifs aux activités forestières diffusés auprès de partenaires divers******
Production de T-shirts Quantités insuffisantes Idem

****** Milieu scolaire, ONG, autres services du développement rural, élus locaux.

Communication de proximité

Tableau 4: Résumé de la situation de la communication de proximité

ACTIVITÉS CONTRAINTES MAJEURES IMPACTS
Production de supports pour information et formation des populations sur les principaux textes de lois relatifs à la GRN Insuffisance de supports illustrés simples en langues nationales Facilitation de la circulation des messages******* Valorisation du savoir-faire local pour la fabrication des supports de communication
Production de supports adaptés aux divers contextes écogéographiques pour la diffusion des kits techniques à vulgariser Activité liée à l'existence des projets Idem

******* Entre agents de terrain et population par l'utilisation des supports visuels simples adaptés aux divers contextes.

Les TCI sont utilisés aussi bien par les démembrements du service forestier que par d'autres intervenants du développement forestier, notamment pour les besoins de la mise en œuvre de méthodes participatives. Pour mieux cerner le détail de leur utilisation, des investigations ont été menées auprès d'institutions et de personnes ressources identifiées comme des sources d'information privilégiées dans le domaine.

IV. UTILISATION DES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION ET D'INFORMATION EN V/A RURALE

Les informations compilées et analysées dans cette section ont été obtenues à partir des réponses au questionnaire joint en annexe, faites par les 10 institutions destinataires identifiées parmi les acteurs principaux de la vulgarisation forestière au Sénégal.

MISSIONS DES ORGANISMES CIBLES

Pour permettre une analyse différenciée de la relation avec les TCI, les institutions ciblées l'ont été pour avoir des missions différentes, mais complémentaires. Des projets forestiers, des ONG, et des associations paysannes ont bien voulu remplir le questionnaire. On retrouve dans l'énoncé de leurs missions ce qui suit:

PRINCIPAUX DOMAINES DES ACTIVITÉS DE VULGARISATION

Les principaux domaines d'activités de vulgarisation tels que révélés à travers l'échantillon des institutions sélectionnées pour l'étude sont15:

En plus des domaines proposés dans le questionnaire, la formation, la communication, l'aménagement, la cartographie, le suivi et l'évaluation de projets, la valorisation des acquis de la recherche, les questions d'énergie et d'environnement, la recherche/développement et le lobbying ont été mentionnés.

BRÈVE DESCRIPTION DES PRINCIPALES ACTIVITÉS DE V/A

La description des activités de vulgarisation animation donne une idée plus précise des opérations menées dans le cadre des missions énoncées plus haut. Ainsi, pour une structure chargée d'une mission d'appui institutionnel comme le PDFR, on retrouve les activités suivantes: réflexion sur des processus en cours dans l'évolution de la politique forestière, élaboration de stratégies, définition de concepts et appui à leur diffusion, édition d'un bulletin de liaison, appui à l'organisation d'émissions de radio rurale, confection d'outils de communication de proximité 17.

Les projets de terrain évoquent les activités techniques ci-après: vulgarisation des foyers améliorés, protection des plants, travail du sol et régénération assistée avec utilisation de la charrue Delphine, élaboration et gestion de plans d'aménagement, gestion de brise-vent, gestion des terroirs et vulgarisation d'espèces forestières adaptées aux conditions climatiques. Ils citent également des activités découlant de leur rôle d'animateurs d'une démarche participative qui cherche à impliquer les populations dans les programmes. On retrouve à ce niveau: l'information et la sensibilisation des populations rurales ainsi que la formation des agents du projet et des partenaires (autres intervenants et populations).

Les activités des ONG et associations paysannes reflètent des préoccupations de renforcement de capacités et de positionnement dans un nouveau contexte favorable à cette dynamique. On y retrouve: i) des études diagnostic participatives; ii) des ateliers paysans de formation et de promotion des innovations; iii) des campagnes d'information sur les programmes de développement; iv) l'appui à la formulation des programmes. ENDA Tiers-Monde, cette ONG qui fait figure de précurseur dans le domaine des TCI, cite comme activités suivantes: i) coordination et animation de réseaux; ii) organisation de conférences électroniques; iii) utilisation des ressources d'Internet; iv) publications écrites ou audio visuelles (articles, revues, audiovisuel, diaporama, films, etc.).

