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La désertification dans les zones sahélienne et soudanienne en Afrique de l'Ouest

Jean Gorse

Les interactions entre l'utilisation abusive de l'environnement par l'homme et la sécheresse sont la cause fondamentale de la crise actuelle au Sahel, soutient Jean Gorse. Le présent article, fondé sur une nouvelle étude en profondeur entreprise par la Banque mondiale, propose une série de prescriptions très spécifiques, voire polémiques, pour atténuer la crise du Sahel. Unasylva consacre à cet article un espace d'une longueur insolite à cause de l'exigence d'intervenir avec urgence au Sahel, exigence mise en relief par la FAO dans son propre programme d'urgence pour l'Afrique. La foresterie y joue clairement un rôle vital, et les recommandations exprimées ici susciteront sans nul doute des discussions et des débats féconds sur le problème.

Jean Gorse est le chef du groupe de travail de la Banque mondiale sur la désertification en Afrique de l'Ouest Ont contribué à la préparation du présent article: Yvon Dommergues, Robert Fishwick, Willem Floor, David Steeds et James Thomson.

· Le Sahel est souvent considéré comme une zone distincte de la région qui l'entoure, et aux problèmes particuliers. Mais, pour des raisons qui tiennent autant à son écologie qu'à son passé et à des facteurs économiques et politiques actuels, il vaut mieux le considérer comme la partie septentrionale d'un ensemble régional plus vaste englobant également la zone soudanienne, plus humide. C'est pourquoi le présent article porte sur les zones sahélienne et soudanienne de l'Afrique de l'Ouest (ZSS).

L'article est consacré essentiellement à sept des pays des ZSS, à savoir: Burkina Faso, Gambie, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad. Ces pays sont groupés au tour du 14e parallèle et ils sont tous membres du Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Bien que les régions septentrionales du Bénin, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Nigeria. de la République du Cameroun et du Togo fassent partie des ZSS, il n'en est pas explicitement question ici pour des raisons de comparabilité statistique. Le Cap-Vert, qui est le huitième pays membre du CILSS, a également été exclu, son écologie étant très différente de celle du reste de la zone en raison de sa situation insulaire.

Caractéristiques physiques

Les sept Etats continentaux membres du CILSS couvrent 5,3 millions de km2, dont les deux tiers sont situés au nord de la limite nord de culture en sec. Par ailleurs, dans tout le reste de la zone, l'évapotranspiration excède la pluviométrie pendant la plus grande partie de l'année. Sans irrigation, on ne peut faire qu'une récolte par an. Le climat est difficile: il est caractérisé par une courte saison pluvieuse, avec averses souvent violentes et imprévisibles, suivie d'une longue saison sécha. La saison sécha est chaude, mais durant les premiers mois qui suivent les pluies on observe un certain rafraîchissement. Cette «saison sécha fraîche» pose des problèmes pour les cultures irriguées: il faut en effet semer le riz assez tôt pour que la germination ait lieu avant la baisse des températures, mais en général il ne fait pas assez frais pour cultiver le blé.

Sur les 530 millions d'ha considérés, seulement 60 millions environ sont cultivables, dont quelque 20 pour cent étaient mis en culture dans les années 70. Environ 150 millions d'ha sont classés dans la catégorie des pâturages.

La plupart des sols des ZSS sont peu fertiles et particulièrement pauvres en azote et en phosphore; structurellement fragiles, ils ont une faible teneur en humus et une capacité de rétention d'eau réduite. L'hydromorphie, les horizons argileux compacts, la latérisation, et l'érosion due au vent et à l'eau constituent autant de problèmes communs. Les recherches entreprises et l'expérience acquise au cours des 20 dernières années en matière d'agriculture et de foresterie dans les ZSS tendent à confirmer que la faible fertilité et la vulnérabilité à l'érosion des sols de cette zone constituent pour la productivité des plantes des obstacles tout aussi importants que la sécheresse (Breman et de Wit, 1983).

Afrique de l'ouest - Zones Climatiques

Les principaux fleuves et rivières (Sénégal, Niger et Chari-Logone) permettent de disposer, en certains points sur leur tracé, d'eau en abondance pour l'irrigation pérenne ou saisonnière. Les bas-fonds, ruisseaux, lacs et nappes phréatiques peu profondes constituent des sources d'eau d'une importance locale pour l'agriculture en saison sèche. Les nappes phréatiques superficielles, qui sont aussi la source principale d'eau au niveau des villages, dépendent à la fois de la pluviométrie et d'une bonne gestion des ressources, surtout en ce qui concerne le couvert végétal naturel, qui réduit le ruissellement des eaux de surface et favorise l'infiltration. Les effets sur les nappes de la période sèche actuelle n'ont pas encore été étudiés de façon systématique, mais toutes les données récentes, bien qu'elles soient fragmentaires, montrent que les niveaux des nappes superficielles baissent de façon perceptible.

Le couvert végétal naturel - forêt, forêt claire, savane arborée/arbustive/herbeuse et steppe - tolère assez bien la sécheresse et est bien adapté aux conditions écologiques des ZSS. Dans le cadre des systèmes de production traditionnels, la population a retenu, protégé et mis au point des espèces de plantes et des essences d'arbres à plusieurs usages, ainsi que des associations végétales productives antiérosives telles que jachères forestières, forêt/parc et haies vives. Le couvert forestier et arbustif est dans l'ensemble constitué d'essences à croissance lente. Leur régénération est souvent difficile là où il existe maintenant des peuplements adultes, du fait de la détérioration des conditions locales. De longues périodes sèches, s'ajoutant à la pression croissante de la population humaine et animale, ont pour effet de rendre encore plus difficile leur régénération naturelle déjà précaire et de déclencher ainsi de nouvelles phases du processus de désertification. Le couvert forestier naturel constitue toujours la principale source - 85 pour cent (CILSS, 1983c) - d'énergie domestique, en plus du bois de service, du bois d'œuvre et des produits forestiers secondaires et vivriers qu'il fournit, mais l'accès à ces produits devient de plus en plus difficile.

L'effort de lutte contre la désertification devrait porter essentiellement sur la zone la plus menacée - à savoir l'étroite bande centrale sahélo-soudanienne - , et non, comme on le suggère parfois, sur la frange désertique.

La superficie des pâturages des ZSS est estimée à 150 millions d'ha. Les pluies étant irrégulières dans le temps et dans l'espace, il est difficile de prévoir, une année donnée, où l'on trouvera de bons pâturages, quoiqu'il soit possible d'en estimer en gros la capacité de charge globale. Dans la plupart des terrains de parcours des zones sahélienne et saharo-sahélienne, les herbes annuelles prédominent actuellement, après avoir remplacé les herbes pérennes plus utiles mais moins résistantes. Les plantes annuelles peuvent être absentes pendant des années d'une zone donnée faute d'une humidité suffisante, avant de donner tout à coup un fourrage de bonne qualité lorsque les pluies reprennent. On trouve toujours des herbes pérennes en abondance dans la zone sahélo-soudanienne, mélangées à des arbustes et des arbres, en particulier dans les bas-fonds mieux arrosés. Toutefois, la situation des pâturages en général est caractérisée par une baisse de leur qualité, en plus des problèmes localisés de surpâturage.

