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Les peupliers en Afghanistan

S. May

SILVIO MAY est employé à l'Istituto di Sperimentazione per la Pioppicoltura (Institut italien de recherche sur la populiculture).

A l'occasion d'un court séjour effectué en Afghanistan, l'auteur a visité avec beaucoup d'intérêt les peuplements, tant naturels que cultivés, de peupliers indigènes. Son but était notamment de déterminer s'ils se prêtaient à des programmes de phytogénétique.

Il pousse dans le pays des peupliers de divers types et espèces qui méritent qu'on s'y arrête. Bon nombre d'entre eux pourraient jouer un rôle important dans la région méditerranéenne - au Moyen-Orient et en Europe - dans les montagnes comme dans les plaines. Certains de ces types sont tout à fait inconnus et n'ont été signalés jusqu'à présent dans aucune revue spécialisée. Les instituts de recherche qui s'occupent des peupliers devraient étudier leurs caractéristiques botaniques et leurs aptitudes sylvicoles. Ils constituent en effet un matériel génétique précieux qui pourrait aider à résoudre certains problèmes importants dans le domaine de la recherche phytogénétique sur le peuplier.

L'Afghanistan est fondamentalement un pays montagneux dominé par la chaîne de l'Hindou-Koush qui le traverse diagonalement. Son climat continental est caractérisé par une grande variété de températures, due aux différences d'altitude plutôt que de latitude, par des vents forts et par une longue saison c. Ainsi à Kaboul, la capitale, située à 1800 m d'altitude, la température tombe à -20-25°C en hiver et monte à+40°C en été. Les précipitations y sont peu abondantes de 200 à 300 mm par an, réparties entre décembre et avril. L'influence des moussons ne se sent guère à cette longitude. Le sol est en général bon là où, dans certaines parties limitées des vallées, l'irrigation est possible. En dehors des zones montagneuses qui sont couvertes de forêts et de quelques cultures, le reste de l'Afghanistan est formé de pâturages (sur les plateaux) ou de steppes ou encore de déserts (sud et sud-est).

Les peupliers sont cultivés pratiquement partout, chaque fois qu'il y a moyen d'irriguer. Les principaux types ou espèces rencontrés au cours du voyage appartiennent aux sections Leuce et Aigeiros. Si Populus euphratica et Populus ciliata (appartenant respectivement aux sections Turanga et Leucoides) sont également signalés dans le pays, le premier ne constitue pas de peuplements d'importance économique, quant aux spécimens montrés en culture comme appartenant au deuxième groupe (Populus ciliata) on a déterminé qu'il s'agissait de Populus nigra.

Les peupliers cultivés en plantation dense servent à fabriquer des toitures et des pieux

Dans ce peuplement de Populus alba à Paghman, près de Kaboul, quelques arbres plus côtoient des spécimens ordinaires

Excellent spécimen de Populus nigra dans les Tapa Gardens

Grumes de Populus alba. On s'en sert pour fabriquer des allumettes et des boîtes

Plantation de bord de route de Populus alba, à Kariza Mir, ancienne réserve royale

Souche locale de peuplier blanc a croissance vigoureuse (Astalif)

Pendant son court séjour, l'auteur a identifié les types suivants comme présentant un intérêt majeur:

P. × canescens (nom local Khadang)

Il existe d'excellentes lignées de cet hybride, qui se propage facilement à partir de boutures et pousse rapidement; elles sont utilisées notamment le long des avenues de Paghman (dans les environs de Kaboul). Outre sa croissance très rapide et sa bonne capacité d'enracinement, cet arbre a un très beau port; mais c'est sa facilité de propagation par bouture qui donne sa grande valeur à cette lignée, car c'est une qualité rare chez ce type d'arbre. On pense qu'il s'agit d'un clone; cela serait confirmé si, au moment de la floraison, les arbres ne portaient que des fleurs d'un seul sexe.

P. alba semi-fastigié

Il existe dans des peuplements cultivés dans la région de Paghman des spécimens de cette lignée présentant un très beau port, élancés, semi-fastigiés, avec une couronne peu étendue et un tronc très droit, cylindrique et sans ramification jusqu'au sommet. Ces peupliers sont peut-être apparentés au groupe spécifique appelé «roumi», cultivé en Syrie. Apparemment, ils se propagent facilement par boutures. Leur croissance est relativement lente par rapport à P. × canescens, mais leur port est à ce point exceptionnel qu'il serait difficile d'en trouver d'équivalents parmi les lignées européennes de cette essence. Comme ce sont des arbres à forme très régulière et toujours identique, il est possible qu'il s'agisse également d'une lignée clonale.