L'institution nationale chargée de la recherche forestière cite comme activités: la formation; l'expérimentation en milieu paysan et les visites organisées dans les stations de recherche; l'organisation d'expositions, de journées portes ouvertes, de conférences, d'exposés de séminaires; l'élaboration de fiches techniques, la confection d'ouvrages et rapports et la rédaction d'articles publiés dans le bulletin de liaison de la DEFCCS ou dans d'autres revues.

BENÉFICIAIRES DES ACTIVITÉS DE V/A

Les principaux bénéficiaires des activités de vulgarisation animation ont été identifiés parmi les catégories d'acteurs suivantes De manière directe ou indirecte, ce sont d'abord les populations qui sont les bénéficiaires des activités, in fine. Parmi elles, certains groupes font l'objet d'une attention particulière en raison de leur rôle marqué dans la mise en œuvre des programmes forestiers de façon générale (groupements de promotion féminine, groupements mixtes et leaders d'organisations paysannes) ou dans une zone particulière (agropasteurs).

Avec l'avènement de la régionalisation, les élus locaux sont devenus des bénéficiaires presque incontournables. D'une manière générale, tous les intervenants susceptibles d'influencer de quelque façon que ce soit les activités de développement forestier, sont également ciblés. On retrouve ainsi les structures de développement (services techniques, projets, ONG), les élus locaux, les agents de développement, les associations à la base, les sociétés de développement, les partenaires au développement, les autorités locales et coutumières, les centres de recherche, les organisations internationales, les institutions de formation, les universités, les entreprises, etc.

DESCRIPTION DES APPROCHES DE VULGARISATION PRINCIPALEMENT UTILISÉES DANS L'ORGANISATION/PROJET

Plusieurs approches de V/A sont utilisées par les 10 institutions identifiées parmi les acteurs principaux de la V/A forestière au Sénégal qui ont répondu au questionnaire leur ayant été soumis dans le cadre de cette étude. Les approches utilisées sont présentées ci-dessous par ordre d'importance décroissante. Il s'agit des approches 18:

UTILISATION DES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION ET DE L'INFORMATION (TCI) DANS L'ORGANISATION/ PROJET POUR DES ACTIVITES DE VULGARISATION

Toutes les institutions qui ont rempli le questionnaire ont indiqué qu'elles connaissent et utilisent les TCI. La Publication assistée par ordinateur (PAO) est la TCI la plus connue (7)19. Elle devance la communication électronique principalement l'e-mail (6). Les Bases de données informatisées ont été mentionnées par cinq institutions, les systèmes d'aide à la décision par trois et la publication électronique sur pages Web, par deux. Les autres technologies citées sont les suivantes: graphisme, édition (imprimerie), vidéo et radio rurale. L'analyse des fréquences d'utilisation fait apparaître que les types spécifiques de TCI ne font l'objet que d'une utilisation occasionnelle à l'exception de ENDA Tiers-monde. Le Tableau 5 de la page suivante recense les réponses données dans l'ensemble des questionnaires.

Les figurines GRAAP, diapos, films fixes, affiches, T-shirts, casquettes, bloc-notes géant, bulletin, e-mail, base de données informatisées, radio, média écrits, brochures, calendriers, fiches techniques, rapports, téléphone sont aussi utilisés comme techniques de communication. Néanmoins, les institutions ciblées semblent avoir adopté les TCI qu'elles citent depuis un certain temps. A la question: «Depuis combien de temps les TCI sont-elles utilisées dans les activités de vulgarisation de votre organisation/projet?», les réponses varient entre 10 années et 4 années. De plus, la plupart d'entre elles considèrent les TCI comme très importantes dans l'accomplissement des objectifs des programmes de vulgarisation/animation pour les raisons suivantes20:

Tableau 5: Fréquence d'utilisation des TCI pour les activités de vulgarisation

TYPE DE TCI FRÉQUENCE D'UTILISATION
- Édition (imprimerie) ± cinq fois par an
- Radio cassette/boîte à image Utilisation quotidienne
- Vidéo/radio rurale Occasionnellement
- Album photo/dossier et livret de vulgarisation Utilisation quotidienne
- Diapo langage Occasionnellement
-Vidéo Fréquemment en période de pointe
- Radio rurale Une fois par an
- Communication électronique (téléphone, fax) Quotidiennement
- Édition d'images, photos De temps à autres
- Vidéo Non précisé
- Cassettes audio Non précisé
- Liste de distribution/Conférence électronique Quotidienne
- Courrier électronique Quotidienne
- E-mail 4 fois par jour
- PAO Régulièrement (une fois par mois)
- Base de données informatisées Régulièrement
- Communication électronique Régulièrement

Les raisons majeures invoquées pour justifier l'utilisation des TCI citées sont: Meilleure diffusion de l'information technique/scientifique, rapidité dans la confection de documents de meilleure qualité et augmentation de l'audience et du public.

