Chapitre 1 - Introduction

Table des matières - Précédente - Suivante

Origine et extension du riz
Comparaison de la production mondiale de riz avec celle des autres céréales
Méthodes de production du riz
Moisson
Utilisation de la main-d'œuvre
Couts de production
Variétés modernes à haut rendement
Unités d'exploitation
Le commerce du riz
Ravageurs et maladies
Conclusion

 

Le riz (Oryza sativa L.) est la culture céréalière la plus importante dans le monde en développement et il constitue la denrée alimentaire de base de plus de la moitié de la population du globe. Le riz est généralement considéré comme une graminée annuelle semi-aquatique. Une vingtaine d'espèces du genre Oryza ont été identifiées, mais la presque totalité du riz cultivé est de l'espèce Oryza sativa L. En Afrique, on cultive de petites quantités de Oryza glaberrima, qui est une espèce pérenne. La plante dite «riz sauvage» (Zizania aquatica), cultivée dans la région des Grands lacs aux Etats-Unis, est apparentée plus étroitement à l'avoine qu'au riz.

En raison de son long passé de culture et de sélection dans des milieux très divers, O. sativa a acquis un large éventail d'adaptabilité et de tolérance, si bien qu'il peut être cultivé dans des conditions d'eau et de sol très diverses, depuis les terres fortement inondées jusqu'aux coteaux arides (Lu et Chang, 1980). En Asie, on a sélectionné et cultivé des cultivars qui tolèrent la submersion par les eaux de crue (IRRI, 1975) (figure 1) et une forte salinité, qui résistent à la toxicité de l'aluminium et qui tolèrent les températures fraîches au stade de la plantule ou du mûrissement (Chang, 1983). En Afrique, on a mis au point des cultivars qui tolèrent la toxicité du fer et les contraintes thermiques. Le riz est aujourd'hui cultivé dans plus de 100 pays sur tous les continents à l'exception de l'Antarctique, depuis le 50e degré de latitude nord jusqu'au 40e degré de latitude sud et depuis le niveau de la mer jusqu'à une altitude de 3 000 m.

Origine et extension du riz

On ne connait pas encore définitivement le site géographique de l'origine de la domestication du riz. Il est généralement admis que la domestication du riz s'est faite d'une manière indépendante en Chine, en Inde et en Indonésie, d'où trois races de riz: sinica (appelé aussi japonica), indica et javanica (appelé aussi bulu en Indonésie). Certains indices donnent à penser que le riz était cultivé en Inde entre 1500 et 2000 avant J.-C. et en Indonésie vers 1648 avant J.-C. Des découvertes archéologiques ont révélé que le riz tropical ou indica était cultivé à Ho-mu-tu, dans la province de Chekiang, en Chine, il y a au moins 7 000 ans (Chang, 1983). On a récemment découvert des vestiges de riz tempéré ou sinica (japonica) du même âge à Lou-jia-jiao, également dans la province de Chekiang

FIGURE 1 - Les terres à riz du monde classées en fonction du régime des eaux et du type de riz prédominant

(Chang, 1985). Le riz a été rapidement dispersé à partir de ses habitats tropicaux (Asie du Sud et du Sud-Est) et subtropicaux (Chine du Sud-Ouest et du Sud) vers des altitudes et latitudes beaucoup plus élevées en Asie, même aussi récemment qu'il y a 2 300 ans dans le cas du Japon (Chang, 1983). Il a été introduit dans des lieux aussi éloignés que l'Afrique de l'Ouest, l'Amérique du Nord et l'Australie au cours des six derniers siècles. La culture du riz s'est fermement établie en Caroline du Sud, aux Etats-Unis, vers 1690 (Adair, 1972). Le riz était cultivé en Europe - Portugal et Espagne - à partir du 8e siècle, et dès le 9e ou 10e siècle en Italie méridionale (Lu et Chang, 1980).