Sécheresse, désertification et population

Sécheresse. Elle sera définie ici comme une quantité de pluie nettement inférieure à la moyenne durant une année ou une série d'années successives. Il est difficile de préciser davantage le déficit pluviométrique en question, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, les moyennes sont trompeuses, particulièrement dans les zones septentrionales arides où les précipitations totales varient fortement d'une année à l'autre. Quelques années de précipitations abondantes faussent souvent les moyennes statistiques et font naître de fallacieux espoirs quant aux pluies à attendre à un endroit donné, par exemple sept années sur dix. Deuxièmement, les quantités brutes de pluie ne déterminent que partiellement la productivité végétative. En plus de la fertilité et de la structure du sol, la répartition des précipitations dans le temps et dans l'espace joue un rôle crucial, et si elle est satisfaisante, des pluies «inférieures à la moyenne» permettent d'obtenir des rendements tout à fait suffisants.

La sécheresse constitue une menace constante à laquelle les ruraux doivent faire face s'ils veulent survivre dans la région. Cependant, la sécheresse n'entraîne pas à elle seule, à court terme, une dégradation des ressources du type de celle que l'on constate maintenant dans la ZSS. D'autres facteurs interviennent, notamment l'accroissement de la population, l'expansion de l'agriculture extensive avec la déforestation qui en résulte, et l'urbanisation rapide (qui concentre la demande de bois de feu). En outre, les changements intervenant au niveau des institutions politiques, économiques et sociales, nationales et locales, ont pour effet de réduire l'autonomie locale et la capacité d'organiser des opérations conjointes. A eux tous, ces facteurs rendent de plus en plus difficile la gestion de la base de ressources naturelles sur laquelle repose l'économie de la région.

Désertification. Elle peut être définie comme «la diminution progressive et soutenue, quantitativement et qualitativement de la productivité biologique d'une terre aride et semi-aride. Si on laisse ce phénomène se poursuivre sans intervenir, il entraînera à long terme une dégradation du milieu et finalement l'apparition de conditions de type désertique. La productivité biologique désigne la vie végétale et animale à l'état naturel ainsi que la productivité agricole d'une région donnée» (d'après Sabadell, 1982). Parmi les indices courants de désertification figurent la réduction de la quantité et de la diversité des espèces animales et végétales, la perte de la capacité de rétention en eau, la diminution de la fertilité du sol et une érosion croissante due au vent et à l'eau. En fin de compte, les communautés végétales et animales en arrivent à se trouver si radicalement simplifiées que des espèces précédemment communes dans une région ne peuvent plus survivre dans un environnement si profondément différent, à moins d'y être délibérément réintroduites.

FIXATION DE DUNES AU SÉNÉGAL on tente de stopper la désertification

La désertification prend deux formes distinctes: il s'agit soit d'une avancée du désert, soit d'un phénomène provoqué par l'homme dans les zones plus humides. L'avancée du Sahara dans les zones sahéliennes peut se produire progressivement, du fait de l'aridité croissante et de l'exploitation abusive des ressources. Plus préoccupante dans l'immédiat est la dégradation accélérée, provoquée par l'homme, de zones situées nettement au sud de la bordure saharienne. On observe maintenant avec une régularité alarmante des «poches» de détérioration autour des centres d'activité humaine, même à basse latitude dans la zone soudanienne. Dans leur lutte pour la survie, les populations surexploitent encore davantage les ressources de ces poches de désertification et encouragent progressivement leur extension. Le défi à relever ne consiste pas à «empêcher l'avancée du désert à partir du nord», mais à gérer rationnellement les ressources renouvelables au sud du désert.

La désertification est-elle causée par la sécheresse ou par l'exploitation abusive des ressources? La réponse à cette question fondamentale dépend de la façon qu'on a d'appréhender la sécheresse et la destruction des ressources qui y est souvent associée. Trois explications générales sont avancées:

· Première thèse. La sécheresse que connaissent les ZSS est un phénomène inéluctable à long terme dans lequel l'homme ne joue aucun rôle. L'aridité croissante détruira inexorablement le couvert végétal. Les zones désertifiées s'étendront pour faire disparaître totalement des environnements déjà marginaux à productivité réduite. Toute tentative de résistance à la désertification est vaine.

· Deuxième thèse. La sécheresse dans les ZSS est un phénomène récurrent à court terme, indépendant une fois encore de l'influence humaine. Les ressources souffrent à court terme, mais après une sécheresse d'une durée de cinq ans ou moins, les systèmes locaux de production récupérant tôt ou tard. Des sécheresses de cette sorte sont supportables, particulièrement s'il y a des réserves de nourriture en quantités suffisantes pour dépanner les populations durant les périodes de faible production.

· Troisième thèse. La désertification est un processus complexe encore mal connu. Il serait dû à des interactions entre la sécheresse et l'utilisation abusive de l'environnement par l'homme. Une meilleure gestion des ressources naturelles pourrait amoindrir l'impact des sécheresses, même sérieuses, sur la viabilité à long terme des ressources renouvelables, bien qu'il soit possible que des sécheresses prolongées, comme celle qui sévit actuellement (une à trois décennies de durée), altèrent profondément les ressources naturelles, particulièrement si la pression démographique s'accroît en même temps.

A la différence du climat qui est une donnée de fait, le comportement humain peut être modifié pour faire face à une évolution de l'environnement

C'est la troisième thèse qui est retenue ici, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, alors que les éléments dont on dispose indiquent que la sécheresse joue un rôle dans l'écologie des ZSS (National Academy Press, 1983a), les courtes et moyennes périodes d'aridité de par le passé ont eu peu d'effet permanent sur l'environnement. Par contre, les tendances à un sérieux assèchement durant un siècle ou davantage ont modifié sans aucun doute le couvert végétal naturel. Cependant, á l'ère moderne (depuis 1900), où des sécheresses d'une durée de deux décennies ou moins ont prédominé, la destruction des ressources a été en grande partie le fait des hommes, dont le nombre a augmenté beaucoup plus rapidement qu'auparavant.

Deuxièmement, à la différence du climat qui est une donnée de fait, le comportement humain peut être modifié pour faire face à une évolution de l'environnement. Le processus de désertification est lent et insidieux, et les gouvernements ainsi que les communautés rurales ont par conséquent été lents à réagir malgré le rapide accroissement de la population. A partir du moment où il existe des techniques inexploitées et des politiques et modes d'organisation mieux appropriés susceptibles de favoriser une meilleure gestion de l'environnement, il serait mal avisé de les ignorer en supposant, sur la base d'informations douteuses, que la principale cause de la désertification est le climat. Le problème de la désertification n'en est pas moins grave dans la mesure où il crée une situation dans laquelle l'utilisation collective à long terme des ressources et leur mauvaise utilisation à court terme par les particuliers sont en conflit. Si l'on ne parvient pas à concilier l'intérêt collectif et l'intérêt particulier, le processus de désertification se poursuivra inéluctablement. Bien que ce processus puisse être arrêté, son résultat final est irréversible.

Si une sécheresse qui ne se pro longe pas ne présente pas en elle-même une menace importante pour la viabilité à long terme des systèmes de production rurale des ZSS, elle accélère les conséquences négatives de la mauvaise utilisation des ressources. La surexploitation d'une ressource renouvelable a souvent pour effet de réduire la viabilité des autres ressources, et cette dynamique négative s'intensifie lorsqu'une région est périodiquement victime de la sécheresse. Un exemple illustre bien ce principe. En consacrant à l'agriculture extensive en sec des zones forestières, arbustives et pastorales, on réduit le volume total de fourrage disponible pour le bétail transhumant, en particulier lorsque, comme à l'heure actuelle, les paysans/éleveurs collectent et stockent de plus en plus de résidus pour nourrir leurs propres animaux jusqu'à la fin de la saison sécha. Lorsqu'une sécheresse survient, les éleveurs transhumants font ce qu'ils peuvent pour sauver les troupeaux. Faute d'autre forme de fourrage, ils s'efforcent de nourrir suffisamment leurs animaux en ébranchant vigoureusement des arbres déjà affaiblis par l'absence d'humidité du sol, ce qui en fait mourir un grand nombre. Les pressions auxquelles sont soumis les peuplements restants s'intensifient donc durant la sécheresse suivante.