De façon très concrète, l'utilisation des TCI au quotidien se présente comme décrit au Tableau 6 suivant:

Tableau 6: Description concrète de l'utilisation des TCI au quotidien.

Outils utilisés en TCI Description des utilisations des TCI
Ordinateur L'ordinateur est utilisé pour la saisie et la mise en forme de documents divers avant leur traitement par l'imprimerie
Livrets/cassettes/albums Les villageois partenaires ont la possibilité d'utiliser à tout moment les livrets, cassettes, et albums mis à leur disposition
Téléphone/fax/radio/vidéo - Le téléphone et le fax facilitent la communication institutionnelle alors que la radio et la vidéo facilitent la communication de proximité (information, formation)
Messagerie électronique La messagerie électronique est utilisée (mise en ligne et exploration page Web); L'utilisation quotidienne concerne la collecte du courrier électronique et l'organisation de groupes de discussions; Le courrier électronique est utilisé chaque jour à des heures bien définies pour l'envoi et la réception des messages. Les bases de données informatisées sont gérées au niveau des différents utilisateurs. Une salle d'informatique a été installée. Les documents devant faire l'objet d'une PAO sont centralisés en vue de leur finition
Groupes-cible La moitié des institutions qui a rempli le questionnaire a indiqué que les TCI ne sont pas utilisés pour tous les groupes-cible; Les groupes cibles pour lesquels leur utilisation est pertinente sont: les institutions, les agents de développement, les populations rurales et urbaines, les associations à la base, les élus locaux, les décideurs, leaders

Pour ce qui est du rôle des TCI dans les activités de l'organisation/projet, elles sont perçues comme moyen:

Un autre rôle qui n'avait pas été proposé par le questionnaire est celui de moyen de moyen de communication avec le personnel en mission.

ÉVALUATION DE L'UTILITE DES TCI POUR FAIRE FACE AUX CONTRAINTES MAJEURES DE V/A

La variété des missions des institutions ciblées explique sans doute la diversité d'appréciations de l'utilité des TCI pour faire face aux contraintes majeures de vulgarisation/animation. Le classement par ordre d'importance des cinq contraintes majeures de vulgarisation est donné par niveaux (de 1 à 5, par ordre d'importance croissant). Aucune, des contraintes identifiées ci-après n'a été citée avec le même degré d'importance par deux institutions:

Les autres contraintes reconnues et utilisées dans l'appréciation de l'utilisation des TCI pour faire face aux contraintes de la V/A sont:

En vue d'apprécier le degré d'utilité des diverses TCI face aux contraintes de la vulgarisation, le questionnaire a établit une liste de contraintes majeures et a proposé une échelle de valeur relative à leur résolution allant de 1 (pour pas utile) à 5 (pour très utile). Le classement du niveau d'utilité des TCI figurant au Tableau 7 ci-après a été établi après compilation des réponses obtenues.

Tableau 7: Classement de l'utilité des TCI pour la résolution des contraintes de la vulgarisation

Niveau d'utilité

Appréciation des personnes répondant

Contraintes de la V/A Très utile Utile Neutre Pas utile Pas du tout utile
Taux de couverture

X

XXX      
Contenu XX XX      
Objectif   XX XX    
Ciblage   XX XX    
Contrôle     XXXX X  
Adéquation XXX X   X  
Personnel XX XX   X  
Responsabilité   XXX XX    
Financement XX X      
Coordination et liaisons XXX X      
Gestion X X XX X  
Durabilité XX X XX    

NB: NA = Non applicable l=Pas du tout 2 = Pas utile 3 = Neutre/indifférent 4 = Utile 5 = Très utile

ÉVALUATION DE L'IMPACT DES TCI UTILISÉES EN V/A

H n'a pas été possible d'évaluer de façon systématique l'impact de chacune des TCI utilisées en V/A, en passant en revue les contraintes principales proposées dans le questionnaire, essentiellement en raison de l'absence de situation de référence. Les interlocuteurs n'ont pas voulu s'engager au-delà d'une appréciation très empirique des changements significatifs intervenus à leurs yeux depuis le début de l'utilisation des TCI. On peut donc retenir à travers les réponses, que leur impact global dans la réalisation des objectifs des programmes de vulgarisation est plus positif que négatif, comme montré ci-dessous.

