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La restauration de Bhaktapur

Raimund O.A. Becker-Ritterspach

Raimund O.A. Becker-Ritterspach, architecte, est le directeur adjoint de l'équipe de la République fédérale d'Allemagne chargée de l'exécution du projet de développement de Bhaktapur.

De l'avis général, le Népal, pays himalayen, est une source de perpétuel enchantement. Les villages médiévaux de la vallée de Katmandou conservent encore, dans une large mesure, leur ancienne physionomie et leur style de vie traditionnel. Les temples, les palais et même les maisons de ses villes historiques témoignent d'un infaillible sens artistique qui se manifeste tout particulièrement dans l'utilisation prodigue du bois, sculpté et travaillé avec une habileté et une sensibilité sans égales. Le bois travaillé n'est pas seulement un ornement superficiel, il est aussi un élément fonctionnel des constructions.

L'âge d'or de l'architecture et de l'artisanat népalais se situe entre les seizième et dix-huitième siècles. Mais, depuis lors, on a assisté à un déclin. Comme presque partout ailleurs, l'artisanat se meurt. Les matériaux et les méthodes de construction modernes, le ciment et la tôle, prennent la relève du bois - de plus en plus coûteux. Un style austère et pratique vient peu à peu supplanter le style ornemental, témoin d'une époque moins pressée. En fait, c'est toute l'ancienne culture du Népal qui court le grave danger de disparaître progressivement jusqu'à n'être plus qu'un souvenir que seuls des fragments conservés dans les musées entretiendraient. Le drame qui pourrait se jouer n'est pas seulement la perte irréparable d'œuvres d'art, ou même d'édifices entiers, mais celle de l'identité culturelle d'un peuple sous l'effet d'une évolution anarchique.

Une maison de Bhaktapur effondrée et un réservoir urbain

A une époque marquée par les réalisations scientifiques et technologiques et le désir général d'accéder à de meilleures conditions de vie, tous les peuples aspirent à une amélioration des logements, des conditions sanitaires, des équipements sociaux et des possibilités d'emploi. Dans la course précipitée vers ces objectifs, les édifices traditionnels, quelle que soit leur valeur artistique, se trouvent menacés. Aussi l'un des aspects les plus exaltants du développement technique et économique est-il de parvenir à sauver ces trésors artistiques grâce aux matériaux, aux outils et aux méthodes que la technologie avancée met à notre disposition.

Restauration d'un toit

Une construction restaurée devient une maison de thé

Les trois principaux centres de la vallée de Katmandou - Bhaktapur, Patan et Katmandou elle-même, la capitale sont des villes artistiques qui se délabrent. Bhaktapur, mieux placée que les deux autres cités pour conserver son caractère, appelle une attention particulière.

Jusqu'à la seconde moitié du dix-huitième siècle, Bhaktapur, situé à 15 kilomètres de Katmandou, était une cité très puissante dont le commerce - surtout avec le Tibet, pays situé au nord du Népal - était florissant. Puis le centre d'activités s'est déplacé; la ville a perdu ses fiefs tandis qu'avec la construction d'une grande voie de communication qui a concentré le trafic sur la capitale les axes commerciaux l'ont contournée. Le déclin de Bhaktapur a donc été progressif mais constant. De nos jours encore, les éléments les plus actifs de la population ont tendance à émigrer vers Katmandou ou les nouveaux centres d'expansion économique dans les plaines du Terai, au sud, près de la frontière indienne.

Du fait de son affaiblissement et du déplacement des activités vers les deux autres villes, Bhaktapur n'avait ni les motivations ni les moyens nécessaires au développement urbain de grande envergure qui aurait pu favoriser la restauration de ses splendeurs architecturales. Aux dégâts causés par l'abandon sont venus s'ajouter les ravages provoqués par les tremblements de terre, et les défauts inhérents à la construction traditionnelle - faiblesse des fondations, manque de protection contre l'humidité, manque d'étanchéité des toits et des joints entre la maçonnerie et les éléments en bois - ont favorisé, entre autres, la pénétration de l'eau ce grand ennemi du bois. Ce qui est peut-être plus grave encore c'est que, même là où ils survivent, les anciens métiers - qui sont étroitement liés au système des castes se sont montrés incapables d'innover; aussi les édifices sont-ils toujours, dans leur grande majorité, construits selon les mêmes techniques traditionnelles.