Le défrichage de champs pour pratiquer des cultures à traction animale ou mécanique peut perturber les cycles existants de fertilisation du sol fondés sur des éléments nutritifs que les arbres des champs restituent à la surface du sol sous la forme d'humus. Si ces éléments nutritifs organiques ne sont pas remplacés par des engrais organiques et/ou chimiques, les rendements diminuent. L'ébranchage des arbres des champs réduit également le rôle de brise-vent que peut jouer même un faible couvert forestier, et accroît l'érosion éolienne. Lorsque les champs sont mis en jachère, dans le cadre des systèmes où les taux d'occupation des terres le permettent encore, la régénération naturelle s'effectue beaucoup plus lentement. Dans l'intervalle, les sols peuvent souffrir à la fois de l'érosion éolienne et de l'érosion due à l'eau.

Il est néanmoins évident que les gens sont de plus en plus nombreux à quitter les zones à peuplement dense, pour des endroits plus accueillants de la zone soudano-guinéenne.

Population. La population totale des pays des ZSS était estimée à 31 millions d'habitants en 1980. Les densités globales restent faibles: 6 habitants au km2 pour l'ensemble de la région et, si l'on exclut les zones saharienne et sahélo-saharienne, environ 15 habitants au km2. Les densités peuvent toutefois atteindre 100 habitants au km2 dans certaines régions, ce qui excède manifestement leur capacité d'accueil. La densité moyenne au Sénégal est maintenant de 20 habitants au km2. La plus faible densité nationale est enregistrée en Mauritanie (1,5 habitant au km2) et la plus forte en Gambie (60 habitants au km2). On prévoit entre 1980 et 2000 des taux d'accroissement de la population d'environ 3 pour cent par an, ce qui fait que la région comptera 75 pour cent d'habitants de plus en l'an 2000, soit 54 millions contre seulement 19 millions en 1961.

Suivant la classification écologique établie par M. Keita, la population des ZSS en 1980 était très inégalement répartie (FAO, 1982). Alors que 80 pour cent de la population vivaient sur 25 pour cent de la superficie totale de la région située au sud de la zone sahélienne, 40 pour cent vivaient sur 6 pour cent seulement de la superficie totale. En outre, dans la sous-zone comprenant le bassin arachidier du Sénégal, la Gambie et le plateau Mossi du Burkina Faso, 24 pour cent de la population totale vivaient sur 2 pour cent seulement de la superficie totale; la densité de la population y atteignait 60 habitants au km2 et celle de la population rurale 45 habitants au km2. Des concentrations aussi fortes de la demande de terres arables et de bois de feu sont à l'origine de la mauvaise utilisation des ressources. C'est dans ces régions que des «poches» de désertification sont les plus manifestes, et elles s'étendront rapidement si l'on ne prend pas les mesures voulues pour mieux gérer les ressources.

Les populations urbaines ont des taux d'accroissement qui révèlent l'existence d'une situation encore plus explosive. Elles représentaient 22 pour cent de la population totale en 1981 (leur pourcentage le plus faible - 11 pour cent - étant en registré au Burkina Faso, et le plus élevé - 34 pour cent - au Sénégal), mais elles ont maintenant un taux moyen d'accroissement de 5 pour cent par an. La Mauritanie, dont on peut dire que c'est le pays qui a le plus souffert des effets de la sécheresse au cours des deux dernières décennies, a vu sa population urbaine s'accroître de 8,6 pour cent ces dernières années. Le Sénégal, dont la population est déjà urbanisée pour un tiers, a quant à lui le taux d'accroissement de la population urbaine le plus faible (3,3 pour cent). La migration à l'intérieur même des zones rurales est également un phénomène de plus en plus important, bien que les statistiques la concernant soient fragmentaires. Il est néanmoins évident que les gens sont de plus en plus nombreux à quitter les zones à peuplement dense, et en particulier le plateau Mossi du Burkina Faso et le bassin arachidier du Sénégal, pour des endroits plus accueillants de la zone soudano-guinéenne.

Deux constatations importantes découlent de ces chiffres. Tout d'abord, lorsque la population totale s'accroît de 3 pour cent par an, elle double tous les 25 ans, ce qui fait monter en flèche la demande de ressources et entraîne inévitablement une mauvaise utilisation généralisée des ressources à court terme. Les ajustements qui s'imposent pour faire face à l'évolution de la situation n'interviennent pas assez rapidement: la consommation s'accélère, mais au prix d'une surexploitation de la base de ressources, au détriment des investissements nécessaires pour l'améliorer ou tout simplement la maintenir. Le processus de désertification se met en place. Deuxièmement, la destruction de l'environnement rural entraîne presque à coup sûr une nouvelle urbanisation anarchique, ce qui complique la tâche des autorités municipales qui ont déjà fort à faire.

Les systèmes de production traditionnels

Les systèmes de production traditionnels (SPT) se sont adaptés de façon très précise avec le temps pour faire face à des conditions particulières. Les trois principaux SPT suivants, qui peuvent coexister dans une même zone, montrent la variété des systèmes d'approche existants plutôt que la richesse de tel ou tel système. Les SPT méritent de retenir l'attention dans la mesure où ils permettent à des populations assez nombreuses d'exploiter durablement des régions marginales.

Les systèmes de production traditionnels n'étaient pas uniquement des systèmes technologiques. Ils étaient aussi caractérisés par un degré considérable d'autonomie locale.

BÉTAIL BROUTANT DANS LE SAHEL le dégradation s'accentue

Système agrosylvicole. Ce système est appliqué sous diverses formes, notamment par les Haoussas du Niger et les Mossis du Burkina Faso, et il repose sur l'agriculture en sec, en association avec des arbres et des arbustes. Il comprend plusieurs cultures vivrières essentielles (par exemple, mil et sorgho) et la culture de coton qui sert à la fabrication de tissu. L'exploitation systématique de la végétation naturelle permet d'obtenir des produits secondaires (les arbres donnent des fruits et des feuilles, ainsi que du bois de feu et de service; l'écorce sert à faire des cordes et des médicaments; les branches d'épineux sont utilisées pour les clôtures, et les herbes comme chaume de toiture, fourrage, engrais vert, etc.). Les petits ruminants - en particulier les chèvres - jouent souvent un rôle important. La production du système agrosylvicole est concentrée durant la saison des pluies, qui dure de deux à quatre mois. Certaines personnes, en particulier les hommes d'âge adulte, se déplacent souvent durant la longue saison sécha en quête de travail temporaire.

Dans le cadre de ce système, les arbres répondent non seulement aux besoins de consommation, mais également à d'autres besoins dans les jachères forestières, les champs, etc. S'ils existent en nombre suffisant dans les champs, ils protègent les sols exposés à l'érosion due au vent et à l'eau, et les régénèrent également en recyclant les éléments nutritifs du sous-sol grâce à l'engrais vert qu'ils fournissent sous forme de feuilles. Des micro-organismes associés aux systèmes racinaires, tels que les rhizobiums fixant l'azote et les mycorhizes qui améliorent l'alimentation des plantes au niveau des racines, peuvent améliorer la croissance de certaines espèces végétales.

