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Du papier à partir de feuillus tropicaux mélangés

Börje Kyrklund

BÖRJE KYRKLUND, ingénieur papetier, Département des forêts, FAO.

Le terme de «feuillus tropicaux mélangés», dans la mesure où il s'applique à la fabrication de pâte à papier, désigne un mélange plus ou moins naturel de bois feuillus provenant d'une forêt tropicale. Mais il y a des variations considérables dans le nombre des espèces formant le mélange dans le degré de fréquence de chaque espèce et, par suite, dans les caractéristiques technologiques d'un mélange de feuillus tropicaux. Dans certains pays, ce mélange peut compter de 15 à 20 essences, et dans d'autres, des centaines.

En ce qui concerne les caractéristiques des bois, on considère que la densité moyenne d'un mélange de feuillus tropicaux est élevée - de l'ordre de 0,7 à 0,8 kg/m3 à l'état sec - mais elle peut être notablement plus basse dans certaines régions (Phillips et Logan, 1976). La densité après séchage des différentes essences d'une même forêt peut à l'extrême varier entre 0,150 et 1,300 kg/m3.

Il est évident que les problèmes techniques liés à la trituration des mélanges de feuillus, de même que la qualité de la pâte obtenue, varieront avec les caractéristiques du mélange et, par conséquent, dépendront de la forêt d'où ce mélange a été tiré, ainsi que des différences à l'intérieur de cette même forêt. En conséquence, on ne peut faire aucun pronostic certain sur l'aptitude d'un mélange de feuillus tropicaux pour la production de pâte et de papier, en ce qui concerne la solidité et autres caractéristiques, comme on pourrait le faire pour une seule essence.

Les mélanges de feuillus tropicaux constituant une matière première très hétérogène - aussi hétérogène que les forêts dont ils proviennent - il faut en tenir dûment compte dans la planification des industries basées sur l'emploi de cette matière première, et dans l'évaluation de la qualité de la pâte qui pourra être obtenue. Il est donc essentiel que les études de viabilité technique et économique touchant la création d'usines de pâte et papier devant utiliser des mélanges de feuillus tropicaux portent sur le secteur bien défini de forêt que l'on envisage d'utiliser comme source de matière première, plutôt que sur une zone générale du pays.

L'exploitation doit tendre à un abattage intensif plutôt qu'à l'extraction de quelques espèces seulement. Toutefois, avant d'extraire le bois de pâte, les essences commerciales plus intéressantes ayant une dimension suffisante pour le sciage ou le déroutage doivent être marquées séparément. Ainsi, les essences utilisées en trituration comprendront, outre les jeunes arbres d'essences commerciales, celles qui traditionnellement n'ont pas de valeur marchande. De cette façon, la création d'une usine de pâte peut sensiblement contribuer à l'utilisation plus complète et rentable des forêts feuillues tropicales mélangées qui, autrement, resteraient inexploitées ou mal exploitées si on n'en utilisait que les quelques essences de grande valeur.

Caractéristiques papetières

Beaucoup de recherches ont été faites sur les caractéristiques papetières des diverses essences de bois feuillus tropicaux. Les fibres obtenues à partir de ces bois sont toujours plus courtes que celles des résineux, mais avec des variations considérables dans leur longueur, dans leur largeur et dans l'épaisseur des parois selon les essences, même sur une surface de forêt limitée. Il en résulte que les caractéristiques moyennes des fibres et leurs proportions dans le mélange déterminent les caractéristiques générales de la pâte obtenue.

Les procédés les plus couramment utilisés pour la trituration des feuillus tropicaux mélangés sont le procédé au sulfate et les procédés semi-chimiques au bisulfite neutre, à la soude à froid, ou au sulfate. En ce qui concerne la pâte blanchie au sulfate, on peut en attendre une bonne opacité et une bonne formation de la feuille; a ce point de vue, la pâte provenant de mélanges de feuillus tropicaux peut se comparer à la pâte de hêtre. Quant aux caractéristiques mécaniques générales, elles soutiennent favorablement la comparaison avec celles des pâtes de feuillus de zone tempérée, mais dépendent en fait de la composition du mélange de bois de trituration tiré d'une forêt donnée.