Fort heureusement, un effort résolu est fait à l'heure actuelle pour remédier à cette situation, notamment grâce au projet de développement de Bhaktapur, lancé par le gouvernement de S.M. le Roi du Népal, avec l'aide de la République fédérale d'Allemagne. Cette dernière est représentée par l'Agence allemande de coopération technique qui a chargé Systemplan Ltd. et ARGE Systemplan-Prack respectivement de la première et de la deuxième phase d'un projet destiné à rendre vie et beauté à la ville de Bhaktapur. Les coûts de construction pour les deux phases s'élèvent à 15 et 23 millions de roupies; ils seront répartis entre les deux pays dans la proportion d'un tiers pour le Népal et de deux tiers pour la République fédérale. Le gouvernement de Sa Majesté prend à sa charge les frais d'administration et de personnel de contrepartie, la République fédérale se chargeant de rétribuer les techniciens allemands et de payer une partie du matériel. La première phase a commencé en juillet 1974 et s'est terminée en octobre 1976; la deuxième est en cours et devrait prendre fin en octobre 1979.

Ce projet vise essentiellement à réparer les constructions et à faire renaître les anciens métiers et non à faire de Bhaktapur une ville-musée.

Le but est d'améliorer les conditions matérielles et socio-économiques des habitants ainsi que l'infrastructure de la cité tout en lui conservant son caractère médiéval. Il est apparu dès le début qu'il fallait un plan d'ensemble visant à la fois à développer et à préserver et accordant à ces deux aspects une importance égale. Il est essentiel en effet le problème dans la bonne perspective et d'assurer un équilibre pour parvenir à une réalisation harmonieuse.

L'idée maîtresse est de mener de front la planification et l'exécution, politique qui a donné de bons résultats au cours des deux premières années. Après une période initiale de tâtonnements, la planification a bénéficié de l'expérience acquise simultanément dans la mise en œuvre.

On s'attache à préserver les trésors artistiques tout en créant des revenus, des emplois et de meilleures conditions de vie. C'est ainsi qu'on a consacré beaucoup de temps et d'énergie à améliorer le système d'adduction d'eau ainsi que les anciens puits et bassins à ciel ouvert, les égouts, les installations sanitaires, les habitations et les bâtiments scolaires. Un centre d'artisanat fonctionne déjà et de petites industries seront créées. Un restaurant a été ouvert dans un bel immeuble ancien, restauré avec goût, et un second suivra. Il est clair que si l'on ne parvient pas à insuffler une vie nouvelle à l'âme ancienne de cette ville encore largement agricole, le dynamisme que requiert la restauration des temples et des maisons risque de faiblir.

On s'est surtout employé à améliorer les maisons traditionnelles. Le principe qui a guidé l'élaboration de nouvelles méthodes a été d'utiliser les compétences, les techniques et les méthodes de construction existantes chaque fois que cela était possible. Le personnel du projet a collaboré à la réparation et à la reconstruction d'un certain nombre de maisons privées en aidant à établir les plans et en fournissant du matériel et de la main d'oeuvre. Au cours des travaux, les propriétaires des maisons et les maîtres d'œuvre ont eu l'occasion d'apprécier et de mettre en pratique les améliorations apportées aux techniques et aux édifices. L'un des avantages dont on s'est immédiatement rendu compte est l'économie de bois réalisée grâce aux méthodes préconisées par le projet.

Malgré cela, les gens hésitaient à adopter les nouvelles conceptions; ils voulaient avoir la certitude qu'au fil des années elles donneraient des résultats au moins aussi bons que les méthodes traditionnelles.

En outre, le projet a conçu et construit deux maisons modèles qui alliaient les éléments structurels, fonctionnels et esthétiques mis au point par le projet aux élément, typiques de l'ancienne architecture. Il s'agissait de démontrer qu'il était: tout à fait possible d'utiliser des méthodes modernes de construction tout, en conservant l'aspect traditionnel de l'édifice, grâce à l'incorporation de certains éléments - toit en surplomb étayé par des contrefiches, fenêtres" portes et autres éléments traditionnels en bois, murs de brique nu,, etc. Mais, avant tout, ces maisons devaient: servir à montrer qu'il était capital de préserver le caractère spécifique de chaque zone dans son entité, toutes les maisons s'harmonisant pour donner un effet d'ensemble, et aucune d'elles ne venant jeter une note discordante.