Système agrosylvopastoral. Ce système est appliqué sous diverses formes, notamment par les Sérères du Sénégal, les Bagages du Niger et les Sarakollés du Mali. Il repose sur le type d'association cultures vivrières/arbres/arbustes caractéristique du système agrosylvicole, tout en intégrant les activités d'élevage qui accroissent la fertilité du sol et dont la production est également vendue sur le marché. Ce système donne la priorité aux arbres dont les feuilles ou les gousses servent de fourrage. Les arbres peuvent aussi être exploités commercialement pour fournir de la gomme arabique (Acacia senegal), du beurre de karité (Butyrospermum paradoxum) et d'autres produits alimentaires commercialisables, ainsi que du bois de feu et des matériaux de construction.

LES ARBRES FONT DÉSESPÉRÉMENT DÉFAUT utilisant jusqu'à la dernière brindille d'un Acacia albida

Dans des systèmes de ce genre, on pratique l'élevage en saisons humide et sécha en déterminant soigneusement l'accès aux champs, ainsi qu'aux zones arbustives et aux pacages environnants. Lorsque des cultures de plein champ sont pratiquées durant la saison des pluies, les animaux doivent être mis à l'étable ou gardés ailleurs. En saison sèche, après le stockage de la récolte, les animaux peuvent, gardés ou non, errer dans les champs pour se nourrir de résidus de récolte. Dans le cadre des systèmes fondés sur une fumure systématique, les propriétaires de bétail attachent leurs animaux (ou bien les pasteurs les parquent) dans les champs pendant la nuit, la concentration d'excréments accroissant la fertilité du sol. Dans le passé, toutefois, le mélange systématique de fumier à de la paille ou à des tiges pour faire du compost n'était pas chose courante.

L'évolution du régime foncier est parallèle à celle des systèmes agrosylvicoles. On observe le même type d'utilisation des terres: jardins fortement fumés situés à proximité des habitations, champs fumés chaque année et cultivés de façon presque permanente, et champs de brousse mis en jachère après une période de culture relativement brève. Les terres les plus utiles sont celles qui peuvent être cultivées de façon continue, soit parce que leur proximité des habitations permet un fumage aisé, soit parce que le bétail y est parqué. Etant donné qu'il n'est pas nécessaire de défricher ces terres avant de les mettre en culture, les frais de main-d'œuvre sont nettement moins élevés que dans les zones plus éloignées de jachères et de cultures itinérantes.

Système sylvopastoral. Les peuples des ZSS qui pratiquent le sylvopastoralisme - Foulbés, Touaregs, Maures et Toubous - élèvent des zébus, des chameaux, des moutons et des chèvres. L'espèce, le sexe et l'âge des animaux varient selon les groupes ethniques et les individus qui les composent. La plupart se spécialisent plus ou moins dans telle ou telle espèce et occupent des niches écologiques répondant aux besoins de leur troupeau particulier. La plupart des membres de ce groupe sont des éleveurs transhumants, qui se déplacent normalement dans les limites de pâturages bien définis; un groupe dispose généralement de pâturages «attitrés» pour la saison humide comme pour la saison sèche.

La raison impérieuse de ces déplacements annuels est la nécessité de trouver en toutes saisons le fourrage et l'eau nécessaires aux troupeaux. Pour l'essentiel, le fourrage - herbe des pâturages, jeunes pousses d'arbustes, feuilles d'arbres et résidus de récoltes - est irrégulièrement réparti dans le temps et dans l'espace. Les pasteurs se rassemblent généralement durant la saison humide dans les zones sahélienne et sahélo-saharienne, lorsque les pluies font pousser de l'herbe et entraînent des accumulations d'eau de surface aux confins du désert. Cette abondance d'aliments et d'eau aisément disponibles ne dure que quelques mois, généralement de juillet à septembre/octobre. Par la suite, jusqu'aux prochaines pluies, huit ou neuf mois plus tard, les éleveurs dépendent de l'eau des puits pour eux-mêmes et leurs troupeaux. Quelques cours d'eau saisonniers et rivières pérennes fournissent à certains groupes de l'eau pendant des périodes plus longues.

Dans le cadre de ce système sylvopastoral, les arbres constituent durant la saison sèche une source de fourrage d'une importance critique. Lorsque les pluies cessent, les herbes sèchent et perdent la plupart de leurs éléments nutritifs. Elles fournissent encore l'essentiel des éléments nutritifs indispensables aux ruminants, à l'exception des protéines et minéraux digestibles et des vitamines que ceux-ci doivent trouver ailleurs, traditionnellement sous la forme de feuilles d'arbres et d'arbustes (National Academy Press, 1983b).

Tableau 1. Densités de population supportable et de population effective (nombre d'habitants au km2)

Zone

Population supportable:

Population rurale effective

Population supportable: bois de feu

Population effective totale

Agriculture

Elevage

Total

Saharienne

-

0.3

0.3

0.3

-

0.3

Sahélo-saharienne

-

0,3

0,3

2

-

2

Sahélienne

5

2

7

7

1

7

Sahélo-soudanienne

10

5

15

20

10

23

Soudanienne

15

7

22

17

20

21

Soudano-guinéenne

25

10

35

9

20

10

Note: Les chiffres en caractères gras indiquent les zones ou la population effective dépasse déjà largement la population supportable

Caractéristiques communes. Dans le cadre de la plupart des systèmes de production traditionnels, la plantation délibérée d'arbres n'est jamais devenue une activité importante dans la mesure où la plupart des régions jouissaient d'un couvert forestier naturel plus que suffisant. La coupe sélective et la gestion de la régénération du couvert forestier naturel ont toutefois abouti à l'existence de peuplements d'essences d'arbres/arbustes de prédilection dans les champs. Certains arbres et arbustes ont également été préservés en formations broussailleuses et ont permis de rendre de nouveau fertile le sol des terres en jachère. Dans le cadre de ces systèmes, les hommes protégeaient les arbres, arbustes et broussailles se prêtant à de nombreux usages non limités à l'alimentation des animaux, à la fourniture de matériaux de construction et de bois de feu et au recyclage des éléments nutritifs. Les fruits, la gomme, le miel et les remèdes qu'ils fournissaient constituaient autant de raisons de protéger certaines essences. Cette sélection délibérée des plantes a entraîné l'apparition d'un grand nombre d'associations spécifiques et utiles dans toutes les ZSS. L'agriculture sous le couvert d'une forêt/parc est peut-être l'exemple le plus manifeste de ce type d'activité.

Les systèmes de production traditionnels n'étaient pas uniquement des systèmes technologiques. Ils étaient aussi caractérisés par un degré considérable d'autonomie locale. En ce sens, ils étaient basés sur la participation populaire, même s'ils n'étaient pas forcément «démocratiques». En tout cas, ils n'étaient pas caractérisés par un flux de prescriptions du haut vers le bas émanant d'une agrobureaucratie lointaine.

Capacité d'accueil. La capacité d'accueil d'un système naturel peut être exprimée en volume de production biologique que peut assurer ce système (pour la consommation des animaux, de la population, etc.) durant une période donnée sans réduire sa capacité à produire, ou par le nombre maximal d'organismes qu'il peut produire sans pour cela se dégrader (Webb et Jacobsen, 1982). Etant donné que la capacité d'accueil varie en fonction de la technologie, le niveau de cette dernière doit être précisé.

Sur la base des systèmes d'agriculture et d'élevage traditionnels, la population rurale supportable est de 36 millions d'habitants, soit beaucoup plus que la population de 1980 (27 millions d'habitants). Par contre, la population totale supportable sur la base du bois de feu fourni par le couvert forestier naturel n'est que de 21 millions d'habitants, contre une population effective de 31 mil lions d'habitants en 1980. Bien que ces données ne soient pas d'une précision absolue, ces deux constatations générales sont défendables.