La qualité des pâtes blanchies au sulfate provenant de feuillus tropicaux mélangés correspond donc aux qualités se trouvant actuellement sur le marché et obtenues à partir d'une seule essence ou d'un petit nombre d'essences; par conséquent, il n'y pas de raison pour que ce type, ou plutôt ces types de pâte ne puissent être employés pour les mêmes usages que ceux déjà fabriqués, et se placer sur le marché international.

La qualité des pâtes à haut rendement ou semi-chimiques tirées de feuillus tropicaux mélangés peut être excellente. Toutefois, même avec ces procédés, elle dépend du mélange de bois utilisé, encore que probablement dans une moindre mesure que les pâtes blanchies au sulfate.

Qualités de papier et carton

Les pâtes blanchies au sulfate obtenues à l'aide de feuillus tropicaux mélangés devraient bien convenir pour la fabrication de papier d'impression et d'écriture, moyennant addition de pâte de fibres longues à raison de 10 à 40 pour cent du total de fibres, et avoir une bonne opacité ainsi qu'une bonne formation du papier sur la machine.

La fabrication de papier journal à partir de pâtes mécaniques tirées de ces mêmes feuillus serait limitée aux essences de faible densité, prélevées de préférence dans des peuplements assez purs, ou encore séparées, si possible, d'un mélange de copeaux par des moyens mécaniques. Dans ce dernier cas, il faudra trouver une façon d'utiliser le reste des copeaux (fabrication de pâte au sulfate ou semi-chimique, transformation en combustible, etc.). Le recours à un procédé thermo-mécanique modifié, avec addition de produits chimiques, permettrait aussi d'élargir la gamme des densités de bois auxquelles pourrait s'appliquer ce procédé de trituration.

Des papiers de qualité industrielle tels que papier pour sacs et carton doublure sont fabriqués avec succès depuis plusieurs années avec un pourcentage important de pâtes au sulfate à haut rendement et de pâtes semichimiques provenant de feuillus tropicaux mélangés. La qualité obtenue est acceptable au moins pour le marché intérieur et même pour la fabrication de cartons à bananes, qui doivent avoir une bonne résistance à l'empilage.

Les cannelures pour carton ondulé sont le produit qui, avec le papier d'impression et d'écriture, semble avoir le meilleur avenir (ce produit a été fabriqué industriellement en employant jusqu'à 70 pour cent de pâte de feuillus tropicaux mélangés). La qualité qui peut être obtenue est généralement assez bonne pour rendre le produit compétitif sur le marché international.

Utilisation des mélanges de feuillus tropicaux pour la trituration

On a fait des progrès considérables, au cours des dix dernières années, dans la technologie de la trituration des feuillus tropicaux en mélange. Contrairement à l'attitude du passé, qui voulait que l'on évite les difficultés techniques - réelles ou imaginaires - par l'abattage sélectif d'essences «aptes», on pense aujourd'hui qu'il faut se baser sur les mélanges naturels d'essences tels qu'on les trouve dans la forêt, en n'éliminant que celles qui ont trop de valeur pour être passées en trituration, ou qui ne conviennent absolument pas pour la transformation. Encore n'exclut-on ces dernières que si elles se trouvent en quantités telles qu'elles puissent réellement affecter l'aptitude à la transformation du mélange.

Les problèmes principaux, mais non insurmontables, que soulève la trituration des mélanges de feuillus tropicaux se résument à trois, à savoir: continuité d'approvisionnement en bois de trituration pendant toute l'année, aptitude des essences à la transformation, et uniformité de la qualité du produit.

Continuité d'approvisionnement en bois de trituration pendant toute l'année

Dans certaines régions tropicales, les forêts, ou une partie d'entre elles, sont inaccessibles pendant la saison des pluies, mais ce n'est pas là une caractéristique générale de toutes les forêts tropicales. Les conditions varient considérablement selon la nature du terrain et la pluviosité de pointe, plutôt que selon la pluviosité totale annuelle.