Changements positifs:

Changements négatifs:

Comme changements négatifs, on relève la tendance:

Conséquences des changements:

Comme conséquences de ces changements dans les activités de V/A, il a été mentionné:

Autres remarques faites sur l'utilisation des TCI:

Comme autres informations, commentaires ou remarques sur l'impact et les contraintes de l'utilisation des TCI dans les programmes de V/A rurale, les répondants ont relevé certains points susceptibles d'alimenter la poursuite de la réflexion sur le lien entre les TCI et la V/A. Ce sont:

V. ENVIRONNEMENT DE L'ÉCLOSION DES TCI

L'environnement actuel du développement forestier au Sénégal semble favorable au développement des TCI. On peut se référer à trois traits marquants pour étayer cette hypothèse:

ÉVOLUTION EN COURS AU SEIN DU SERVICE FORESTIER

La politique et la législation forestière sont aujourd'hui clairement en faveur d'une implication des populations dès la conception des programmes de développement forestier. La loi relative à la régionalisation a même transféré aux collectivités de base une partie des compétences autrefois dévolues au service des Eaux et Forêts. Afin d'aider ces populations, encore insuffisamment outillées, à assumer leurs nouvelles responsabilités, le recours à l'exploitation des possibilités qu'offrent les TCI pour une diffusion des informations et de connaissances idoines, est indispensable.

Comme cela a été mentionné au Chapitre ni, le service des Eaux et Forêts a évolué de façon à se positionner aujourd'hui comme partie prenante d'un partenariat regroupant des catégories d'acteurs diversifiés, motivés par la mise en œuvre de programmes de développement forestier participatifs. Même si des résistances existent encore parmi certains tenants de la foresterie à l'ancienne, les ressources humaines, les outils méthodologiques et les supports techniques d'une vulgarisation forestière d'avant garde sont disponibles.

Le débat relatif à la conciliation entre les deux fonctions 22 d'apparence incompatibles des forestiers, demeure une préoccupation d'actualité. Dans le principe, rien ne s'oppose à ce que le forestier exerce ses fonctions répressives lorsque la situation l'exige puisqu'il est illusoire de penser que la responsabilisation des populations supprime de facto les pratiques illicites. Les personnes soucieuses du respect des règlements sollicitent elles-mêmes l'intervention du «forestier/gendarme» lorsqu'elles se sentent lésées par les agissements de ceux qui font fi de la loi. Ce sont plutôt les abus, les traitements de faveur et les frustrations qu'ils engendrent qui peuvent nuire à la crédibilité du forestier et annihiler ses chances de réussir en tant qu'animateur/conseiller.

Un autre débat qui passionne les gestionnaires et acteurs de la vulgarisation est celui de l'hypothèse d'un agent vulgarisateur qui serait responsable de l'ensemble des thèmes techniques (agriculture, élevage, foresterie) qui concerne les paysans. Comme cela a été développé dans les chapitres 2 et 3, ce schéma était prévu au début de l'indépendance, mais l'idée n'a pas survécu à l'arrêt de l'animation rurale de l'époque. L'évolution des services du développement rural a été très sectorielle à partir de ce moment et la vague des Sociétés de développement et des projets, n'a rien arrangé, au contraire.

A partir de 1994, le service des Eaux et Forêts a initié une dynamique de création de cadres de concertation au niveau de chaque région en vue d'une harmonisation minimale des approches et d'une gestion de la complémentarité. Ces cadres ont connu un succès mitigé et variable d'une région à une autre, traduisant ainsi la persistance du souci chez bien des partenaires, de sauvegarder coûte que coûte une relative indépendance d'action.