Les densités approximatives de population supportable et de population effective sont données au tableau 1. Malgré la nature fragmentaire des données et la présentation par zones qui efface les différences à l'intérieur des zones, trois observations générales découlent de ces chiffres:

· Dans toutes les zones, la capacité d'accueil du couvert forestier naturel est inférieure à ce qu'elle est pour les cultures et l'élevage pratiqués selon des méthodes de production traditionnelles. Le couvert forestier naturel est donc la partie la plus vulnérable de l'écosystème. En outre, dans cinq des six zones considérées, la population effective dépasse déjà la population supportable. Le couvert forestier naturel n'est pas seulement vulnérable; il est déjà en train d'être sérieusement surexploité.

· La densité effective dépasse nettement la densité supportable dans trois cas: pour le bois de feu, et pour l'agriculture et l'élevage dans la zone sahélo-soudanienne, et pour le bois de feu dans la zone sahélienne. Il s'agit là manifestement des zones les plus dangereusement exposées au phénomène de désertification, et celles-ci comprennent certaines sous-zones qui sont encore plus vulnérables.

· L'effort de lutte contre la désertification devrait porter essentiellement sur la zone la plus menacée - à savoir l'étroite bande centrale sahélo-soudanienne - , et non, comme on le suggère parfois, sur la frange désertique. Cependant, dans la bande centrale sahélo-soudanienne, les perspectives de production intensive sont encore plus limitées que dans la zone soudano-guinéenne. La lutte contre la désertification devrait donc revêtir un double aspect, c'est-à-dire porter d'abord sur la bande centrale proprement dite, où il conviendrait, d'une part, de prendre des mesures spécifiques de lutte contre la désertification et, d'autre part, de pratiquer le peu de techniques de production intensive susceptibles d'être rentables; et ensuite sur la zone soudano-guinéenne où l'on pourrait encourager davantage l'installation qui se fait déjà de façon spontanée de populations venues de la bande centrale, mais en tenant compte des difficultés que l'on peut rencontrer dans cette zone.

Activités passées de développement

Bien que les efforts de développement aient été organisés secteur par secteur - agriculture, élevage ou foresterie - , ils sont néanmoins caractérisés par certaines insuffisances communes. C'est ainsi que les planificateurs ont souvent mal compris la logique des systèmes de production traditionnels; ils ont par conséquent péché par optimisme en ce qui concerne les améliorations à y apporter, et ont sous-estimé les conséquences néfastes des améliorations projetées. Ils semblent avoir négligé l'importance capitale de la variabilité pluviométrique et du principe consistant à éviter les risques, qui caractérise tous les systèmes de production traditionnels des ZSS.

L'une des raisons pour lesquelles les systèmes de production traditionnels n'ont pas été compris est le fait que ceux qui les pratiquent ont rarement été consultés. En fait, la non-participation des bénéficiaires supposés a été une autre lacune commune aux activités de développement. En général, les intéressés ne sont guère associés au processus de planification, et la conception des projets s'en ressent. Par ailleurs, on ne leur a pas demandé régulièrement leur avis et on n'a pas pris des mesures en conséquence au cours de l'exécution des projets. Le vieil adage, selon lequel «ceux qui ne peuvent pas dire 'non' n'ont pas leur mot à dire», s'applique ici.

Une troisième lacune fréquente a été la sous-estimation i) des insuffisances des organismes existants en matière de gestion et/ou des problèmes que posait la création de nouveaux organismes, et ii) des atouts dont disposaient encore les organismes locaux. En fait, on ne s'est guère efforcé de se renseigner sur les modes d'organisation, les capacités et les limites des organismes locaux, particulièrement là où il existait des coopératives, étant donné qu'on supposait souvent qu'il s'agissait de la même chose. Plus récemment, toutefois, le mécontentement suscité par les «agrobureaucracies» a entraîné un regain d'intérêt pour les groupes locaux en tant que responsables des ventes au détail d'intrants, de la gestion du crédit et de l'organisation de la commercialisation primaire. Appuyées par des campagnes d'alphabétisation des adultes, de nombreuses initiatives prometteuses sont actuellement en cours.

Sylviculture. Les premiers services forestiers ont été créés dans les années 30, et, jusqu'à une date récente, leur principale activité consistait à délimiter des réserves forestières et de faune et à y faire respecter certains règlements. Ces réserves ont été créées essentiellement dans la zone soudano-guinéenne, c'est-à-dire là où les terres étaient relativement abondantes, et en particulier où des maladies telles que l'onchocercose et la maladie du sommeil entravaient l'implantation humaine.

Au cours de la dernière décennie, plusieurs projets pilotes de reboisement ont été lancés, surtout dans la zone sahélo-soudanienne où le couvert forestier naturel s'épuise le plus rapidement. Bien qu'aucun inventaire n'ait encore été fait, il est déjà manifeste que les résultats obtenus sont décevants, notamment parce que l'on a utilisé des techniques de production mises au point dans la zone soudano-guinéenne. En fait, on n'a effectué que très peu de recherches sur les zones plus sèches, et il n'existe actuellement aucun programme technique véritablement adapté aux dures conditions de la zone sahélo-soudanienne ou des régions situées plus au nord.

Au cours des dernières années, on a entrepris des travaux sur la gestion du couvert forestier naturel et pris les mesures susceptibles de favoriser la régénération naturelle sur place et les plantations au niveau des communautés et des familles. Bien qu'il soit trop tôt pour en tirer des conclusions, les premiers résultats obtenus font apparaître une rentabilité inférieure aux prévisions.

Les services forestiers existent depuis longtemps, mais ils restent peu développés dans les pays des ZSS. La foresterie semble être un secteur non prioritaire, et c'est la raison pour laquelle des fonds budgétaires ne lui sont que chichement accordés. Cet état de choses peut cependant changer, comme en témoignent les conférences qui ont récemment eu lieu au Niger et au Sénégal. D'autres attitudes doivent également se modifier, car on constate chez les forestiers une nette préférence pour les essences exotiques donnant du bois plutôt que pour les essences locales à usages multiples. En outre, il apparaît clairement que les paysans sont rarement conscients du fait qu'ils doivent planter des arbres pour obtenir davantage du bois que tous les autres produits forestiers dont ils ont besoin.

Stratégie visant une meilleure gestion des ressources

Pour tout schéma de développement, il est nécessaire d'adopter, tant au stade de la conception que de la mise en oeuvre, une approche multisectorielle basée sur la participation populaire. La première raison en est l'extrême complexité du problème que pose la gestion des ressources vulnérables des ZSS. En deuxième lieu, les recherches sur le terrain ont clairement montré que c'est ainsi que les décideurs les mieux informés des ZSS, les fermiers et les pasteurs, envisagent la gestion des ressources naturelles dont ils dépendent.

Il est également nécessaire de prendre en compte les résultats probables dans la conception des innovations techniques, puisque la capacité du système de production à faire face aux années sèches est l'une des principales préoccupations des populations des ZSS. Si l'on prévoit un rapport de 2,5 à 1 entre les avantages et les coûts pour les années «moyennes», cette perspective peut se révéler insuffisamment attrayante face à la probabilité de mauvaises années. Les paysans accepteront plus facilement d'employer des engrais s'ils peuvent les épandre en surface, après la mise en place des cultures, que s'il s'agit d'une fumure de fond à appliquer avant la plantation.

Pour précaire que soit la base de données, la connaissance du rapport entre la population effective et celle que peuvent faire vivre les systèmes de production traditionnels est un instrument utile pour évaluer les diverses actions possibles.