Il va de soi qu'une usine doit pouvoir fonctionner toute l'année et qu'en conséquence elle a besoin d'un approvisionnement continu de matières premières. Dans certains cas, on ne peut extraire aucun bois de trituration pendant la saison des pluies, soit parce que les routes forestières sont impraticables, soit parce que certaines parties de la forêt sont inondées. Cette période d'arrêt de l'extraction peut n'être que de quelques jours, ou beaucoup plus longue, et durer plusieurs semaines.

Dans ces régions, il faut, pour assurer la continuité du fonctionnement de l'usine, constituer des réserves tampons de grumes à l'usine, ou sur le bord de routes praticables en permanence, ou encore des stocks de copeaux dans l'usine. Toutefois, le stockage du bois sous ces deux formes pose certains problèmes en climat tropical.

Le stockage en grumes a l'avantage de protéger la masse du bois des attaques de champignons et de bactéries, bien que sur certaines essences on constate un développement rapide de champignons sur l'extérieur des rondins, parfois au bout de quelques jours de stockage seulement. En outre, il se produit une certaine décoloration du bois, et une certaine pénétration de champignons et de bactéries.

Le stockage en copeaux a été très largement étudié dans les grands pays producteurs de pâte (Croon et Frisk, 1972). Ce stockage en conditions tropicales est cependant une autre affaire et pose un problème qui diffère d'un lieu à l'autre selon le climat. Jusqu'à présent les seules informations publiées à ce sujet se rapportent à la Papouasie Nouvelle-Guinée, où la pluviosité annuelle est de 2 000 à 3 000 millimètres (Greaves, 1971; Greaves, 1973, Harries et al., 1973). On a constaté qu'au bout de quatre mois des copeaux ainsi entreposés accusaient une forte décoloration microbienne et une perte de bois moyenne d'environ 1 pour cent. Néanmoins, le stockage n'en avait pas affecté les propriétés concernant la fabrication de pâte, le blanchiment et la fabrication de papier (Phillips et Logan, 1973). Toutefois, ces résultats ne sont valables que pour la Papouasie Nouvelle-Guinée, et il faudrait étudier plus avant le stockage de copeaux sous des climats plus rigoureux, ainsi que ses effets éventuels sur la pâte.

Environ 50 pour cent des pertes au cours du stockage de copeaux sont des pertes d'hydrates de carbone de faible poids moléculaire, de résines et d'acide acétique qui seraient, de toute façon, éliminés lors du défibrage et du blanchiment, le reste étant des pertes de matière ligneuse proprement dite. Pour éviter cette altération de la matière ligneuse, on a suggéré des pulvérisations d'eau, d'acides et d'effluents d'usine, ainsi que des traitements par produits chimiques ou par des micro-organismes antagonistes ou sélectifs (Bergman, 1972).

Toutefois, aucune de ces méthodes n'a jusqu'à présent été essayée sous régime tropical, avec sa propre flore microbienne, la composition chimique de ses bois et ses climats. C'est là un domaine où de nouvelles recherches s'imposent dans les diverses régions tropicales.

LABORATOIRE DE L'INSTITUT FORESTIER DU GABON préliminaires la fabrication de papier

En attendant que les problèmes posés par le stockage en copeaux soient résolus, il vaut sans doute mieux stocker les bois sous forme de grumes pour assurer un approvisionnement continu pendant la saison des pluies, et n'entreposer les copeaux en usine que pendant quelques semaines au plus.

Aptitude à la transformation

Sont sui tout importantes les cinq opérations suivantes: a) écorçage; b) mise en copeaux; c) imprégnation des copeaux et défibrage; d) blanchiment, e) récupération des produits chimiques.

On peut recourir à l'écorçage mécanique, sauf si les bois sont très courbes, ou si certaines écorces se sont beaucoup durcies pendant le stockage. Il peut être nécessaire alors de séparer les grumes en question pour les écorcer manuellement.

