Chapitre 4 - Décision et plan d'action

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Introduction

Les vulgarisateurs peuvent avoir beaucoup de mal à établir leur. Souvent, les agriculteurs se méfient des conseils donnés par une personne qui, à leur avis, n'a pas d'expérience pratique. Les producteurs risquent aussi de se méfier des avis qu'on leur donne gratuitement. Ils hésitent à appliquer des méthodes inédites, surtout si l'échec risque de leur coûter de l'argent. De plus, ce sont souvent ceux qui ont le plus besoin de conseils qui sont les plus difficiles à atteindre: les petits agriculteurs pauvres sans moyens de transport, qui sont en général particulièrement attachés au système traditionnel. Les agriculteurs les plus prospères disposent en général de moyens de transport pour se déplacer et aller voir eux-mêmes le vulgarisateur; souvent aussi, ils reconnaissent plus facilement l'utilité des messages de vulgarisation. Mais ce sont eux qui ont le moins besoin d'assistance.

La première tâche du vulgarisateur spécialisé en commercialisation est de trouver une solution aux problèmes spécifiques de la zone. Ensuite, il devra réfléchir au meilleur moyen de faire passer son message au plus grand nombre possible d'agriculteurs cibles. Enfin, il devra obtenir l'accord et l'engagement de tous ceux qui participeront au programme coordonné de production dans sa zone.

Identification des problémes et des possibilités

La solution des problèmes et la façon de tirer parti des possibilités varieront d'une zone à l'autre. L'agent de vulgarisation devra commencer par déterminer le stade de développement horticole atteint dans sa zone. En règle générale, il ou elle s'efforcera de franchir une nouvelle étape. Les exemples étudiés au chapitre 2 sont classés dans l'ordre des étapes successives du développement horticole.

TABLEAU 10. Analyse des contraintes et des possibilités

Contraintes Possibilités
Problèmes Avantages
Pas de marché local Possibilité de production de primeurs
Services de transport insuffisants  
Solutions Actions
Organiser des marchés locaux; encourager des propres véhicules Encourager la culture des primeurs et mettre acheteurs disposant de leurs au point des techniques de production adaptées

Pour faciliter l'analyse des contraintes et des possibilités, il peut être utile de prendre deux feuilles de papier, comme indiqué au tableau 10.

Les meilleures solutions aux problèmes de commercialisation sont généralement assez simples et peuvent le plus souvent être appliquées sans modifications profondes des systèmes de production et sans innovation technique. Les risques d'échec sont beaucoup plus grands si l'on cherche à appliquer des plans complexes ou révolutionnaires.

Voici trois exemples:

  1. S'il existe dans la zone une production horticole mais pas de commer cialisation, le vulgarisateur doit étudier les moyens de créer un marché local.Aceteffet, il devra aider les producteurs à se mettre d'accord pour grouper leur production un jour donné de la semaine à un emplacement approprié. Des intermédiaires seront invités à venir à ce marché. Les acheteurs seront en concurrence entre eux, ce qui assurera aux producteurs des prix équitables. Le regroupement des produits permet d'économiser sur les transports.
  2. Si les produits horticoles sont vendus uniquement sur le marché local, il est peut-être possible de les acheminer vers des marchés plus importants et plus éloignés. Le vulgarisateur aura fait des recherches pour déterminer les exigences de ces marchés, les prix, les coûts et les acheteurs potentiels. Il pourra alors essayer de persuader les productcurs d'entreprendre un programme pilote de commercialisation sur ces nouveaux marchés, portant au départ seulement sur la production actuelle puis, plus tard, sur de nouveaux types de produits. En cas de succès, on pourra passer à la phase commerciale. Ou bien, on pourra s'adresser à un représentant local qui se chargera du transport et de la vente.
  3. Dans une zone où il existe déjà une importante tradition de production horticole et de commercialisation, le vulgarisateur s'efforcera d'améliorer le système. Lorsque les producteurs se sont déjà placés individuellement sur le marché, il sera difficile de les grouper en associations ou coopératives, à moins qu'il n'y ait un gros problème à résoudre ou un besoin commun à satisfaire. Le vulgarisateur devra en général donner aussi bien des avis généraux aux groupes de producteurs que des avis spécifiques à des producteurs individuels. Des possibilités d'amélioration seront probablement identifiées à des étapes critiques de la filière de production et de commercialisation. Ces améliorations peuvent porter sur divers points: choix des cultures, techniques de production, techniques après récolte, conditionnement, méthodes de transport, accès au crédit et aux facteurs de production, services d'information sur le marché.