Des programmes d'action spécifiques devront être axés sur des sites particuliers, étant donné que les intérêts, les aspirations et la volonté d'agir collectivement des populations ne sont pas partout semblables et que les conditions physiques, même dans des zones apparemment homogènes, ne sont pas uniformes. Dans les paragraphes qui suivent, l'analyse illustre des actions possibles en se référant aux trois types de rapports qui peuvent exister entre la population rurale et la capacité d'accueil. Il est important pour le lecteur de se souvenir i) que le potentiel de production, comme la fiabilité de la pluviométrie, diminue à mesure que l'on va vers le nord; et ii) que même si la capacité d'accueil n'est pas un concept statique la zone soudano-guinéenne est la seule où il existe la possibilité de l'augmenter.

Régions où la population rurale est en dessous de la capacité d'accueil. Pour les régions qui se trouvent dans le sud, il y a tout à gagner à accroître la population. Non seulement la capacité d'accueil offerte par les systèmes traditionnels de production n'est pas entièrement utilisée, mais il existe aussi de très bonnes possibilités de l'accroître par l'emploi de méthodes plus intensives. Cependant, dans te nord, pour préserver les ressources renouvelables, l'approche la plus efficace sera de recourir aux systèmes de production traditionnels et de renforcer les organisations locales. Bien qu'en l'état actuel des connaissances les possibilités d'accroître effectivement la capacité d'accueil soient négligeables, il vaudrait la peine d'envisager les deux options suivantes:

· Amélioration des jachères forestières. Les jachères ont pour principal objectif de faciliter une régénération naturelle aussi rapide que possible, à la fois pour protéger les sols nus contre l'érosion et pour rétablir leur fertilité. C'est au cours des cinq premières années que les effets sur la fertilité sont le plus prononcés (Gorse, 1973). Si l'on pouvait raccourcir cette période en mettant en place une couverture végétale avec des arbres/arbustes/buissons à usages multiples, de préférence fixateurs d'azote, et des graminées, il en résulterait un accroissement de la capacité d'accueil.

· Forêts-parcs. Les systèmes de production traditionnels comportent souvent le maintien d'un certain nombre d'arbres dans les champs afin de protéger les cultures, et ce système pourrait être rendu plus productif par l'introduction ou la réintroduction d'essences non envahissantes et à usages multiples comme Acacia albida.

Les plantations forestières sont envisageables chaque fois que la population rurale ne dépasse pas la capacité d'accueil, mais dans la pratique les possibilités sont extrêmement limitées du fait que plusieurs conditions doivent être remplies. En outre, pour ce qui est du nord, on n'a pas encore mis au point des propositions techniques viables. En ce qui concerne le sud, les trois conditions à remplir sont les suivantes: i) les frais de transport entre les plantations et les centres de consommation doivent être acceptables; ii) la qualité des sols doit être à tout le moins moyenne (et la pauvreté des sols peut justement être la raison pour laquelle certaines zones sont peu peuplées); et iii) les plantations doivent avoir été approuvées par la population du voisinage pour éviter les réactions coûteuses, comme les incendies «accidentels». Cette approbation peut être acquise par la création d'emplois liés aux plantations, ou rendue inévitable par l'application de strictes mesures de surveillance, mais ces deux solutions comportent des coûts considérables.

Régions où la population rurale excède légèrement la capacité d'accueil. Dans les régions où la population rurale excède légèrement la capacité d'accueil et où le principal facteur limitant n'est plus la force de travail mais la terre, il sera plus utile d'intensifier la production. Cependant, les zones pluviométriques dans lesquelles se trouvent ces régions n'ont pas un potentiel élevé, et les données disponibles laissent penser que l'utilisation d'intrants à acheter n'est pas suffisamment rentable par rapport au raccourcissement de la jachère. Dans l'intervalle, il est futile d'engager les paysans à intensifier leur production, et l'agrobureaucratie qui en résulte est une source de gaspillage. S'il est impossible d'accroître la capacité d'accueil, on pourrait à tout le moins tenter d'enrayer sa diminution par les divers moyens suivants, en se concentrant sur une augmentation de la capacité des sols à retenir l'eau:

· aménagement de banquettes et de terrasses en pierre, et application d'autres mesures antiérosives élémentaires;

· emploi d'engrais verts et de fumier, pourvu qu'il soit encore possible de relever la teneur organique des sols à un niveau satisfaisant (1-2 pour cent) et de la maintenir à ce niveau;

· amélioration des jachères forestières, dans la mesure où il en existe encore;

· amélioration des puits et des réseaux de puits pour faciliter l'utilisation des pâturages sous-exploités de saison sèche, à condition que la sous-exploitation soit démontrée et que ces aménagements soient conjugués à l'application de systèmes de pâturage gérés à l'échelon local;

· actions collectives de foresterie rurale pour encourager le développement des forêts-parcs, mais aussi des haies vives;

· révision des codes forestiers pour en éliminer les éléments décourageant la plantation des essences actuellement protégées;

· gestion participative du couvert forestier naturel pour qu'il y ait complémentarité plutôt que concurrence entre les diverses utilisations possibles de ces ressources; il s'agirait notamment d'en organiser L'exploitation (par abattage, étêtage, recépage ou élagage) pendant la période, juste avant le début des pluies, où la montée de la sève a commencé pour la plupart des essences, de façon à accélérer plutôt qu'à entraver la régénération naturelle.

CHAQUE ARBRE EST UNE OASIS la capacité de charge, un facteur critique

Régions où la population rurale excède largement la capacité d'accueil. Dans les régions où la population rurale excède largement la capacité d'accueil et où le facteur terre est de loin le plus limitant, toute initiative susceptible d'accroître la productivité des sols devrait être bien accueillie. Cependant, la réalité est que la productivité globale des sols diminue, ce qui veut dire que les techniques d'intensification disponibles ne sont tout simplement pas suffisamment rentables à grande échelle. Face à cette réalité, la population choisit d'émigrer, et c'est le cas en particulier des habitants du plateau Mossi au Burkina Faso et du bassin arachidier au Sénégal. Cependant, même dans ces régions, la population rurale totale continue d'augmenter et ne peut survivre qu'en entamant son capital.

Tableau 2. Population effective et population supportable (en millions de personnes)

Zone

Agriculture/élevage

Bois de feu

Population supportable

Population rurale effective

Population supportable moins population effective

Population supportable

Population totale effective

Population supportable moins population effective

Saharienne

1,0

0,8

-0,8

0,1

0,8

-1,7

Sahélo-saharienne

1,0

1,0

-0,8

0,1

1,0

-1,7

Sahélienne

3,9

3,9

-

0,3

4,0

-3,7

Sahélo-soudanienne

8,7

11,1

-2,4

6,0

13,1

-7,1

Soudanienne

8,9

6,6

2,3

7,4

8,1

-0,7

Soudano-guinéenne

13,8

3,6

10,2

7,1

4,0

3,1

Total

36,3

27,0

9,3

20,9

31,0

-10,1

Dans ces régions, il s'agit simplement - et la tâche est déjà considérable - d'enrayer la diminution de la capacité d'accueil. Dans certaines localités où il existe des organisations locales qui sont ou peuvent être rendues efficaces, il serait peut-être possible d'exécuter et d'entretenir de façon satisfaisante des programmes d'aménagement de petits bassins versants. Dans d'autres zones, on pourrait au moins encourager l'aménagement de banquettes et de terrasses - avec, dans ce cas également, un certain appui des pouvoirs publics. Cependant, en règle générale, il sera probablement plus facile de promouvoir des actions individuelles que des activités collectives. Parmi les actions déjà entreprises dans certaines zones, on peut citer:

· Emploi de fumier et association de productions végétales et animales. Dans les régions densément peuplées, il deviendra de plus en plus souvent nécessaire d'élever les animaux en stabulation et de les nourrir avec des fourrages et des aliments d'appoint. Toute activité de formation à ces techniques d'élevage devrait se révéler bénéfique. Il pourrait aussi être utile de montrer aux paysans comment l'adjonction d'additifs et les techniques de compostage leur permettraient de tirer un meilleur parti du fumier.