La mise en copeaux des feuillus tropicaux mélangés pose certes un problème en raison de l'extrême dureté de certains bois, qui occasionne une usure rapide des couteaux, d'où nécessité de les affûter et de les remplacer fréquemment. L'emploi de couteaux plus chers et de meilleure qualité permet de réduire la fréquence des opérations d'entretien. Le problème est en fait plus économique que technique, et il s'agit dans chaque cas de trouver le juste équilibre entre le coût de l'entretien et le prix des couteaux.

L'imprégnation des copeaux de bois tropicaux mélangés est, comme on l'a souvent dit. des plus difficiles, encore que cela dépende beaucoup du mélange utilisé. Même si cette opération pose un problème, on peut le surmonter en prolongeant la phase de chauffage dans les procédés chimiques, ou en recourant à des imprégnateurs sous pression dans les procédés semi-chimiques.

La consommation de produits chimiques est normalement du même ordre de grandeur que pour les autres feuillus. Les feuillus tropicaux mélangés sont intéressants en ce sens qu'on peut souvent les traiter avec une teneur en lignine plus élevée que les feuillus classiques, sans accroître notablement la teneur de la pâte en refus d'épurateur. La solidité s'en trouve généralement améliorée, mais la consommation en produits de blanchiment est aussi plus grande, ce qui fait que ce moyen d'améliorer la qualité de la pâte peut ne pas être rentable. Si, toutefois, la pâte doit être utilisée non blanchie, il est bon normalement d'adopter ce moyen.

Si les essences à teneur élevée en silice ou en latex sont abondantes dans le mélange, il peut en résulter des problèmes pour la récupération des produits chimiques. On peut néanmoins y remédier en réduisant la teneur totale de ces substances moyennant élimination de certaines de ces essences dès le stade de l'exploitation.

On peut dire qu'en principe toutes les essences feuillues tropicales se prêtent bien à la transformation (Petroff, 1974). Il se peut, toutefois, que pour des raisons techniques et mécaniques il faille en exclure certaines du mélange lors de l'exploitation pour éviter les problèmes, notamment celui de la récupération des produits chimiques, et réduire raisonnablement l'usure des couteaux des déchiqueteuses.

Cependant, ces essences exclues ne représentent habituellement que 10 pour cent ou moins du nombre d'espèces présentes, et un pourcentage encore plus faible du tonnage total de bois de trituration que l'on peut récolter sur une surface donnée. Les problèmes de fabrication de pâte à partir des mélanges de feuillus tropicaux sont donc d'ordre économique plutôt que technique.

Problèmes des variations de qualité de la pâte dues à l'hétérogénéité

Comme nous l'avons mentionné au début du présent article, la forêt feuillue tropicale est par nature hétérogène, en ce sens que dans un même secteur on peut distinguer plusieurs types de forêt différents. Toutefois, il peut arriver que toute la zone d'approvisionnement d'une usine soit uniforme dans sa composition, que l'on ait en quelque sorte une forêt uniformément hétérogène. Dans ce cas, on n'aura pas de problèmes sérieux de variations de qualité de la pâte. Par contre, si la zone comprend différents types de forêt, la qualité de la pâte variera en fonction de l'origine des bois récoltés.

FORMES DE BOIS INACCEPTABLES A L'USINE DE TRITURATION DE JUMBO, COLOMBIE où 130 espèces tropicales sont transformées en pâte

On a suggéré diverses méthodes pour éviter ces variations à court et long terme tenant à la composition du mélange d'essences selon le secteur de forêt exploité. Il va de soi qu'il serait pratiquement impossible d'empiler les bois en les classant par essence, pour maintenir une composition constante du mélange dont on approvisionne les déchiqueteuses. Le recours à des stocks tampons, sous forme de grumes ou de copeaux, a l'inconvénient de ne réduire que les variations de qualité à court terme, à moins que le temps de stockage ne soit très long, ce qui dans des conditions tropicales risque de causer la pourriture du bois.