Enfin, on se souviendra qu'il est toujours dangereux de vouloir introduire des changements quand ils ne sont pas nécessaires. Tous les systèmes sont imparfaits; de toute façon, les agriculteurs se plaindront toujours que les prix sont trop bas, et les consommateurs qu'ils sont trop hauts. Il faut bien réfléchir avant de proposer un changement et comparer les coûts supplémentaires ou les inconvénients aux avantages attendus.

Techniques de vulgarisation

L'agent de vulgarisation a deux fonctions principales:

Dans certains pays, ce sont des vulgarisateurs qui font fonction de techniciens spécialisés dans la commercialisation. Ils doivent alors former d'autres vulgarisateurs et donner des avis spécialisés. Ils sont d'autant plus efficaces qu'ils travaillent avec d'autres vulgarisateurs. D'une façon générale, ils sont basés dans la zone de production. Ils doivent régulièrement se rendre aux marchés pour entretenir des contacts et se tenir au courant de l'évolution des prix et de la demande. Il arrive toutefois qu'ils soient basés ailleurs que sur le lieu de production. En tel cas, ils doivent s'y rendre régulièrement pour se tenir au courant des problèmes des producteurs et leur donner des avis utiles pour la commercialisation.

L'expérience montre que le plus efficace est de travailler avec des groupes de producteurs.

On pourrait utiliser davantage le secteur privé, par exemple les sociétés fournissant des intrants ou intervenant dans la commercialisation et la distribution des produits, en leur donnant au bon moment des conseils raisonnés, pour mettre en route un processus qui en fin de compte rapportera des avantages à un grand nombre de producteurs.

On peut par exemple:

Des agriculteurs locaux qui jouissent du respect de la communauté peuvent souvent avoir beaucoup d'influence sur les autres et, par exemple, les inciter à coordonner leur production et leur commercialisation (voir exemple 2, chapitre 2). En général, il faudra les convaincre eux-mêmes des avantages qu'ils peuvent attendre d'une amélioration des méthodes de commercialisation. Attention! 11 se peut qu'un agriculteur relativement prospére--qui ne se soucie pas nécessairement du bien-être de la communauté-essaie d'empêcher le progrès recherché, soit parce qu'il ne souhaite pas que d'autres agriculteurs s'enrichissent, soit parce qu'il veut exploiter tout seul le nouveau filon.

Le vulgarisateur pourra trouver utile de collaborer avec des organismes du secteur public tels que:

La tâche du vulgarisateur est donc loin de se limiter à donner des conseils. Un système de commercialisation ne vaut que ce que vaut son maillon le plus faible.

Plan d'action

Dans les pages qui précèdent, nous avons décrit quatre fonctions du vulgarisateur;

  1. Conseiller les agriculteurs individuellement: c'est une méthode qui prend beaucoup de temps et qui profite surtout aux gros agriculteurs.
  2. Donner des avis sur la commercialisation à des groupes de producteurs (méthode de vulgarisation. On peut ainsi atteindre un grand nombre de producteurs, coordonner leurs activités et stimuler la coopération pour la commercialisation.
  3. Donner des avis et des informations à des personnes, organisations ou sociétés du secteur privé jouer un rôle critique dans la filière de commercialisation.

TECHNIQUES DE VULGARISATION EN MATIERE DE COMMERCIALISATION

Formation mutuelle

Un horticulteur qui a réussi explique: à un groupe d'agriculteurs ses pratiques de production et de commercialisation. Sa démonstration sera plus efficace si elle a eu lieu dans sa propre exploitation.

Démonstrations

Démonstrations pratiques de techniques de récolte, nettoyage, calibrage, conditionnement, de préférence à la ferme. On aura préparé à l'avance des échantillons pour montrer l'effet des différentes techniques de manipulation; on montrera des échantillons de produits concurrents et des photographies.

Causeries et séminaires

Divers sujets peuvent étre intéressants: débouchés commerciaux, études de cas, techniques après récolte, évaluation des prix, techniques de production orientées sur le marché. On Invitera des acheteurs et des intermédiaires.