Comparaison de la production mondiale de riz avec celle des autres céréales

Le tableau I indique la production mondiale de céréales pour l'année 1989. Environ 95 pour cent du riz dans le monde sont produits dans les pays en développement, dont 92 pour cent en Asie. Par contre, environ 42 pour cent seulement du blé produit sont cultivés dans les pays en développement. Le tableau 2 indique la production de riz, les exportations et les importations, et donne une estimation des surfaces irriguées dans les principaux pays producteurs de riz. En 1988, la Chine était le principal producteur de riz (35 pour cent), suivie de l'Inde (22 pour cent), de l'Indonésie (8,5 pour cent), du Bangladesh (4,7 pour cent), de la Thaïlande (4,3 pour cent) et du Viet Nam (3,4 pour cent). Parmi les principaux producteurs de riz, seuls le Pakistan, les Etats-Unis et l'Egypte pratiquaient uniquement la riziculture irriguée (IRRI, 1991 a). La riziculture sans irrigation prédomine dans de nombreux pays, tels que la Thaïlande et le Brésil.

Parmi les céréales, la production du riz est celle qui utilise la plus forte proportion de terres. Sur les 147,5 millions d'ha de terres consacrées à la riziculture dans le monde entier en 1989, les pays en développement représentaient 141,4 millions d'ha, soit 96 pour cent. L'Asie représente 90 pour cent des terres cultivées en riz dans le monde; dans cette région, 132,1 millions d'ha sont consacrés à cette culture (FAO, 1990a).

Dans diverses régions du monde, en 1989, le rendement moyen des cultures céréalières était plus bas dans les pays en développement que dans les pays développés (FAO, 1990a) (tableau 3). Le rendement du paddy était le plus élevé en Océanie, notamment en Australie; puis venaient l'Europe, l'Amérique du Nord et 17 Amérique centrale. Le rendement était le plus bas en Afrique et en Amérique du Sud.

TABLEAU 1 - Production annuelle de cultures céréalières et production totale de tubercules, racines et légumineuses, par région, 1989 (millions de tonnes)

TABLEAU 2 - Production de paddy, et importations et exportations de riz en 1988; estimation de la surface rizicole irriguée en 1987

Région ou pays Production de paddy (milliers de tonnes) Importations de riz (milliers de tonnes) Exportations de riz (milliers de tonnes) Superficie irriguée (% de surface rizicole)
Monde 492 137 11 408 12 185 53
Asie 449 252 5 309 8 099  
Arabie saoudite - 363 - -
Bangladesh 23 097 674 - 19
Chine 173 515 314 802 93
Corée, Rép. de 8 260 1 1 99
Corée, Rép. pop. dém. de 5 400 - 200 67
Hong-Kong - 364 12 -
Inde 106 385 684 350 44
Indonésie 41 676 33 - 81
Iraq 141 603 - -
Japon 12419 16 - 99
Malaisie 1 783 284 5 54
Myanmar 13 164 - 64 18
Pakistan 4 800 - 1 210 100
Philippines 8 971 119 - 58
Singapour - 213 3 -
Sri Lanka 2 477 194 - 77
Thaïlande 21263 - 5267 27
Viet Nam 17 000 176 97 46
Amérique du Nord et Amérique centrale 9 509 699 2 261  
Etats-Unis 7 253 0 2 260 100
Afrique 9 785 2 589 87  
Egypte 2 132 - 71 100
Madagascar 2 149 37 0 31
Nigéria 1 400 200 0 16
Amérique du Sud 17 741 255 467  
Brésil 11806 108 26 18
Europe 2 211 1 827 950  
Italie 1 093 95 510  
Australie 784 231 297  
URSS 2 866 498 22  

¹Sur la hase du riz usiné. Le coefficient de transformation du paddy en riz usiné est de 0,7. Sources: FAO, 1990a: IRRI, 1991a.

TABLEAU 3 - Rendement moyen des cultures céréalières par région, 1989 (tonnes/hectare)

Région Blé Paddy Mars Sorgho Millet Orge Seigle Avoine Total de céréales
Afrique 1,47 1,95 1,77 0,81 0,65 1,12 0,13 0,21 1,22
Amerique du Nord et Amérique centrale 2,10 5,09 5,92 3,37 1,20 2,52 1,79 1,83 3,65
Amérique du Sud 1,90 2,50 2,10 2,23 1,11 1,71 1,02 1,45 2,09
Asie 2,32 3,56 2,90 1,04 0,77 1,41 1,44 1,51 2,71
Europe 4,60 5,35 4,96 3,74 1,22 4,04 3,03 2,89 4,26
Océanie 1,59 7,40 4,93 1,86 0,89 1,80 0,54 1,48 1,69
URSS 1,94 3,90 3,72 1,22 1,48 1,76 1,87 1,56 1,90
Monde 2,40 3,48 3,66 1,35 0,78 2,31 2,14 1,79 2,66
Pays développés 2,53 5,86 6,05 3,17 1,46 2,60 2,18 1,83 3,10
Pays en développement 2,24 3,40 2,31 1,08 0,72 1,32 1,40 1,36 2,37

Source: FAO, 1990a.