· Intensification des cultures. Bien qu'à grande échelle les résultats obtenus ne soient pas encourageants, il existe de remarquables poches d'exploitation intensive. Certes, l'élimination de toutes distorsions défavorables entre les prix des intrants et des extrants ne peut qu'encourager l'intensification, mais les mesures correctives qu'il pourrait rester à prendre dans les pays des ZSS sont plus limitées qu'on ne le croit généralement. La production de fruits et de légumes est déjà bien développée aux alentours des villes et dans certaines zones étonnamment écartées. Ce type de production intensive restera limité par les dimensions du marché intérieur tant que l'on n'aura pas cherché plus vigoureusement à créer des débouchés dans les villes du littoral et, éventuellement, en Europe.

· Foresterie. Dans les ragions densément peuplées, il faudra s'inspirer du système de «plantations forestières rurales multiples,» c'est-à-dire planter des arbres partout où cela est possible. C'est ce qu'ont déjà commencé à faire les populations locales de certaines régions. L'offre d'essences à croissance plus rapide et plus résistantes à la sécheresse (produites à partir de techniques nouvelles) devrait être favorablement accueillie dans de nombreuses régions.

Réduction de la demande

Population. Il est manifeste que l'accroissement démographique ne pourrait rester très longtemps aux niveaux actuels sans qu'il s'ensuive une dégradation des conditions de vie, à moins que l'on n'enregistre une amélioration spectaculaire de la productivité rurale, ou des possibilités d'emploi hors du secteur rural (ou à l'étranger). La meilleure façon d'illustrer l'ampleur du problème est de comparer la situation effective et la situation supportable en chiffres absolus (tableau 2).

Indépendamment du fait que les ressources en bois de feu sont déjà surexploitées, la marge apparemment confortable (9 millions de personnes) que l'on constate pour l'agriculture est en réalité trompeuse. Même si elle n'augmente que de 2 pour cent par an, la population rurale dépassera 40 millions en l'an 2000, alors que le total supportable est estimé à 36 millions. Ce dernier chiffre ne tient pas compte des gains de productivité que l'on sait possibles dans la zone soudano-guinéenne, mais il ne tient pas compte non plus de la baisse de la productivité dans les régions déjà surpeuplées, ni de l'obstacle au développement de l'élevage que constitue la présence de la mouche tsé-tsé dans la zone soudano-guinéenne.

Colonisation de nouvelles terres. Il y a très longtemps que les populations des pays des ZSS ont recours à la colonisation de nouvelles terres. A l'heure actuelle, bien que ce phénomène soit peu connu ou compris, le nombre de personnes qui émigrent spontanément pour s'installer dans la zone soudano-guinéenne dépasse de loin le nombre de personnes réinstallées dans le cadre de programmes appuyés par les pouvoirs publics. Ces programmes se sont révélés coûteux par rapport au nombre de familles réinstallées, et il se peut même qu'ils n'aient eu aucun effet net sur le nombre total des migrants. Par ailleurs, ceux qui viennent spontanément s'installer dans une autre région ont tendance à détruire inutilement le couvert végétal, ce qui compromet les efforts des résidents installés depuis longtemps, qui font eux preuve de plus de prudence dans la gestion de leurs ressources. En outre, les colonisateurs potentiels de la zone soudano-guinéenne vont se trouver confrontés à de sévères difficultés, à savoir: des maladies affectant les hommes et les animaux, des insectes nuisibles et des prédateurs inconnus dans les zones plus au nord, des difficultés de terrain, et des sols relativement fragiles après défrichement, particulièrement s'il y a du relief.

Etant donné ces problèmes, mais également l'incontestable potentiel de la zone soudano-guinéenne pour atténuer la pression démographique des zones septentrionales, du moins pour ce qui est des deux prochaines décennies, il est surprenant que l'on n'ait pas attaché plus d'attention aux politiques d'aménagement de nouvelles terres qui, d'ailleurs, ne figurent toujours pas parmi les premières priorités. Il serait particulièrement important que les gouvernements et la communauté des donateurs tentent de résoudre les deux questions suivantes:

· Quels types de mesures facilement applicables devrait-on adopter pour réglementer l'utilisation des sols, de façon à promouvoir l'aménagement de nouvelles terres sur une base durable dans les régions de la zone soudano-guinéenne qui font l'objet d'une immigration spontanée?

· Dans quelle mesure et comment le secteur public pourrait-il contribuer utilement à l'installation de migrants dans la zone soudano-guinéenne? Comment peut-on s'assurer, dans le cadre de la planification de l'utilisation des terres, que les investissements - routes, puits, infrastructures médicales et écoles - seront situés dans des zones ou villages aptes à recevoir des migrants spontanés? Quels programmes spéciaux de santé devrait-on envisager dans ces zones qui sont souvent sujettes aux grandes endémies?

Bois. Les pays des ZSS consomment déjà beaucoup plus de bois de feu que le couvert forestier naturel accessible ne peut en produire. En fait, ils entament rapidement leur capital, et cela dans toutes les zones sauf la zone soudano-guinéenne. C'est aux alentours des villes que les conséquences de cette situation sont le plus visibles. Il est absolument indispensable de réduire la consommation de bois des zones urbaines, et cet objectif pourrait en principe être atteint par trois moyens: emploi de techniques plus efficaces; recours accru à d'autres combustibles; et fixation de prix plus réalistes. Si rien n'est entrepris pour réduire la consommation de bois de feu dans les zones urbaines, tout effort de gestion de l'environnement dans les zones rurales adjacentes est voué à l'échec.

Bois de service. Les bois de service utilisés dans les pays des ZSS pour les travaux de construction traditionnels ne sont pas totalement résistants aux termites, surtout s'ils proviennent d'essences exotiques à croissance rapide. L'application d'un traitement chimique prolongerait leur vie utile, et la réduction de la consommation qui en résulterait contribuerait à préserver le couvert forestier naturel. On pourrait à cet effet utiliser la créosote, l'un sous-produits du processus de carbonisation, qu'il est facile d'extraire des meules couvertes de terre utilisées dans la région de la Casamance, par exemple, pour la fabrication de charbon de bois.

Prix. Dans tous les pays des ZSS, les prix du bois de feu et du charbon de bois dépendent presque exclusivement du marché. Mises à part certaines mesures sporadiques, mais inefficaces, de contrôle des prix de détail dans les zones urbaines, les pouvoirs publics n'interviennent qu'au niveau des redevances d'abattage. Toute modulation de ces redevances aurait un effet direct sur les prix de détail. Bien qu'à ce stade on ne sache rien de l'élasticité de la demande ni des élasticités croisées, il est certain qu'une augmentation soutenue des redevances d'abattage et de transport inciterait les consommateurs à économiser le bois de feu et, peut-être, à le remplacer partiellement par d'autres combustibles. Les prix des autres combustibles, sauf pour les résidus végétaux et animaux, sont réglementés soit directement, soit par le biais de la fiscalité. Dans la mesure où cette réglementation est efficace, il serait possible d'ajuster le prix des produits de remplacement, notamment en abaissant les prix du kérosène ou du gaz, ou même en les faisant bénéficier de subventions croisées.