On a récemment suggéré de diviser la forêt en secteurs de végétation à peu près homogènes dans leur diversité, et de faire une estimation statistique des caractéristiques technologiques des mélanges de bois pouvant être fournis par chaque secteur (Kyrklund, 1976). Après quoi, on peut organiser l'exploitation de façon à mélanger les bois provenant de 4 à 8 secteurs différents, ce qui permet d'obtenir une pâte de qualité moyenne constante, et de réduire l'amplitude des variations autour de cette moyenne. Avec ce système, le stock de bois en grumes ou en copeaux peut être maintenu à un niveau minimal, dans la mesure où l'objet de ce stockage est principalement le mélange d'essences de provenances différentes. Ce système a l'avantage de réduire les variations à la fois à court et à long terme. Bien qu'apparemment intéressant, il a encore besoin d'être expérimenté dans la pratique, par exemple, sous forme d'essai pilote en vue de déterminer son efficacité pratique et d'étudier ses aspects économiques. Ce système entraîne certaines exigences en matière d'inventaire, mais en plus de son rôle de contrôle de la qualité, il constitue un instrument utile pour l'aménagement forestier. Il suppose en fait un contrôle très poussé des opérations d'exploitation et de transport jusqu'aux dépôts en forêt et à l'usine.

Les débouchés

Rien ne s'oppose, sur le plan technique, à ce qu'on obtienne, à partir de mélanges naturels de bois de trituration provenant de la majorité des forêts feuillues tropicales, des pâtes blanchies au sulfate et des cannelures pour cartons ondulés d'une qualité suffisante pour être compétitifs sur le marché international, et les perspectives de débouchés futurs devraient être favorables.

Etant donné, toutefois, que la matière première à utiliser est encore peu connue dans le monde, il se peut qu'une fabrique de pâte travaillant pour l'exportation doive, au début, consentir des rabais sur les produits tirés de ces bois.

Il est évident qu'il faut, pour chaque projet d'entreprise, étudier à fond le marché intérieur, intrarégional et international.

Besoins en matière d'inventaire forestier

Un inventaire forestier effectué en vue d'une industrie de pâte et papier doit fournir des indications sur:

- Les secteurs de végétation relativement homogène dans la zone envisagée comme source de bois de trituration.

- L'accessibilité de chaque secteur.

- Les diverses quantités de bois de trituration pouvant être obtenues par unité de surface dans chaque secteur.

- La répartition des essences dans chaque secteur.

Après échantillonnage des espèces en vue de l'inventaire, on détermine les caractéristiques technologiques des bois et des pâtes pouvant être obtenus à partir des différents secteurs relativement homogènes de la forêt, et les variations de chaque caractéristique à l'intérieur de chaque secteur.

Une description plus détaillée de la méthode à employer est donnée par ailleurs (Kyrklund, 1976).

Une fois ces données réunies, on peut voir comment les bois provenant des divers secteurs peuvent être mélangés de façon à maintenir une qualité de pâte uniforme. En même temps, on dispose des données de base pour l'élaboration d'un plan d'exploitation. Dans certains cas, la qualité des bois de trituration tirés de tel ou tel secteur peut être trop mauvaise pour qu'ils soient utilisés, même en mélange avec des bois d'autres secteurs. Il faut alors décider si l'on doit laisser ce secteur inexploité, ou l'exploiter en vue de productions autres que la pâte et le papier, ou pour le bois de chauffage.

Choix du procédé de fabrication et estimation de la qualité des produits

Le choix du procédé de fabrication doit se baser sur les résultats des études de marché et les essais préliminaires effectués avec des mélanges naturels de bois provenant de la zone concernée, essais à relier à l'inventaire forestier.

Une fois choisi le procédé de fabrication, et étudiée l'influence de ses diverses variables sur la qualité de la pâte préparée à partir de certains mélanges naturels de bois, en vue de déterminer les conditions de fabrication, on peut procéder aux essais ci-dessus dans le cadre de l'inventaire forestier. On aura ainsi les données de base qui permettront d'évaluer la qualité moyenne de pâte que l'on pourra produire et les variations autour de cette moyenne, quand on utilisera des bois provenant de l ensemble de la forêt, selon le plan d'exploitation à fixer.