P. alba Tapa Gardens

Des spécimens vieux et très vigoureux de P. alba poussent de façon isolée dans cette région. Leur port, malgré une couronne abondante et légèrement évasée, est excellent par rapport aux spécimens semblables d'Europe. La partie du tronc qui se trouve en dessous de la couronne est parfaitement cylindrique et l'écorce est d'un blanc presque crayeux, lisse et pratiquement sans rhytidome, ce qui donne à ces arbres une grande qualité esthétique. Ils sont très intéressants aussi bien pour la production que pour l'agrément, car ils ont à la fois une croissance rapide et une apparence décorative. Il y a des spécimens femelles: c'est ce que l'on a déduit de la présence de fruits par terre, alors que la saison était déjà passée au moment de la visite.

P. alba Kariza Mir

Dans un vaste domaine qui était autrefois la propriété du Roi d'Afghanistan, on trouve bon nombre de plantations en bordure de routes constituées par un excellent type de P. alba. Son port ressemble à celui de P. alba semi-fastigié, mais il est plus court et moins élancé. Les couronnes sont plus épaisses et évasées, peut-être parce qu'elles sont plus exposées à la lumière, poussant en lignes isolées, que dans les plantations compactes de la zone de. En outre, s'il s'agit d'une lignée clonale, comme cela semble être le cas, ce seront sûrement des femelles, car on a trouvé un grand nombre de capsules mûres et de coton aussi bien par terre que sur les arbres. Ce type de P. alba pourrait jouer un grand rôle comme arbre d'agrément et on devrait envisager sa multiplication principalement à cet effet.

P. × canescens? Astalif

Ce peuplier, qui pousse bien dans la région d'Astalif (environ 2100 m d'altitude) est certainement, par son port, le meilleur représentant de la section Leuce dans le monde. Il est difficile d'imaginer un arbre cultivé pour son bois présentant une meilleure apparence physique. Ses caractéristiques exceptionnelles sont un tronc très élevé, net, parfaitement droit et cylindrique, une couronne légère, mince et étroite, une écorce lisse d'une couleur grise. Le bois est de bonne qualité, blanc ivoire et sans aucun défaut, grâce au port parfait.

Populus canescens Sm. cv. 'bachofeni', qui pousse dans la région de Deliblatska (Yougoslavie), tout en lui étant inférieur, est le seul peuplier du groupe Leuce qui puisse être comparé pour ses caractéristiques extérieures aux peupliers de la région d'Astalif. Cette lignée présente un grand intérêt à la fois pour les travaux de génétique et pour les essais de populiculture. Il faudrait faire des essais pour déterminer l'aptitude des boutures à l'enracinement.

En attendant que les botanistes établissent la dénomination exacte de cette espece, on suggère de lui donner un nom indiquant son port vraiment excellent.

P. alba en culture

On trouve sur de bonnes terres près de Kaboul des plantations de P. alba intensément irriguées. Celles que l'auteur a visitées s'étendaient sur d'assez vastes zones: Darulaman Park, Dedana, Chalstoon et Demurat Khan. Ce sont des populations de P. alba où des arbres plus ou moins sinueux côtoient d'autres spécimens très droits. Leur port général est très variable de même que leur rapidité de croissance et, probablement, que la qualité de leur bois. L'une des premières choses à faire ici est de sélectionner du matériel clonal à partir des meilleurs spécimens pour le multiplier, mais le temps a manqué pour le faire pendant cette visite.

P. nigra

Deux essences de P. nigra. ont été observées au cours du voyage. Celle qui est le plus largement distribuée et cultivée dans le pays est le peuplier noir fastigié, proche de Populus thevestina des pays balkaniques et peut-être de P. nigra. cv. 'Hamoui' cultivé au Moyen-Orient. C'est, parmi les peupliers d'Afghanistan, le plus important économiquement. Sa culture est traditionnelle et pratiquée à grande échelle depuis des temps anciens: tout le monde le connaît. Jusqu'à présent, il est cultivé en peuplements denses selon les vieilles méthodes traditionnelles, et les villageois commencent assez vite à en tirer des produits utilisés essentiellement pour couvrir les toits et comme poteaux.

La deuxième essence est peut-être plus intéressante du point de vue phytogénétique, parce qu'elle semble former une population et avoir plus de chances de donner de bons résultats dans d'éventuels travaux d'hybridation. Les meilleurs spécimens de ce type ont été trouvés à Tapa Gardens. Leur port, qui n'a rien à voir avec la forme fastigiée, est bon et leur croissance plus rapide. Il arrive que ces peupliers soient cultivés et désignés sous le nom erroné de P. ciliata.

Saules

Tout le long du voyage, on a rencontré différents types de saules dignes d'intérêt. Il n'a pas été possible de les regrouper sous des noms spécifiques, à cause de l'extrême hétéromorphisme de leurs caractéristiques botaniques.

Les problèmes d'identification qui s'ensuivent ne devraient toutefois pas affecter une éventuelle sélection clonale à partir de quelques arbres plus des différentes lignées. On conseille donc, en même temps que les peupliers d'examiner aussi ces lignées de saules qui semblent prometteuses pour les programmes de sélection.


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