Conséquences sur le plan de l'action

Action des gouvernements. Les actions prioritaires sont celles qui, prises ensemble, déterminent la gamme d'incitations intéressant des millions de décideurs au jour le pur.

· Il conviendrait d'examiner la législation et les pratiques foncières (y compris le code forestier) pour augmenter les incitations à la gestion des ressources et pour définir sur cette base les modifications à leur apporter de façon à obtenir un mode de gestion soutenable. Cet examen devrait idéalement être exécuté par un groupe de travail multidisciplinaire relevant de l'autorité centrale.

· Il faudrait examiner les règlements et lois portant sur l'organisation sociale, afin d'identifier les changements à leur apporter pour réduire les obstacles à la création ou à l'officialisation d'organisations.

LIT ASSÉCHÉ D'UNE RIVIÈRE AU SÉNÉGAL une adaptation difficile à la sécheresse

· Des activités visant à maîtriser l'accroissement démographique devraient être entreprises.

· Dans le cadre d'une politique nationale d'aménagement du territoire, il conviendrait de réexaminer en particulier les politiques d'aménagement de nouvelles terres, afin d'encourager une immigration spontanée et soutenue, solution qui paraît préférable à des programmes de colonisation.

· L'efficacité des systèmes d'irrigation existants doit être améliorée. On ne peut utiliser l'énorme potentiel d'accroissement de la capacité d'accueil qu'offre l'irrigation qu'après avoir amélioré la productivité et rationalisé l'exploitation des périmètres existants.

· Il faudrait faire en sorte que les prix deviennent encore plus favorables que ce n'est le cas aujourd'hui à l'intensification des techniques de production, et il conviendrait de réduire encore les effets négatifs de l'aide alimentaire sur l'offre. Pour ce qui est du bois de feu, il existe de puissants arguments en faveur d'une forte hausse des droits d'abattage; par contre, il n'y a pas de raisons d'intervenir au niveau des prix de détail ou de la commercialisation. Il y aurait lieu de faire bénéficier les produits de remplacement les plus évidents - kéroséne et gaz - de subventions croisées financées par les recettes générées par d'autres produits pétroliers.

Bailleurs de fonds. Il existe aussi de nombreuses possibilités d'action pour les bailleurs de fonds, mais beaucoup dépendra des mesures prises ou jugées prioritaires par les gouvernements. A chacun des domaines prioritaires correspondent certaines possibilités d'intervention de la part des bailleurs de fonds, depuis l'apport d'une assistance technique (législation foncière et organisation sociale) jusqu'à l'exécution de projets pilotes (population) ou en vraie grandeur (irrigation et ajustement des prix). Cependant, dans certains domaines, les possibilités des bailleurs de fonds ne sont pas tout à fait claires (migration). On voit mal encore comment faciliter l'immigration spontanée autrement qu'en mettant en place une réglementation de l'utilisation des sols qui puisse être facilement appliquée. Les nouveaux venus recevraient alors certains droits fonciers en contrepartie des engagements qu'ils prendraient en matière de gestion des ressources.

Recherche forestière. Les approches conventionnelles, telles que l'utilisation d'espèces de provenance sélectionnée ou de boutures pour la propagation végétative, sont toujours utiles, mais on ne saurait trop insister sur le besoin de technologies innovatrices tendant à accroître la production de la biomasse et à améliorer la tolérance des arbres aux contraintes de l'environnement. Deux approches qui existent déjà peuvent contribuer à l'amélioration du matériel végétal et à la mise en place d'arbres dans les conditions difficiles des ZSS par le biais d'une meilleure utilisation de l'humidité et des éléments nutritifs disponibles. La première est basée sur l'utilisation de la culture tissulaire de plantes, la deuxième sur la manipulation de micro-organismes symbiotiques racinaires.

Une attention spéciale devra être accordée dès le départ au choix des espèces arborées capables de résister aux principales contraintes climatiques et édaphiques (sécheresse, feu, manque d'éléments nutritifs).

L'étape suivante consisterait à réaliser des essais de provenance ou des études destinées à identifier les individus (y compris les arbres présentant les meilleures aptitudes ainsi que les caractéristiques les plus désirables.

La troisième étape serait de produire massivement des clones des individus choisis. En utilisant des techniques de propagation végétative, tous les plants régénérés (clones) sont en théorie des copies exactes du génotype original. Il y a deux techniques principales: l'une basée sur l'utilisation des boutures racinaires, l'autre fondée sur l'utilisation de cultures tissulaires. Certains arbres sont reproduits à partir de boutures racinaires (par exemple, Eucalyptus au Congo et au Brésil; Casuarina fanghuhniana en Inde et en Thaïlande). Cette simple méthode devrait être appliquée partout où cela est possible du fait de son faible coût.

Les méthodes de culture tissulaire de plantes peuvent être utilisées dans de nombreux autres domaines intéressants, tels que: contrôle des maladies (cultures de méristèmes terminaux afin d'enlever les virus des plantes infestées), stockage à long terme de ressources génétiques et échange de ressources génétiques, large hybridation (par exemple, pollinisation et fertilisation in vitro, fusion de cellules somatiques ou protoplastes), production de lignées nomozigotes, sélection de variants (résistance à la sécheresse, salinité, etc.).

Il est maintenant bien établi que des micro-organismes symbiotiques racinaires (Rhizobium, Frankia et champignons mycorhizes) peuvent efficacement contribuer à la production d'arbres dans des conditions climatiques et édaphiques marginales. Du fait que des progrès significatifs ont été récemment obtenus en manipulant de tels micro-organismes, ii est maintenant possible d'envisager leur utilisation sur le terrain.

Etant donné l'importance de ce problème, il serait difficile de mettre en œuvre un programme de recherche aussi ambitieux à partir des centres de recherche dispersés et sous-équipés existants. C'est pourquoi il faudrait vraiment avoir une unité, dotée de personnel permanent, auprès d'un centre international ou régional mettant l'accent sur les espèces arborées et arbustives dans les ZSS. Située dans les ZSS, cette unité serait l'âme d'un réseau constitué d'un côté par les projets et centres forestiers africains, et de l'autre par des laboratoires des pays industrialisés désirant participer à l'amélioration des forêts des ZSS.

Les principaux objectifs de cette unité forestière seraient:

· identifier les espèces arborées locales et exotiques ayant le plus haut potentiel pour la production de bois et de fourrage dans les conditions des ZSS;

· développer des techniques biotechnologiques afin d'améliorer le comportement et la croissance des espèces sélectionnées, les technologies étant basées sur la culture tissulaire de plantes ou sur la manipulation des micro-organismes symbiotiques racinaires;

· étudier la pathologie (spécialement les pathogènes racinaires tels que les nématodes) et certains problèmes de base ayant trait à la physiologie des arbres sélectionnés (par exemple, biologie des fleurs, résistance à la sécheresse et nutrition des plantes).

Il faut souligner que dans la bande centrale des ZSS aucune modification sensible des capacités d'accueil n'est possible sans innovations technologiques majeures. Localement, il est toutefois possible de parer au danger de désertification en définissant les mesures de lutte appropriées et en collaborant avec les collectivités qui aspirent à utiliser leurs terres d'une façon durablement productive, et sont habilitées à le faire. Il est indispensable de réduire l'accroissement rapide et continu de la population, et d'atténuer les pressions démographiques actuelles qui s'exercent sur la bande centrale en encourageant davantage le phénomène existant des déplacements spontanés vers la zone soudano-guinéenne sous-peuplée, au potentiel considérable, mais en tenant compte des difficultés que l'on peut rencontrer dans cette zone.

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