MISE EN ŒUVRE DE LA LOI SUR LA RÉGIONALISATION

La loi sur le domaine national, en vigueur depuis 1964, n'a jamais vraiment pris le dessus sur les systèmes fonciers traditionnels. La plantation d'arbres n'a pas été favorisée par les dispositions de la loi sur le domaine national dans la mesure où celui qui plante peut s'approprier les arbres mais pas la terre. D'un autre côté, planter des arbres est toujours perçu comme une velléité de s'approprier une terre.

L'entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1997, de la loi sur la régionalisation a créé un contexte nouveau dans la mesure où la gestion des ressources naturelles fait légalement partie des domaines de compétence transférés par l'État aux collectivités locales. Si ces dernières assument effectivement toutes les prérogatives que leur confère cette loi, on devrait assister à une consolidation de la mise en œuvre de la loi sur le domaine national dont l'application reste globalement faible.

 De plus, les pratiques varient selon le milieu socioculturel avec des conséquences spécifiques sur la relation entre régime foncier et approche de la vulgarisation forestière.

On peut s'attendre à une promotion plus marquée des droits des communautés locales respectant les principes de démocratie et d'efficacité économique, accompagnée de l'affirmation du rôle régulateur de l'État.

CRÉATION PROGRESSIVE DE CONDITIONS FAVORABLES A L'ÉCLOSION DES TCI

Amorcé depuis une dizaine d'années, le développement des télé-centres privés, a sans doute, été le premier signal de la possibilité de répondre concrètement aux besoins de communication des couches les moins aisées de la population, en rendant le téléphone accessible jusqu'au niveau des communautés rurales. Grâce aux télé-centres privés, plus de 4 000 emplois ont été créés entre 1992 et 1995. L'implantation des télé-centres en milieu rural a été facilitée par la SONATEL par le biais des cabines d'intérêt local (CIL). Les communautés construisent «la case de télécommunication» et choisissent un gérant. La SONATEL installe gratuitement le point phone. Le gérant devient un abonné qui exploite le service pour son propre compte et il est moralement responsable de la disponibilité du service aux yeux de sa communauté. La raison du succès des télé-centres semble être due aux faits que:

Le développement rapide de la presse indépendante pendant les dix dernières années est également un facteur non négligeable en faveur du développement des TCI. Le groupe Sud- Communication qui gère aujourd'hui un journal, une radio et une école de formation aux techniques de la communication en a été le précurseur. Son site Web est régulièrement consulté. D'autres initiatives sont venues ensuite, avec un journal et une radio, un site Web ou une radio uniquement. Ce développement de la presse autonome a stimulé la presse d'État (journal Le Soleil et Radio Télévision du Sénégal) qui s'est également mise à l'heure des TCI.

Au cours des trois dernières années, d'autres manifestations de l'avancée des TCI ont été observées, et une stratégie concertée État, partenaires pour le développement et utilisateurs potentiels a déjà permis de démarrer quelques activités, dont l'initiative ACACIA. Cette initiative matérialise l'option de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), de jouer un rôle précurseur dans la décision de mettre en place les conditions favorables pour que les pays africains participent pleinement à l'ère des autoroutes de l'information. Un partenariat entre la CEA, l'Union internationale des télécommunications (UIT), l’UNESCO et le Centre de recherche pour le développement international (CRDI au Canada), a permis d'élaborer une politique de connexion des pays africains aux autoroutes de l'information. L'initiative ACACIA, démarrée en 1997 pour 5 ans, est la contribution concrète du CRDI à l'atteinte des objectifs fixés par la CEA. Elle veut contribuer à infléchir ou même renverser le scénario tendanciel de la marginalisation des communautés de base, notamment des femmes et des jeunes.