Le rôle de ces maisons était aussi de faire comprendre aux habitants que l'intention n'était pas de leur fournir un modèle à imiter servilement: mais plutôt de leur donner une idée générale des améliorations que chacun pourrait adapter, selon ses besoins" à sa propre maison.

Après avoir séjourné un certain temps dans une de ces maisons modèles, des familles ont pu témoigner de l'utilité des améliorations et: des innovations. Pour compléter cette démonstration, une campagne a été organisée pour convaincre les constructeurs, les artisans et les autorités locales, en fait toute la population, au moyen de diapositives, de dépliants, d'affiches et de conférences.

Maison, Sukhuldoka Math restaurée. Dessin d'architecte

Introduction de nouvelles techniques de construction

Dans le projet de développement de Bhaktapur, le principe qui a guidé l'introduction de nouvelles méthodes a été de faire appel, partout où cela était techniquement possible, aux artisans qualifiés locaux ainsi qu'aux méthodes de construction et à la technologie existantes. Le personnel du projet a conçu un certain nombre d'améliorations techniques qui permettent à la fois d'économiser le bois et de prolonger la durée des matériaux de construction. En voici quelques exemples:

Plafonds: On est parvenu à diminuer le nombre des poutres en les espaçant un peu plus et en utilisant des éléments «verticaux» au lieu d'éléments «horizontaux». On a placé des matériaux isolants sous les poutres de bordure, aux prises d'air et aux joints.

Toits: On utilise la construction moderne, pannes/chevrons, qui comporte la pose de grandes tuiles et d'entraits renforcés pour fixer les pannes.

Fenêtres, portes, montants et escaliers: Les éléments ont été réduits en fonction des spécifications structurelles. On a prévu plus de fenêtres vitrées et de fenêtres à double châssis; posé un fin grillage aux fenêtres; redessiné les escaliers pour les rendre moins raides, et utilisé du contreplaqué pour les portes et les placards.

Assemblages: Les chevilles traditionnelles ont été remplacées par des pièces de moindre capacité portante mais qui ont elles-mêmes moins de poids à supporter. On a utilisé des clous, des tiges et des boulons de fer.

Préservation du bois: Il a été traité avec des agents de préservation polyvalents qui protègent le bois contre les champignons et les insectes.

Détail d'une maison décorée du motif local

Les fermiers dans la cité; en novembre les rues sont jonchées de riz à peine récolté

Un chapiteau ancien restauré

Un chapiteau sculpté

Eléments structurels décorés

La maison traditionnelle de la vallée de Katmandou est une construction comportant de deux à quatre étages, alignée parmi d'autres le long d'une rue. Elle possède généralement deux baies séparées par un mur central disposé parallèlement au mur de façade et au mur arrière. La charpente est recouverte d'un toit de tuiles dont la pente forme un angle d'environ 35 degrés. A. l'intérieur, les plafonds sont bas (1,80 à 2,20 m).

Portes, fenêtres, montants et linteaux sont en bois et encastrés dans des murs de briques maçonnées. Ces éléments sont ornés de sculptures qui masquent avec goût leur rôle essentiel de support.

Les éléments portants des plafonds et des toits sont faits de bois beaucoup plus lourds qu'il n'est nécessaire, car les artisans n'ont pas les connaissances techniques leur permettant de mesurer exactement la résistance et la tension à laquelle ces pièces de bois seront soumises.

Plafonds: Les solives ont un volant de 2,2 a 2,8 m et leurs sections horizontales reposent sur les poutres de bordure. La distance entre elles est de 10 à 15 cm de façon à laisser la place pour un sous-plancher de briques plates revêtu d'une couche d'argile (10 à 15 cm) ou, dans les cas exceptionnels, de tuiles d'argile.

Toits: La construction pannes/chevrons utilisée est caractérisée par un important surplomb du toit d'environ 1,20 m, étayé par des contre-fiches. La disposition des chevrons est analogue à celle des poutres de toit décrite ci-dessus.

