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Valeur nutritive de certaines feuilles d'arbres et d'arbustes

N.W. Pirie

N.W. PIRIE travaille à la Rothamsted Experimental Station, Harpenden, Herts, Royaume-Uni. Cet article est une version abrégée d'une étude parée dans Appropriate Technology, Londres, novembre 1978.

Les graminées et autres plantes basses constituent la pâture principale de certains animaux domestiques en Europe et en Amérique du Nord. Mais même en Grande-Bretagne, les cerfs des montagnes, qui se nourrissent surtout de bruyère, peuvent donner plus de viande que des moutons dans une même région (Blaxter et al., 1974). Dans le parc du Hertfordshire les cerfs broutent surtout les feuilles et ne tirent des pâturages que 10 pour cent de leur nourriture (Jackson et al., 1977). Quant aux animaux domestiques des régions tropicales, ils se nourrissent autant, sinon plus, de feuilles que de graminées.

CHEVRE BROUTANT UN EPINEUX EN HAUTE-VOLTA une forme d'alimentation animale qui déplaît à certains agronomes

Les conseillers agricoles, formés dans des régions où prédomine le pâturage, ont mis longtemps à reconnaître l'importance du broutement mais, maintenant qu'elle est admise, arbres et buissons sont, enfin, l'objet d'une attention accrue. Ces derniers ont l'avantage important d'avoir des racines permanentes et souvent profondes qui leur permettent de stabiliser le sol là où il est susceptible de s'éroder lors de fortes pluies et d'«exploiter» l'eau et les éléments fertilisants qui se trouvent à une certaine profondeur et dont la plupart des graminées ne peuvent tirer profit. Cela permet à leur feuillage de rester vert alors que les graminées se flétrissent. Selon Hoppe et al. (1977), sur les terrains de parcours semi-arides, les animaux qui broutent survivent mieux que ceux qui paissent car ils choisissent les types de feuilles les plus succulentes.

L'importance du broutement une fois reconnue, quelques études ont été faites sur la valeur nutritive des feuilles d'arbres. Nul ne prétend qu'elles sont plus nourrissantes que le fourrage ordinaire, mais elles peuvent être utilisées avec profit et se trouvent souvent sur des terres marginales qui n'ont autrement aucun intérêt. Accroître la production alimentaire non agricole est un moyen de sauvegarder les forêts. De nombreuses essences ont été étudiées par McLeod (1973), Rees (1974), Finzi et Giulini (1975), et McKell (1975). Les feuilles d'olivier et autres sous-produits de l'oléiculture constituent un bon fourrage pour les bovins (Nigh, 1977). Les feuilles de chêne pourraient, semble-t-il, servir à l'alimentation des volailles (Robel et Frobish, 1977), bien que celles qui tombent spontanément ne contiennent plus que 1 pour cent d'azote.

Les animaux qui cherchent eux-mêmes leur nourriture savent éviter certaines feuilles vénéneuses, mais si ces dernières étaient transformées en farine alimentaire, ils ne seraient sans doute pas en mesure de les distinguer. Fort heureusement bien peu d'espèces sont à exclure catégoriquement; l'une d'elles est l'aiguille du pin ponderosa (Anderson et Lozano, 1977). Les feuilles de Leucaena sont parfois vénéneuses, mais on en cultive des variétés non toxiques (National Academy of Sciences, 1977).

Les feuilles d'arbres cueillies encore jeunes contiennent de 2 à 4 pour cent d'azote tout comme les plantes fourragères ordinaires (Nedorizescu, 1972). Si l'on en juge par analogie avec d'autres feuilles, 60 à 80 pour cent de cet azote se présente probablement sous forme de protéine, mais on ne l'a pas mesuré exactement, non plus que la valeur de la protéine, isolée de la majorité des autres éléments de la feuille. Siren et al. (1970) ont publié sur les acides aminés des feuilles de plusieurs essences une série d'analyses qui présentent une étroite analogie avec celles qui ont été faites sur les cultures fourragères. Cela n'a rien de surprenant car Byers (1971) a observé que les protéines des feuilles de différentes essences étaient très similaires. Le rendement annuel de protéines obtenu en cultivant des peupliers dans des conditions idéales, au sud de la Suède, pourrait atteindre 7 t/ha. Normalement, le rendement annuel des feuilles (matière sèche) n'est que de 2 à 4 t. Il n'en reste pas moins qu'il est tout à fait justifié d'étudier le rendement et la composition des feuilles d'arbres et le rôle qu'elles pourraient jouer dans l'alimentation humaine et animale.

Les jeunes feuilles de nombreux arbres - le ben oléifère ou canéficier de l'Inde, par exemple, et l'aubépine en Grande-Bretagne - ont été ou sont encore couramment utilisées.

FORET TROPICALE EN ASIE une réserve de nutriments à portée de main des chercheurs

Dans certains villages indiens, les canéficiers sont si dépouillés de leurs feuilles que leur survie est menacée. De même, les feuilles de certaines plantes que l'on utilise pour les haies - notamment le chaya des régions tropicales de l'Amérique centrale et le hêtre en Europe - sont ou ont été consommées. Il faudrait approfondir les recherches dans ce domaine. Il est absurde de constater que l'on se donne tant de mal pour tailler les haies dans les banlieues et se débarrasser des déchets quand on pourrait, en choisissant judicieusement les essences, procéder à des coupes régulières, section par section, et consommer les chutes. De nombreux ouvrages, fort intéressants - bien qu'ils contiennent certaines affirmations contestables - publiés récemment sur ce sujet conseillent de consommer des plantes sauvages. Leurs auteurs devraient indiquer clairement les quantités de feuilles qu'ils consomment régulièrement car tout aliment peut être dangereux. C'est le cas de nombreux légumes courants - différents choux, épinards, etc. - qui, absorbés en quantité raisonnable sont salutaires, mais deviennent nocifs s'ils sont consommés chaque jour en quantité excessive. La marge entre «quantité raisonnable» et «quantité excessive», bien que difficile à chiffrer, est d'environ 150 g (poids frais). Raison de plus pour varier au maximum les espèces consommées puisque chacune contient des substances différentes dont certaines peuvent être nocives. Malgré la perte de vitamine C que cela entraîne, il est souvent indiqué de jeter l'eau de cuisson car la toxicité s'accroît avec la quantité.