Les principales préoccupations lors de l'élaboration de la stratégie ACACIA au Sénégal ont été: la reconnaissance de l'état des lieux, l'identification des besoins et attentes des populations ciblées, des technologies adéquates, la définition d'un but, des axes de partenariat, du cadre de concertation entre les différents acteurs et des méthodes d'évaluation de la stratégie. Au Sénégal, ACACIA vise à préconiser des actions coordonnées dans le domaine des politiques, des infrastructures, des technologies et des applications pour que toutes les couches sociales bénéficient des opportunités offertes par les TCI. Les domaines suivants sont concernés: santé, éducation et formation, emploi et génération de revenus, gestion des ressources naturelles et gouvernance. Dans la stratégie ACACIA au Sénégal, on entrevoit comme utilisation possible des TCI dans la solution des problèmes identifiés dans le domaine de la GRN, la constitution de bases de données sur les thèmes prioritaires, la promotion de l'utilisation combinée de la télédétection, des bases d'information, de la messagerie et des radios pour constituer un réseau d'alerte (surtout pour la lutte contre les incendies). Dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, l'élaboration de la stratégie ACACIA a permis d'identifier les axes d'intervention prioritaires suivants:

Le programme ACACIA a déjà permis de commencer à utiliser les TCI comme outil de mise en œuvre de la décentralisation, une réponse possible à l'analphabétisme, au déficit de communication et à la pauvreté. Les champs d'application prévus sont: la gestion des collectivités locales et de leur budget et la gestion de l'état civil. H est prévu la création d'un site Web «Observatoire de la gouvernance». Les initiatives ci-après ont pu être concrétisées grâce à ACACIA:

LEÇONS A RETENIR

Sans prétendre faire le tour de la question, les informations recueillies en utilisant le questionnaire auprès de quelques acteurs importants de la vulgarisation au Sénégal, a permis de constater que les TCI font une entrée timide mais prometteuse dans le domaine forestier. Les opportunités pour un développement intéressant existent, mais les obstacles à une diffusion rapide et massive sont bien réels (cf. Chapitre V). En effet, la création progressive d'un environnement favorable à l'éclosion et l'installation d'une culture des TCI ne peut pas occulter les contraintes à leur essor dans l'optique d'une utilisation pour les besoins de la vulgarisation forestière.

L'analphabétisme des populations en milieu rural est le premier obstacle majeur. La manipulation des outils qui restituent l'information requiert des compétences qui n'existent pas. Même au niveau des animateurs et agents de développement qui accompagnent les populations, la maîtrise limitée du français et la méconnaissance totale de la langue anglaise, limitent la possibilité d'exploiter les opportunités offertes par les TCI.

En terme d'équipements, l'ordinateur, cheville ouvrière du processus de connexion à l'information par les TCI, est encore un équipement de luxe et les lenteurs dans l'instauration d'une bonne culture informatique sont tout à fait réelles. Compter sur une multiplication des ordinateurs en milieu rural à court terme, serait une utopie. D existe par contre des possibilités certaines de réception d'informations opportunes et conviviales par modem en vue d'une diffusion par les radios locales, les journaux, les ONG, les associations villageoises, les télécentres, les écoles, etc.

Si elle est sous-tendue par une véritable démarche participative, l'opportunité de communiquer plus rapidement et plus largement en utilisant les TCI peut profiter à tous dans tous les domaines qui constituent les centres d'intérêt des populations. Dans le contexte actuel, la catégorie d'acteurs qui a accès aux TCI et qui est en mesure de faire le lien avec les populations revêt une importance capitale. Ces médiateurs détiennent de fait un pouvoir avec tous les risques d'abus que cela implique. Un autre risque de dépendance, qui ne concerne pas uniquement les populations rurales, est celui de voir les pays industrialisés, d'où proviennent les outils et la part la plus importante de données, profiter de cette situation privilégiée pour introduire des facteurs discriminants en terme de compétence et de pouvoir.

VI. RECOMMANDATIONS

Les actions à mener pour que les TCI puissent continuer leur percée encore timide dans le domaine de la vulgarisation forestière, se situent à différents échelons:

Le développement des TCI nécessite également la présence d'une masse critique de ressources humaines formées pour gérer les différents maillons de la chaîne qui va de la production de l'information à son utilisation par les populations dans le cadre de la vulgarisation forestière. Cette masse critique n'existe pas encore et les efforts de formation en réponse à des besoins clairement identifiés doivent être poursuivis. Ces efforts de formation devraient être accompagnés d'une sensibilisation et d'un plaidoyer substantiel en faveur des TCI.

VII CONCLUSION

On observe un démarrage encourageant de l'utilisation des TCI au Sénégal et la multiplication des champs d'application permet tous les espoirs. La vulgarisation forestière a connu des mutations significatives rendues possibles par un contexte politique, social et économique qui les exigeait. Aujourd'hui, le terrain semble propice à une progression rapide de l'utilisation des TCI au bénéfice des acteurs de la vulgarisation forestière.