La structure interne portante du toit est conçue de façon à laisser l'espace libre de tout élément d'obstruction. Les chevrons sont recouverts d'une couche de bois ou de bambou refendus supportant une couche de 10-15 cm d'argile. De petites tuiles «jhingati» sont ensuite «imprimées» dans l'argile humide.

Pour redonner à l'architecture traditionnelle un peu de sa splendeur passée, on a aussi fait campagne en faveur de la préservation des vieilles constructions. Le projet s'y est employé en conservant certains ensembles d'immeubles dans leur intégrité et aussi, dans l'immédiat, en réparant des édifices ou objets endommagés ou délabrés. La première phase du projet a vu la restauration complète de la place historique de Dattatreya et de quelques autres demeures particulières. Au cours de la deuxième phase, plusieurs ensembles moins importants seront rénovés.

Le but constant du projet a été de conserver au maximum le style et les matériaux originaux. Le délabrement de la plupart des immeubles appelait une rénovation de fond en comble; nombre d'entre eux ont ainsi dû être partiellement, ou même entièrement, démantelés. Reconstruire les édifices dans leur forme originale exacte a nécessité un travail énorme de recherche et de documentation.

Dès lors, il est apparu clairement que pour éviter les dommages structurels qu'entraînait l'utilisation des méthodes traditionnelles, il fallait introduire certaines innovations. On a donc adopté toute une gamme de mesures qui permettront de réduire l'entretien au minimum tout en assurant une très longue protection des édifices. Ces innovations consistaient à améliorer la couverture de l'immeuble, à renforcer les fondations, à faire obstacle à l'humidité et à traiter le bois convenablement contre la pourriture, les champignons et les insectes. Le toit, élément le plus vulnérable, a fait l'objet d'une attention particulière: le chevronnage a été recouvert de planches et d'un double carton bitumé appliqué sur du goudron chaud, puis d'une couche de boue traitée aux herbicides pour stopper toute croissance végétale. Enfin, le toit a été recouvert de tuiles traditionnelles «jhingati» qui, après avoir été enduites de syltrète de silicone, ont été «imprimées» dans la boue. Le toit est ainsi absolument étanche et reste tout de même très décoratif grâce aux tuiles. Des travaux de restauration aussi complets n'ont été faits que pour la reconstruction de bâtiments historiques.

Le mieux est évidemment la reconstruction totale et fidèle, mais très souvent on tolère des modifications, notamment quand les éléments intéressés ne sont pas visibles ou, du moins, ne sont pas proéminents comme les structures des toits. On a conservé à certains détails visibles leur aspect mais en les renforçant de façon dissimulée par des boulons d'acier ou du béton si possible. Pour les parties en bois, il n'était pas question d'économiser ce matériau si l'on voulait: faire du bon travail.

Le nouvel artisanat est encouragé

L'artisanat ancien est revalorisé

Priorité absolue a été donnée aux bois sculptés, caractéristique la plus marquante de la construction artisanale népalaise. On a pris grand soin de conserver le maximum de chaque élément et de son contexte structurel, ce qui, bien souvent, a posé de graves problèmes, car dans la plupart des cas, ces pièces en bois servent d'étais. Il a fallu recourir à différents stratagèmes techniques pour sauver des parties peu solides ou même des blocs entiers: on a, par exemple, injecté des substances durcissantes ou monté ces éléments sur des renforts invisibles, comme on l'a déjà mentionné. Toute fois - c'était inévitable - on a dû reproduire un certain nombre de sculptures irrécupérables autrement.

C'est ce travail de reproduction qui a soulevé les plus grosses difficultés au début du projet. La qualité exigée dans son exécution était telle que seuls quelques sculpteurs en étaient capables et, même parmi eux, beaucoup avaient sérieusement perdu la main. Les travaux précédemment effectués à Bhaktapur par les spécialistes allemands et un projet similaire exécuté par l'Unesco sur le vieux palais royal de Katmandou avaient heureusement donné l'élan, mais le nombre d'ouvriers qualifiés dont on pouvait disposer était très faible. Au plus fort des activités, le projet emploie environ 200 menuisiers, dont la plupart savent sculpter le bois, mais qui ne comptent qu'une vingtaine d'ouvriers hautement spécialisés.

