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Chapitre IV - Implantation et techniques de gestion des plantations forestières


1. Introduction
2. Reconnaissance du site
3. Sélection du site de plantation
4. Sélection des espèces
5. Préparation du site de plantation
6. Moment de la plantation
7. Plantation de matériel en conteneur
8. Espacement des plantations
9. Entretien de la plantation
10. Opérations de récolte
11. Points marquants de ce chapitre


1. Introduction

Pour apprécier le besoin de plantations forestières dans les zones arides, il faut définir les rôles que jouent ces plantations. Il y en a souvent plusieurs (production de bois de feu ou de fourrage) qui, moyennant une planification soignée, peuvent être combinés pour obtenir des avantages multiples. Cette section du manuel décrit les techniques d'implantation et de gestion des plantations forestières dans les zones arides.

2. Reconnaissance du site

Plus on a d'informations sur la situation des sites de la zone envisagée pour la plantation d'arbres et d'arbustes, meilleures sont les chances de sélectionner les essences qui conviennent le mieux à cette zone. Les informations que l'on recherche le plus couramment lorsqu'on procède à la reconnaissance des sites sont:

- Climat - température, pluviométrie (quantité et répartition), humidité relative et vent.

- Sol - profondeur du sol et capacité de rétention d'humidité, texture, structure, roche-mère, pH, degré de compaction et drainage.

- Topographie - importante pour ses effets de modification du climat et du sol.

- Végétation - composition et caractéristiques écologiques de la végétation locale et le cas échéant introduite. Dans les zones qui n'ont pas été dégradées par l'homme, la végétation peut donner une indication de ce qu'est le site. Malheureusement, dans une grande partie du monde aride, la végétation a été perturbée de telle façon qu'elle ne constitue plus un indicateur fiable des sites de plantation possibles. Dans ces cas-là, la sélection du site doit se fonder sur les prospections pédologiques.

- Autres facteurs biotiques - influences sur le site des circonstances passées et de l'utilisation actuelle de la terre, notamment action du feu, du bétail domestique et des animaux sauvages, des insectes et des maladies.

- Niveaux des nappes phréatiques - la connaissance de la profondeur et de la variation des niveaux de la nappe phréatique en saisons humide et sèche est précieuse et peut être capitale pour déterminer les essences d'arbres et d'arbustes que l'on peut faire pousser. Les niveaux de la nappe phréatique peuvent être estimés à partir de l'observation des puits ou de forages effectués à cette fin.

- Disponibilité de sources d'eau supplémentaires - étangs, lacs, cours d'eau et autres sources d'eau.

- Distance par rapport à la pépinière.

Mis à part ces informations biophysiques, les facteurs socio-économiques jouent aussi un rôle important. Ce sont notamment:

- la disponibilité de main-d'oeuvre;
- la motivation de la population locale;
- la distance de la plantation forestière par rapport au marché et aux centres de consommation;
- le mode de tenure et de propriété foncière.

3. Sélection du site de plantation

Le lieu de plantation est généralement décidé collectivement par les responsables politiques, les forestiers et les équipes de plantation sur la base des informations tirées de la reconnaissance du site. Il s'agit de choisir le site qui permettra l'implantation d'une plantation forestière "réussie". Souvent, le choix du site est limité à des terres qui ne conviennent pas à l'agriculture ou à l'élevage; lorsque c'est le cas, les informations tirées de la reconnaissance du site prennent davantage d'importance.

Les limites du site de plantation, une fois la zone choisie, doivent être marquées par des bornes. Lorsqu'il y a risque de pénétration et de détérioration par des animaux pâturants, il faudra clôturer le site. La clôture est coûteuse et par conséquent ne doit être mise en place que lorsque les autres moyens de protection ne sont pas efficaces. Une fois qu'une plantation forestière est bien établie et que les arbres sont suffisamment grands, on peut retirer les clôtures et les réutiliser sur un autre site de plantation.

Lorsque des routes et autres voies de passage traversent le site de plantation, il faut également les border de clôtures.

Dans de nombreux cas, la plantation d'arbres et d'arbustes est entreprise afin de protéger des sites fragiles de la dégradation. Il arrive parfois cependant que les sites fragiles ne doivent pas être plantés, car il vaut mieux ne pas perturber le sol. Lorsque les ravines ont été sérieusement dégradées par l'érosion, il peut être nécessaire de prendre des mesures de protection autres que la plantation de végétation (par exemple construction de petits barrages de correction).