Etablissement du plan d'exploitation

Ce plan doit s'étayer sur les données suivantes:

- Accessibilité de chaque secteur relativement homogène de la forêt.

- Caractéristiques technologiques des bois de trituration fournis par chaque secteur, et leurs variations.

- Caractéristiques du sol et topographie des différentes parties de la forêt, pour déterminer la densité et le tracé possible du réseau routier.

L'objectif du plan d'exploitation est de faciliter la production de pâte de qualité uniforme, par mélange de bois provenant de 4 à 8 secteurs de végétation relativement homogène.

Régénération de la forêt

La première question qui se pose en ce qui concerne la reconstitution de la forêt est de savoir si on recourra à la plantation ou à la régénération naturelle. Dans le premier cas, l'utilisation des bois d'essences spontanées est considérée comme mesure: temporaire, qui fournira la base économique d'activités futures de plantations forestières, après quoi la fabrication de pâte sera basée sur les seules essences de plantations artificielles. Toutefois, les conditions locales ne permettent pas toujours la plantation, et dans ce cas la régénération naturelle peut être la seule solution possible.

Il est important d'étudier dès les premières phases ne serait-ce que les possibilités de plantation, ainsi que les essences ou mélanges d'essences qui peuvent être introduits. En même temps, les possibilités et les contraintes de la régénération naturelle devraient faire l'objet au moins d'une étude préliminaire. Sur la base des conclusions obtenues, on pourra établir un plan d'aménagement provisoire en vue de la régénération de la forêt.

Possibilités d'intégration

Si les marchés locaux, régionaux et internationaux permettent d'envisager l'installation d'une usine intégrée de pâte et papier, il faudra naturellement en tenir compte dans le plan de mise en valeur de la zone forestière. Une intégration complémentaire avec une usine de sciages et panneaux ne pourra évidemment qu'accroître la rentabilité de l'opération. Tout d'abord, en effet, la forêt renferme souvent des essences commerciales de valeur qu'il convient d'exclure des bois de trituration et d'autre part, si on constate que certains secteurs de la forêt ne fournissent que des bois de trituration de mauvaise qualité, le bois provenant de ces secteurs peut trouver une utilisation sous forme de panneaux de fibres ou de particules, par exemple. Un troisième argument en faveur de ce type d'intégration est que l'usine de pâte peut utiliser les résidus provenant des industries mécaniques du bois comme source complémentaire de matière première.

UNE USINE DE PÂTE MODERNE EN EUROPE un jour sous les tropiques

Conclusions

Les mélanges de feuillus tropicaux peuvent être utilisés avec succès pour la fabrication de pâte et de papier, et certaines catégories de produits peuvent même être compétitives sur le marché mondial, à condition que les problèmes de variation de la qualité puissent être résolus. Les problèmes liés à la fabrication de la pâte sont de nature moins technique qu'économique.

La qualité de la pâte obtenue permettra en général de l'utiliser pour les mêmes catégories de papier que les pâtes à fibre courte classiques. En fait, la pâte tirée de feuillus tropicaux peut même offrir certains avantages dus au mélange de fibres à parois épaisses et à parois minces, de fibres épaisses et minces, et d'une grande variété de longueurs de fibre, ce qui peut contribuer à lui donner certaines caractéristiques que ne possèdent pas les pâtes de feuillus classiques.

Une question importante concernant la pâte à partir d'essences exotiques mélangées est celle de la régénération artificielle (avec essences indigènes ou exotiques) ou naturelle.

La forêt secondaire qui repousse après exploitation à blanc de la forêt primaire est habituellement de valeur moindre pour la production de bois d'œuvre commercial, mais très probablement intéressante pour la production de pâte et papier. Dans certaines régions où la plantation n'est pas possible, la régénération naturelle représente la seule possibilité. Néanmoins, c'est un domaine qui appelle un sérieux effort de recherche, notamment en ce qui concerne le traitement des régénérations naturelles.


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