Néanmoins, l'engouement pour ces technologies si séduisantes ne doit pas faire perdre de vue des considérations sur lesquelles Bauer, Hoffmann, Keller mettent si justement le doigt dans un dossier consacré aux TCI dans la revue Agriculture + développement rural (Volume n° 1, avril 1998). Les auteurs y rappellent fort à propos que «seule l'information peut être véhiculée. Tout se décide lorsqu'elle se transforme en connaissance: c'est à ce moment précis qu'elle réduira ou non l'incertitude et deviendra donc utile ou non au destinataire. Plus on peut offrir d'informations et plus il y a aussi de déchets: tout se passe comme s'il fallait chercher une aiguille dans une botte de foin. Internet et les autoroutes de l'information deviennent rapidement un problème au lieu d'être une solution.».

La plus grande vigilance doit donc être de mise pour que les acteurs de la vulgarisation forestière puissent décider de quelle façon ils peuvent tirer le meilleur des TCI et non devenir des consommateurs effrénés de technologies qui ne comportent pas que des avantages.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dia, M. 1991. Lettres d'un vieux militant - Contribution à la révolution démocratique. Grande Imprimerie africaine. GIA, Dakar, 202 p.

Secrétariat exécutif aux actions des centres d'expansion rurale. 1988. Guide de la planification du développement dans les communautés rurales. Rédaction et édition CIEPAC, avec le concours de la fondation Konrad Adenauer. Dakar. 88 p.

Ben Mady Cissé raconte les beaux jours de l'Animation rurale. 1995. Le Témoin. Hebdomadaire dakarois, N° 272 semaine du 14 au 20 novembre. Dakar. 8 p.

Enda, Graf. Avenir des terroirs: la ressource humaine. Enda-Editions. Dakar. 1992. 300 p.

Ministère de la Coopération (France). Recherche, vulgarisation et développement rural en Afrique noire. 1987. Recueil des communications présentées au Colloque de Yamoussoukro,  organisé du 17 au 23 février, 1985. 245 p.

Benor, D. et Baxter, M. 1987. La vulgarisation agricole par la formation et les visites Publication de la Banque mondiale. Washington. 191 p.

Programme ACACIA Sénégal, Groupe de travail sur la gestion des ressources naturelles. Octobre 1998. Étude de faisabilité d'un projet pilote d'utilisation des TICS pour une gestion communautaire des ressources naturelles dans le Ferlo. 24 p.


1 Service de la conservation des forêts, de la recherche et de l'enseignement forestiers, Division des ressources forestières.

2 Environnement, Eaux et forêts, Agriculture, Intérieur, etc.

3 Date de l'Indépendance.

4 Année du "Coup d'Etat" de Mamadou Dia, premier Président du Conseil.

5Cf. Lamane, maître des terres, maître du feu, maître de la hache, etc.

6Tam-tam.

7 Premier Président du Conseil du Sénégal indépendant.

8 Qui remplace la SATEC dans le bassin arachidier.

9 Qui consent un pouvoir et une autonomie plus importants aux collectivités locales.

10 Cette Direction, bien que puissante, a eu cependant une existence éphémère.

11 Appui à la création des cadres de concertation.

12 En raison du rythme des contributions des structures, de la DEFCCS.

13 Entre deux services chargés d'aspects complémentaires des questions d'énergie (offre et demande).

14 Ouverture de campagnes de reboisement et d'exploitation forestière, démarrage de la saison de chasse débats nationaux sur les textes de lois. etc.

15 Par ordre décroissant d'importance.

16 Le chiffre entre parenthèses indique le nombre d'institutions (sur les 10 étudiées) impliquées dans un domaine d'activité auquel il fait référence.

17 Boîtes à image, dossiers de vulgarisation, affiches.

18 Les institutions interroigées ont également évoqué les conférences, les ateliers et l'accompagnement comme autres approches.

19 Le chiffre entre parenthèses (7) indique le nombre d'institutions parmi celles interrogées ayant recours à un type de TCI donné.

20 Citations.

21 Ce chiffre entre parenthèses indique le nombre d'institutions sur les 10 institutions interrogées qui perçoivent les TCI comme moyen de communication ou d'information, etc.

22 Animateur/conseiller et gendarme.

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