4. Sélection des espèces

Lorsqu'on a recueilli les meilleures informations possibles sur les caractéristiques du site à planter, l'étape suivante est la sélection des essences à planter. Le but est de choisir celles qui conviennent au site, qui resteront saines pendant toute la rotation prévue, qui auront une croissance et un rendement acceptables et qui répondront aux objectifs de la plantation (production de bois de feu, protection, etc.).

Pour que la plantation donne de bons résultats, il peut falloir extrapoler les résultats d'une localité à l'autre. Ceux d'une localité où une espèce d'arbre ou d'arbuste pousse (soit naturellement, soit après introduction) ne s'appliquent strictement qu'à cette localité; leur application ailleurs implique l'hypothèse de la comparabilité des sites, hypothèse qui peut ou non être justifiée. Lorsque des informations fiables montrent qu'il y a une grande similitude entre le site à planter et celui sur lequel l'essence choisie donne déjà de bons résultats, il est généralement possible de procéder à une plantation à grande échelle en toute confiance.

Dans la pratique, ces informations sont rarement disponibles et la plantation sur un nouveau site devient en fait expérimentale et doit se faire à petite échelle. Dans ce cas, il convient de tenir un fichier détaillé des résultats pendant toute la période de plantation expérimentale.

La sélection d'essences d'arbres ou d'arbustes sur la base de climats analogues est importante en tant que première étape; mais il faut ajouter une évaluation de facteurs locaux qui peuvent être plus importants encore (par exemple le sol, la pente et les facteurs biotiques Cependant, le fait qu'on parvient à rapprocher étroitement un site de plantation d'un habitat naturel n'exclut pas nécessairement que l'on procède à des essais spécifiques de l'espèce, car le rapprochement climatologique ou écologique peut ne pas révéler la plasticité d'une espèce. On ne saurait trop insister sur le fait que faute de telles expérimentations, le choix des essences est dans la plupart des cas risqué. La plantation en environnement aride étant généralement onéreuse, les échecs de grande ampleur qui résultent d'un mauvais choix d'essences ou de l'absence d'expérimentation de ces espèces peuvent se révéler coûteux.

5. Préparation du site de plantation


5.1 Objectifs de la préparation du site
5.2 Méthodes de préparation du site


Lorsque les plants d'arbres ou d'arbustes arrivent de la pépinière, il faut que le site ait été préparé pour que la plantation puisse avoir lieu sans délai. Les conditions qui prévalent dans les zones arides exigent souvent une préparation du site plus intensive et plus approfondie que les programmes de plantation en climats plus humides.

5.1 Objectifs de la préparation du site

La préparation des sites dans les zones arides vise notamment à:

- éliminer du site la végétation concurrente;

- créer les conditions permettant au sol de recueillir et d'absorber autant de précipitations que possible. Le ruissellement de surface doit être réduit de façon à accroître l'humidité dans le sol;

- assurer une bonne condition d’enracinement pour la plantation, notamment un volume suffisant de terre permettant l'enracinement. Les horizons indurés doivent être éliminés;

- créer des conditions où le danger d'incendie et d'invasion de ravageurs est réduit au minimum.

La préparation du site vise à donner aux plants un bon démarrage avec une croissance initiale rapide. En général, les méthodes utilisées pour réaliser cette préparation varient selon le type de végétation, la quantité et la répartition des précipitations, la présence ou l'absence de couches imperméables dans le sol, la nécessité de se protéger de vents desséchants et l'ampleur des opérations de plantation. En outre, la valeur des arbres ou arbustes à élever est importante pour déterminer la dépense qui peut se justifier pour l'établissement de la plantation.

5.2 Méthodes de préparation du site

D'une façon générale, la préparation du site à la main n'est possible et économique que pour des projets de relativement faible ampleur où le travail d'élimination de la végétation concurrente et le défrichage du sol ne prennent pas trop de temps. Dans certaines conditions, des charrues et des herses à traction animale peuvent aussi être économiques pour de petits projets.

La préparation du sol par des moyens mécaniques, de plus en plus utilisés dans les grands programmes de plantation, est devenue courante dans de nombreuses régions. Cela est souvent dû au fait que la main-d'oeuvre et le temps dont on dispose pour la préparation du sol sont trop limités pour permettre d'entreprendre de grands projets à la main. Certaines opérations, telles que sous-solage profond et cassage des horizons concrétionnés ne peuvent être faites que par des machines.

