Chapitre 1 - Le processus de commercialisation

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Qu'est-ce que la commercialisation?

Selon le président d'une des plus grandes chaînes mondiales de supermarchés, «la commercialisation consiste à s'informer de ce que veut la clientèle et à le lui vendre en faisant un bénéfice».

Cette définition met en lumière deux idées-forces:

Premièrement, en matière de commercialisation, le client est roi. Il n'acceptera de payer que si on lui offre une marchandise conforme à ses désirs ou à ses besoins.

Deuxièmement, la commercialisation est une activité à but lucratif qui n'est viable que si elle rapporte des bénéfices à tous les intervenants.

Selon une définition plus classique, la commercialisation est «la série de services nécessaires pour faire parvenir un produit brut ou transformé du lieu de production au lieu de consommation».

Cette définition fait ressortir que la commercialisation des produits agricoles comporte une série d'opérations successives: récolte, classement et tri, eonditionnement, transport, entreposage, transformation, distribution, vente.

On peut aussi donner une definition plus large. La commercialisation serait «la série d'activités nécessaires pour fournir les services et les informations propres à ajuster la production aux besoins du marché et assurer le transport du produit brut ou transformé du lieu de production au lieu de consommation».

FIG.1. Qu'est-ce que la commercialisation?

Cette définition englobe donc les services--information et conseil notamment-que doit assurer le responsable de la vulgarisation. Celui-ci doit:

Cette définition est plus complète, mais reste limitée aux seules activités de commercialisation. Le rôle essentiel d'un vulgarisateur ou de tout autre fonctionnaire chargé d'améliorer la commercialisation des produits agricoles est de promouvoir l'intégration du secteur commercial dans l'économie rurale. Pour cela, il doit «découvrir ce que demande le client et aider à mettre en place un système de production et de commercialisation propre à satisfaire cette demande tout en maximisant le revenu des zones rurales».

Le progrès est le fruit d'efforts concertés. Très souvent, le rôle du responsable de la commercialisation consiste à coiffer et coordonner les efforts des autres.

Pourquoi la commercialisation est-elle importante?

La question peut se poser de quatre points de vue: celui de l'économie nationale, celui de l'agriculteur, celui du produit et celui du consommateur.

Au niveau national, le développement économique et social s'accompagne d'une urbanisation croissante.

La population des pays en développement croît en moyenne à raison de 3 pour cent par an environ; mais pour la population urbaine, le taux est de l'ordre de 4 pour cent. En conséquence, le nombre de personnes que doivent nourrir les communautés rurales double tous Ies 16 ans. En outre, comme la consommation individuelle augmente normalement avec Ies revenus, Ies approvisionnements nécessaires aux villes doublent environ tous les 10 à 14 ans.

Cette évolution de la structure de la population ouvrira de nouvelles possibilités aux agriculteurs et créera des emplois ruraux, surtout si on améliore l'infrastructure routière et les transports.

L'agriculture de subsistance, celle qui produit tout juste de quoi nourrir le paysan et sa famille, perdra du terrain. Même si les agriculteurs représentent une moins grande proportion de la population totale, leur tâche sera plus importante encore puisqu'ils devront nourrir des citadins toujours plus nombreux. Pour cela, ils devront se spécialiser et acquérir de nouvelles compétences. La première tâche du vulgarisateur dans le domaine de la commercialisation est d'orienter et d'aider les agriculteurs à passer d'une économie de subsistance à une production commerciale. A tous les stades du développement de l'agriculture, le vulgarisateur doit encourager les producteurs à acquérir les nouvelles compétences nécessaires pour commercialiser leur production. Même dans les sociétés avancées où les agriculteurs sont des producteurs très qualifiés, ils manquent souvent de compétences pour la commercialisation.

La deuxième tâche du vulgarisateur est de s'employer à maximiser les revenus ruraux. Les causes de l'exode rural sont différentes d'un pays à l'autre et d'un cas à l'autre; mais la plus importante est peut-être l'attrait d'un emploi régulier et d'un revenu plus élevé. Une des fonctions importantes du vulgarisateur est donc d'aider les ruraux à prendre en main et développer la commercialisation de leur production vivrière et de faire en sorte qu'une part aussi grande que possible du prix de détail revienne aux zones rurales.

Au niveau de l'exploitation, les agriculteurs les plus défavorisés sont ceux qui ne disposent que de petites parcelles qui ne suffisent pas à faire vivre leur famille s'ils se limitent aux cultures traditionnelles, par exemple blé et riz, pour lesquelles ils sont en situation d'infériorité par rapport aux grandes exploitations mécanisées.

Dans les agricultures avancées, les exploitations de petite dimension peuvent être viables, et nous pouvons tirer des enseignements de leur expérience. Elles sont en général spécialisées dans des productions intensives. Il s'agit de systèmes de production végétale ou animale capables de rapporter beaucoup à l'hectare: aviculture et élevage laitier par exemple, ou bien production de fruits,légumes et fleurs.Ainsi, au Royaume-Uni,la taille moyenne des exploitations va de 120 ha pour celles qui produisent des céréales à 60 ha pour une ferme laitière, 30 ha pour une entreprise de production de legurnes sarclés, 25 ha pour la production de fruits et 1,5 ha seulement pour la production sous abri.