Au dernier stade de la restauration il faut procéder à un nettoyage spécial puis à une application - sous l'étroite surveillance d'un chimiste - d'un produit de conservation.

Au cours de la première phase du projet, vingt monuments importants et de nombreux petits objets ont été restaurés ou réparés. La sculpture a représenté la majeure partie du travail, qu'il s'agisse de remplacer les détails d'un élément ou de refaire des pièces entières - portes, fenêtres, portes-fenêtres ou montants. La réparation ne présentait aucune difficulté: une fois extraits de leur logement, les éléments se démontaient facilement car dans l'ancienne architecture on n'utilisait pas de clous pour les fixer entre eux. Ils étaient composés de pièces qui s'emboîtaient les unes dans les autres et que l'on maintenait en place pendant qu'on maçonnait autour. La maçonnerie une fois achevée maintenait la pièce rigide.

Le projet ne peut évidemment être considéré comme une réussite que s'il contribue à créer un corps d'artisans hautement qualifiés, ce qui n'est certainement pas tâche aisée. L'apprenti doit en effet se faire à une nouvelle technologie et à de nouvelles méthodes de travail. Il doit aussi très souvent retrouver, pour son héritage culturel, un respect que le prestige des courants de pensée et des techniques modernes ont affaibli.

La déesse à huit bras et son restaurateur

Chaque construction fait appel aux maçons aux menuisiers aux sculpteurs sur bois et aux tailleurs de pierre

Toit traditionnel vu d'en haut

Aussi le projet accorde-t-il une très grande importance à la formation d'artisans et d'ouvriers de la construction en général aux nouvelles méthodes applicables aux constructions de style traditionnel. Il s'efforce d'atteindre cet objectif en formant les ouvriers sur le tas pendant la construction de demeures privées et autres édifices, puis en les spécialisant dans les techniques les plus récentes qui embrassent toutes les méthodes de travail existantes, la mise au point de nouveaux procédés inspirés des pratiques traditionnelles, l'introduction de méthodes de travail étrangères et leur adaptation aux conditions locales. On leur apprend surtout à contenir les coûts de production et d'entretien, à économiser les ressources forestières et à adopter des mesures de sécurité contre les dégâts causés par les tremblements de terre, ainsi que la technologie moderne du bois. Des conférences et séminaires spéciaux sont organises à l'intention des cadres, des fonctionnaires, des contremaîtres et des artisans de différents niveaux, avec, à l'appui, la distribution dune documentation appropriée. Enfin, le projet s'emploie actuellement à créer une petite usine qui produira des éléments de portes et de fenêtres préfabriqués et éventuellement des parties de la toiture, dans le but d'engendrer d'autres emplois. Elle pourra également: fabriquer des meubles. La création de ce centre imprimera un nouvel élan à la demande d'artisans spécialisés et, en assurant des emplois, devrait attirer dans cette branche d'activité de nouveaux effectifs.

La menuiserie à Katmandou

Le matériel utilisé n'a que très peu changé au cours des siècles. Tout le bois est coupé, raboté et travaillé à la main. Les principaux outils sont la hache plate, la scie à manche, l'herminette et un certain nombre d'outils locaux servant à sculpter le bois. Les machines sont rares, sauf dans les ateliers de menuisier où l'on peut trouver des scies circulaires et des scies à ruban. La construction préfabriquée est peu connue; toutefois, on peut commander à l'avance à l'atelier des éléments de fenêtres et de portes. En général, le même menuisier se rend sur place pour les installer et pour aider à monter les poutres du plafond et les pièces du toit.

La formation porte sur tous les aspects de la construction, mais plus particulièrement sur le bois, matériau de construction essentiel mais susceptible de se détériorer et de pourrir.

Enfin, toujours pour conserver les métiers traditionnels, on a ouvert un centre de l'artisanat, doté, entre autres, de menuisiers qualifiés qui se sont groupés en coopérative. Celle-ci produit de très belles sculptures qu'elle vend aux touristes et à l'exportation. Ces activités ont ainsi cimenté une équipe qui pourra travailler à la réparation et à la restauration des monuments et d'autres édifices. Le centre compte aussi des tisserands, des peintres et des fabricants de masques et de marionnettes.