Quelle que soit la méthode utilisée, il faut préparer des trous de plantation (de dimension appropriée). L'objectif de ces trous est d'aérer le sol où les plantes pousseront. Lorsque ces trous de plantation sont prêts, il ne faut pas les laisser vides et laisser la terre qu'on en a retirée sur le sol, mais les recombler immédiatement, faute de quoi le soleil et le vent dessécheront complètement la terre (Figure 4.1 A & B).

La préparation du sol peut se faire en carrés, en bandes ou par labour de la totalité du terrain. Cette dernière solution est nécessaire pour les essences d'arbres et d'arbustes qui ne supportent pas la concurrence des graminées, plantes herbacées et plantes ligneuses (c'est le cas de la plupart des espèces d'eucalyptus). Parfois, une préparation ponctuelle peut être suffisante, mais ces zones ponctuelles doivent être suffisamment grandes (par exemple 1 mètre à 1,5 mètre de diamètre). D'autre part, il importe que le travail soit fait de façon approfondie.

Figure 4.1.A Trous de plantation de 0,4m x 0,4m x 0,4m avec une densité de 3m x 3m.

Figure 4.1.B Eucalyptus d'un an plantés dans des trous (Gujaab), Inde.

D'autres méthodes de préparation manuelle du sol sont la méthode de la plate-bande de cendres, le billonnage, les tranchées et terrasses de niveau et la méthode dite steppique.

La technique de la plate-bande de cendres consiste à déposer les déchets végétaux provenant de récoltes ou du défrichement du terrain en longues rangées. Après séchage, on les fait brûler et on plante dans ces rangées. Parfois, on recouvre les déchets de "mottes de terre" pour obtenir une chaleur plus intense lorsqu'on les brûle. Les avantages de cette méthode sont que le brûlage tue la végétation concurrente, la zone en est débarrassée pour une durée appréciable, et les cendres constituent un engrais utile pour les arbres ou arbustes plantés.

La technique du billonnage implique le labour de toute la zone et la création de bilions à des intervalles précis. Les principaux, qui suivent les courbes de niveau, sont joints entre eux par des bilions plus petits qui leur sont perpendiculaires, de façon à créer une série de cuvettes plus ou moins carrées qui retiennent l'eau de pluie et empêchent l'érosion. Les bilions sont généralement distants de 3 mètres l'un de l'autre. Les arbres et arbustes sont plantés sur les bilions. Cette méthode convient à des sols plats ou en pente douce et peut être associée à une plantation agricole pendant les premières années de l'établissement de la plantation (Figures 4.2 et 4.3).

Les techniques de tranchées de niveau sont utilisées en terrain accidenté. Les tranchées peuvent être continues (Figure 4.4), divisées par des banquettes transversales ou être courtes et discontinues (Figure 4.5), disposées de façon que les intervalles entre les tranchées dans une rangée soient en face de ceux de la rangée suivante; dans ce dernier cas, le ruissellement de la pluie est capté. Les tranchées sont formées manuellement ou mécaniquement. Sur un terrain en pente douce, on peut utiliser la technique en arête de poisson (Figure 4.6).

Les terrasses, qui sont plus larges et plus plates que les tranchées, peuvent être formées soit manuellement soit mécaniquement sur la pente d'une colline en creusant en amont et en déposant la terre en aval. En général, le fond de la terrasse penche vers la colline. Le but de la construction de terrasses est de retarder et de collecter le ruissellement de l'eau entre les terrasses. Du fait de l'amélioration de l'humidité du sol, la terrasse crée de meilleures conditions pour la croissance des plantes. La plantation est faite sur le billon, à la base du billon ou dans des carrés au fond de la tranchée, selon les conditions d'humidité. On utilise beaucoup les terrasses sur les pentes modérées à fortes. Elles peuvent avoir 2 à 3 mètres ou plusieurs centaines de mètres de long (Figure 4.7). Si elles sont courtes, on peut les disposer en quinconce sur la pente si c'est plus commode. Parfois, on construit des terrasses en croissant, les deux extrémités du croissant pointant vers le haut.

La méthode dite steppique est destinée à favoriser la croissance des arbres et arbustes dans des zones extrêmement sèches. Elle consiste à modifier la surface du sol en cassant et en remuant les couches profondes du sol à l'aide de rooters, de défonceuses ou de larges disques, puis en construisant des bilions parallèles très espacés qui suivent les courbes de niveau. Ces bilions sont faits avec la terre végétale et les arbres ou arbustes sont plantés sur la moitié inférieure des bilions face à la pente. C'est ici que la profondeur de sol humide est la plus grande en raison de l'accumulation de l'eau après les pluies. Le but de cette méthode est de maintenir une réserve d'humidité dans les couches profondes du sol. L'espacement des bilions est d'autant plus grand que les précipitations sont plus faibles, la zone de captage entre les bilions étant ainsi agrandie.