TABLEAU 4 - Comparaison du rendement en grains, du rendement en énergie alimentaire et du rendement en protéines des céréales, d'après la teneur en énergie et en protéines et le coefficient de transformation (taux d'extraction)

Quand on ajustait les rendements des diverses céréales en utilisant des coefficients de transformation basés sur les taux d'extraction on remarquait que, de toutes les céréales, c'est le riz qui avait le rendement alimentaire le plus élevé (tableau 4). Les rendements en énergie alimentaire étaient à peu près proportionnés aux rendements alimentaires puisque la teneur en énergie est la même pour toutes les céréales. En revanche, le rendement en protéines alimentaires était plus élevé pour la farine blanche de froment que pour le riz usiné, parce que la farine de blé a une plus forte teneur en protéines que le riz usiné.

Méthodes de production du riz

Riz irrigué

L'analyse des méthodes de production du riz révèle que les pratiques sont très variables, depuis les très primitives jusqu'aux fortement mécanisées (De Datta, 1981: Luh, 1980; Yoshida, 1981). Les tracteurs et les motoculteurs àdeux roues sont les machines agricoles les plus importantes utilisées en riziculture (Barker, Herdt et Rose, 1985). En 1980, le nombre des charrues utilisées pour 1 000 ha variait de 0,1-26 en Asie tropicale à 56 en Chine, 73 dans la province chinoise de Taiwan, 198 en République de Corée et 1 158 au Japon. En Asie, les animaux (buffle et buffle aquatique, carabao) sont encore utilisés pour le labourage et le hersage. La préparation des terres peut être effectuée quand le sol est sec ou humide, selon l'approvisionnement en eau. Pour le riz irrigué, le sol est préparé à l'état humide, la boue étant piétinée en Asie; toutefois, le piétinage n'est pas pratiqué de façon générale en Amérique, en Europe et en Afrique. Dans les régions dépourvues de semelle de labour, c'est-à-dire où les animaux et les tracteurs s'enfoncent dans la boue, le sol est préparé au moyen de houes manuelles. Que la terre soit préparée à l'état humide ou à sec, l'eau est toujours retenue dans les rizières de bas-fonds par des diguettes.

La majeure partie du riz irrigué est repiquée, encore que le semis en place soit de plus en plus pratiqué. Les graines sont prégermées et cultivées en couches humides pendant 9 à 14 jours, 20 à 25 ou 40 à 50 jours après le semis, puis les plantules sont repiquées à la main ou au moyen de repiqueuses mécaniques. Le nombre de plantules par poquet peut varier de un à huit. Pour le semis en place, les graines prégermées sont semées à la main à la volée en Asie ou semées sur l'eau par avion aux Etats-Unis ou en Australie. Les graines peuvent aussi être mises en place par forage mécanique sur le sol piétiné ou par forage sur le sol sec. Le riz cultivé en eau profonde est le plus souvent semé àsec, mais il fait occasionnellement l'objet d'un repiquage simple ou double.

Pour bien faire, l'eau doit être conservée dans la rizière afin d'éviter les plantes adventices à l'époque de la croissance. Le désherbage manuel et les sarcloirs mécaniques ou rotatifs sont couramment utilisés. Les herbicides sont également économiques et efficaces. La fertilisation est normalement pratiquée pour accroître le rendement, surtout avec les variétés modernes semi-naines ou à haut rendement qui répondent bien aux engrais sans verser. On utilise aussi bien les engrais minéraux que les engrais organiques, y compris les engrais verts, tels que la légumineuse arbustive Sesbania spp. et les plantes aquatiques Azolla et Anabaena spp. Avec les variétés modernes de riz, le rendement en grains augmente de 6 kg par kilogramme d'engrais appliqué pendant la saison des pluies et de 9 kg par kilogramme d'engrais appliqué pendant la saison sèche. La quantité totale de nutriments fertilisants utilisés varie de 10-100 kg/ha en Asie tropicale à 200-350 kg/ha au Japon, dans la province chinoise de Taiwan et en République de Corée (Barker, Herdt et Rose, 1985).