Les rues de briques sont réparées

Remise en place d'une voûte en pierre

Malgré la prédominance des tendances modernes dans la construction, l'architecture népalaise continuera sans aucun doute à utiliser largement le bois. Ce matériau ne sera pas tant demandé pour les bâtiments publics ou les résidences de luxe (bien que la renaissance des sculptures sur bois doive conduire à une assez forte utilisation de ce matériau pour les fenêtres et les portes) que pour les maisons ordinaires qui comporteront beaucoup d'éléments en bois. Et ce n'est pas seulement une question de mode: le nouveau code de la construction stipule en effet que les habitations érigées dans les quartiers historiques devront obligatoirement se conformer à certaines normes qui prévoient, entre autres, des toits de tuile en pente. Ce sont habituellement les propriétaires eux-mêmes qui les construisent ou qui en surveillent le plan et la réalisation. Ils préfèrent généralement recourir au bois pour les portes, les fenêtres et les escaliers parce que c'est un matériau facile à travailler et à traiter, et qu'il peut être transporté de la façon la plus économique dans la région, c'est-à-dire par l'homme lui-même.

L'obstacle principal à l'emploi continu de grandes quantités de bois dans la construction est son coût de plus en plus élevé. Il faudra donc prendre des mesures pour modifier la politique actuelle de consommation de bois. Jadis, le bois nécessaire à la vallée de Katmandou était tiré de cette même vallée ou des collines environnantes.

Mais, avec l'augmentation de la population et l'accroissement de la demande de maisons, cette source s'est tarie. Désormais, pratiquement tout le bois de construction provient des forêts de piémont de la région du Terai, très éloignée de Katmandou. Le prix du bois monte à mesure que le lieu d'exploitation s'éloigne et que le matériel d'exploitation et de transport demande plus de carburant.

De juin à octobre, la production commerciale de bois accuse une baisse en raison des pluies de mousson. Les réserves s'épuisent graduellement et des pénuries aiguës se manifestent peu après la fin de la mousson, au début de la nouvelle saison de construction.

Mais d'autres facteurs concourent à augmenter le prix du bois: à l'heure actuelle, le bois de construction provient d'un petit nombre d'essences primaires comme le sal (Shorea robusta) et l'asna (Terminalia tormentosa). Ces essences représentent plus de 70 pour cent de la consommation totale et leur exploitation est telle qu'elle exerce une pression excessive sur les ressources forestières du pays. Enfin, le séchage et le classement du bois d'œuvre sont pratiquement inconnus au Népal. Aussi, pour éviter les inconvénients du gauchissement, les constructeurs utilisent des pièces plus grandes qu'il n'est nécessaire pour les travaux qu'ils ont à exécuter. Le traitement chimique du bois n'est pas très courant en raison de la durabilité naturelle du sal, principal bois de construction.

Si l'on introduisait sur le marché des «essences secondaires» après leur avoir fait subir un traitement chimique, elles pourraient donner de bons résultats et permettraient de rationaliser l'exploitation des réserves forestières. En outre, ces essences ont une densité spécifique plus faible et sont donc moins coûteuses à transporter, tout en offrant différents autres avantages sur le plan technique.

Brahmayani Dyochhen restauré

Si l'on parvient à mieux aménager les forêts et à élargir la gamme des approvisionnements, comme on le suggère ci-dessus, le bois devrait conserver la place importante qu'il occupe dans l'architecture népalaise, en accord avec la politique actuelle qui encourage les habitants de Bhaktapur à faire renaître les splendeurs du patrimoine culturel national. Si le projet actuellement en cours d'exécution dans cette ville, avec l'aide allemande, continue à donner de bons résultats comme tout semble l'indiquer, bénéficiaires et donateurs auront la satisfaction d'avoir accompli un triple exploit: consolider une culture séculaire grâce à une fusion judicieuse des techniques anciennes et modernes, faire renaître l'économie d'une cité en déclin et créer un grand nombre d'emplois. Il remplira aussi d'orgueil ceux qui façonnent le bois en objets d'art et ceux qui ont le bonheur d'en jouir.

Le centre de Bhaktapur après la restauration


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