Figure 4.2 Préparation du sol avec billonnage.

Figure 4.3 Pousse d'espèces fourragères et annuelles un an après le billonnage.

Figure 4.4 Acacia modesta de 2 ans planté en tranchées continues.

Figure 4.5 Acacia modesta et Acacia nilotica plantés en tranchées discontinues.

Figure 4.6 Technique des arêtes de poisson pour la préparation du sol.

Figure 4.7 Technique de préparation du sol sur de fortes pentes.

6. Moment de la plantation

La saison de plantation coïncide généralement avec la saison des pluies; on commence habituellement la plantation dès qu'une quantité donnée de pluie est tombée. Cette quantité de précipitation doit être jugée en fonction des connaissances locales. La plantation peut aussi être commencée lorsque le sol est humide jusqu'à une profondeur donnée (une vingtaine de centimètres).

Une erreur courante consiste à commencer à planter trop tôt. D'un autre côté, si la plantation est commencée trop tard, il peut être difficile de terminer un grand programme de plantation en temps voulu, et les plants n'auront pas le bénéfice maximum des pluies après la plantation; cela peut être grave lorsque les précipitations sont faibles et irrégulières.

7. Plantation de matériel en conteneur

La plantation de plants en conteneur se fait généralement dans des trous suffisamment grands pour contenir les pots ou les mottes lorsque les plants sont retirés des pots. Il est indispensable que le sol environnant soit tassé autour du plant immédiatement après la plantation pour éviter la formation de cavités d'air qui peuvent entraîner le dessèchement des racines.

Une bonne méthode de préparation des trous de plantation consiste à entourer le trou d'un petit billon (de 15 à 20 centimètres de haut), afin de créer une petite cuvette (d'environ 80 centimètres de diamètre); c'est particulièrement utile lorsque les plants sont arrosés individuellement après la plantation. La petite cuvette ainsi préparée peut aussi être recouverte d'une feuille de plastique (maintenue en place sur le sol avec des pierres ou de la terre), avec une ouverture au centre pour le plant, comme on le voit à la Figure 4.8. La feuille de plastique empêche l'évaporation de l'eau de la terre du trou de plantation. D'autre part, la rosée se dépose sur sa surface et coule vers l'ouverture centrale de la feuille de plastique pour irriguer les racines. En conservant l'humidité du sol, les films plastiques facilitent l'installation et la croissance des arbres et arbustes au cours des premières années les plus critiques. Un autre avantage des films plastiques opaques est qu'ils empêchent la croissance des mauvaises herbes en réduisant la pénétration de la lumière. Avec la suppression des mauvaises herbes au voisinage immédiat des plants, on peut également économiser de la main-d'oeuvre.

Figure 4.8 Un trou de plantation recouvert d'un tablier en plastique pour empêcher l'évaporation de l'eau du sol.

La forte transpiration que l'on observe dans les zones arides constitue une menace pour les arbres nouvellement plantés. Si les plants ne peuvent pas s'installer rapidement et compenser la transpiration en absorbant de l'eau par leur système radiculaire, ils se dessécheront après la plantation. Ceci explique pourquoi même un seul arrosage immédiatement après la plantation peut être utile. En général, les plants en conteneur un net avantage sur les plants à racines nues en ce sens que la motte qui entoure les racines assure une protection pendant le transport et permet aux plants de s'installer rapidement et facilement.

La limitation de l'extension des racines latérales due à l'utilisation des conteneurs peut provoquer une malformation ou un enroulement des racines (Figure 4.9). Dans les cas extrêmes, cet enroulement peut provoquer la strangulation des racines et la mort de la plante (Figure 4.10). Dans d'autres cas, il peut réduire la résistance au vent ou provoquer un arrêt de la croissance. Malheureusement, les symptômes peuvent n'apparaître que 4 à 5 ans après la plantation.

Pour réduire les dommages causés par les malformations des racines des plants en conteneurs, une pratique courante consiste à enlever le conteneur avant plantation et à pratiquer deux ou trois incisions verticales dans la motte jusqu'à une profondeur d'un centimètre avec un couteau de façon à couper les racines "étrangleuses". A titre de précaution supplémentaire, on peut couper la valeur de 0,5 à 1 centimètre du fond de la morte de terre. Il faut faire attention de ne pas désintégrer la terre et exposer les racines au dessèchement.


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