Les avantages et les points faibles des grandes et des petites exploitations sont récapitulés au tableau 1.

Il faut bien comprendre ces points forts et ces points faibles des deux types d'agriculture, si l'on veut promouvoir efficacement les spéculations et les systèmes d'exploitation pour lesquels les petites unités de production sont avantagées. Pour aider les petits producteurs à accéder aux marchés, il faut leur conseillerun choix judicieux de cultures et leur fournir les informations dont ils ont besoin pour négocier en position de force.

Les produits horticoles sont en général vendus à l'état frais; certains sont mangés crus et d'autres sont cuisinés. Certains étaient traditionnellement transformés parce qu'il n'existait pas d'autre moyen de les conserver (fruits secs, confitures). A mesure que la société se développe et devient plus riche, il se crée un marché pour les produits horticoles transformés et préparés, ainsi que pour des produits d'agrément tels que les fleurs et les plantes ornementales; la diversité (nouveaux produits, produits de contre-saison, goûts différents) devient de plus en plus recherchée.

FIG.1.Importance de la commercialisation pour le pays

TABLEAU 1. Points forts et points faibles des grandes et petites exploitations

Petites exploitations
Points forts Points faibles
Disponibilité de main-d'oeuvre, et en particulier de main-d'oeuvre familiale permettant des productions intensives impossibles à mécaniser, par exemple celles qui exigent des repiquages, élagages, tuteurages et plusieurs cueillettes à la main Nécessite de produire des revenus élevés sur de petites parcelles
Niveau d'instruction généralement bas: difficulté d'obtenir des informations, du capital et des aides
Cultures exigeant des compétences techniques et beaucoup de minutie Faible pouvoir de négociation
Production destinée à des marchés spécialisés de petite dimension, par exemple vente directe de plantes aromatiques et médicinales, de fleurs, de plantes ornementales, etc. Nécessité d'un revenu stable
Grandes exploitations
Points forts Points faibles
Grande culture mécanisée (blé, canne à sucre, mais, etc.) Gros frais généraux
Cultures exigeant beaucoup de capital Difficulté de mobiliser et de gérer la main d'œuvre
Production pour la vente par quantités important tes à de gros acheteurs En raison du petit nombre de travailleurs à l'hectare, il faut éviter les activités qui demandent beau coup de temps

Il est plus facile de définir les produits horticoles de façon négative: ce ne sont pas des céréales et ce ne sont pas des cultures industrielles D'une façon générale, ce ne sont pas des aliments de base. Le tableau 2 donne une liste indicative de grands produits horticoles.

Les principales caractéristiques des produits horticoles sont les suivantes: · ils sont consommés principalement pour l'agrément qu'ils apportent au régime et aussi pour leur contenu en oligo-éléments et notamment en vitamines;

Tous ces facteurs expliquent la variabilité et l'imprévisibilité des prix qui caractérisent le marché des produits horticoles, et notamment des prix perçus par l'exploitant. Ce fait revêt une importance capitale.

En voici un exemple, extrême peut-être mais fréquent: 11 n'est pas rare qu'un producteur qui offre des tomates de belle qualité quand il n'y a pas grand-chose d'autre sur le marché obtienne un prix plusieurs fois supérieur au coût de production. Mais un producteur qui cherche à vendre sur un marché pléthorique des tomates vieilles de deux jours risque de ne pas pouvoir écouler sa marchandise du tout.

Les prix de gros peuvent varier du simple au double en un seul jour, selon l'habileté du vendeur et la demande des consommateurs.

Les prix des produits horticoles peuvent varier considérablement:

A cause de cette extrême variabilité, la production horticole peut être très rentable, mais elle est aussi très risquée. Le succès dépend souvent du flair; le talent a plus d'importance que la compétence agronomique. Le tableau 3 donne un exemple des effets que les différences de prix peuvent avoir sur la rentabilité de la production.

Le tableau 3 indique que le producteur B a réalisé un bénéfice parce qu'il a pu vendre son produit moitié plus cher que le producteur A, qui atout juste réussi à rentrer dans ses frais. L'exemple du producteur C montre que les benéfices peuvent être encore plus élevés même avec des rendements inférieurs, par exemple pour une production hors saison.

TABLEAU 2 Principaux produits horticoles

Fruits d'arbres
Orarnge, citron, lime, mandarine, pamplemousse, pomme, mangue, banane, goyave, corossol, litchi, péche, abricot poire, prune, ramboutan figue, coing, kaki durion, chouchou, asimine, grenade, mangoustan, nèfie du Japon, carambole, chenmole, cerise, datte, mûre de mûrier.

Fruits de treilles
Raisin, fruit de la passion, kiwi,

Autres fruits charnus
Fraise,ananas,groseille,du Cap, pasteque,melon,framboise,mûre, de ronce ,cassis ,groseillé à maquereau, airelle, myrtille, rhubarbe, guimauve.

Fruits à coque
Anacarde, noix, noisette, noix d'Australie, pistache, noix de pécan, noix de coco, amande, noix du Brésil.