Si la récolte des feuilles pour un usage domestique est facile, il n'en va pas de même de la cueillette à grande échelle. Les feuilles qui tombent à l'automne - celles de chêne par exemple - ont généralement une faible teneur en protéines. Certaines substances chimiques provoquent la chute des feuilles à une période de l'année où elles contiennent le plus de protéines. Leur utilisation mériterait d'être étudiée bien que l'on puisse probablement limiter aussi bien la croissance en taillant régulièrement les arbres. Le port droit et non ramifié des arbres en taillis facilite l'effeuillage mécanique. L'arboriculture en taillis est déjà largement pratiquée pour la production de bois de feu et de bois à pâte. La moitié des arbres actuellement abattus dans le monde sont utilisés comme bois de feu et plusieurs pays ont prévu d'installer des plantations d'arbres en taillis comme sources d'énergie industrielle. Lors du choix des essences et des variétés pour ces plantations, il faudrait tenir compte de l'intérêt que peuvent présenter leurs feuilles.

TUNISIE. RECOLTE DE CACTUS SANS EPINES POUR NOURRIR LES OVNIS en période de sécheresse, ce cactus est source d'eau, de fibre et de nutriments

En U.R.S.S. (Young, 1976), les feuilles et les rameaux, récoltés au cours d'opérations forestières courantes, sont séchés, moulus et fractionnés dans un courant d'air, et utilisés comme fourrage. La farine de feuilles d'acacia - obtenue probablement de la même manière - figure sur le marché hollandais sous l'appellation erronée de «luzerne» (Anon, 1974).

En Roumanie et en Yougoslavie (Nadazdin et al.,), on a souligné l'intérêt que présente la production d'aliments essentiellement conçus comme fourrage pour les ruminants. Il est évidemment plus rationnel d'utiliser ainsi les feuilles et les aiguilles de résineux plutôt que de les gaspiller, mais il vaudrait encore mieux en tirer un produit alimentaire pour l'homme, ce qui éviterait la perte de 80-90 pour cent qui se produit quand la protéine d'un fourrage est convertie en protéine alimentaire chez l'animal. L'auteur a amplement prouvé, dans un autre ouvrage (Pirie, 1978), que la protéine des feuilles était utilisable dans l'alimentation humaine.

Des protéines ont été extraites d'aiguilles de pin par des méthodes qui ne sont applicables qu'en laboratoire; on peut consulter à ce propos les différents travaux de Gezelius (1975). Des essais préliminaires effectués à Rothamsted pour extraire les protéines des feuilles de plusieurs essences de feuillus ont montré que cette opération n'était pas aussi facile à réaliser que l'extraction des protéines des cultures fourragères ordinaires. En revanche, on peut aisément tirer des protéines d'arbustes plus âgés et de Gliricidia (arbre tropical): Carlsson (résultats non publiés) y est parvenu avec quelques autres espèces. Il serait souhaitable d'étudier un plus grand nombre d'essences et de variétés, et de procéder à des essais en variant les méthodes d'extraction, dans l'espoir de trouver soit des essences dont on peut extraire facilement la protéine avec les méthodes actuelles, soit des techniques pour un traitement à grande échelle, adaptées aux essences les plus récalcitrantes. Mais ces recherches ne seront pas entreprises aussi longtemps que les forestiers et les responsables du financement de la recherche ne seront pas convaincus que nous gaspillons littéralement un sous-produit potentiellement précieux, appelé sans doute à devenir encore plus abondant à l'avenir.

A l'heure actuelle, les feuilles tombées apportent des éléments fertilisants qui favorisent la croissance des arbres et entretiennent ainsi un cycle plus ou moins fermé. Le bois enlevé contient surtout du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène, dont l'air et la pluie assurent le réapprovisionnement. Il est curieux de constater que les forestiers n'admettent pas volontiers que cet équilibre approximatif n'est peut-être pas idéal, et que les arbres, tout comme les autres cultures, pousseront sans doute plus rapidement si on leur apporte des engrais en quantité suffisante. Ils se sont ralliés à l'idée qu'il fallait fertiliser les arbres au stade de la pépinière, mais la seule fois où mon président, un forestier, m'a vivement contredit c'était lors d'une réunion publique, alors que je déclarais que les arbres adultes auraient également besoin d'une nutrition adéquate.

Des essais déjà anciens (Laurie, 1960; Stoeckler et Arneman, 1960) ont montré que l'application d'engrais pouvait quadrupler la production de bois. D'autres expériences plus récentes ont été décrites par Miller (1969) et Matthews (1975). On peut raisonnablement supposer que la réaction des arbres aux engrais serait encore meilleure si on enlevait régulièrement les feuilles pour les utiliser à d'autres fins au lieu de les laisser pourrir sur le sol où elles ont poussé. Certains utopistes voudraient obtenir quelque chose avec rien, mais on s'accorde maintenant à reconnaître que si l'on prélève constamment des éléments du sol, il faudra, en fin de compte, les lui restituer pour obtenir une bonne récolte, quelle que soit la culture. L'arbre de jardin soumis à l'effeuillage devra recevoir régulièrement des engrais.

Références

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