TABLEAU 5 - Superficie cultivée, rendement et production de paddy dans 37 des principaux pays en développement producteurs de riz, par écosystème, 1985

Ecosystème

Supeficie

Rendement

Production

  (hectares) (%) (t/ha) (tonnes) (%)
Culture irriguée 67 49 4,7 313 72
Riziculture pluviale de bas-fond 40 29 2,1 84 19
Riz de montagne 18 13 1,1 21 5
Eau profonde/riz aquatique d'estran 13 9 1,5 19 4
Total 138 100 3,2¹ 437 100

Moyenne pondérée.
Source: IRRI, 1989.

Autres écosystèmes rizicoles

Le riz pluvial de bas-fond est cultivé sur sol piétiné dans des champs entourés de diguettes qui peuvent retenir l'eau jusqu'à une profondeur allant de 0-25 cm (eau peu profonde) à 25-50 cm (profondeur moyenne), ces profondeurs n'étant que rarement dépassées (Huke et Huke, 1990). Ces rizières ne reçoivent pas d'eau d'irrigation à partir de détournements de cours d'eau, de réservoirs ou de puits profonds mais sont alimentées par la pluie ou par le ruissellement à partir d'un bassin local de réception. Les conditions climatiques et pédologiques prévalant dans les régions de riziculture pluviale en eau peu profonde sont extrêmement variables. Pour le riz pluvial de bas-fond cultivé en eau profonde (50-100 cm)? on ne peut pas utiliser les variétés modernes semi-naines. L'utilisation d'engrais est faible, l'établissement de plantations difficile, la lutte contre les ravageurs presque impossible et les rendements sont médiocres. Le riz pluvial de bas fond occupe par ordre d'importance le second rang après le riz irrigué pour ce qui est de la surface récoltée et de la production (tableau 5).

Le riz de montagne (ou riz de plateau) est cultivé dans des rizières sans levées, la terre étant préparée et ensemencée à sec et l'humidité fournie par la pluie (Huke et Huke, 1990). Au Brésil, on cultive surtout du riz de montagne. En Inde et dans toute l'Asie du Sud-Est, le riz sec est cultivé couramment sur les rives des fleuves quand les eaux se retirent à la fin de la saison des pluies. Le sol est généralement très lourd et la croissance est assurée uniquement par l'humidité résiduelle. Cette riziculture sèche va de la culture itinérante sur brûlis après défrichement de zones forestières montagneuses jusqu'aux opérations mécanisées de grande envergure. Entre ces deux extrêmes, la culture sèche du riz est pratiquée par des centaines de milliers d'agriculteurs sur les pentes des coteaux qui subissent une grave érosion et de fréquentes sécheresses. Cette culture sur les coteaux est pratiquée par les riziculteurs les plus pauvres, et les dégâts écologiques qu'elle provoque sont extrêmement graves. En Asie du Sud et du Sud-Est, la culture sèche est pratiquée sur quelque 13 pour cent de la superficie totale cultivée en riz, mais dans certains pays d'Afrique et d'Amérique latine la culture sèche dépasse 50 pour cent de la surface totale consacrée au riz. C'est ce riz de montagne qui fournit les rendements les plus bas (tableau 5).

Avec la riziculture en eau profonde, la profondeur de l'eau est d'au moins 1 m pendant une partie importante de l'époque de croissance. Dans une grande partie du Bangladesh ainsi que dans certaines régions des deltas du Mékong et du Chao Praya, la profondeur de l'eau peut dépasser 5 m, mais dans les autres régions elle se situe normalement entre 1 et 3 m (Huke et Huke, 1990). Dans les régions où le niveau de l'eau monte rapidement après le début de la mousson, le riz est couramment semé à la volée dans des champs non piétinés, qui ne sont que rarement bordés de diguettes. Les variétés plantées sont à haute tige et feuillues, avec peu de talles. Elles ont une sensibilité photopériodique et mûrissent uniquement après la saison des pluies. Elles peuvent s'allonger et flotter à mesure que s'élève le niveau de l'eau. Au cours des deux dernières décennies, de grands projets de barrages et d'hydraulique fluviale ont transformé de nombreuses régions, naguère de riziculture en eau profonde, en rizières de culture pluviale ou irriguée au Bangladesh, en Inde, en Thaïlande et au Viet Nam méridional.


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