Fruits générale ment considérés comme des légumes
Fruit à pain, avocat, tomate, aubergine, piment, poivron, coloquinte, concombre papangaie, courge, courgette, gourde, concombres, potiron, plantain, chayote.

Graines et fleurs consommées comme légumes
Brocoli, chou-fleur, artichaut, pois, haricot, lentille, pois chiche, fève, gombo, mange-tout, pois carré, haricot kilomètre, mais sucré.

Feuilles et tiges consommées comme légumes
Laitue chou, épinard cardon chou de Bruxelles endive, cresson, céleri asperge, céleri-rave, oignon vert poireau, amaranthe, germe de soja, chou de Chine, petsaï épinard, chicorée, chou-rave, fenouil.

Plantes-racines
Sagittaire, oignon, pomme de terre, patate, manioc, igname, taro, ail, radis, carotte, navet, panais, betterave, topinambour, colacase, chou caraibe.

Plantes aromatiques
Persil, menthe, coriandre, aneth, basilic, romarin, thym, sauge.

Epices
Poivre en grains, poivre rouge, cardamome, gingembre, clou de girofle, cannelle, laurier, curcuma.

Fleurs coupées
Rose, chrysanthème, œillet, glaïeul, tulipe, narcisse, orchidée.

Feuillages coupés
Asparagus.

Plantes ornementales tropicales
Dieffenbachia, coleus, yucca, cordyline, dracaena, monstera, fatschedera, ficus, maranta.

Plantes ornementales des climats tempérés
Roses, arbustes ornementaux, 'leurs herbacées, fleurs de plates-bandes, conifères, oignons de fleurs.

TABLEAU 3. Effet prix sur les bénéfices des producteurs

  Producteur A Producteur B Producteur C Producteur D
Recettes
Rendement à l'ha (kg) 10 000 10 000 9000 12 000
Prix au kg 1,0 1,5 2,0 0,3
Vente 10000 15000 18000 3600
Coûts
Production 5 000 5 000 5 500 5 500
Commercialisation 5 000 5 000 4 500 6 000
Bénéfice brut 5 000 8000 Perte:7 900

Note: Les coûts de commercialisation comprennent les coûts de récolte, de conditionnement, de classement et de transport et les commissions.

Souvent, en période de pléthore, les prix tombent si bas que les producteurs ont intérêt à ne pas récolter. Ainsi, les pertes du producteur D auraient été moins importantes s'il ne s'était pas donné la peine de récolter et de mettre en vente son produit.

Le présent manuel décrit certaines techniques pouvant être utilisées pour maximiser les prix à la production. Il s'agit notamment:

Un autre rôle, tout aussi important, du vulgarisateur est d'aider les producteurs à réduire les risques. D'une façon générale, ces derniers sont proportionnels aux bénéfices. En d'autres termes, les spéculations les plus rentables sont souvent les plus risquées. Nous présenterons certaines techniques permettant de réduire les risques, par exemple:

En fait, le vulgarisateur doit aider les producteurs à devenir des hommes d'affaires. Très souvent les producteurs appliquent déjà certaines de ces stratégies, mais le vulgarisateur peut les aider à améliorer leurs techniques et à adopter des stratégies nouvelles.

FIG.1.La commercialisation est importante pour le consommateur

L'attitude du consommateur est très importante. Il est indispensable de s'informer de ce qu'il veut et de satisfaire sa demande: e'est la condition sine qua non d'une bonne commercialisation, et c'est aussi un service utile à la societé.

Tout le monde reconnaît que les fruits et légumes sont essentiels à un régime sain. Non seulement ils fournissent des vitamines et des protéines indispensables, mais encore on constate de plus en plus qu'ils présentent d'autres avantages pour la santé, par exemple:

D'une façon générale, dans le monde en développement, on consomme assez peu de fruits et légumes, ce qui pourrai t s'expliquer par leur cherte . Un bon système de commercialisation réduisant les coûts des transports et les pertes permettrait d'abaisser considérablement les prix de detail. La mission du vulgarisateur est d'accélérer l'adoption de systèmes plus efficaces de commercialisation qui permettront de réduire les prix de detail et done de stimuler la consommation et, partant, la production.

Résumé

Les marches urbains deviendront inévitablement de plus en plus grands et de plus en plus importants. A l'avenir, les agriculteurs devront non seulement ameliorer leurs compétences techniques, mais encore acquérir des compétences commerciales. La production, surtout s'il s'agit de cultures de valeur, n'est rentable que si elle permet de mettre sur le marché les produits demandés par les consommateurs. Comme les distances entre le lieu de production et le lieu de consommation sont de plus en plus grandes, il faut mettre en place des systèmes:

Il appartient aux vulgarisateurs d'user d'imagination et d'intelligence pour maximiser la proportion du prix de vente des denrées alimentaires qui revient à la communauté rurale. Une bonne commercialisation permet de réduire le coût des produits frais (ce qui est un atout pour la santé publique) et d'élargir les débouchés des produits végétaux de haute valeur, qui constituent un élément essentiel des systèmes viables de petite agriculture.


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