Solution des problèmes

On invitera le groupe d'agriculteurs à identifier ses principaux problèmes. La solution sera recherchée systématiquement: on demandera à des spécialistes de répondre individuellement ou au cours de tables rondes aux questions des agriculteurs. Ou bien, on pourra encourager ces derniers à chercher eux-mêmes la solution de leurs problèmes et à l'appliquer collectivement.

 

  1. Enfin, et c'est peut-étre là le plus difficile, lancer un projet intégré de commercialisation des produits horticoles. La commercialisation comprend normalement une série d'étapes interdépendantes qu'il est essentiel de coordonner.

TECHNIQUES DE VULGARISATION EN MATIÈRE DE COMMERCIALISATION

Voyages d'étude

Les voyages d'étude sont organisés pour permettre aux agriculteurs de prendre eux-mêmes contact avec leurs partenaires et de voir directement les marchés et les centres de traitement des produits, et d'observer la façon dont ces produits supportent le transport. Ou bien, des agriculteurs peuvent visiter les producteurs d'une autre zone pour comparer les expériences et observer des techniques qu'ils ne connaissent pas. Cela peut suffire à transformer radicalement les Idées d'un agriculteur sur la production et la commercialisation.

Information écrite

On établira des feuilles d'information qui seront distribuées. Elles indiqueront les partenaires commerciaux possibles ou donneront des informations sur les techniques de production et des techniques après récolte.

Service d'Information sur le marché

On mettra en place un service d'information sur le marché fournissant des renseignements réguliers, fiables, pertinents et à jour. Ce service peut prendre la forme d'un bulletin Imprimé ou radiophonique.

Le principle des projects

Un projet intégré, par opposition à des interventions ponctuelles, consiste à coordonner les activités de divers intermediaires intervenant dans le circuit de commercialisation .Il peut s’agir simplement d’un groupe d’agriculteurs qui regroupent leur production en un lieu donne pour faciliter le transport jusqu’au marché.Mais un project peut être plus complexe et englober à la fois la fourniture des intrants, des avis aux producteurs,la négociation d’un contract avec un acheteur (qui peut être une industrie agro-alimentare ou un exportateur ).

Comme il est indiqué au début du chapitre, les vulgarisateurs peuvent avoir du mal à établir leur crédibilité .Les choses seront plus faciles s’ils réussissent à se faire une bonne réputation en résolvant des problèmes de détail. Dans l'exemple 5 du chapitre 2, le conseiller en commercialisation s'impose en négociant des tarifs très avantageux de fret aérien. Un autre moyen est de mobiliser des appuis influents (notables du village, sociétes de commercialisation) Beaucoup de gens ne sont guère enthousiastes quand il s'agit d'appliquer les idées des autres. Une astuce courante consiste à ne pas dire à la personne qui doit jouer le rôle le plus important ce qu'on attend d'elle, mais à lui donner des indications sur les problèmes à résoudre et à la laisser découvrir peu à peu la solution à laquelle on est soi-mêmc arrivé, ou une solution analogue. L'intéressé pense alors que l'idée vient de lui et il a tout l'enthousiasme nécessai re pour assurer la bonne exécution du plan.

Le rôle du vulgarisateur est alors de l'appuyer, de coordonner les diverses activités et de suivre les progrès.

Il a plus de chances d'obtenir des progrès réels si l'on adopte une optique intégrée. Il est essentiel que le vulgarisateur se fasse une idée claire des résultats attendus et communique efficacement les objectifs. Tous les intéressés doivent bien comprendre le projet pour pouvoir travailler ensemble.

Dans le monde des affaires, il faut fixer des objectifs chiffrés (volumes à expédier, prix de vente, etc.) qui créent des motivations et servent de repères pour suivre l'avancement du projet.

Même avec le meilleur des plans, il y a toujours des imprévus. Il faut en tenir compte et être prêt à y parer. Il vaut mieux commencer par un projet pilote pour que les erreurs soient de petite échelle et puissent servir de leçons. Le projet doit être souple pour pouvoir être modifié à la lumière de ces leçons. 11 est inévitable que les adversaires du projet insistent sur les problèmes, mais on rencontrera toujours des difficultés, même dans les meilleurs projets, surtout au début; le succès montre que l'on a su tirer les enseignements des problèmes rencontrés et les surmonter.


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